Selon le recteur Pierre N'Gahane, en Bourgogne, la rentrée scolaire 2024-2025 voit la mise en place de groupes de niveau en 6ème et 5ème, de cours d'empathie, de casiers pour remiser les smartphones dans certains collèges et même d'une «utilisation raisonnée» de l'intelligence artificielle.
Tout comme les compétiteurs des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, 253.500 élèves et 17.000 apprentis sont dans les starting-blocks pour effectuer cette rentrée scolaire 2024-2025 dans les établissements publics et privés sous contrat.
Ce vendredi 30 août 2024, à Dijon, Pierre N'Gahane, recteur de l'académie de Dijon, a passé en revue les grands enjeux à l'aube de cette nouvelle année scolaire qui a été préparée par les services du rectorat depuis plus d'un an.
L’Éducation nationale consacre 1,8 milliard d'euros à la Bourgogne en 2024
La Bourgogne compte désormais 253.532 élèves (contre 260.408 en septembre 2024) : 129.591 dans le premier degré et 123.941 dans le second degré (72.651 collégiens et 51.290 lycéens, en comptant les post-bac).
Ils sont accueillis dans 1.923 établissements dont 1.604 écoles, 182 collèges ainsi que 74 lycées et établissements régionaux d'enseignement adapté (EREA).
En ce qui concerne l’Éducation nationale, ils sont encadrés par 26.776 personnels dont 8.173 enseignants du premier degré, 10.862 professeurs du second degré et 7.744 personnels non enseignants.
Le budget de l'académie de Dijon, principalement consacré aux ressources humaines, s'élève à 1,785 milliard d'euros en 2024.
En 2023-2024, le taux de réussite du diplôme national du brevet (DNB) a atteint 89,1% et le taux de réussite du baccalauréat général et technologique 91,7%.
Trois ministres en un an
Mettant en avant le mot d'ordre «porter attention à chacun pour la réussite de tous,» le recteur s'attend à une rentrée «satisfaisante», empreinte de «beaucoup de sérénité» et de «continuité du service public» malgré le contexte politique.
Non seulement, Nicole Belloubet, ministre démissionnaire de l’Éducation nationale, gère les affaires courantes depuis le 8 juillet mais il s'agit de la troisième titulaire du portefeuille en un an, après Gabriel Attal et l'éphémère Amélie Oudéa-Castéra.
«Ces trois ministres ont davantage travaillé sur le collège, il y a une continuité dans les ministres qui se sont succédé», signalet toutefois Pierre N'Gahane, «cela n'a pas empêché de mettre en œuvre ce qui avait été porté politiquement».
La politique éducative s'inscrivant donc dans le temps long, Nicole Belloubet a diffusé une circulaire de rentrée insistant sur «les enjeux de la cohésion, la réussite, le refus de l'assignation, le refus de toute forme de violence, le bien être, et le respect des principes de la république».
La Bourgogne, «une académie rurale en forte déprise démographique»
Parallèlement, en Bourgogne, le projet académique est imprégné d'«une ambition d'audace et d'engagement». La Bourgogne constitue «une académie à enjeu majeur, une académie rurale en forte déprise démographique». D'anciennes projections envisageaient 300.000 élèves dans les années 2020 et les perspectives actualisées de l'INSEE restent pessimistes.
Selon le recteur, la feuille de route académique s'articule autour de trois priorités : «l'acquisition des savoirs fondamentaux des élèves, l'autonomie des élèves et le bien-être des élèves».
Mise en place des groupes de niveau et généralisation des évaluations
Un des leviers pour atteindre ces objectifs correspond aux «groupes de niveau» voulus par Gabriel Attal en son temps, devenus ensuite «groupe de besoins» et désormais appelés «groupes» tout court dans la circulaire de rentrée. Ils sont destinés aux élèves de 6ème et de 5ème et portent sur le français et les mathématiques.
«On a laissé toute liberté aux chefs d'établissement en lien avec les corps d'inspection de les construire», signale Pierre N'Gahane. Le recteur insiste sur les «réunions de travail» conduites avec les équipes éducatives de façon avec ce que l'entrée dans ces groupes soit avant tout «pédagogique».
Selon lui, il s'agit de mener un travail sur la «différenciation pédagogique» pour «tenir compte des compétences initiales de l'élève et de pouvoir l'accompagner en travaillant un certain nombre de compétences».
Autre levier, une évaluation des savoirs fondamentaux du CP à la seconde a été mise en place du CP à la seconde.
«Cela permet de savoir où en sont les élèves individuellement et collectivement», indique le recteur, «certains pourront être dans des groupes de besoins, d'autres seront accompagnés avec devoirs faits».
