
«L'artificialisation des sols affaiblit les moyens d'agir sur le climat», a martelé Éric Houlley, ce vendredi 18 octobre, tout en considérant que «la loi est mauvaise».
Les évolutions législatives concernant la sobriété foncière foncière ont conduit la Région Bourgogne-Franche-Comté à réviser son Schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET), tel que cela avait été annoncé en février dernier par Marie-Guite Dufay (PS), présidente de la Région Bourgogne-Franche-Comté.
La modification présentée, ce vendredi 18 octobre 2024, en session plénière à Dijon, porte sur le ZAN. Le zéro artificialisation net des sols est un principe de sobriété foncière très contesté par les élus ruraux notamment depuis l'adoption de la loi Climat et résilience, en 2021.
Le rapport porte également sur la logistique ainsi que la planification des déchets en lien avec un objectif d'économie circulaire.
«La Région entend être au rendez-vous de la mise en œuvre de la politique de sobriété foncière», explique Éric Houlley
Le vice-président Éric Houlley (PS) revendique d'aller «vers des modèles d'aménagement plus vivables et plus durables». Il propose d'établir «un cadre sûr et clair» pour les territoires afin d'éviter «l’atermoiement et l'incertitude juridique».
«Si la loi change, elle ne remettra probablement pas en cause la trajectoire de long terme», envisage-t-il. «Respect de la loi, sécurité du cadre juridique, refus de l'immobilisme, voilà les trois raisons qui motive cette modification du SRADDET.»
Le socialiste rappelle que les dispositions du ZAN «ne conviennent pas [à l'exécutif régional]» – en particulier la garantie communale d'un hectare soustrait au ZAN par commune – et que la déclinaison de la loi dans le SRADDET se fait de manière «contrainte». Il assure se placer dans «une posture de défense des territoires» au regard des périmètres définis par l’État. «La Région entend être au rendez-vous de la mise en œuvre de la politique de sobriété foncière.»
Les sénateurs des Républicains demandent de temporiser
«Plutôt que de encore modifier, attendons le débat [au Sénat]», glisse Alain Joyandet (LR), «on n'est pas à quelques semaines près». Le sénateur de la Haute-Saône demande également «de la bienveillance et de la souplesse» de la part de l’État.
«On a le sentiment que la Région est un petit État dans l’État», rebondit un autre sénateur, Jacques Grosperrin (LR), qui, lui aussi demande d'«attendre» jusqu'en janvier: «on veut revisiter le ZAN». Et de suggérer d'établir une «trajectoire» en lui ôtant un caractère «obligatoire». «Modifiez la loi», réagit Éric Houlley à l'adresse du sénateur.
Les interventions hors sujet des élues du RN
Valérie Deloge (RN) se dit «dubitative» : «la politique zéro artificialisation net va empêcher de construire». Dans un propos plus politique que technique, la députée européenne appelle à développer «la ruralité» en mêlant différents sujets extérieurs au rapport et finit par fustiger l'implantation d'éoliennes.
Tout comme sa voisine, Audrey Lopez (RN) intervient hors sujet en évoquant le sujet des mobilités : «nous devons soutenir l'automobilisme».
«Je ne suis pas à moi tout l'Assemblée et le Sénat» rétorque Éric Houlley, «tout ce qui ira dans le sens des dérogations favorables à la réindustrialisation verte, nous le ferons». «Vous vous trompez d'interlocuteur !»
Selon Éric Houlley, «la loi est mauvaise»
«Nous nous inscrivons dans la volonté de mieux préserver nos espaces agricoles et nos forêts», déclare Catherine Barthelet (REN) mais «les efforts sont, pour certains territoires, inacceptables.»
«En Bourgogne-Franche-Comté, la garantie communale stérilise les deux tiers de la consommation foncière des dix prochaines années, reste un tiers à répartir entre les territoires de projets que nous avons choisi», explique Éric Houlley, «c'est la loi qui est mauvaise».
«Nous sommes la Région la plus impactée par cette prise de position qui,a u départ, part plutôt d'une bonne analyse mais, chez nous, donne ce résultat qui n'est pas bon», ajoute Marie-Guite Dufay.
Pour Rémy Rebeyrotte, «c'est une mauvaise réponse à une vraie et urgente question»
Gérald Gordat (HOR) préfère se focaliser sur le sujet de la logistique qui représente «un énorme avantage en termes de recettes foncières». L'opposant historicise le soutien au secteur : «il ne faut pas pénaliser les territoires ruraux qui ont eu du mal à obtenir les liaisons routières qu'ils ont défendus».
«On encadre le développement mais il n'y a pas dans la modification du SRADDET, il n'y a pas de règles d’interdiction», précise Éric Houlley.
