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27/01/2022 20:12

MOBILITÉS : La Région Bourgogne-Franche-Comté vote l'ouverture à la concurrence des TER

Le débat a traverse la majorité et les oppositions du conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté ce jeudi 27 janvier. Les élus régionaux ont adopté le calendrier conduisant à la fin du monopole de la SNCF sur le service aux voyageurs.
Officiellement, le principal sujet de la session du conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté de ce jeudi 27 janvier 2022 concernait le «service régional de transport ferroviaire». Un service qui sera délégué à un ou plusieurs opérateurs de mobilité.

C'est donc, de facto, le processus conduisant à la fin du monopole de la SNCF sur la circulation des TER qui a été votée ce jour par une majorité d'élus régionaux.

On a pu compter quelques entorses aux disciplines de groupes mais, dans l'ensemble, les socialistes, les écologistes et les Marcheurs – pourtant dans l'opposition – ont voté pour tandis que les communistes – pourtant dans la majorité – et les élus du Rassemblement National ont voté contre. Les élus de la droite et du centre se sont abstenus.

«Donner des solutions de mobilité aux mêmes tarifs à l'ensemble des habitants»


Comme l'explique Michel Neugnot (PS), premier vice-président en charge notamment des transports, en introduisant les débats, le dossier aurait dû être voté en juin 2021 mais a été décalé du fait même du report des élections régionales.

«La politique de mobilités que nous menons vise à donner des solutions de mobilité aux mêmes tarifs à l'ensemble des habitants du territoire», indique Michel Neugnot en préambule. À l'heure actuelle, la Région subventionne 74% du prix du billet de TER.

«La solidarité régionale s'exerce parce qu'il y a un tarif unique. Le service de transport reste le même sur l'ensemble du territoire et quel que soit l'opérateur, ce sera le même prix», assure-t-il.

Plusieurs étapes vont jalonner le processus jusqu'au 1er janvier 2026, de la pré-information à partir de février 2022 jusqu'au choix des candidats retenus en 2024.

Actuellement, SNCF Mobilité exploite 17 lignes. Elles ont été regroupées en 11 éléments fonctionnels. À partir de là, entre quatre et huit lots seront définis. Plusieurs niveaux de maintenance sont à préciser.

Concernant la commercialisation du service et la distribution, «l'anticipation est faite et va être rodée jusqu'en 2025» pour que «en 2026, rien ne change» avec la plateforme Mobigo et la billetique M-Ticket. «C'est l'équivalent de SNCF Connect lancé il y a deux jours au niveau national et il y aura des connexions à avoir entre les deux», signale Michel Neugnot. L'outil intègrera l'ensemble des solutions de mobilité, dont les TER.

Les monopoles de la SNCF sur les gares et le réseau ferroviaires perdurent : «on garantit le monopole de la SNCF sur ces deux sujets là jusqu'en 2036», insiste le premier vice-président. Aujourd'hui, SNCF Réseau compte environ 3.600 salariés en Bourgogne-Franche-Comté, SNCF Gares & Connexions 150 et SNCF Mobilités 1.800.

«La SNCF s'est mise en situation»


«Ce n'est pas une privatisation. La privatisation, c'est ce qui s'est passé sous Thatcher où Thatcher a vendu l'ensemble du réseau ferroviaire au privé. On est loin de ça», martèle Michel Neugnot qui réagit aux accusations de dumping social lancées par l'intersyndicale et renvoie à la loi LOM et aux accords de branche.

Le premier vice-président se dit prêt à envisager les «aspérités» mais récuse le risque d'affaiblir la SNCF : «la SNCF s'est mise en situation par une réorganisation forte qui pose des difficultés au niveau des agents. Je salue les efforts qui sont faits à ce niveau par la SNCF. Des efforts qui produisent de bons résultats et qui ont permis d'avoir d'énormes gains de productivité».

Une réorganisation qui n'est qu'«à mi-chemin» même si beaucoup de salariés vont rester «dans le giron de la SNCF». Une filiale de SNCF Voyageurs dédiée aux TER devrait être créée.

Au passage, l'élu socialiste défend la loi LOM votée durant le quinquennat de François Hollande pour «aller au bout de la logique que l'on avait pour donner un rôle d'autorité organisatrice [aux Régions] au même titre que les Métropoles l'ont actuellement».

Les Républicains aspirent à «améliorer progressivement le transport ferroviaire»


Dans les rangs du groupe de l'Union des républicains et du centre et écologistes indépendants, Jean-Marie Sermier (LR) exprime sa solidarité avec la SNCF et les cheminots.

«Le ferroviaire est un élément modérateur et qui permet une péréquation pour les territoires ; (…) c'est aussi un élément essentiel pour la lutte contre le réchauffement climatique. (…) On doit être capable avec la concurrence d'améliorer progressivement le transport ferroviaire. On doit aussi être capable de le payer au juste prix», déclare-t-il ensuite.

