Ce vendredi 27 septembre, le président du Sénat a participé au congrès de l'Association des maires ruraux de France qui s'est tenu à Saint-Julien, en périphérie de Dijon. Son président a appelé l’État à «donner envie aux maires de faire des projets» et a revendiqué l'instauration d'un statut de l'élu avant les prochaines municipales.
Selon l'INSEE, en 2017, la France comptait 30.775 communes rurales – quelques fusions ont été réalisées depuis – dont environ 12.000 adhèrent à l'Association des maires ruraux de France. Les communes rurales représentent 33% de la population française et quasiment 90% de la superficie de l'espace français.
Tous types de communes confondus, à la suite des élections municipales de 2020, on décomptait 106 communes sans candidat et 345 conseils municipaux incomplets. Depuis, 13.000 démissions d'élus ont été recensées. Depuis 2021, les agressions d'élus ne cessent d'augmenter. Fin 2023, 69% des maires sondés par le CEVIPOF indiquaient avoir déjà été victimes d'incivilités.
Record de participation à Saint-Julien
Dans ce contexte, l'Association des maires ruraux de France organisait son congrès national annuel, les 26, 27 et 28 septembre 2024, à Saint-Julien et à Arceau, au nord-est de Dijon, dont le thème était «Commune et département, duo d'avenir, la force de la proximité».
900 participants se sont inscrits dont 400 maires (25% d'entre eux venant de la Côte-d'Or) avec plusieurs représentants des associations départementales des maires ruraux. Les organisateurs ont ainsi annoncé une fréquentation record.
Présence inédite du président du Sénat
Ce vendredi 27 septembre 2024, après la venue le matin de Françoise Gatel, toute nouvelle ministre déléguée chargée de la Ruralité, du Commerce et de l'Artisanat, l'après-midi a été marqué par les principaux discours officiels.
Se sont succédé à la tribune notamment Michel Lenoir, maire de Saint-Julien, Bruno Bethenod, maire d'Arceau et président de l'ARMF 21, Michel Fournier, maire des Voivres (Vosges) et président de l'AMRF, François Rebsamen (PS, FP), président de la Métropole de Dijon, Marie-Guite Dufay (PS), présidente de la Région Bourgogne-Franche-Comté, François Sauvadet (UDI), président du Département de la Côte-d'Or et de l'Assemblée des Départements de France et Gérard Larcher (LR), président du Sénat, dont la présence était inédite.
À Saint-Julien, «il ne faut pas être malade le samedi et le dimanche»
Situé à quelques kilomètres des premiers foyers économiques de l'agglomération dijonnaise et comprenant plus de 1.600 habitants, le village de Saint-Julien – relevant de la communauté de communes Norge et Tille – compte de nombreux professionnels de santé.
En listant le nombre de médecins installés sur la commune, Michel Lenoir a fait bien des envieux parmi les nombreux participants dans la salle, comble, avec environ 500 personnes.
«Il ne faut pas être malade le samedi et le dimanche», s'est-il empressé de relativiser, «malgré tous ces médecins, il n'y a personne, c'est les urgences à l'hôpital».
Le président de l'AMRF 21 appelle à «donner envie aux maires de faire des projets»
«Je ne comprends pas qu'on impose pas une garde le samedi et le dimanche comme ça se faisait auparavant», a-t-il revendiqué celui qui est élu depuis 1971. Un propos très applaudi, prouvant une problématique de démographie médicale très répandue dans les communes rurales.
Listant projets des communes et intercommunalités ayant abouti avec l'aide du Département, Bruno Bethenod a insisté sur les capacités à générer des revenus via avec la production d'énergies renouvelables et demande la mise en place de prêts aidés sur 40 ans – pour «donner envie aux maires de faire [des projets]» – plutôt que d'instaurer des dispositifs du type Ma Prime Rénov'.
Plaidoyer pour la commune et le Département
«Nos communes ont besoin d'un Département fort et réciproquement», a lancé Michel Fournier pour défendre ces échelons du mille-feuilles territorial, voyant en eux des «racines» héritées de la Révolution française. «Tout citoyen s'identifie à sa commune et se reconnaît en son département. (…) La commune et le Département, ce sont les premiers socles de notre République.»
«En 2017, [Emmanuel Macron] promettait la suppression de 25 départements ; [François Hollande] avait programmé la disparition pure et simple des Départements», a-t-il tancé avant de fustiger la loi NOTRé ayant entraîné notamment la fusion des Régions. «La commune a une épée de Damoclès de la part de beaucoup de hauts fonctionnaires.»
Le président de l'AMRF revendique un statut de l'élu
En vue des élections municipales de 2026, Michel Fournier a revendiqué la finalisation de la loi sur sur le statut de l'élu arrivant en intégrant une réforme du mode de scrutin pour les communes de moins de mille habitants afin de «donner envie» aux citoyens de s'engager.
Soulignant «le manque de confiance dans le national», Michel Fournier a fortement souhaité de «la simplicité».
