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14/04/2021 12:29
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AGRICULTURE : La réponse de l’État à la manifestation de la FNSEA

Lors de la manifestation d'agriculteurs le 6 avril dernier à Dijon, une délégation conduite par la FRSEA Bourgogne-Franche-Comté a été reçue en préfecture. Retour sur les réponses du préfet de région Fabien Sudry concernant les nitrates, le loup, la sécheresse et les services environnementaux.
Par une action «coup de poing» le 30 mars dernier (lire notre article), la FDSEA de Côte-d'Or annonçait une manifestation régionale à Dijon pour faire entendre  les adhérents FNSEA et Jeunes Agriculteurs de Bourgogne-Franche-Comté dans la répartition des aides de la politique agricole commune, notamment dans les zones intermédiaires.

Dès le début de l'action syndicale du 6 avril dernier, ce fut un véritable coup de force émaillé de violences à l'encontre de gendarmes mobiles et de dégradations devant la DREAL et la DDT. Le portail du bâtiment de la DREAL a cédé sous les assauts d'un engin agricole (retrouver notre reportage).


«Vous n'avez pas voulu nous ouvrir notre porte maintenant c'est nous qui l'avons ouvert, vous ne pouvez plus rester tout seul ministère de l’Écologie», disaient en substance les orateurs de la FRSEA et des JA lors des prises de parole.

Le jour même, trois manifestants étaient interpellés durant la manifestation dont Antoine Carré, président des Jeunes Agriculteurs de Côte-d'Or, relâché dans la soirée alors que démarrait une enquête préliminaire, tandis que les deux autres étaient déférés devant le parquet. Deux agents des forces de sécurité intérieure ont été blessés devant la DDTP et un devant la DREAL.

«Je condamne les dégradations»


Alors même que la manifestation battait son plein, les tracteurs s'étant déplacés de la DREAL à la place de la République, le préfet recevait une délégation de représentants syndicaux conduite par Christophe Chambon, président de la Fédération Régionale des Syndicats d'Exploitants Agricoles de Bourgogne-Franche-Comté. À l'issue de cette réunion, Fabien Sudry a évoqué la réponse de l’État aux problématiques agricoles soulevées par les manifestants.

«Je condamne les dégradations qui se sont produites ce matin et qui sont le fruits d'une minorité et qui ternissent la cause», déclare alors le préfet ajoutant «regretter» que certains manifestants se soient affranchis du cadre établi en concertation avec les organisateurs. Fabien Sudry considère notamment comme «irresponsables» les jets de projectiles sur les forces de l'ordre.

600 millions d'euros de la PAC pour la Bourgogne-Franche-Comté


Passé ce préambule, le préfet concentre son intervention sur les préoccupations agricoles. Au titre des aides du premier pilier de la PAC, 16.800 exploitations agricoles de Bourgogne-Franche-Comté reçoivent 600 millions d'euros. «Le budget de la PAC a été sauvegardé pour la période 2021-28», rappelle le préfet alors que la concertation en cours doit aboutir à un plan stratégique national devant être remis aux autorités européennes cet l'été.

«L'objectif du ministre de l'Agriculture est de renforcer l'efficacité environnementale des exploitations tout en confortant leur compétitivité», résume Fabien Sudry.

«Regagner en souveraineté agricole»


«Quand il y a expression d'une revendication, il faut savoir écouter et entendre», indique-t-il dans un souci d'apaisement. Le représentant de l’État assure que «la priorité du gouvernement est de défendre nos agriculteurs et notre modèle agricole, (…) de défendre la qualité de notre agriculture». «Elle a un coût et donc un prix pour notre société, le travail des agriculteurs doit être rémunéré à sa juste valeur pour une agriculture les plus durables du monde», poursuit-il.

Au niveau national, la concertation proposée par le ministère de l'Agriculture repose sur la concertation : «elle s'appuie sur une vision de notre agriculture qui consiste à regagner en souveraineté agricole en préservant notre modèle et les revenus des agriculteurs». De ce fait, les préfets suivent la même logique dans les départements.

La guerre des prix détruit le modèle agricole français


L'application de la loi Égalim sur la répartition de la valeur entre les agriculteurs, les acteurs de l'agroalimentaire et la grande distribution  a été aux centres des échanges.

«Ceux qui se livrent à une guerre des prix doivent se rendre compte qu'ils participent à la destruction de notre modèle agricole, à la fin des fins c'est notre souveraineté qui y perd», analyse le préfet qui invite à «sortir du modèle où la préservation du modèle agricole se fait sur le dos des agriculteurs». Le préfet a indiqué à ses interlocuteurs que «les services de l’État ont intensifiés les contrôles sur l'application de cette loi» et que «des sanctions ont été prises à l'encontre de pratiques commerciales qui étaient déloyales».

Révision des secteurs soumis à la directive sur les nitrates


Une directive européenne demande aux états d'améliorer la qualité des eaux souterraines et superficielles soumises à des pollutions par des nitrates d'origine agricole. Pour cela, il s'agit d'identifier les secteurs les plus problématiques.

