
«L'université de Bourgogne est en train de s'isoler», a analysé la présidente du conseil régional, ce jeudi 29 juin. «Une région ne peut pas se permettre d'avoir une université éclatée.»
Au détour d'un rapport sur l'enseignement supérieur présenté par la vice-présidente Laëtitia Martinez (PS) en assemblée plénière du conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté, ce jeudi 29 juin 2023, le sujet de l'université fédérale s'est invité dans les débats.
C'est même Jacques Grosperrin (LR), au nom du groupe d'opposition Union des républicains et du centre et écologistes indépendants, qui a appuyé là où ça fait mal dans ce dossier révélateur des tensions entre Bourgogne et Franche-Comté en matière de politique d'enseignement supérieur et de recherche.
L'Université Bourgogne-Franche-Comté annonce la création d'un établissement public expérimental
L'université fédérale appelée Université Bourgogne-Franche-Comté devait réunir les deux pôles universitaires de la Bourgogne-Franche-Comté afin d'envisager le devenir de l'excellence de la recherche régionale.
Las, les tiraillements entre Dijon et Besançon notamment ont conduit à un divorce, l'université de Bourgogne annonçant quitter la gouvernance de l'université fédérale (
lire le communiqué) et préparer plutôt la constitution d'un établissement public expérimental (EPE) (
lire le communiqué).
Sauf que l'université fédérale vient d'annoncer vouloir adopter ce statut en 2025 (
lire le communiqué).
Le nouvel enjeu est de savoir si se développeront deux établissements distincts, centrés respectivement sur l'université de Bourgogne et l'université de Franche-Comté, ou si les deux convergeront dans une seule entité, une Université Bourgogne-Franche-Comté renouvelée avec le statut d'EPE.
«On a été amené à faire pression sur les universitaires pour qu'ils trouvent un chemin de raison», signale Marie-Guite Dufay
En marge des débats à l'ordre du jour, Jacques Grosperrin a demandé à la Région de se mêler des affaires des universités pour revenir à un projet fédérateur entre les pôles universitaires en interpellant directement la présidente de la collectivité : «dans quelle mesure allez-vous pouvoir agir pour la réconciliation de ces deux sites ?»
Présidente du conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté, Marie-Guite Dufay (PS) s'est défendue rapidement sur son implication dans le dossier : «je ne cesse d'agir, mais je ne le fais pas publiquement, c'est un travail dans l'ombre. (…) Quand vous dites que j'ai un rôle prépondérant, je le joue auprès du ministère de l’Éducation nationale, celui de l'Enseignement supérieur. (…) On a été amené à faire pression sur les universitaires pour qu'ils trouvent un chemin de raison pour qu'ils retrouvent des investissements dont ils ont absolument besoin et qu'ils ont perdu par leur guerres intestines. Une région quelle qu'elle soit ne peut pas se permettre d'avoir une université éclatée. (…) Les universitaires se sont mis à travailler un plan. (…) Ils dressent un chemin. Ils vont le présenter à la ministre de l'Enseignement supérieur. (…) C'est vrai que l'université de Bourgogne est en train de s'isoler. (…) Au bout de tout cela, il faut qu'il y ait une seule voix. (…) Je fais le travail que j'ai à faire. Ne me donnez pas de leçon en public.»
Pour Marie-Guite Dufay, «c'est un scandale que nos universitaires ne soient pas capables de trouver le chemin de l'unité»
Le propos s'est voulu finalement rassurant pour tracer un chemin vers la réconciliation et bâtir une dynamique unitaire dans l’enseignement et la recherche en Bourgogne-Franche Comté.
«Ils font chacun un chemin. Ils vont créer une passerelle. Ils savent bien qu'au bout du bout, il ne doit y avoir qu'une seule tête (…) C'est un scandale que nos universitaires ne soient pas capables de trouver le chemin de l'unité, alors que les enseignants et les chercheurs surtout sont dans ce chemin d'unité depuis longtemps et qu'ils sont dans un vrai couloir d'excellence depuis longtemps. Les résultats de nos enseignants et de nos chercheurs bourguignons comme francs-comtois sont au niveau de l'excellence», a commenté la présidente de la Région.
«On ne peut pas se payer le luxe que nous apparaissions comme divisés», alerte Claude Mercier
Jacques Grosperrin, comme ensuite Claude Mercier (EELV) ont relevé que le dossier n'est finalement pas seulement technique mais nécessite une vigilance de l'exécutif : «votre voix compte et il nous faut l'entendre», a appuyé Jacques Grosperrin.
Claude Mercier est intervenu à partir du rapport initial concernant la structuration des filières : «sur l'hydrogène, il faut y aller. Les écologistes sont attachés à ce que l'on identifie bien un hydrogène vertueux. (…) Il va falloir sur cette utilisation que les filières des mobilités ne rebasculent pas vers une ultraconsommation».
L'écologiste, participant de la majorité, a ensuite glissé vers le débat en cours : «des guerres picrocholines ont mis en péril les communautés universitaires. (...) Nous suivrons de près ce partenariat. On pourra parvenir à ce que cette possibilité de retravailler en commun puisse se faire pour l'attractivité de la Région. On ne peut pas se payer le luxe que nous apparaissions comme divisés. (…) Certains y mettent du leur pour que se reconstitue une vraie politique et stratégie bourguignonne et franc-comtoise sur l'enseignement supérieur».
Mélanie Fortier pointe les financements «perdus ou gelés» en matière de recherche
«Sur le mariage qui n'a jamais marché par la COMUE [NDLR : communauté d'universités et établissements, l'actuelle forme juridique de l'Université Bourgogne-Franche-Comté], puisqu'il faut encore réfléchir Bourgogne et Franche-Comté, j'invite juste à ce qu'il y ait une équité dans les filières», a réagi sobrement Denis Thuriot (REN), président du groupe d'opposition des élus progressistes.
Dans une brève intervention préparée à l'avance pour critiquer globalement la politique de la majorité en matière d'enseignement supérieure et de recherche, Mélanie Fortier (RN), au nom du groupe d'opposition du Rassemblement national, a pointé implicitement le fond du problème de la fusion manquée entre les universités de Bourgogne et de Franche-Comté, en «récapitulant» les financements «perdus ou gelés» estimés à 110 millions d'euros depuis 2020.
Financements de la recherche et transferts de technologie débouchent sur la création d'emplois
Le rappel de la concrétisation pratique des enjeux soulevés lors de ces débats est venue de la vice-présidente chargée notamment de l'enseignement supérieur et de la recherche.
«On avait des financements d’État qui étaient l'i-Site. c'était un PIA [programme d'investissement d'avenir] qui nous a permis d'identifié trois domaines de recherche là où la Bourgogne-Franche-Comté développe une recherche d'excellence», a précise Laëtitia Martinez.
«Ça se traduit aujourd'hui sur les publications des chercheurs, dans du transfert de technologie, sur des emplois qui peuvent être créés derrière», a-t-elle relevé avant de se féliciter qu'apparaisse la possibilité de revenir à «un environnement constructif» en matière de recherche au niveau régional.
Émilie Mondoloni avec
Jean-Christophe Tardivon
Photographies JC Tardivon