Nous avons donné la parole aux chefs de file des groupes politiques du Conseil Régional de Bourgogne – Franche-Comté, au sujet du budget 2023. Entre explications, commentaires, dénonciations, les propos peuvent être acides.
Le budget de la Région a été adopté par le groupe de la Majorité. Le groupe de la majorité présidentielle s'est abstenu, tout comme Gérald Gordat. Les groupes Les Républicains et Rassemblement National ont voté contre.
Nicolas Soret : «Prudence et responsabilité»
Le vice-président chargé des finances explique ce qui a présidé à l’élaboration du budget.
«Nous sommes victime d’inflation et de la crise. Avec l’explosion des coûts de l’énergie, c’est 130 millions de dépenses en plus, et par conséquence une augmentation de la dette. A côté, les recettes supplémentaires sont de 39 millions. On est donc dans un effet ciseau. C’est pour cela que l’on a décidé de marquer une pause, d’observer. Mais nous assurons ce qui a été engagé. C’est quand même 173 millions de travaux engagés. Et on ne touche pas à la culture, ni au sport, ni à la jeunesse, ni à la vie associative.
Il est faux de dire que la culture est massacrée, puisque les crédits de fonctionnement sont maintenus.
Dans ce contexte, nous avons décidé de faire preuve de prudence et de responsabilité. On espère que l’on y verra plus clair en juin, car on aura le fruit des négociations avec l’Etat, et celle de Régions de France avec le Gouvernement, ou encore avec la SNCF. On espère que l’on aura les effets de l’amortissement énergétique.
C’est pour cela que l’on peut dire que c’est l’exercice budgétaire le plus inédit, car il nous a obligé à faire des arbitrages. La question est de savoir si cela est conjoncturel, ou est-ce qu’on est dans un changement d’époque durable. Si tel est le cas, il faudra bien revoir les dotations de l’Etat aux collectivités et en particulier aux Régions, car nos marges de manœuvre sont extrêmement limitées».
Gilles Platret : «La gauche ne s’attaque pas aux dépenses de fonctionnement»
Le Président du groupe LR craint que le pire arrive en juin prochain.
«Je veux d’abord dénoncer le brouillage organisé. Qu’il y ait des incertitudes, ok, mais qu’on arrive à des écarts dans les chiffres de 20 à même 25% dans les chiffres, en cinq semaines, entre les orientations budgétaires et le budget, ce n’est pas acceptable. En fait, je pense que la majorité de gauche a voulu masquer l’état de la situation qui n’est pas bonne. Et je crains, malheureusement, que ce soit pire en juin. En fait le décision modificative sera finalement le vrai budget ; Mais quel sera-t-il ?
Deuxièmement, je regrette que ce budget n’est pas tourné vers le pouvoir d’achat des ménages. Comme le démontre, bien malheureusement l’augmentation des tarifs dans les cantines des lycées, ou encore la division par deux de l’aide au permis de conduire, mais aussi la fin de la décote fiscale sur les véhicules hybrides. Le pire c’est que ce sont là des économies de bout de chandelle.
En fait, la vraie question, c’est que la majorité de gauche ne s’attaque pas aux dépenses de fonctionnement qui sont beaucoup trop importantes. Alors forcément, les économies sont faites ailleurs. Comme dans la culture qui est massacrée».
Gilles Platret plaide pour une autre politique : «Sur la question du pouvoir d’achat, il faut redonner des moyens. Et ne pas se laisser aller à une augmentation des prix des billets pour les TER. C’est possible. Pour preuve, Xavier Bertrand, dans les Hauts de France fait le contraire de la Bourgogne – Franche-Comté. Il ne faut pas aggraver le pouvoir d’achat de nos concitoyens».
Denis Thuriot : «Il n’y a pas d’ambition et c’est dangereux et risqué»
Le président du groupe de la majorité présidentielle s’est abstenu pour donner une chance en juin. Mais il est très critique.
