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18/11/2023 03:17

FRANÇOIS HOLLANDE : «Je pense que nous n’avons pas suffisamment mesuré l’impact des crises sanitaires et sécuritaires sur la psychologie des jeunes»

«On ne demande pas aux jeunes d’être des négociateurs ou des diplomates. Mais par contre, que les jeunes se mobilisent fraternellement pour la paix, ça serait bien», a déclaré l'ancien président de la République au sujet du terrorisme, lors d'une conférence de presse à la suite de sa venue aux internationales de Dijon, ce vendredi 17 novembre.
Il était l'invité tant attendu par les jeunes présents ce vendredi 17 novembre dans le salon des États du Palais des Ducs de Bourgogne à Dijon, à l'occasion des Internationales de Dijon. Après une prise de parole lors de cet événement, l'ancien Président de la République a donné une conférence de presse où des sujets comme la radicalisation et la santé mentale des jeunes ont été évoqués.


François Hollande :


Jeunesse et santé mentale

« Je pense que nous n’avons pas suffisamment mesuré l’impact de ces crises (de la crise sanitaire et aussi de la crise sécuritaire) sur la psychologie des jeunes. Encore aujourd’hui, il y a des jeunes qui ont été très marqué par le confinement, l’isolement mais aussi la pauvreté qui les a saisis. Le nombre de repas qui ont été distribués, dans des lieux où jusqu’à présent il n’y avait pas de soucis et les consultations de psychologue n’ont jamais été aussi nombreuses chez les jeunes. Les questions de maladies mentales sont devenues très préoccupantes.» 

«Ce qui est le plus dur à supporter pour la jeune génération, c’est surtout la crise sanitaire parce que ça a coupé les relations sociales. Ça a sûrement conduit les jeunes à être encore plus sur les réseaux sociaux. Je pense aussi que la crise climatique joue beaucoup sur leur santé mentale. Le sentiment de ne pas pouvoir maîtriser le danger principal qui pèse sur eux. Bien sûr il y a les guerres mais les guerres c’est toujours un peu lointain. Le climat on le vit au plus près. On a vécu des étés de sécheresses, des automne très pluvieux avec des inondations massives. Chaque génération est confrontée à une épreuve. Il n’y a pas une génération qui n’ait pas eu son épreuve. Mais pour eux, cette succession d’épreuves à créé des chocs successifs. C’est ceci qui me parait préoccupant.
En terme de réponse politique intérieur :  Je pense que les réponses sur les consultations psy' n’ont pas été suffisantes puisque ça a été plafonné en nombre et en rémunération pour les psychologues. Je pense aussi que les étudiants qui ont été coupés de toutes relations sociales il faut les aider. J’ai toujours été attentif aux politiques de jeunesse mais je pense qu’il est très important d’assurer à la jeunesse une confiance dans son destin. Alors même qu’elle n’est plus dominante dans les choix politiques. Je dis souvent que la grande majorité des électeurs ont plus de 50 ans donc les jeunes sont une catégorie très minoritaire. Ça veut dire que si on ne les installe pas comme étant une génération qui doit être soutenue, le risque c’est que dans les débats politiques on parle des Ehpad et des retraites mais moins de la scolarité et de la santé mentale. »


Politique étrangère

« J ’ai toujours pensé que la politique étrangère était à l’image de la politique intérieure. On ne peut pas distinguer politique étrangère de politique intérieure. Ce que je veux dire c’est que la politique étrangère est devenue une continuité de la politique intérieure. Avec les même ambigüités et les mêmes incompréhensions. C’est toujours bien de faire les deux à la fois mais à un moment il fait faire des choix. » 


Louis Arnaud (otage français détenu en Iran)

« François Rebsamen m’a alerté sur cette situation que je connaissais par ailleurs. Il y a trois de nos compatriotes qui sont retenus en Iran et je sais ce que peut représenter cette séparation pour les familles. Moi même en temps que Président de la République j’ai eu à connaître des situations comparables, soit des personnes en détention dans des pays qui n’étaient pas démocratique soit des otages et c’est toujours la même question. Est-ce que nous devons parler, alerter l’opinion ou est-ce que pour des raisons diplomatiques ou tactiques nous devons nous taire?  Là je crois qu’il fait en parler parce que les autorité Iranienne doivent comprendre que ce n’est pas un problème d’état à état, c’est un sujet qui intéresse des citoyens qui n’ont pas à vouloir négocier quoi que ce soit. Mais qui doivent montrer que si demain les relations avec l’Iran doivent changer de nature, il faut en finir avec ces détentions. »


Jeunesse et menace terroriste

 « Tout à l’heure il y a avait des jeunes qui étaient dans une autre salle, il n’y avait que des lycéens, et plusieurs d’entre eux m’ont demandé : « Qu’est-ce que vous nous conseillez de faire pour être utile?». Je leur ai dit de d’abord commencer par parler entre-eux. Même si ils ne sont pas d’accord sur des sujets, mais le fait d’évoquer des sujets qui ne sont pas si simples, ça permet de se comprendre. J’ai coutume de dire que dans ces épreuves le pire c’est le silence.
Sur le terrorisme, c’est vrai que la mort de deux enseignants en quelques mois a créé un traumatisme. Est-ce qu’il n’y avait pas des signaux qui auraient pu être détectés? C’est aussi ça qui est important. Il ne faut pas être dans la délation mais être dans l’identification des problèmes comme par exemple quand ils voient un jeune de leur classe qui est en train de décrocher, ou de se radicaliser...
 Je leur ai aussi dit qu’ils pouvaient manifester pour la paix. On a tous eu 20 ans et on à tous été pour la paix (c’est rare que les gens soient pour la guerre). Et ça aussi c’est une possibilité. On ne demande pas aux jeunes d’être des négociateurs ou des diplomates. Mais par contre, que les jeunes se mobilisent fraternellement pour la paix ça serait bien. »

Propos recueillis par Manon Bollery