Rémy Rebeyrotte (TDP) rappelle qu'il n'avait pas voté le ZAN quand il siégeait à l'Assemblée nationale : «c'est une mauvaise réponse à une vraie et urgente question». L'élu de Saône-et-Loire appelle à définir un cadre national avant de confier la mise en œuvre aux Régions plutôt qu'une «répartition technocratique» centralisée. Et de proposer de surseoir aux modifications du SRADDET. «Non, parce que nous sommes légalistes», réagit Éric Houlley.
Stéphanie Modde déplore «la mise en concurrence des territoires entre eux»
Amandine Rapenne (Cap 21) fait référence aux conséquences des récentes inondations : «nous devons soutenir les ambitions de la Région en matière d’artificialisation des sols».
«La moitié du territoire française était sous les eaux hier», relève Gilles Lazard (PCF). «À vouloir caresser dans le sens du poil les climato-sceptiques, on risque de prendre un retard préjudiciable au développement économique et à la préservation de l'environnement», estime le communiste.
Dans la même veine, Denis Hameau (PS) appelle à s'inspirer des «solutions» mises en place dans les territoires ultramarins. Ensuite, l'élu dijonnais incite l'exécutif à «revisiter» les schémas d'aménagement du territoire à l'aune de l'installation du siège de l'Organisation internationale de la vigne et du vin à Dijon.
Stéphanie Modde (LE) déplore «la mise en concurrence des territoires entre eux» : «nous devrions vraiment nous occuper d'arrêter l'artificialisation des sols, on sait que ça aggrave l'écoulement de l'eau». «Ce n'est pas parce que nous artificialisons davantage que nous aurons plus d'habitants dans notre région. (…) On devrait se positionner davantage sur les changements d'usage.»
«Les radicaux de gauche pensent le plus grand mal de cette loi ZAN», lance tout de go Patrick Molinoz (PRG), «pour autant, les objectifs poursuivis ne sont pas contestables». «La Région se retrouve entre le marteau et l'enclume», ajoute-t-il à l'adresse des sénateurs des Républicains, «la responsabilité nous imposait de ne pas ajouter de l'insécurité à l'insécurité».
«L'artificialisation des sols affaiblit les moyens d'agir sur le climat», martèle Éric Houlley
Nicolas Soret (PS) indique que la Bourgogne-Franche-Comté compte 35.000 hectares consacrés au développement économique dont 6.000 sont «immédiatement mobilisables». «Les 6.000 hectares, il faut qu'ils soient au bon endroit», bondit Alain Joyandet.
«L'artificialisation des sols affaiblit les moyens d'agir sur le climat», martèle Éric Houlley en conclusion des débats.
«L'Yonne est, depuis 30 ans, la grande poubelle de l'Île-de-France», expose Nicolas Soret
Pour sa part, en termes d'action publique, Marie-Guite Dufay insiste sur «le lien entre Plan déchets et ZAN».
«C'est grâce à ce plan régional de gestion des déchets que nous sommes en capacité de bloquer de façon réglementaire les flux de déchets qui nous arrivent du Val-de-Marne et de l’Essonne», expose ainsi Nicolas Soret, «l'Yonne est, depuis 30 ans, la grande poubelle de l'Île-de-France, ça ne peut plus durer ».
Les opposants désertent l'hémicycle au moment du vote
Après une interruption de session liée à la manifestation des Jeunes Agriculteurs et de délégations départementales de la FNSEA, les débats sur la modification du SRADDET reprennent.
Les élus du Rassemblement national devant présenter deux amendements étant absents de l'hémicycle, la présidente de la collectivité met aux voix ces textes sans présentation. Les amendements sont rejetés.
Parmi les rares opposants présents, les soutiens d'Emmanuel Macron et les membres du groupe présidé par Gilles Platret votent contre la modification du SRADDET qui est donc adoptée à une large majorité.
Modification du SRADDET en lien avec la trame verte et bleue
Par ailleurs, la vice-présidente Stéphanie Modde propose une modification de la trame verte et bleue de façon à se mettre en conformité avec la demande de la justice administrative qui avait annulé partiellement le SRADDET, le 12 janvier 2023, ce qui avait provoqué un psychodrame dans l'hémicycle, le 25 janvier suivant (
lire notre article).
L'écologiste souligne que des informations concernant notamment les couloirs de migration du Milan royal ont complété la dite trame verte et bleue.
Même si les modifications avancées paraissent «insuffisantes» aux yeux de Christophe Normier (MEI), élu du groupe présidé par Gilles Platret et connu pour son opposition au développement de l'éolien terrestre, le rapport est voté par les élus progressistes et la majorité régionale.
Jean-Christophe Tardivon