L'élu des Républicains souligne la possibilité de «moduler cette ouverture» afin de «réécrire une convention avec SNCF pour prévoir d'un certain nombre de lots à la concurrence et permettre que les autres lots soient maintenus dans le giron de SNCF pendant dix ans».

Une suggestion qui fait réagir Marie-Guite Dufay, évoquant des expertises juridiques, qui se refuse à engager un marché de 3 milliards d'euros sur «une situation de risque» : «cette modulation que vous avez appelé de vos vœux n'est pas possible». «Si elle l'est», reprend Jean-Marie Sermier hors micro. «C'est faux», lance également le communiste Patrick Bli.n

Jacques Grosperrin (LR) revient sur l'exemple de la Région PACA qui voulait «challenger la SNCF» en expérimentant la concurrence sur un tiers du réseau et considère comme une «occasion manquée» le fait de ne pas avoir lancée en 2018 une telle expérimentation en Bourgogne-Franche-Comté.

Céline Bähr (LR) annonce qu'elle soutiendra la démarche «à titre personnel» : «l'ouverture à la concurrence, ce n'est pas l'abandon du service public, c'est la Région qui définit le cahier des charges». Pour l'élue icaunaise, «il y a urgence à améliorer la qualité de services pour les voyageurs de l'Yonne».

À partir de l'exemple de la régie de l'eau à Vesoul, en Haute-Saône, Alain Joyandet (LR) présente une position personnelle : «à partir du moment où il y a un service essentiel, ce doit être le service public, l'eau, l'énergie, les mobilités». «Les expériences que nous avons eues récemment, qui consistent à faire entrer la concurrence dans l'énergie, montrent bien que l'usager n'y a rien gagné, l'opérateur historique non plus», poursuit-t-il.

Dans la foulée, Alain Joyandet raille «les changements de doctrines de la gauche qui renationalisait en 1981 et, aujourd'hui, qui explique qu'il faut tout donner aux entreprises parce que ce sera mieux». «Je suis contre ce qui se passe» mais «je ne vais pas refaire la loi», tempête-t-il, «je vais voter avec mon groupe».

Tout en s'amusant des arguments du «camarade Joyandet», Gilles Platret (LR) considère que «tout le monde a envie de tendre vers le bénéfice pour l'usager». En montrant un tract, l'élu des Républicains salue la position «responsable» de l'intersyndicale. «Ok, on y viendra tous, il faut y arriver du meilleur moyen possible», ambitionne Gilles Platret qui demande à «prendre plus de temps».

«Une descente aux enfers du rail en Bourgogne-Franche-Comté», selon le Rassemblement National


«Nous assistons à une descente aux enfers du rail en Bourgogne-Franche-Comté», s'exclame Richard Ricciardetti. L'élu du Rassemblement National fustige «une ouverture brutale à la concurrence voulue par Bruxelles» qui se fera «au mépris des voyageurs et des territoires des plus ruraux». Le populiste se dit «fortement engagé dans la défense du service public ferroviaire».

Pascal Blaise (RN) s'est penché sur les rapports évaluant l'ouverture à la concurrence du rail en Europe. Selon lui, «le bilan est négatif». Il demande donc d'«imposer un cahier des charges très ferme au nouvel opérateur».

Pour les communistes, «c'est la politique du moins disant qui l'emporte»


Pour sa part, le communiste Patrick Blin (PC) insiste sur la «demande de l'Europe» alors qu'avec cette libéralisation du marché, «les actionnaires vont faire fonctionner le service public comme une entreprise».

Les communistes ne demandent pas à «sortir de la légalité», renvoyant à «une ordonnance du 12 décembre 2018» sur la gestion de l'infrastructure ferroviaire et aux cabinets d'avocats travaillant pour les syndicats.

Il apparaît alors que Marie-Guite Dufay s'inquiète d'accusations potentielles de «favoritisme» en cas d'abrogation-reconduction de la convention avec la SNCF lui permettant de conserver son monopole au-delà de 2026.

Patrick Blin poursuiit en alertant sur les hausses de coût pour la collectivité : «la baisse des coûts ne se fait que par l'organisation et la masse salariale. (…) C'est donc la politique du moins disant qui l'emporte».

Le communiste souligne «l'expertise syndicale» ayant contribué à relancer les trains de nuit et demande donc un «reconventionnement» avec la SNCF.

Dans une brève intervention, Muriel Ternant (PC) rappelle que des Régions ou des pays européens «sont en train de rebrousser chemin». Selon la communiste, le danger est qu'un lot ne trouve pas preneur : «le projet a du plomb dans l'aile». L'élue de la majorité appelle la présidente à «changer d'avis».

Les Marcheurs s'interrogent sur «les effets induits»


Le Nivernais Denis Thuriot (LREM), président du groupe d'opposition des élus progressistes, sollicite des réponses sur «les effets induits» de cette libéralisation notamment sur l'activité de maintenance et, en particulier, sur les sites de Nevers et Varennes-Vauzelles, dans la Nièvre. Lui aussi, regrette l'absence d'une expérimentation.

