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22/07/2022 03:21

MORVAN : Une opération innovante de débardage de bois à cheval

À la frontière entre la Saône-et-Loire et la Côte-d'Or, CFBL conduit un chantier avec des opérateurs ayant recours à des chevaux de trait. Cette action constitue une première dans le Morvan qui a bénéficié d'une subvention de la Région Bourgogne-Franche-Comté. Une visite de chantier a eu lieu ce jeudi 21 juillet.
Au fond de la combe de Vaussery, à Chissey-en-Morvan, raisonne le vrombissement des tronçonneuses. Quand elles se taisent, on entend la chute d'un pin puis un cliquetis, quelques mots en flamand et même de rares hennissements.

Là, à la frontière entre la Saône-et-Loire et la Côte-d'Or, une petite équipe s'affaire dans la parcelle d’épicéas : quatre personnes et quatre chevaux. Dans cette combe difficile d'accès, la Coopérative forestière CFBL a choisi la traction animale pour sortir les troncs de la parcelle, une première pour cette structure.

Autre première : une subvention du conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté sera versée au propriétaire des épicéas touchés par les scolytes, ces insectes ravageurs, afin de compenser le surcoût du recours au cheval.


CFBL dans le top 5 des gestionnaires forestiers du Morvan


Ce jeudi 21 juillet 2022, une visite de chantier forestier a eu lieu en présence de Pascal Pommé, maire de Chissey-en-Morvan, Jean-Pierre Tropin, adjoint au maire, Laurent Paris, responsable du service environnement du parc naturel régional du Morvan, Catherin de Rivoire, directeur stratégie propriétaires forestiers de CFBL, Xavier Finous, responsable de l'agence d'Autun de CFBL, et Marlène Bourguignon, conseillère forestière de CFBL.

Anciennement Coopérative Forestière Bourgogne-Limousin, CFBL comptait en 2021 14.725 adhérents dans différentes régions de l'Hexagone totalisant 123.319 hectares.

L'année dernière, le groupe a réalisé 55,4 millions d'euros de chiffre d'affaires ; il emploie 260 salariés. Le groupe comprend donc la coopérative et ainsi que deux filiales : Mécafor, centrée sur la mécanisation forestière, et Inventaire Forestier Patrimoine, avec une fonction «d'agence immobilière» dédiée à la forêt.

«Notre métier est d'accompagner les propriétaires forestiers dans la gestion de leur forêt privée et de trouver les solutions adéquate pour la pérennité de leur massif, généralement de très long terme», indique Catherin de Rivoire. «C'est un métier de forestiers passionnés.»

L'agence d'Autun regroupe 1.000 adhérents, représentant 10.000 hectares. Ainsi, avec cette agence, CFBL figure dans le top 5 des gestionnaires forestiers dans un secteur allant du Morvan au Brionnais, comportant donc des feuillus et des résineux. L'agence emploie quinze salariés : opérateurs sylvicoles (reboisement, entretien, élagage...), techniciens et ingénieurs forestiers.

Alerte aux scolytes


En parcourant les différentes parcelles d'un propriétaire en mai dernier, Marlène Bourguignon a repéré des écoulements de résine par des trous dans l'écorce puis des galeries en surface du bois. Il s'agissait d'un début d'attaque de scolytes, un insecte qui profite du changement climatique pour se développer et ravager les épicéas.

La parcelle en question se situe à Chissey-en-Morvan dans un secteur enclavé, traversé par un ruisseau, avec un chemin condamné depuis plusieurs années où la roche granitique affleure. «Il a fallu trouver une solution pour extraire ces bois qui allaient être touchés par la maladie», explique la conseillère forestière.

Si le recours à la traction animale s'est rapidement imposé, il restait à articuler la mise en œuvre avec les interventions des autres opérateurs ainsi qu'à gérer le surcoût. La coopérative forestière a donc recherché des bûcherons à même de travailler conjointement avec des débardeurs à cheval.

Une production de 350 mètres cubes de bois sur un hectare


Ayant débuté le 5 juillet dernier, avec cinq jours effectifs d'intervention mobilisant six personnes, le chantier se terminera le 23 juillet prochain. Sur cette parcelle, les bûcherons coupent toute longueur au-delà de 10 centimètres de diamètre.

Le volume de bois attendu à la suite de la récolte est estimé à 350 mètres cubes pour un coût de production avoisinant 60 euros par mètre cube.

Le travail des chevaux est de tirer les troncs de l'endroit où ils sont tombés jusqu'en sortie de parcelle, soit en moyenne une centaine de mètres, y compris en franchissant la partie du chemin à fleur de roche qui est moyennement accidentée.

Ensuite, un tracteur mécanique de l'entreprise La passion de la nature prend le relais pour tirer sur un kilomètre les troncs jusqu'à une zone de dépôt. «C'est là où la complémentarité animal/mécanisation prend tout son sens», souligne Catherin de Rivoire.

Là, intervient une récolteuse de l'entreprise CFF qui transforme les troncs en billes de bois puis un porteur qui range les billes. En fonction du diamètre et de la qualité, les billes seront transformés en charpentes, palettes ou trituration.

Une subvention pour soutenir les entreprises de débardage de bois à cheval


Le conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté accorde une aide plafonnée à 30 euros du mètre cube avec un maximum de 20.000 euros par chantier.