Le président de l'AMRF a ponctué son propos en demandant que «la justice s'applique de la façon la plus dure» en cas d'atteintes aux maires, de façon à «avoir valeur d'exemple».
«Il est nécessaire de rassembler le monde urbain et le monde rural», estime le président de la Métropole de Dijon
Pour expliquer la présence d'un président d'une Métropole administrant un territoire comprenant 260.000 habitants au moment où la métropolisation est un phénomène décrié, François Resbamen a mis en avant le point commun avec les maires ruraux de «défendre» les communes face à «l'appétit féroce de Bercy».
La justification s'est poursuivi avec l'exemple de la synergie entre 64 communes urbaines et communes rurales de la côte des vins qui a permis d'obtenir, en 2015, l'inscription des climats du vignoble de Bourgogne au patrimoine mondial de l'UNESCO.
Le président de la Métropole a enchaîné en soulignant les échanges qui s'effectuent dans les communes au sein du territoire entre le travail, les transports, les loisirs et la consommation : «il est nécessaire de rassembler le monde urbain et le monde rural sans remettre en cause les particularismes locaux». «Il n'existe pas de monde urbain sans monde rural et la réciproque est également vraie.»
En matière de transition écologique, François Rebsamen a retenu les réalisations métropolitaines pouvant bénéficier aux habitants des communes rurales de la Côte-d'Or : valorisation énergétique des ordures ménagères, interconnexions de réseaux d'eau, zones de covoiturage... Sans oublier le domaine de la santé avec le CHU Dijon Bourgogne qui «porte en lui un projet de solidarité».
«Dijon Métropole n'a aucune volonté d'être hégémonique, nous voulons agir ensemble dans l'intérêt de l'ensemble de nos concitoyens», a-t-il assuré.
«Les maires sont les premiers piliers de notre République», souligne François Rebsamen
Le socialiste – qui a soutenu Emmanuel Macron dès le premier tour de la présidentielle en 2022 avant de souhaiter que le gouvernement récemment formé par le Premier ministre Michel Barnier, issu des rangs des Républicains, soit en mesure de «réussir» – considère qu'«on ne sait plus très bien où sont les bords politiques». Cela a provoqué un brouhaha dans la salle, les élus ruraux semblant peu en accord avec ce propos.
«Les maires sont les premiers piliers de notre République. (…) Nous avons la République en partage», a repris François Rebsamen sur un sujet plus consensuel avant de dénoncer les agressions subies par les maires et de revendiquer, à son tour, la création d'un statut de l'élu. «À chaque fois qu'un maire est menacé, intimidé, attaqué, agressé, c'est la République qui est abîmée.»
«Des liens forts unissent la Région avec les communes rurales», relève Marie-Guite Dufay
Marie-Guite Dufay ayant eu la courtoisie de céder sa place dans l'ordre protocolaire à François Sauvadet pour qu'il intervienne juste avant le président du Sénat, le geste s'est retrouvé salué par des applaudissements dans l'assistance.
«Nos collectivités font tourner le pays, elles sont le premier investissement public du pays», a martelé la présidente de la Région Bourgogne-Franche-Comté avant de défendre son échelon dans le mille-feuilles territoriale en raison de sa compétence économique.
«Des liens forts unissent la Région avec les communes rurales», a relevé la socialiste en raison, là aussi, des réalisations bénéficiant aux habitants : transports scolaires, accueil dans les lycées, participation à la construction de maisons de santé...
Selon la présidente de la Région, les investissements en lien avec la transition écologique se révéleront «bénéfiques» en termes de fonctionnement
Marie-Guite Dufay a enchaîné en revendiquant «l'équité territoriale» instaurée dans les politiques d'aménagement du territoire sous la forme d'une «différenciation». Par exemple, «la Nièvre, par habitant, reçoit plus d'argent de la Région que dans les villes moyennes et métropolitaines».
Par ailleurs, un «budget vert» a été mis en place sous la forme écoconditionnalités aux demandes d'aides pour inciter à «rentrer dans le souci absolu de protection de l'environnement». «Les investissements que nous pouvons accompagner seront bénéfiques en termes de fonctionnement ultérieurement.»
Pour François Sauvadet, «l'échelon départemental est le bon échelon de la réponse au changement climatique»
Arrivé tout juste au début des discours en raison d'une intervention auparavant au congrès national des sapeurs-pompiers à Mâcon (
lire le communiqué), François Sauvadet a initié son propos en mettant en avant «la solidité du couple commune-Département» tout en alertant sur «les fractures territoriales» perçues par les habitants des zones rurales.
«Nous devons prendre l'échelon départemental comme le bon échelon de la réponse au changement climatique», a-t-il poursuivi en prenant surtout le contre-pied de la présidente de la Région Bourgogne-Franche-Comté.
