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22/04/2021 03:28

BOURGOGNE : «La Région est aux côtés de la viticulture», assure Marie-Guite Dufay

Dans les vignes de Monthélie, ce mercredi 21 avril, la présidente du conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté a échangé avec un vigneron afin d'envisager les attentes de la filière à la suite des dégâts «sans précédent» causés par le gel dans le vignoble bourguignon.
«Quand c'est marron, c'est grillé par le gel ; quand c'est rouge, c'est que le bourgeon a froid ; quand c'est vert et cotonneux, cela repartira peut-être...» Le fait est que les bourgeons marron sont légion dans les vignes du domaine Dubuet-Monthélie. Suivant les parcelles, entre 50% et 95% des bourgeons ont été décimés par les nuits gélives de la première quinzaine d'avril dernier.

Comme son nom l'indique, le domaine est situé à Monthélie en côte de Beaune. David et Aurélie Dubuet représentent la sixième génération de vignerons dans la famille. Ils exploitent 8 hectares, deux tiers en pinot noir, un tiers en chardonnay. Le domaine produit 35.000 bouteilles par an pour un chiffre d'affaires annuel de 500.000 euros.

«C'est évidemment le changement climatique»


En 2019, Monthélie avait été épargné par l'épisode de gel d'avril. Il faut remonter à 2016 et 1981 pour retrouver autant de dégâts qu'en ce printemps 2021. En élargissant aux autres phénomènes météorologiques, depuis 2012, la Bourgogne viticole connaît une calamité par an, entre gel, grêle ou pression des maladies de la vigne.

Une fois les subventions déduites, l'assurance contre le gel représente un peu moins d'1% du chiffre d'affaire annuel du domaine. En Bourgogne, environ 25% des adhérents de la CAVB sont assurés contre les risques climatiques.

«C'est évidemment le changement climatique. Tout est modifié. La date de vendanges est avancée d'un mois. C'est évident», réagit David Dubuet. Après un mois de février doux, un mois de mars chaud, une échappée polaire de début avril a détruit une large part des bourgeons naissant dans le vignoble bourguignon, de Chablis à la côte chalonnaise.

La plante commençant son développement plus tôt, elle devient plus sensible quand le froid s'abat sur les coteaux. À Monthélie, la particularité de l'échappée polaire d'avril est d'avoir impacté des vignes sur des hauteurs – les meilleurs crus – qui n'avaient pas gelées en 2016 par exemple. En côte de Beaune, les destructions de bourgeons vont de 35% à 93% avec une moyenne de 58%.

Des dégâts ont aussi été constatés dans des vignobles plus méridionaux. En ce qui concerne nos voisins jurassiens, la situation est telle que certains estiment qu'il ne sera pas nécessaire de procéder à des vendanges.

La Région s'engage à compléter le dispositif de l’État


«L'ampleur des dégâts est sans précédent», lance Thiébault Huber, président de la Confédération des Appellations et des Vignerons de Bourgogne, en accueillant Marie-Guite Dufay (PS), présidente du conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté, pour une visite de vignes à Monthélie. David Dubuet et Thiébault Huber présentent la situation dans les Darnées, en monthélies blanc et rouge, en soulignant les différentes couleurs de bourgeons.

«La Région est aux côtés de la viticulture», signale Marie-Guite Dufay, «on est meurtri, on est solidaire. (…) La Région va s'inscrire dans la logique de l’État pour venir en complément de façon solidaire avec la profession».

Le dispositif national étant exceptionnel, sortant du cadre réglementaire habituel, il reste à connaître les contours définis par le ministère de l'Agriculture avant de pouvoir agir à l'échelon régional.

«Ce que j'ai cru comprendre – et qui est plutôt rassurant – c'est qu'il sortirait de la démarche calamités agricoles pour une démarche de type fonds de solidarité, comme ce qui a été mis en place l'année dernière pour les activités qui ont souffert de la Covid», explique Marie-Guite Dufay à ses interlocuteurs.

L'adaptation de la vigne pour éviter les catastrophes


Alors que des arrachages de vignes se profilent avec l'adaptation au changement climatique, le président de la CAVB défend le principe des calamités agricoles qui prennent en compte les pertes de production. «Il faudrait qu'il y ait les deux», réfléchit la présidente de Région.

Autre grief de la CAVB, le «désengagement» de l’État qui diminue de 200.000 euros sa participation dans le plan national de dépérissement du vignoble, cofinancé à parité avec la filière. «C'est scandaleux», martèle Thiébault Huber, «il y a un gros problème, c'est le cœur de l'adaptation et c'est la résilience de la vigne. C'est comme ça que l'on va éviter des catastrophes où il va falloir éponger un milliard et demi d'euros de pertes viticoles». «C'est l'avenir qui se joue», renchérit Marie-Guite Dufay.

Une étude financée par la Région s'est penchée sur les fléaux climatiques a permis d'écarter les dispositifs qui ne sont pas pertinents. «Le rôle de la Région, ce n'est pas d'être sur le court terme en solidarité, c'est le rôle de l’État, sauf à s'inscrire dans des trous de raquette. Notre rôle est d'être sur le moyen et long terme, c'est la recherche et les études locales pour voir ce qui est le plus adapté comme matériel de prévention et de lutte», indique la présidente de la collectivité.

Répercussions sur l'emploi


Dans les prochaines semaines, les vignerons scruteront attentivement le développement des vignes car, même s'il ne gelait plus, le froid nocturne s'est maintenu pendant plusieurs jours, stressant les plantes.

D'autres bourgeons peuvent poindre aussi la perte de récolte n'est pas strictement proportionnelle à la part de bourgeons détruits. Néanmoins, les vignes gelées à 90% resteront effectivement très peu productives en 2021.

La répercussion se fera jusque sur l'emploi puisque les vignerons devront trouver l'équilibre entre la main-d’œuvre à recruter pour un surcroît de travail face aux développements inégaux des plantes et la faible production attendue au moment des vendanges.

Jean-Christophe Tardivon

«Il y a un gros problème d'adaptation du vignoble par rapport au changement climatique», selon Thiébault Huber