L'avocat de profession demande également «la vérité» sur les avis juridiques qui sont «parfois interprétatifs et divergents» tout en disant «entendre le risque de favoritisme».

Hicham Boujlilat se dit «persuadé qu'une autre voie est possible»


Un autre Nivernais, siégeant, lui, dans la majorité, Hicham Boujlilat (PS) intervient pour rappeler que le  débat sur l'ouverture à la concurrence a «malheureusement» été tranché par la Commission européenne, aboutissant à «échec».

Dans ce contexte, «comment passer du tout SNCF au tout concurrence qui nous est imposé par la loi ?», demande-t-il. Évoquant sa «vigilance» sur le dossier, Hicham Boujlilat se dit «persuadé qu'une autre voie est possible» sous la forme d'une convention «de trois à six ans». «Je regrette la voie à sens unique proposée dans ce rapport, celle du tout concurrence dès 2026», lance-t-il à la présidente en demandant de «retirer» et «retravailler» le dossier.

Les écologistes veulent «un haut niveau de service public»


Pour le groupe des Écologistes et solidaires, Claude Mercier (EELV) évoque «une obligation réglementaire». «Si on doit un peu sauver le soldat TER, c'est parce qu'on porte les choix effectués par le passé [sur le tout TGV]», analyse l'écologiste qui voit néanmoins là l’opportunité de mettre en cohérence la «régionalisation» des mobilités afin d'aller vers «une offre TER intelligente qui permettra 'abandon de la voiture individuelle». Lui aussi, se dit «vigilant» pour inscrire dans le futur cahier des charges «un haut niveau de service public» accompagné d'une «exigence sociale».

Ce qui amène Claude Mercier à proposer que les usagers participent à l'élaboration du cahier des charges au travers de «comités citoyens TER». Par sa voix, les écologistes assument de «ne pas jouer la montre» : «oui il faut y aller avec de grosses précautions, le véritable enjeu pour nous c'est que le rail se développe».

«Il n'y a pas de bon ou de mauvais service public», selon les socialistes


«La concurrence s'impose à nous», constate Jérôme Durain (PS), président du groupe de la majorité Notre région par cœur, «on n'a plus le choix du calendrier». Le socialiste entend écarter la «morale» du débat – «il n'y a pas de bon ou de mauvais service public» – pour se concentrer sur les critères du cahier des charges : sécurité, juste coût, attention portée aux cheminots.

«Aujourd'hui, tout peut commencer, (…) c'est maintenant que l'on va avoir besoin de travailler avec les syndicats. (…) On est à un changement de modèle. (…) Je nous fais confiance, à notre majorité, à tous les élus de cette assemblée, pour que cette ouverture, que l'on ait voulue ou non, soit respectueuse de tout ce que l'on a à cœur».

Mettant en avant ses «valeurs personnelles», Patrick Ayache (PS) indique qu'«une délégation de service public, ce n''est pas une privatisation, c'est le prolongement du service public ; (...) il ne faut pas entretenir cette confusion». «La SNCF restera entièrement détenue par l’État», ajoute-t-il.

L'élu régional se dit attentif à «la qualité du service rendu aux usagers». ET de prendre l'exemple des liaisons Marseille-Nice qui ont doublé après l'ouverture à la concurrence. «Dans ce monde, l'émulation humaine est nécessaire, je ne suis pas convaincu que le monopole est une bonne solution», conclut le socialiste.

Marie-Guite Dufay entend «montrer le chemin le plus responsable»


En reprenant la parole pour répondre aux élus régionaux, Michel Neugnot poursuit son travail de persuasion : «le challenge entre opérateurs, l'innovation qui peut être apportée, est un facteur de progrès global».

Au terme d'un «débat complexe», Marie-Guite Dufay entend «montrer le chemin le plus responsable», celui permettant à la collectivité d'«exercer pleinement» son rôle d'autorité organisatrice des mobilités : «aujourd'hui, ce qui est déterminant, c'est que nous construisions un service qui soit le plus bénéfique possible à l'usager».

Dossier adopté avec 55 voix sur 100


Juste avant le vote final, un amendement du Rassemblement National propose de «résilier à l'amiable la convention en cours». Les communistes soumettent un amendement similaire. Même si les deux amendements sont rejetés, l'on peut noter que les élus du Rassemblement National ont soutenu le texte porté par les communistes.

Après un vote nominatif,  sur 100 conseillers régionaux, l'on décompte 55 voix pour venant des groupes Notre région par cœur, Écologistes et solidaires et des élus progressistes. 17 abstentions venant de l'Union des républicains et du centre et écologistes indépendants mais pas seulement puisque Patrick Molinoz (PRG-Centre gauche) notamment s'est aussi abstenu. 27 contre venant du Rassemblement National et du groupe des élus communistes et républicains. Hicham Boujlilat (PS) a voté contre tandis que Céline Bähr (LR) a voté pour. François-Xavier Dugourd (LR) n'a pas pris part au vote.

Jean-Christophe Tardivon

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