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17/05/2022 03:28
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LÉGISLATIVES : L'étrange email de Maître Ponelle

Candidat du Rassemblement National en Côte-d'Or, Jean-Marc Ponelle, avocat de profession, inscrit au barreau de Paris, a recours à une communication qui laisse pour le moins laisse perplexe alors que le parti cherche à se «dédiaboliser». Décryptage avec Infos Dijon.
Dans un autre siècle, aux glorieux temps du punk-rock, certains artistes occidentaux ont eu le génie de choquer le bourgeois en adoptant des références crypto-nazies durant la période de récession économique consécutive aux chocs pétroliers de 1973 et 1979.

Parallèlement, alors que la mémoire des centres d'extermination nazis a été relativement étouffée dans l'immédiate après-Guerre – une fois passé le procès de Nuremberg en 1945-1946 –, trente ans après, toute une nouvelle génération s'empare des archives pour exercer un devoir historique. Ainsi, Claude Lanzman tourne «Shoah» entre 1976 et 1981 (sorti en salles en 1985).


Joy Division engendre New Order


Dans ce contexte, entre punk et new wave, le groupe Joy Division est fondé en 1976 par Ian Curtis, chanteur au sombre charisme, à Manchester, en Angleterre. Joy Division est la traduction de l'allemand «Freudenabteilung», terme désignant une partie des camps de concentration organisant l'exploitation sexuelle de détenues par l'armée allemande.

En 1980, Ian Curtis se suicide par pendaison. Les autres membres du groupe poursuivent dans la même veine sous la bannière New Order, «Neuordnung» en allemand, le nouvel ordre que devait imposer le IIIème Reich après avoir conquis le monde. Le manager du groupe écarte alors régulièrement les polémiques en disant ignorer la signification du terme.

Ludwig von 88 fait rager les néonazis


En France, à la même époque, le groupe punk Bérurier Noir attire les redskins, le pendant communiste des skinheads néo-nazis, avec des titres aux références anarchistes, communistes et antifascistes explicites. Produisant maints avatars, le groupe voit partir un guitariste, Olivier «Olaf» Felingstone qui fonde en 1983, avec Laurent Manet, Ludwig von 88, évoluant toujours dans un esprit punk mais teinté cette fois de fantaisie et de dérision.

Le temps passant, l'empilement de références pour dénommer une formation se complexifie. «Ludwig von» renvoie à la passion d'Alex, jeune personnage ultra-violent du film «Orange mécanique» de Stanley Kubrick (1971), pour le compositeur allemand Ludwig von Beethoven.

«88» n'est rien moins que le codage numérique de «HH», le H étant la 8ème lettre de l'alphabet, signifiant à son tour «Heil Hitler». Cette fois, la référence est assumée par les membres du groupe qui voient là une façon d'agacer tout à la fois les petits-bourgeois et les fachos. Les premiers concerts étant régulièrement animés par des heurts entre skins et redskins.

Interdictions de certaines combinaisons de chiffres en Allemagne et en Autriche


Si l'Angleterre ou la France tolèrent l'exploitation musicale de ces références cryptées, il n'en va pas de même en Allemagne ou en Autriche, pays profondément meurtris par le régime nazi.

Depuis des émeutes racistes survenus en 1992 à Rostock, ville d'ex-RDA, les autorités passent au crible et interdisent à tour de bras les titres et groupes crypto-nazis.

Constatant que les indications se glissaient partout pour aider les partisans à se reconnaître, l'Autriche a décidé en 2015 d'interdire une série de messages codés sur les plaques d'immatriculation des véhicules. NSDAP, SS, 18 («AH» pour «Adolf Hitler») et, bien sûr, 88. En Allemagne, HJ («Hitlerjugend», Jeunesses hitlériennes), NS (version courte du NSDAP) et KZ («Konzentrationslager», camp de concentration) sont également bannies.

Le «signe du diable» contrevient à la «dédiabolisation» du RN


En termes de communication, a fortiori de communication politique, intégrer la portée de ces références revêt donc une grande importance. À l'heure de la «dédiabolisation» du Rassemblement National, parti qui essaie de se défaire de son étiquette d'extrême-droite comme certains d'un sparadrap sur le visage ou d'un chewing-gum sous la chaussure, pourquoi l'avocat Jean-Marc Ponelle a-t-il retenu «jeanmarcponelle88» comme identifiant d'un email de campagne ? (lire le communiqué)

Interrogé par Infos Dijon, le candidat du RN aux législatives sur la quatrième circonscription de la Côte-d'Or a confirmé n'avoir «pas de lien» avec les Vosges (88ème département français), avoir choisir «le premier chiffre qui [lui ] est passé par la tête» et confesser qu'il voyait là «éventuellement le signe du diable» (le «nombre de la Bête», étant pourtant, dans l'Apocalypse, «666»).

L'avocat inscrit au barreau de Paris a ouvert le compte «bien avant les législatives» et a choisi lui-même les chiffres puisque, chez le prestataire en question, l'identifiant similaire avec 86 ou 87 est disponible.

Après «l'hésitation» de Mélanie Fortier lors de son premier débat télévisé, le 8 mai dernier, durant l'émission locale «Dimanche en politique» de France 3 Bourgogne-Franche-Comté (retrouver l'article), après deux remplacements de candidats au pied levé (lire notre article), cette erreur de communication confirme l'amoncellement de nuages noirs sur la campagne du parti de Marine Le Pen en Côte-d'Or.

Jean-Christophe Tardivon

Droit de réponse de Jean-Marc Ponelle


Deux changements parmi les candidatures du Rassemblement National



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