Ces deux leviers sont particulièrement critiqués par des syndicats enseignants ainsi que des fédérations de parents d'élèves, opposés au «choc des savoirs» voulu par Gabriel Attal. Centrée sur ce sujet, la grève du 2 avril dernier a mobilisé près de 15% des professeurs dans les collèges (5,78% de l'ensemble des enseignants de l'académie de Dijon).
Les cours d'empathie conduisent à la «bienveillance collective»
Par ailleurs, la prise en compte des compétences psycho-sociales sera développée, le plan math et français sera conforté et une réflexion collective portera sur l'appréhension et l'usage de l'intelligence artificielle.
Des cours d'empathie prennent place dans le contexte du développement de compétences psycho-sociales. Des kits développés par le ministère ont été testés par des enseignants pour travailler les activités socio-émotionnels lors de temps de jeu.
Ainsi, une expérimentation est menée, depuis plusieurs, à l'école du Nord à Dijon et est en passe d'être généralisée en Bourgogne. «On a vu diminuer les conflits dans les temps de pause méridienne», relève le recteur, «les élèves travaillent une bienveillance collective».
Depuis le lancement du dispositif «Notre école faisons-là ensemble», 4 millions d'euros ont financé 244 projets. À ce jour, 280 projets sont en attente de validation par le rectorat.
Quatre classes de prépa-seconde
Des classes de prépa-seconde seront expérimentées pour accueillir des collégiens n'ayant pas obtenu le diplôme national du brevet ni l'orientation souhaitée au-delà de la troisième.
En termes de pédagogie, les équipes ont reçu une «carte blanche» de la part du recteur.
Quatre établissement ouvriront une classe allant jusqu'à 24 élèves volontaires : le lycée Ponthus de Tyard à Chalon-sur-Saône, le lycée Jules Renard à Nevers, le lycée Catherine et Raymond Janot à Sens ainsi que le lycée Roland Carraz à Chenôve.
Quatre collèges expérimentent les casiers pour remiser les smartphones
En 2018, la loi relative à l'encadrement de l’utilisation du téléphone portable dans les établissements d’enseignement scolaire a posé le principe de l'interdiction de l’utilisation des téléphones mobiles dans les écoles maternelles, les écoles élémentaires et les collèges, ainsi que pendant toute activité liée à l’enseignement qui se déroule à l’extérieur de leur enceinte.
Les élèves restent autorisés à exploiter leur smartphone dans le cadre d'une activité pédagogique en classe, comme une recherche sur Internet par exemple.
Lors de sa conférence de presse de rentrée, le 27 août dernier, la ministre démissionnaire a annoncé la mise en place d'une «pause numérique» : 200 collèges expérimenteraient l'installation de casiers où les élèves déposeraient leurs smartphones. La généralisation serait conduite à la rentrée 2025.
L'idée vient des conclusions des rapporteurs de la commission «écrans» qui recommandent d’interdire le téléphone portable avant 11 ans et les réseaux sociaux avant 15 ans.
Néanmoins, l'annonce a fait bondir l'Assemblée des Départements de France au nom des collectivités chargés de l'entretien des collèges. Le financement des dits casiers reviendrait aux Départements concernés.
L'association des élus départementaux dit «non à une généralisation précipitée et coûteuse». «Il suffit que le ministère dote enfin les collèges en nombre suffisant d’assistants d’éducation pour faire respecter l’interdiction d’utiliser les téléphones dans l’enceinte des établissements scolaires», déclare son président, le Côte-d'Orien François Sauvadet (
lire le communiqué).
En Bourgogne, quatre collèges ont prévu d'expérimenter, d'une façon ou d'une autre, cette «pause numérique» : Victor Hugo à Nevers, Antony Duvivier à Luzy, Pierre Vaux à Pierre-de-Bresse et Michel Gondry à Charny-Orée-de-Puisaye.
Dans ce dernier établissement, selon les services départementaux de l'académie, la «pause numérique» ne concernerait tout d'abord que les élèves de sixième : le collège a fait l'acquisition de casiers et la principale d'établissement compte inscrire la démarche dans une «politique éducative large».
À Autun, une école expérimente le port de l'uniforme
Un seul établissement expérimente le port de l'uniforme en Bourgogne : l'école élémentaire du Clos Jovet à Autun.
La démarche estimée à 40.000 euros pour quelques 200 élèves bénéficie d'un cofinancement à parité par la Ville d'Autun et le rectorat de l'académie de Dijon. Elle débutera après les vacances d'automne.
400 situations de harcèlement l'année précédente
Durant l'année scolaire 2023-2024, le rectorat a constaté 400 situations de harcèlement, survenant principalement au collège.
«Il y a plus de signalements parce que la parole s'est libérée», analyse-t-on du côté du rectorat. Cependant, «les plaintes sont en diminution à la police et à la gendarmerie». «On a moins de situation qui se complexifient jusqu'à une plainte», constate le recteur.