Selon la collectivité, cette subvention pour débardage de bois à cheval a pour objectif de «soutenir les entrepreneurs de travaux forestiers qui s’engagent dans cette technique de débardage alternatif présentant de nombreux avantages pour l’environnement, de développer la mobilisation de bois dans des zones où la ressource forestière ne pourrait pas être exploitée autrement et de contribuer à la conservation de pratiques de travail avec des chevaux de traits et donc des races associées».

«Ne sont éligibles que les chantiers faisant appel à des entreprises de débardage de bois à cheval qui sont en conformité avec la loi et qui respectent les consignes en vigueur en matière de sécurité des chantiers et le bien-être animal (soins quotidiens, rations énergétiques adaptées, emploi d’un matériel adapté et en bon état, durée de travail n’excédant pas 7 heures par jour)», précise la Région.

Une première dans le Morvan


«C'est la première fois que cette subvention est utilisée dans le Morvan en forêt privée», signale Catherin de Rivoire qui suppose même qu'il s'agit d'une première en Bourgogne-Franche-Comté.

«Dans ce cas précis, cela n'aurait pas pu se faire sans subvention». Le propriétaire se retrouvant à choisir entre laisser ses épicéas être ravagés par les scolytes ou opérer une coupe à la rentabilité nulle. «La conséquence d'une non-intervention, c'était des bois qui tombent dans le ruisseau et bouchent le ruisseau», souligne le directeur de CFBL.

Autre effet de l'attaque de l'insecte ravageur : la nécessité de pratiquer une «récolte définitive» de la parcelle, ou «coupe rase» dans la phraséologie des écologistes opposés à cette méthode de prélèvement.

À noter que le parc du Morvan propose un contrat spécifique pour des parcelles situées en zone Natura 2000 : le propriétaire est alors accompagné pour financer le surcoût lié au débardage, soit par cheval, soit par câble-mat.

«C'est très technique, ça peut être dangereux»


CFBL n'avait plus utilisé le débardage à cheval depuis 1999. «C'est une solution parmi d'autres qu'il faut avoir en tête», considère désormais Catherin de Rivoire, «là, les chevaux tout seuls n'auraient rien pu faire mais les machines toutes seules n'auraient rien pu faire».

La particularité de l'abattage d'un arbre devant ensuite être débardé à cheval est que le tronc est tiré par le pied. Cela implique de le couper pied en bas dans le cas d'une pente – et non de laisser tomber le sommet dans le sens de la pente – puis d'arrondir le pied et ébrancher le reste du tronc pour qu'il glisse aisément sur le sol lors de la traction.

Dans la combe de Vaussery, les bûcherons Philippe Perrin, Jean-Sébastien Durand et Fabien Eps travaillent pour la première fois aux côtés de chevaux. Éric Vouillon conduit un Trait comtois et un Ardennais, Ippy et Iago ; Léa Cholley conduit deux Traits comtois,  Engie et le massif Vito (870 kg à la pesée). Les animaux ont entre 4 et 13 ans.  Un cheval de trait est en pleine activité de 4 à 15 ans avant de poursuivre avec des travaux légers jusqu'à 20 ans ou plus.

«C'est très technique, ça peut être dangereux», signale Éric Vouillon qui a suivi il y a dix ans une formation de bûcheron-débardeur traction animale à l'EPLEFPA Roanne-Chervé-Noirétable, dans la Loire. Léa Cholley a reçu une formation d'utilisateur de chevaux attelés au CFFPPA de Montmorot, dans le Jura.

Les deux opérateurs travaillent régulièrement ensemble et ont donc harmonisé les directives donnés aux chevaux, en ayant recours à la langue flamande. Les animaux travaillent une heure trente puis ont trente minutes de repos, avec également une heure de pause méridienne, sans dépasser 7 heures par jour.

Les plus grandes distances, du fond de la parcelle à 40% de pente jusqu'à la sortie, se font en relayant les paires de chevaux pour rester sur une moyenne d'une centaine de mètres parcourus, surtout quand le tronc fait 1,5 mètre cube.

«On est limité en puissance donc il faut des techniques pour aider le cheval ; (…) ce sont nos compagnons, il faut que l'on en prenne soin», glisse Éric Vouillon. Le débardage de la journée oscille entre 10 et 50 mètres cubes suivant la pente et la distance.

Des retombées économiques locales


Les deux débardeurs et les quatre chevaux logent durant trois semaines au gîte du Refuge de Valouze. «Cela créé de l'activité économique», s'enthousiasme le maire Pascal Pommé, «tous les acteurs locaux sont mobilisés». «Nous sommes sur des activités non délocalisables», insiste le directeur de CFBL.

À la fin de l'été, les chevaux auront droit à un temps de balnéothérapie équine, près de Lyon, puis seront manipulés par un ostéopathe avant l'hiver.

Trois ans avant de décider de l'avenir de la parcelle


L'avenir de la parcelle n'est pas encore défini. Alors qu'il y a déjà une régénération spontanée d'érables en cours, la Coopérative forestière CFBL et le propriétaire se laissent trois ans avant de prendre une décision.

La multiplication des périodes de sécheresse font que le changement climatique et la problématique de la lutte contre les incendies – et donc la desserte des parcelles – seront intégrées à la réflexion sur cet avenir en concertation avec les mairies.

Jean-Christophe Tardivon




































































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