
«Une seule boussole : le service aux voyageurs», a martelé l'exécutif de
la Région Bourgogne-Franche-Comté, ce vendredi 16 mai, à Dijon. La
nouvelle offre de SNCF
Voyageurs propose ainsi 34 trains hebdomadaires supplémentaires à Nevers, 109 à Beaune,
30 à Montceau-les-Mines, des trajets réduits de 10 minutes entre Le
Creusot et Chalon-sur-Saône ou encore 2 allers-retours de plus entre
Chalon-sur-Saône et Dijon.
Onze ans après l'enclenchement d'une démarche de libéralisation du secteur ferroviaire par l'Union européenne, la Région Bourgogne-Franche-Comté a débuté son ouverture à la concurrence progressive des services ferroviaires en confiant à SNCF Voyageurs une première concession de service public pour le lot Bourgogne ouest-Nivernais.
Tandis que la filiale du groupe SNCF assurait avoir proposé «une offre sur-mesure, robuste et performante» (
lire le communiqué), Michel Neugnot (PS) a exposé, ce vendredi 16 mai 2025, en session à Dijon, les tenants et aboutissants pour les usagers qui accéderont à la nouvelle offre le 13 décembre 2026.
«Une seule boussole : le service aux voyageurs»
Sur le réseau ferroviaire de Bourgogne-Franche-Comté circulent des TER exploités par SNCF Voyageurs sous la marque Mobigo ainsi que des trains venant de l'extérieur qui opèrent également des dessertes dans le territoire.
«Nous avons eu une seule boussole : le service aux voyageurs et faire en sorte que la qualité et la quantité soit au rendez-vous»», martèle le premier vice-président chargé des transports, au moment de confier les TER du lot au nouveau concessionnaire.
Le lot Bourgogne ouest-Nivernais comprend huit lignes ferroviaires :
• Dijon-Étang-sur-Arroux-Nevers,
• Nevers-Paray-le-Monial-Lyon,
• Dijon-Chalon-sur-Saône-Mâcon,
• Cosne-Cour-sur-Loire-Nevers,
• Nevers-Moulins,
• Chalon-sur-Saône-Montchanin,
• Montchanin-Paray-le-Monial,
• Montchanin- Étang-sur-Arroux,
À cela s’ajoutent trois lignes routières :
- Autun-Étang-sur-Arroux,
- Digoin-Lozanne,
- Paray-le-Monial-Moulins.
Une offre augmentée de 34%
Le slogan «plus de trains, mieux de train», est scandé à l'envie au gré de la présentation. Le «choc d'offre» correspond à «plus de fréquence, plus d'amplitude horaire, de nouvelles liaisons, des liaison plus rapides, un renforcement de l'offre le week-end».
«Quel que soit l'opérateur, c'est les mêmes tarifs, contraintes et conditions que la convention initiale», précisait Michel Neugnot, dès ce jeudi 15 mai.
Techniquement, le volume passe de 3,8 à 5,1 millions de kilomètres.train, soit une augmentation de 34%. La hausse du nombre de voyageurs attendue est de 38%.
