> Bourgogne - Franche-Comté > Bourgogne - Franche-Comté
30/11/2021 03:24

MOBILITÉ : Les TER économisent de l'énergie avec Opti-conduite

«Opti-conduite améliore la régularité, l'économie d'énergie et le confort», résume Florent Boulet, conducteur de TER, à propos d'une application numérique qui s'inscrit dans le plan de réduction de gaz à effet de serre de SNCF TER en Bourgogne-Franche-Comté.
Rouler pendant plusieurs minutes sans consommer d'énergie, c'est l'objectif du dispositif Opti-conduite qui sera généralisé par la SNCF dans les TER de Bourgogne-Franche-Comté d'ici la fin de l'année. Il s'agit de contribuer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre de la SNCF.

Le temps d'un focus sur la nouvelle méthode de conduite, la rédaction d'Infos Dijon a été exceptionnellement autorisée à suivre un trajet Dijon-Chalon-sur-Saône auprès du conducteur.

Plus de TER, moins de CO2


«TER SNCF est déjà une entreprise vertueuse en terme environnemental», indique Maud Fontaine, cheffe de projet Planeter pour la SNCF TER en Bourgogne-Franche-Comté, «on fait tout le nécessaire pour encore réduire nos émissions de CO2».

En 2020, SNCF TER a lancé le plan Planeter pour développer plus de TER et produire moins de CO2. L'entreprise s'engage à «réduire ses émissions de CO2 de 12% d’ici à 2025 (soit 6.000 tonnes en moins), à baisser d’un tiers l’empreinte carbone des passagers et à éviter des émissions de CO2 en convainquant les automobilistes de prendre le train».

Selon SNCF TER, «le train régional est un mode de transport intrinsèquement écologique : il permet aujourd’hui de laisser au garage des milliers de voitures chaque jour».

Alors que le secteur des transports représente un tiers des émissions de CO2 en France, la part dévolue aux TER est de 0,5%. Transportant 11% des voyageurs, la SNCF présente donc les TER comme déjà «vertueux».

En Bourgogne-Franche-Comté, 40% des motrices TER fonctionnent au gazole, 30% sont uniquement électriques et 30% bimodes. En France, environ la moitié des lignes sont électrifiées.

Avec Opti-conduite, «on gagne en fluidité, on économise l'énergie»


Parmi les actions concrètes, Opti-conduite représente un quart des objectifs de réduction de gaz à effet de serre. Il s'agit d'une application qui s'ajoute à Sirius NG (Système Informatique Regroupant les Informations Utiles au Service des conducteurs Nouvelle Génération), le tableau de bord des agents de conduite conçu par le prestataire informatique Usabilis et implanté sur des tablettes numériques Apple.

«Il donne des indications au conducteur pour mieux conduire, mieux profiter du relief pour conduire au point mort par analogie avec la voiture», explique Maud Fontaine, «on gagne en fluidité, on économise l'énergie, on évite les engorgements».

Une première expérimentation s'est déroulée à Laroche-Migennes en 2020. Depuis, les 400 conducteurs de Bourgogne-Franche-Comté sont en passe d'avoir reçu une journée de formation. La généralisation de son usage sera donc effective en cette fin d'année 2021.

En plus des données affichées par SIRIUS, Opti-conduite apporte une information supplémentaire sur le bon moment pour accélérer ou être en roue libre, en «marche sur l'erre» dans le jardon cheminot, en référence à l'univers nautique. «En général, c'est plutôt perçu comme un outil qui aide», analyse Maud Fontaine.

Aux manettes d'un Bombardier 81500


Agent de conduite à Dijon depuis douze ans – avec un bac pro électrotechnique en poche – Florent Boulet est aux manettes d'un automoteur à grande capacité (AGC), le canadien Bombardier 81500 – bimode avec deux moteurs Diesel et quatre moteurs électriques fonctionnant en 1.500 volts – pour un trajet aller-retour entre Dijon et Chalon-sur-Saône ce mardi 23 novembre 2021.

Lors de sa préparation de mission, Florent Boulet entre le modèle du train. Connaissant le profil géographique de la voie avec des pentes et ses descentes, Opti-conduite calcule alors les moments d'accélération ou de stabilisation en vitesse. Grâce à la géolocalisation du train, les paramètres sont ajustés en temps réel par exemple en fonction des arrêts plus longs que prévus en gare ou bien des ralentissements sur les zones de travaux.

Sur ce train équipé pour un agent seul, le conducteur gère l'ouverture et la fermeture des portes. Une partie des indications voyageurs sont automatisées, d'autres sont effectuées par le conducteur comme les éventuels arrêts en pleine voie.

Indication de la vitesse de référence


À 7h25, le train démarre alors que soleil point à peine à l'horizon. Après plusieurs jours successifs de brouillard, le conducteur peut de nouveau profiter d'une visibilité dégagée sur les beaux paysages de Bourgogne. «Chaque ligne a son identité», note-t-il. Un signal orange apparaît au loin, le passage requière toute son attention et le silence doit se faire dans la cabine.