«Il n'y aura pas d'avenir pour les communes s'il n'y a pas d'avenir pour les Départements», analyse François Sauvadet
«Il faut que l’État arrête de charger la barque», a lancé le centriste en évoquant à l'augmentation des dépenses sociales, «il faudra que l'on soit raisonnable sur les augmentations du RSA». Et d'appeler à ce «l'action publique reparte de l'humain» et à «redéfinir un pacte social», ce qui suscite des applaudissements dans l'assistance.
Si «l'engagement aux côtés des maires ruraux ne sera pas compté aux Départements de France», «il n'y aura pas d'avenir pour les communes s'il n'y a pas d'avenir pour les Départements», a insisté le président de l'association des élus départements.
«La France n'est pas que Paris», a martelé l'orateur en demandant à «stabiliser l'offre de services dans un périmètre qui s'appelle un territoire vécu». «Il faut offrir à l'espace France un nouveau destin qui ne peut pas se réduire à la concentration urbaine», a-t-il conclu. Un propos encore une fois très applaudi.
Un parfum de campagne électorale en vue des sénatoriales de 2026
«La densité de sénateurs et d'anciens sénateurs est extrêmement élevée quand on parle collectivités territoriales», a noté Gérard Larcher en prenant la parole.
Dans la salle notamment, sont installés au premier rang les sénateurs en exercice François Patriat (REN) et Anne-Catherine Loisier (divers centre) ; à la tribune, François Rebsamen est un ancien sénateur.
Un parfum de campagne électorale planait sur ce congrès puisque la moitié du Sénat sera renouvelée en septembre 2026 et que les maires ruraux sont de grands électeurs particulièrement courtisés.
En Bourgogne-Franche-Comté, ces élections concerneront notamment la Côte-d'Or, le Doubs, la Haute-Saône, la Saône-et-Loire, l'Yonne et le Territoire de Belfort.
Le président du Sénat alerte lui aussi sur la situation des Départements
«La commune rurale constitue le socle de la France», s'est exclamé le président du Sénat, «la ruralité que vous représentez est une composante structurante de notre pays, elle en est même la matrice». «Il ne faut pas opposer l'urbain et le rural, l'équilibre de la nation passe par un bon équilibre entre les territoires.»
Après avoir alerté sur la situation des Départements, en écho aux propos de François Sauvadet, Gérard Larcher a reconnu le rôle de «stratège» des Régions, principalement en matière de transition écologique et d'aménagement du territoire.
Quand Gérard Larcher vante l'action législative de François Patriat
Le président de la chambre des territoires a fait une incise dans son propos pour s'occuper du «cas» du président du groupe parlement Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants (RDPI), groupe minoritaire qui soutient Emmanuel Macron.
«Le président Patriat s'est aussi penché sur des sujets extrêmement concrets. Il est à l'initiative d'un projet de loi revalorisant le métier de secrétaire de mairie, si important pour nos communes», a-t-il vanté.
Bien sûr, Gérard Larcher a aussi évoqué Anne-Catherine Loisier – «Madame Forêt du Sénat» –, «attachée à la ruralité, attachée aux communes».
«À décentralisation forte, il faut un État territorial fort», lance Gérard Larcher
Le propos s'est poursuivi en brossant les sujets d'actualités des élus ruraux : démographie médicale – «le premier [conseil départemental] à commencer à mettre en place des maisons médicalisées et à embaucher des médecins, c'est en Saône-et-Loire» –, sobriété foncière – «le ZAN ne doit pas nous empêcher de développer nos territoires tout en économisant nos espaces naturels et agricoles», logement – «on ne relancera pas la politique du logement contre les maires», carte scolaire – trois pistes sont avancées : définition sur trois ans, fermetures de classe en associant au préalable les maires, augmentation du seuil des dédoublements, meilleure adéquation entre nombre d'établissements et le nombre d'élèves, santé mentale des maires – «il y a des signes d'épuisement qui témoignent de l'importance de créer un véritable statut des élus locaux», simplification – «la surnormalisation coûte 60 milliards d'euros par an ; (…) il y a un désherbage de normes à faire», et décentralisation – « Je plaide pour que les préfets et sous-préfets retrouvent de l'autorité sur les services de l’État ; (…) à décentralisation forte, il faut un État territorial fort ».
Le statut de l'élu espéré avant les municipales de 2026
Concernant le statut de l'élu, Gérard Larcher s'est montré à l'unisson des interventions du congrès, rappelant la proposition de loi adoptée à l'unanimité le 7 mars dernier.
Ainsi le président du Sénat, le président de l'AMRF et la nouvelle ministre de la Ruralité François Gatel – ancienne sénatrice, coautrice de la proposition de loi – semblent s'accorder sur la possibilité de finaliser le texte en vue d'un vote définitif d'ici l'été 2025 pour une application avant les municipales de mars 2026.
Au terme de son discours, Gérard Larcher a remis la grande médaille d'honneur du Sénat au maire de Saint-Julien Michel Lenoir, en hommage à ses 35 ans d'engagement citoyen pour sa commune.
Jean-Christophe Tardivon