En synthèse, l’offre ferroviaire est «significativement améliorée» :
- Fréquence : jusqu’à +5 aller-retour par axe (+ 2 AR Dijon-Chalon-sur-Saône, +3 AR Chalon-sur-Saône-Mâcon, +5 AR Nevers-Moulins, +4 AR Chalon-sur-Saône-Montchanin)
- Amplitude : + 1 à 2h d’amplitude (+2h Dijon-Nevers, +1h30 Chalon-sur-Saône-Dijon, +2h Nevers-Cosne-Cours-sur-Loire, +1h Montchanin-Paray-le-Monial)
- Nouvelles liaisons directes : Paray-le-Monial-Dijon, Paray-le-Monial-Chalon-sur-Saône, Étang-sur-Arroux-Chalon-sur-Saône, Cosne-Cours-sur-Loire-Moulins)
- Rapidité : gains en temps de parcours (-10 minutes Paray-le-Monial-Dijon, -20 minutes Montceau-les-Mines-Chalon-sur-Saône, -10 minutes Le Creusot-Chalon-sur-Saône)
Dans le détail, la nouvelle offre acte :
34 trains supplémentaires par semaine à Nevers-Ville (pour un total de 396 trains par semaine),
84 trains supplémentaires à Nevers-Le Banlay avec des connexions ajoutées vers Le Creusot et Dijon,
21 trains supplémentaires à Pougues-les-Eaux,
21 trains supplémentaires à Cosne-Cours-sur-Loire
1 train par heure à Decize en semaine et une desserte nouvelle vers Chalons-sur-Saône,
60 trains supplémentaires à Saint-Pierre-le-Moutier («1.600 habitants»),
102 trains supplémentaires à Chalons-sur-Saône,
44 trains supplémentaires à Mâcon,
65 trains supplémentaires à Paray-le-Monial et des liaisons directes vers Chalon-sur-Saône et Dijon,
64 trains supplémentaires à Mesves,
30 trains supplémentaires à Montceau-les-Mines et des liaisons directes vers Chalon-sur-Saône et Dijon,
44 trains supplémentaires à Fleurville-Pont-de-Vaux,
28 trains supplémentaires à Gevrey-Chambertin et une amplitude quotidienne plus large vers Dijon («14 trains de plus que ce qui est proposé par Auvergne-Rhône-Alpes à Villefranche-sur-Saône, dans la banlieue lyonnaise»),
109 trains supplémentaires à Beaune.
Des fiches seront préparées pour, dans chaque gare, informer les usagers sur «tous les trains possibles, dans quelle direction avec quelle cadence».
«Une intermodalité bien pensée doit faciliter l'abandon de l'usage de la voiture en solo»
«Ce seront des outils aux territoires pour valoriser cette offre», indique Michel Neugnot qui souhaite impliquer les intercommunalités ayant pris la compétences mobilités autour de la gare, notamment pour articuler le recours au vélo, avant et après la gare.
«Une intermodalité bien pensée doit faciliter l'abandon de l'usage de la voiture en solo, c'est un impératif de développement durable pour décarboner au maximum les mobilités», insiste le socialiste.
Un marché de près d'un milliard d'euros sur dix ans
De mai 2025 à décembre 2026, SNCF Voyageurs va s'organiser, en commençant par créer une société dédiée : SNCF Voyageurs Bourgogne ouest.
La collectivité accorde une concession durant 7 ans, avec 3 ans en option, et augmente sa contribution annuelle de 5,1 millions d'euros. Rapporté au lot Bourgogne ouest-Nivernais, le marché est estimé à 923 millions d'euros sur 10 ans au bénéfice de SNCF Voyageurs.
La collectivité demande au concessionnaire d'établir un bilan carbone annuel et de proposer «des pistes d'actions en vue de son amélioration».
En ce qui concerne le personnel, 332 équivalents temps plein seront transférés de SNCF Voyageurs à l'entreprise dédiée.
Selon les élus communistes, ces personnels seront transférés avec «au bout de quinze
mois, la perte du statut, l'augmentation de productivité et la baisse de
rémunération». La collectivité demanderait une réduction de 7% des emplois d'ici le terme de la concession. Les agents de maintenance travailleront en 2/8 et une augmentation de la productivité est attendue entre 3 à 8%, en fonction des métiers.
Toujours selon les élus communistes, la fin de la présence humaine aux guichets de vente se profile, à partir de 2027, dans les gares d'Autun, Cosne-Cour-sur-Loire, Decize, Digoin, La Charité-sur-Loire, Le Creusot, Montceau-les-Mines et Montchanin. S'ajoutera Paray-le-Monial en 2028.
Opposition du PCF et du RN
Au moment des débats, les opposants au projet même de libéralisation des services ferroviaires se retrouvent pour contester le principe plutôt que le choix du concessionnaire.
