
«Monsieur Loiseau est quelqu’un avec qui j’aurais aimé travailler. Sa manière de valoriser les produits a influencé ma propre cuisine», a confié, ce mercredi 2 octobre, Iulian Fistos, le nouveau chef de Loiseau des Ducs, restaurant dijonnais une-étoile au Guide Michelin, lors d'une interview accordée à Infos Dijon.

Depuis quelques semaines, une nouvelle voix résonne dans les cuisines du restaurant étoilé Loiseau des Ducs à Dijon. Cette voix, c'est celle de Iulian Fistos. Après avoir travaillé pendant 6 ans à La Côte-d'Or**, à Saulieu, et avoir fait un petit tour dans le Cantal, c'est à Dijon que le jeune chef originaire de Roumanie a posé ses valises.
À cette occasion, ce mercredi 2 octobre 2024,
Infos Dijon est allé à sa rencontre pour faire plus ample connaissance.
Pouvez-vous nous parler de vous, de votre parcours ?
« Je suis arrivé en France en 2010, grâce à une collaboration entre nos deux écoles hôtelières, celle que j’ai fréquentée en Roumanie et une école hôtelière en France. Il s’agissait d’une mise à niveau de nos diplômes déjà obtenus, puis d’une continuation pour le BTS. C’est ainsi que je suis arrivé en France. J’ai fait mon année d’école à Jean Monnet, à Limoges. Pour l’été, nous avons décidé de trouver un lieu de travail dans la région. J’ai eu la chance de commencer à travailler dans une maison familiale appelée “Au Moulin de La Gorce”, à La Roche-Labeille, près de Saint-Thierry-la-Perche. J’y suis resté six ans, aux côtés du chef Pierre Bertranet. J’ai travaillé dans son restaurant gastronomique ainsi que dans son bistro. Par la suite, il y a eu l’ouverture d’un troisième établissement où j’ai continué à travailler avec lui. Après ces six années, nous avons décidé de changer, de découvrir une autre région. La Bourgogne revenait souvent dans nos discussions, et j’ai voulu la découvrir. Je suis donc arrivé chez Loiseau en 2017, et j’y suis resté jusqu’en 2022. Après une petite escapade dans le Cantal, dans une très belle maison, le restaurant Serge Vieira, où je suis resté un an et demi, je suis revenu à Dijon, en Bourgogne. »
Selon-vous, quelles sont les valeurs qui définissent votre cuisine ?
« Je dirais qu’il s’agit avant tout de respecter les produits. J’aime travailler un produit dans son intégralité. Par exemple, si je prends un poulet, je vais aussi bien travailler la cuisse que le filet. Peu importe le produit que nous avons, il faut le valoriser. On peut prendre un produit accessible et lui donner une grande valeur, comme un chou, ou encore travailler une volaille fermière et lui apporter une certaine finesse. Même avec des produits comme le cochon, qui ne sont pas très présents dans la cuisine gastronomique, il y a beaucoup de choses à faire. La cuisine est vaste, toujours en découverte. Il y a constamment de nouvelles associations, de nouveaux produits, c’est ce qui rend ce métier passionnant. On peut jouer avec tellement de choses en cuisine. »
La Maison Loiseau aime mettre en avant la cuisine bourguignonne, comment parvenez-vous à marier tradition et innovation dans votre cuisine ?
« On peut toujours faire des essais en cuisine et découvrir des produits peu utilisés, mais il est important de valoriser ceux de la région. Dans chaque plat, on trouvera au moins un ingrédient local, que ce soit un alcool, une épice, ou un condiment. La Bourgogne regorge de trésors, comme la moutarde et le vin. Il y a donc beaucoup de choses à faire avec ces produits. »
Quels sont les produits que vous aimez le plus cuisiner ?
« Je n’ai pas de produit favori en particulier. J’aime tout découvrir. Il y a peut-être des ingrédients que je ne cuisinerais pas chez moi, mais cela ne m’empêche pas de les travailler au restaurant. J’aime particulièrement les plats mijotés, par exemple un boeuf bourguignon, qui est toujours meilleur le lendemain...»
Comment la cuisine de Bernard Loiseau influence-t-elle la vôtre ?
« C’est une bonne question... Je ne l’ai pas connu personnellement, mais dans ma première maison à Limoges, j’ai travaillé avec des collègues qui avaient travaillé pour lui. J’ai donc entendu parler de sa maison, et pour en savoir plus sur la gastronomie française, j’ai regardé des vidéos de lui. Ce qui m’a marqué, c’est son engagement total dans tout ce qu’il faisait. C’est quelqu’un avec qui j’aurais aimé travailler. Sa manière de valoriser les produits a aussi influencé ma propre cuisine. Le fait d’avoir passé six ans chez lui m’a permis de découvrir beaucoup de produits bourguignons et de continuer à vouloir valoriser cette région. »
Vous avez travaillé longtemps à Saulieu, dans la maison mère. Vous venez d’arriver à Loiseau des Ducs, comment vous imprégnez-vous de ce lieu ?
« Oui, c’est vrai que c’est un environnement différent. Là-bas, il s’agissait de deux étoiles Michelin, ici c’est une étoile et notre objectif est de la conserver. Ce n’est pas seulement une question de cuisine, c’est un ensemble de choses. Ici, l’équipe est plus petite, donc nous travaillons beaucoup en équipe. Contrairement à là-bas où chaque poste était bien défini, ici, on touche un peu à tout, tout le monde participe. C’est un grand changement dans la façon de travailler. À Saulieu c'est très carré mais ici on touche un peu à tout. »
Connaissiez-vous la ville de Dijon avant d'y travailler ?
« J’étais déjà passé quelques fois ici, mais j’aime surtout la campagne. Je venais de temps en temps pour une journée. Maintenant je me balade dans Dijon quand j’en ai l’occasion. C’est une très belle ville, j’aime bien le centre-ville.»
Pouvez-vous nous présenter la carte de Loiseau des Ducs ?
« Nous travaillons avec une petite carte, ce qui me permet de mieux gérer mes stocks et de limiter le stockage puisque la cuisine n’est pas très grande. Nous avons des livraisons quasi quotidiennes et nous utilisons principalement des produits frais. Mon objectif est de travailler uniquement avec des produits régionaux, même si certains peuvent encore venir de l’extérieur. Nous proposons trois menus. Par exemple nous avons un menu déjeuner appelé : “menu Vauban”. Il est composé d'escargots de Bourgogne avec une crème d’ail, et un velouté de cresson. Nous avons également un plat à base de canette des Dombes avec des légumes du potager des Ducs, situé à quelques minutes d’ici. Et pour le dessert, on propose actuellement La rhubarbe, la figue et la groseille, mais cela va bientôt changer. On travaille sur une carte courte qui peu changer assez souvent, suivant la saisonnalité. »
Vous avez mentionné plus tôt votre volonté de respecter la nature et d’éviter le gaspillage. C’est quelque chose qui vous tient à coeur ?
« Oui, tout à fait. Je n’aime pas gaspiller en cuisine. Par exemple, pour une volaille, j’utilise tout, même les os pour faire du jus. Avec les légumes, c’est pareil. Les côtes du chou, par exemple, je vais les caraméliser pour en faire un bouillon. On peut également utiliser les peaux des légumes, si elles sont bien lavées, pour les sécher et en faire des poudres. Il faut être honnête, il y a certains légumes dont on ne peut pas utiliser les peaux, mais il y a beaucoup de choses à faire. L’idée est vraiment de minimiser le gaspillage. »
Propos recueillis par Manon Bollery
Photographies Manon Bollery


