« Je suis très fière d'avoir mené cette conversion jusqu'au bout, et de pouvoir proposer un vin bio, même si cela signifie parfois moins de quantité à vendre. » a expliqué Ludivine Griveau lors d'une conférence ce mercredi 18 septembre à la cuveriez des Hospices de Beaune
Ce mercredi 18 septembre, une journée presse était organisée par les Hospices deBeaune. L'occasion pour nous, journalistes, de découvrir en immersion une journée de vendanges en suivant tout le parcours du raisin. La journée a débuté par une conférence où Ludivine Griveau, régisseur et vinificatrice du Domaine des Hospices de Beaune, nous a partagé avec passion et transparence son expérience du millésime 2024, une année marquée par des défis techniques et climatiques, mais surtout, par l'aboutissement de la conversion biologique du domaine...
Ce millésime 2024 revêt une importance particulière pour le domaine des Hospices de Beaune, puisqu’il s'agit de la dernière année de conversion bio. Un travail de longue haleine qui a débuté en 2017, avec l’arrêt progressif des intrants chimiques de synthèse et une modernisation des outils viticoles. « C'est 60 hectares d'un coup, c'est une mobilisation de toutes les équipes, c'est aussi l'aboutissement d'un long travail mené », explique Ludivine. La conversion biologique représente bien plus que trois ans d'efforts. C’est une transformation profonde du mode de travail, exigeant des ajustements techniques constants. « Les outils eux-mêmes ont dû être modifiés, optimisés, car s'engager dans le bio sans avoir validé un certain nombre de prérequis techniques ne servirait à rien », souligne-t-elle.
Un Millésime sous tension climatique
2024 n’a pas seulement mis à l’épreuve les équipes par la conversion bio, mais également par des conditions météorologiques particulièrement éprouvantes. Les précipitations ont atteint 87 % de plus que la normale, compliquant considérablement la gestion du vignoble. « Nos raisins ont été lessivés à de nombreuses reprises », raconte Ludivine, évoquant un véritable casse-tête pour protéger les vignes. « Cela a commencé en octobre dernier et il a fallu annuler des plantations à cause de la pluie incessante. »
Malgré une saison difficile, les équipes du Domaine des Hospices de Beaune ont fait preuve d'une détermination sans faille. Ludivine Griveau se montre reconnaissante envers son équipe, qui a su répondre présente à chaque alerte météo pour traiter les vignes au bon moment. « Envoyer un avis de traitement pour un 1er mai ou un dimanche après-midi, et voir tout le monde répondre 'pas de problème', c'est très appréciable. » Cette réactivité a permis de limiter les dégâts causés par le mildiou, un véritable fléau cette année.
Les défis de la conversion Bio face au mildiou
La lutte contre le mildiou a imposé un recours plus fréquent aux traitements à base de cuivre, un produit autorisé en bio mais dont l’utilisation est strictement réglementée. « Nous avons atteint 5 kg de cuivre métal par hectare cette année, au lieu des 4 kg autorisés », admet Ludivine Griveau, en précisant que cette dérogation était « un mal nécessaire ». Cette intensification des traitements, bien que cruciale pour protéger la récolte, n'est pas sans soulever des questions sur l'impact écologique, mais selon la régisseuse, « le bio n'est pas parfait, mais c'est 'moins pire'. »
Une année sous haute surveillance
Le millésime 2024, malgré toutes ces difficultés, n'est pas un « mauvais millésime », tient à rassurer Ludivine. Les vendanges, débutées le 13 septembre, confirment la qualité des raisins malgré une baisse de rendement dans certaines parcelles. « Nous avons des secteurs où les récoltes sont faibles, et d'autres où elles sont correctes », précise-t-elle.
Les conditions climatiques extrêmes ont mené à une hétérogénéité des maturités et des états sanitaires au sein des parcelles. « Il n’a jamais plu de la même façon à 300 mètres d'écart, et cela se reflète sur les vignes», observe Ludivine Griveau.