Les élus du Parti communiste français et du Rassemblement national voteront ainsi en chœur un amendement présenté par Matthieu Guinebert (PCF) pour revenir sur la mise en concurrence – insistant sur «des cheminots soumis à une logique productiviste et des emplois en moins» – et préférer une attribution directe à l'opérateur historique, sans trouver de majorité pour le faire adopter par l'assemblée.
Tous les autres groupes, des Républicains aux socialistes, en passant par les soutiens d'Emmanuel Macron et les écologistes, se montrent favorables au choix de SNCF Voyageurs.
«Une baisse de 4,7% de l'offre de bout en bout sur Nevers-Dijon»
Dominique Lonchampt (PCF) évoque «un tournant qui va marquer notre Région» en considérant que «l'égalité» des usagers se retrouvera «fracturée» – notamment par l'absence de présence humaine dans certaines gare – et que la création d'une entreprise dédiée conduit à «un volet social dégradé» pour les personnels.
L'élu communiste pointe en particulier «une baisse de 4,7% de l'offre de bout en bout sur l'axe structurant de Nevers-Dijon avec la suppression du train de 6h31 au départ de Nevers et celui de 18h12 au départ de Dijon ainsi que l'absence de renforcement sur l'offre des vendredis et dimanches soirs pour répondre notamment aux besoins des étudiants».
«Hier, ce qui n'était pas possible avec la SNCF devient subitement possible avec la SNCF»
Julien Guibert (RN) critique une démarche «imposée par Bruxelles» : «étonnamment, la Région Bourgogne-Franche-Comté est la seule Région dite de gauche à valider cette stratégie de concurrence».
«Hier, ce qui n'était pas possible avec la SNCF devient subitement possible avec la SNCF», fait mine de s'étonner l'élu populiste, écartant les négociations entre les deux tours d'appel d'offres, qui déplore le manque de «garantie sérieuse» concernant l'avenir des petites lignes et le maintien des guichets.
Aurélien Dutremble (RN) acte «la fin d'un certain modèle du service public» à l'issue de ce qu'il considère comme «une réforme technocratique» conduisant à «la privatisation rampante des TER».
«Le quatrième paquet ferroviaire, adopté au Parlement européen en février 2014, qui actait l'ouverture à la concurrence, l'a été avec le soutien des députés socialistes européens», souligne Julien Odoul (RN) qui charge ensuite la majorité à dominante socialiste depuis 2015 et la fusion des Régions, relayant «les reproches ds usagers» et «l'augmentation des tarifs». «Nous sommes attachés à la préservation du service public.»
«Les objectifs socio-environnementaux vont dans le bon sens»
Gilles Platret (LR) salue «la qualité de l'offre technique». Le Chalonnais note que «le coût du train.kilomètre est compétitif», passant de 21,39 à 18,12 euros, et que «les objectifs socio-environnementaux vont dans le bon sens».
«Peut-on parler d'ouverture à la concurrence quand il y a, au final, qu'un seul opérateur», glisse l'opposant à la majorité de Marie-Guite Dufay. «Le coût public reste, malgré tout, conséquent avec un engagement massif de la Région.»
Denis Thuriot (REN) défend la libéralisation des services ferroviaires tout en regrettant que «le principe de concurrence n'ait pas pleinement eu lieu» et se félicite toutefois de «l'amélioration de l'offre pour nos concitoyens» pouvant aboutir à constater «davantage d'usagers dans nos trains».
Au passage, le Nivernais renouvelle sa demande de «trains bolides» entre Nevers et Dijon «aux bons horaires».
Gérald Gordat (HOR) relève la volonté d'aller vers «une offre suffisante pour un usager quotidien ou régulier», contrairement à l'existant. L'élu de la Saône-et-Loire insiste sur les besoins en investissement pour renouveler l'infrastructure ferroviaire et appelle à «la pression des usagers sur l’État».