La vitesse de la voie est affichée sur des panneaux en bordure de ballast et reprise sur la tablette du conducteur. Une foie passés les aiguillages en sortie de la gare de Dijon-Ville, Florent Boulet accélère rapidement pour atteindre l'allure de 140 km/h. Par la suite, il atteindra 160 km/h, vitesse maximum des TER sur la ligne Dijon-Chalon.

À l'approche de la gare de Gevrey-Chambertin, Opti-conduite reprend là aussi les signaux de la voie et signale le bon moment pour débuter le freinage. Un bandeau bleu apparaît alors. Cependant, à 1,2 km d'une gare, Opti-conduite est systématiquement désactivé pour ne pas perturber l'attention du conducteur. Idem quand la vitesse descend en-dessous de 35 km/h.

«C'est un module qui vient se greffer à la fiche train Sirius et qui nous indique la vitesse de référence à appliquer pour respecter l'horaire du sillon – l'horaire du train – tout en économisant le maximum d'énergie possible», explique à son tour Florent Boulet.

Être en roue libre le plus longtemps possible


Les conducteurs de voitures hybrides ne seraient dépaysés : il s'agit de monter rapidement en vitesse pour ensuite profiter de la pénétration dans l'air et consommer de l'énergie uniquement pour stabiliser la vitesse du véhicule.

La différence par rapport à la route étant que, sur rail, les frottements sont très réduits et que la résistance à l'air du B 81500 est faible. «Le but d'Opti-conduite est de nous faire réaliser des marches sur l'erre les plus longues possible», souligne le conducteur. Cela peut atteindre plusieurs kilomètres. Bénéfice secondaire, les pièces de freinage sont également moins sollicitées donc s'useront moins rapidement. Par conséquent, le confort des voyageurs est amélioré.

Sur une autre ligne, entre Sens et Joigny, Florent Boulet a constater de longues périodes propices à la marche sur l'erre : «pendant quinze minutes, j'ai transporté des voyageurs sans consommer d'énergie pour le moteur et je suis arrivé à l'heure».

«Avant, c'était à moi de calculer à quelle vitesse circuler, Opti-conduite va vraiment optimiser cette partie de marche sur l'erre, à quelle vitesse monter, pendant combien de temps, et après être en marche sur l'erre et pendant combien de temps», explique le conducteur. La dimension intuitive est ainsi systématisée par le logiciel.

Le logiciel intègre également les approches des bifurcations et permet d'anticiper celles-ci pour éviter d'avoir à arrêter le train le temps d'une fermeture de la bifurcations. Dans ce cas, c'est la sécurité du parcours qui est également améliorée. «Opti-conduite améliore la régularité, l'économie d'énergie, l'usure du matériel et le confort», résume Florent Boulet.

Dijon-Chalon en TER, un trajet A+++


Gevrey-Chambertin, Beaune, Rully... les gares s’égrènent le long du parcours où Florent Boulet fait régulièrement un petit signe aux autres conducteurs croisés à bord qui d'un Corail, qui d'un TGV.

Durant le trajet Maud Fontaine aborde les autres actions menées par SNCF TER pour réduire les émissions de CO2 : l'écoconduite des véhicules professionnels des agents, le recours au numérique pour organiser le plan de transport de l'entreprise et l'optimisation des capacités des trains de voyageurs. «On veut rendre le voyageur actif dans le choix de sa mobilité», annonce Maud Fontaine.

Tout comme les étiquettes énergétiques des appareils électroménagers ou les diagnostics techniques des appartements, la SNCF envisage de communiquer en 2022 avec une échelle de consommation plus ou moins carbonée en fonction des modes de mobilité choisis pour effectuer un trajet.

Ainsi, la ligne électrifiée Dijon-Chalon de 68 km est évaluée en A+++ avec 5,2 gCO2/km. Sur cette ligne, Opti-conduite fait gagner 10% d'énergie en l'absence d'événements lors du trajet, soit une consommation de 428 kWh. L'équivalent sur une ligne non-électrifiée serait de 122 litres de gazole.

L'Écostationnement, une démarche complémentaire


Un autre dispositif concerne le fonctionnement des trains à l'arrêt ; il s'agit d'Écostationnement. Si un train à moteur thermique reste plus de 30 minutes à quai, en fonction des conditions météo, un conducteur peut dorénavant couper les moteurs.

La consommation du moteur d'un train immobilisé représente un tiers de celle d'un train en mouvement. Aujourd'hui, l'évolution technique du matériel facilite les possibilités d'arrêter et de redémarrer un moteur de train par rapport aux modèles plus anciens.

Pour l'avenir, la SNCF se penche également sur les agrocarburants (à partir de déchets végétaux de colza) et l'hydrogène.

Engagements en cohérence avec la Région


L'ensemble des aspects de Planeter s'inscrivent dans les engagements environnementaux du conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté qui est l'autorité organisatrice des mobilités sur le territoire. La Région ayant elle-même ses ambitions de réduction de gaz à effet de serre.

Arrivé à Chalon-sur-Saône, une fois les passagers descendus, l'agent d'escale indique au conducteur quel quai il doit gagner à la suite d'une évolution faisant changer de voie au train. Quelques instants plus tard le B 81500 est prêt à accueillir à bord de nouveaux passagers, parfois des cyclistes, pour rallier la capitale régionale.

Jean-Christophe Tardivon