En Bourgogne-Franche-Comté, qui relève de trois bassins hydrographiques différents, les préfets coordinateurs de bassin ont entamé fin 2020 une concertation avec les communes concernées. Il était prévu d'ajouter 955 commune supplémentaires au 1.394 communes déjà classées au titre de la directive sur la pollution par les nitrates.

«Une augmentation de 60% qui suscitaient l'inquiétude des agriculteurs», a pu constater Fabien Sudry. «Les arguments de la profession ont été étudiés avec attention», déclare le préfet, ajoutant que «des masses d'eau importantes seront retirées du classement et le projet de zonage doit être réduit de manière significative sur la bassin Loire-Bretagne». Cela concerne tout particulièrement les élevages allaitants dans le Charolais.

Le plan loup en question


«Je comprends la détresse des éleveurs ovins dont les troupeaux sont touchés par des attaques qui sont attribuées au loup, c'est le fruit de leur travail qui est mis en cause», s'attriste Fabien Sudry. Concernant la colonisation du loup en Bourgogne-Franche-Comté, il n'y aurait pas de meute constituée mais «quelques individus isolés qui se déplacent de manière erratique, ce qui rend le phénomène difficile à cerner».

Devant la délégation syndicale, le préfet a redit que le Plan national loup pour 2018-2023 ne se restreignait pas à la protection de l'espèce mais prenait aussi en considération les  conséquences sur les élevage avec «l'objectif de faire baisser la pression sur les élevages domestiques» par le financement de matériel de protection, de chien de protection et l'instauration de tirs de défense simple. Des chasseurs et des lieutenants de louveterie sont formés. Chaque éleveur victime d'attaques est indemnisé par l’État. «Notre pays est un des pays d'Europe où les prélèvements sont les plus importants», a rappelé Fabien Sudry.

«Je ne saurai tolérer les mise en cause individuelles des fonctionnaires de l'État»


Le sujet de la «surréglementation» mis sur la table par les représentants syndicaux a été plus délicat à traiter par le représentant de l’État puisqu'il concerne le travail des administrations alors que les fonctionnaires sont régulièrement ciblés par la FNSEA et les JA.

«Je suis prêt à traiter les sujets sans tabou en évitant les effets de posture» mais «je ne saurai tolérer les mise en cause individuelles des fonctionnaires de l'État», insiste le préfet, ajoutant que «nos administrations ont des fonctionnaires au service de l'intérêt public, à haut niveau de compétences qui font leur travail» et rappelant que «les contrôles peuvent être protecteurs de la profession quand il s'agit de lutter contre les prophylaxies agricoles».

Des assises régionales de l'eau en septembre 2021


Une revendication agricole concernait le cadre interdépartemental destiné à réguler les pratiques en période de sécheresse, les syndicalistes demandant à harmoniser les pratiques pouvant être différentes d'un département à l'autre alors que les régimes hydrographiques pouvaient être comparables, notamment pour les exploitations situées à la frontière entre deux départements.

Le préfet a décidé de reporter cet exercice sur l'étiage 2022. «Nous travaillerons à une échelle plus cohérente, celle du bassin hydrographique», annonce-t-il. «Il n'a jamais été question que les restrictions de la consommation d'eau ne concerne que la population agricole, le secteur industriel et la population sont aussi concernés», prend-il soin de préciser. En septembre 2021, devraient être organisées des assises régionales de l'eau pour envisager «une feuille de route commune».

En Côte-d'Or particulièrement, un comité départemental de l'eau sera instauré «pour mettre tout le monde autour de la table».

«Les agriculteurs travaillent la terre, ils se placent dans une perspective de durée»


Avant de conclure, le préfet revient sur les effets du plan de relance national concernant les exploitations agricole. De nombreuses structures ont répondu aux appels à projets portant sur les agroéquipements, les matériels pour l'entretien des prairies, l'entretien des abattoirs ou encore les projets alimentaires territoriaux.

«On doit concilier les productions agricoles de qualité avec la prise en compte des questions environnementales. Occulter les enjeux de transition écologiques en agriculture serait, aujourd'hui, une erreur. Ne pas considérer que les agriculteurs ont le droit de vivre de leurs produits le serait aussi», signale le préfet.

Dans la perspective de France Relance, il s'agit donc de «rendre compatible des productions de qualité rémunératrices pour les agriculteurs et qui prennent en compte les questions environnementales». «[Les agriculteurs] travaillent la terre, ils se placent dans une perspective de durée, ils savent qu'il est nécessaire de maintenir l'environnement à un niveau tel que les exploitations agricoles puissent continuer normalement de produire dans la durée», envisage le préfet.

De nouvelles ressources avec les services environnementaux


La problématique des paiements pour services environnementaux, pouvant améliorer les revenus des agriculteurs, a été abordée par la délégation syndicale.

Selon le préfet, «les chiffres qui circulent sur l'écorégime font apparaître qu'une partie des agriculteurs en bénéficieraient» alors que «le ministre de l'Agriculture est dans l'état d'esprit d'en faire bénéficier la majorité de nos agriculteurs sur des schémas qui pourraient différenciés d'une production à l'autre. Cette dimension sera bien présente dans la nouvelle PAC».

Jean-Christophe Tardivon



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