«On ne privatise pas, on délègue»
Alain Joyandet (LR) rappelle son opposition à «la privatisation des services publics en situation de monopole» mais constate dans ce cas que «le service est augmenté». D'où un vote favorable «avec conviction».
«On ne privatise pas, on délègue», réfute néanmoins Marie-Guite Dufay (PS), présidente de la Région Bourgogne-Franche-Comté, «si on avait privatisé, ce n'est pas nous qui ferions le cahier des charges auquel SNCF Voyageurs a répondu».
«Un moyen de sortir du malthusianisme ferroviaire»
Claire Mallard (LE) voit dans la libéralisation «un moyen de sortir du malthusianisme ferroviaire qui semble impossible à dépasser dans le service conventionné» et se félicite du «choc d'offre» proposé par le concessionnaire.
«Nous nous sommes donnés les moyens, collectivement, de construire une commande publique dont l'exécution sera sous notre contrôle démocratique», souligne l'élue écologiste, s'adressant implicitement aux communistes qui avaient formulé auparavant des critiques sur ce point.
De la même façon, Claire Mallard demande à l'exécutif un bilan après un an de service, notamment pour évaluer la mise en œuvre de la responsabilité sociale et environnementale de l'entreprise «particulièrement sur le statut et les conditions de travail des salariés».
L'élue de la Saône-et-Loire fait part de sa vigilance sur «l'offre mixte routière et ferroviaire» de la liaison Moulins-Paray-le-Monial et appelle à une réflexion avec la Région Auvergne-Rhône-Alpes pour aller vers «une offre 100% ferroviaire». Parallèlement, elle demande le maintien d'une présence humaine au guichet de la gare de Paray-le-Monial.
Opposé à l'ouverture à la concurrence avant 2033, date butoir fixée par l'Union européenne, Hicham Boujlilat (PS) avait été sanctionné pour un vote défavorable puis avait quitté le groupe Notre Région par cœur. Aujourd'hui rentré dans les rangs et devenu vice-président au sport, le Nivernais prend acte du choix du concessionnaire par l'exécutif dont il fait sien les arguments.
«Pour un cheminot, c'est une rupture totale»
Constater un seul soumissionnaire au bout du processus d'appel d'offres est «un sujet qui se pose dans toutes les régions», relève Michel Neugnot. «À Régions de France, on essaie de voir comment éviter cela», indique-t-il en avançant la piste que les Régions étalent leurs dates d'appels d'offres.
«Pour un cheminot, c'est un monde nouveau qui s'ouvre, une rupture totale», concède Michel Neugnot, «que des craintes soient mises en avant, c'est normal». «Penser que la Région peut demander l'avis aux cheminots dont le patron est la SNCF et construire des offres à partir de cela, on déborde.»
Par ailleurs, la Région travaille à la vente de billets de train «dans les mêmes lieux» que les tickets de tramway ou de bus : «on facilite l'intermodalité».
Au moment du vote, Julien Odoul demande un scrutin nominal. Il en résulte des votes cohérents avec les débats, les élus du PCF et du RN votant contre. Soit 73 votes favorables, 26 non et un élu ne participant pas au vote. La concession du lot Bourgogne ouest-Nivernais est donc attribuée à SNCF Voyageurs.
Ouverture à la concurrence du lot Paris-Dijon-Lyon
Dans la foulée, les élus débattent et adoptent le principe d'ouverture à la concurrence du lot Paris-Dijon-Lyon, en adéquation avec le vote précédent. Si le lot Bourgogne ouest-Nivernais représente 12% du trafic régional, ce deuxième représente 40% du trafic.
L'appel d'offres se déroulera dans les prochains mois pour un résultat en juillet 2027. Selon les élus communistes, Transdev, détenu par la Caisse des dépôts et consignations et le Groupe Rethmann, fait déjà figure de favori. La mise en service de la nouvelle offre est prévue fin 2029, soit après les prochaines élections régionales de 2028.
Jean-Christophe Tardivon