Un regard vers l'avenir
L'optimisme reste cependant de mise pour les Hospices de Beaune, qui clôturent cette dernière année de conversion biologique avec la fierté d'avoir mené ce projet à bien. « Je suis très fière d'avoir mené cette conversion jusqu'au bout, et de pouvoir proposer un vin bio, même si cela signifie parfois moins de quantité à vendre. » Ludivine espère que cette démarche s'inscrit dans une vision plus large de la protection des écosystèmes, un enjeu qu'elle relie à la notion de « One Health » : « Une approche intégrée qui vise à protéger la santé d'un écosystème global ».
Si le millésime 2024 ne sera peut-être pas une « année d’anthologie », il restera un jalon important dans l'histoire des Hospices de Beaune, marquant une étape décisive dans leur transition écologique. Ludivine Griveau et ses équipes sont désormais prêtes à relever les défis des années à venir, avec la conviction que chaque millésime, quel qu'il soit, peut être porteur de belles surprises et de leçons précieuses.
La nature commande
Ludivine souligne un point essentiel de la viticulture bio : malgré les efforts et les meilleures pratiques, la nature reste toujours maîtresse. « Je ne sais pas comment aborder 2025, déclare-t-elle, parce que moi j'ai dit que c'était vraiment neuf en termes d'inoculum à la vigne, de pression mildiou l'année prochaine, de savoir comment la vigne aura eu à déployer ses défenses naturelles pour lutter contre le mildiou cette année. » Cette incertitude témoigne de la complexité de la gestion bio, où chaque année apporte son lot de surprises et de défis.
Elle rappelle également que, malgré les efforts considérables, certaines pertes de récolte sont inévitables. Cependant, elle préfère éviter le terme « perte de récolte », qui pourrait sous-entendre un échec des pratiques viticoles : « Je n'aime pas dire perte de récolte. C'est comme si on l'avait vue qu'on avait mal travaillé, puis qu'on l'avait perdue. »
L'importance de la biodiversité
En abordant la question de la biodiversité, Ludivine confirme que cela fait partie intégrante de la stratégie des Hospices de Beaune. « On est adhérents à l'association paysage de Corton, qui est très tournée vers la biodiversité. » L’implication va au-delà de la viticulture : des projets de plantation d’arbres, la gestion raisonnée des fauchages, et même la participation à des études sur la faune locale, comme l’observation des chauves-souris, font partie du quotidien du domaine.
La réglementation abeilles, qui s'appliquera à partir de 2025, est un autre exemple des changements à venir dans la gestion des vignes. « Pendant la floraison, il y aura des restrictions sur les traitements pour protéger les pollinisateurs, même si la vigne elle-même n’est pas très attractive pour les abeilles. » Ces évolutions montrent que l’engagement vers une agriculture plus respectueuse des écosystèmes est une priorité pour le domaine.
Des techniques en évolution permanente
Ludivine évoque aussi les ajustements techniques nécessaires pour s’adapter aux conditions climatiques difficiles, notamment la gestion du cuivre, un élément clé en viticulture bio pour lutter contre les maladies comme le mildiou. Cependant, des phénomènes comme la rosée ont activé prématurément le cuivre, réduisant son efficacité au moment critique. « On a perdu des quantités de cuivre à cause de la rosée, qui a activé notre cuivre trop tôt. »
Cela montre à quel point la gestion d’un domaine viticole est complexe et sensible aux moindres variations climatiques. Les équipes des Hospices de Beaune travaillent avec minutie pour comprendre ces mécanismes et ajuster les interventions en conséquence. Comme le souligne Ludivine, il s'agit parfois d'accepter de « ne rien faire », car intervenir dans de mauvaises conditions pourrait être plus préjudiciable.
Entre optimisme et réalisme
Malgré les nombreux défis, Ludivine Griveau et ses équipes restent optimistes. La transition bio, bien que difficile, est une avancée majeure pour le domaine, et la qualité des vins reste la priorité. « Quand la nature marque un point, c'est quand même elle qui commande. » Une phrase qui résume bien la philosophie du travail au Domaine des Hospices de Beaune : respecter la nature, s’adapter à ses caprices, et apprendre à chaque millésime.
La fin de l'année 2024 approche avec un sentiment d’accomplissement, malgré les pertes dues aux conditions climatiques extrêmes. Les équipes se préparent déjà pour l’épisode suivant, en espérant que 2025 sera plus clémente et permettra de récolter les fruits des efforts investis dans la transition écologique du domaine.
Manon Bollery
©Manon Bollery