Sur ce sujet, le rectorat mobilise une référente académique ainsi qu'un référent à plein temps dans chaque département. Il existe un numéro vert académique – 0.808.800.197 – et une plateforme nationale accessible gratuitement via une application ou par le 3018 (tous les jours, de 9h à 23h).
150 atteintes aux valeurs de la République l'année précédente
Durant l'année scolaire 2023-2024, le rectorat a recensé 150 situations ayant fait l'objet d'un traitement par les équipes «valeurs de la République».
Dans le détail, il s'agit de 56 situation en Côte-d'Or, 11 dans la Nièvre, 59 en Saône-et-Loire et 24 dans l'Yonne.
Le rectorat relative ce constat en soulignant avoir connu «55 faits dans les jours qui ont suivi assassinat de Samuel Paty», en octobre 2020.
Dans le second degré, «99,5% des besoins en heures-postes sont pourvus»
L'académie de Dijon aborde la rentrée 2024-2025 avec 98 moyens d'enseignement en moins dans le premier degré et 60 moyens d'enseignement en moins dans le second degré, par rapport à l'année précédente.
Toutefois, le rectorat assure que les besoins en ressources humaines sont «quasiment couvert» en vue de cette rentrée scolaire. Les concours du premier degré ont connu un «très bon rendement» permettant de pourvoir les 178 postes ouverts avec 51 lauréats en liste complémentaire ayant «un bon niveau».
Le nombre de contractuels serait suffisant : 92 ont été recrutés l'année précédent, 85 pour cette rentrée.
Les services du rectorat insistent sur l'accompagnement et le renouvellement de ces personnels. En particulier, le service des ressources humaines travaille à «fidéliser» les contractuels et développe des leviers pour valoriser les métiers ainsi que pour structurer la fonction de recrutement.
Au niveau national, une plate-forme «Rejoindre le service public de l’Éducation nationale» a été mise en place pour constituer un seul outil allant de l'offre d'emploi jusqu'à l'intégration du contractuel en passant par le recrutement.
«Maintenant des contractuels peuvent être recrutés toute l'année et suivent des modules de formation en plus de la formation en lien avec la discipline enseignée», souligne-t-on du côté du rectorat.
En résumé, dans le second degré, «99,5% des besoins en heures-postes sont pourvus». Le 0,5% restant correspond à 44 ETP, concernant principalement les lycées
Toutefois, le rectorat reconnaît une «difficulté» à assurer tous les besoins en économie-gestion. En revanche, en français et mathématiques, «tout est pourvu à une exception près».
Les «groupes de besoins» entraînent la mobilisation de 155 ETP supplémentaires à ce qui avait déjà été mobilisé par les établissements.
5,6% d'heures d'enseignement ne sont pas assurées en Bourgogne
Depuis 2023, les enseignants peuvent signer un «pacte» qui augmente leur service en contrepartie d'une rémunération supplémentaire. Pour l'année 2024-2025, la dotation a augmenté de 9% en Bourgogne.
«L'académie de Dijon est parmi les académies qui réussissent le mieux le remplacement de courte durée», se félicite le recteur.
En moyenne, sur 3,4 millions d'heures d'enseignement affichées au tableau de service chaque année scolaire, environ 5,6% ne sont pas effectivement dispensées (contre 6,5% en moyenne nationale), dont 23% en raison d'absences institutionnelles.
Un plan de formation 2024 a été structuré de façon à utiliser des leviers différents pour «atténuer le nombre d'heures non-assurées». En fonction de quoi, les remplacements de courte de durée sont passés de 4% à 12% d'efficacité.
Le rectorat accompagne les enseignants au déploiement de l'intelligence artificielle
«L'arrivée des nouvelles technologies nous bousculent un peu dans nos habitudes», confie le recteur, «c'est toute à fait normal que nous adaptions notre pédagogie». «On a fait venir les meilleurs experts pour nous accompagner sur le sujet. Il s'agit d'être conscient de l'impact que cela peut avoir sur nous et de quelle mesure les enseignants peuvent l'intégrer dans leur pédagogie.»
Le rectorat a ainsi organisé un séminaire sur l'«utilisation raisonnée», les limites et la question éthique de l'intelligence artificielle.
À ce jour, les deux pistes de réflexion concernent d'un côté une sensibilisation des élèves à la technologie de l'intelligence artificielle générative et, de l'autre un accompagnement des enseignants pour en faire un outil-métier comme d'autres technologies numériques auparavant afin de préparer les cours.
«Il y a un saut numérique qui est énorme dans l'environnement [NDLR : dans la société]», analyse le recteur, «nous avons la responsabilité que ce soient nos élèves qui s'approprient les outils».
Jean-Christophe Tardivon