«Le budget qui nous a été présenté est en fait le symbole d’une année blanche. Il n’y a pas d’ambition et c’est dangereux et risqué. Je m’explique. On nous dit qu’il faut attendre le mois de juin. Mais ça sera bien tard pour notre économie. Très clairement le budget traduit le manque d’ambition de la Région sur les investissements.. On donne l’impression de ne pas se battre face à crise, parce qu’on est trop timoré sur les investissements. Car si on compte les mois d’été, finalement on aura eu les trois quarts de l’année sans lancer des investissements. Cela alors même que l’économie et donc les entreprises en ont besoin. D’autres régions sont beaucoup plus volontaristes. C’est pour cela que ce qui est affiché comme de la prudence est dangereux et risqué».
Le sens de votre abstention ? «On laisse une chance à la majorité. On regardera ce qu’elle propose en juin, en sachant que de toute façon cela ne rattrapera pas ce qui n’a pas été décidé, là, en ce début d’année. D’ailleurs Nicolas Soret l’a dit. On est dans un pré budget, un semi budget. Nous, dans le groupe de la majorité, on veut être des élus responsables».
Julien Odoul : «La majorité de gauche gère le déclin»
Le président du groupe du Rassemblement National aurait voulu un plan d’action contre l’inflation.
«Ce budget est idéologique et déconnecté du réel. En cette période de crise, nos concitoyens ont besoin de pouvoir d’achat. Mais la majorité continue de donner de l’argent pour les migrants, pour l’international. On est loin des attentes de nos concitoyens. Marie-Guite Dufay ne tient pas compte de leurs souffrances.
On ne voit pas la place de la Région sur des investissements pour l’avenir. Il n’y a rien qui est fait pour renforcer l’attractivité du territoire. En fait, la majorité de gauche gère le déclin. Elle n’exploite pas ses atouts et accentue ses faiblesses. En fait la gauche gère le déclin.
Devant les besoins urgents pour nos concitoyens, pour nos artisans, nos commerçants, ce sont les aides aux migrants, les dépenses de communication, l’art contemporain, les projets éoliens qu’il fallait mettre en pause. Mais non, la gauche va donner aux Migrants 50% de plus que ce qu’elle va donner à nos boulangers et nos bouchers»
Quelles auraient été vos priorités ? «Un plan d’action contre l’inflation. Aider les commerçants, les artisans, les petites entreprises, pour préserver l’emploi local. Il faut lutter contre la fracture territoriale. Il faut des aides alimentaires pour les Restos du Cœur ou pour la banque alimentaire. Rénover des logements pour lutter contre les passoires thermiques et notamment dans la Nièvre, l’Yonne et la Haute-Saône».
Claire Mallard : «Enfin on tient compte des réalités»
La présidente du Groupe écologique veut voir des opportunités dans la crise pour accélérer la transition écologique.
«Ce que je trouve positif, c’est qu’enfin on tient compte des réalités qui s’imposent à nous. . Et en ce sens, on maintient le cap de la majorité, mais avec des choix. Très clairement on est dans la transition écologique qui est incontournable. Il faut travailler sur l’efficacité énergétique, développer les énergies renouvelables. Il faut aussi impulser la transition agricole. Il y a aussi la mission sur le grand prédateur, pour pacifier les relations.
On n’oublie pas l’isolation des lycées et plus généralement des bâtiments publics.
Alors c’est vrai que l’on ne peut pas tout changer. Mais il va falloir accélérer, mettre un coup d’arrêt aux politiques néfastes. C’est pour cela que nous parlons d’un budget vert et solidaire. Tout est question de priorité. Nous a défendu le maintien des contrats d’aides pour les zones Natura 2000. Dans le même temps, l’Etat réduit les contrats agricoles».
Interviews réalisées
par Alain BOLLERY
Photographies
Jean-Christophe TARDIVON