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13/07/2021 05:57

POLITIQUE : Candidat à la primaire de l'écologie, Éric Piolle a choisi le Morvan pour présenter ses propositions sur la forêt

Au beau milieu d'une coupe rase dans une parcelle forestière, Éric Piolle a échangé le samedi 10 juillet avec des acteurs locaux du parc naturel régional du Morvan. L'écologiste se dit «ni fétichiste, ni extractiviste».
En lice pour la primaire qui va désigner le candidat de l'écologie politique pour l'élection présidentielle de 2022, Éric Piolle (EELV) a choisi le Morvan pour exposer ses propositions sur le thème de la forêt. Elles envisagent une refonte de l'Office National des Forêts associée à des recrutements ainsi que des limitations à logique d'exploitation de la forêt en tant que ressource.

En plein cœur du parc naturel régional du Morvan, à Brassy (Nièvre), le samedi 10 juillet 2021, des acteurs locaux ont présenté à Éric Piolle le résultat d'une coupe rase, c'est à dire la coupe simultanée de l'ensemble des végétaux d'une parcelle.

Étaient présents Sylvain Mathieu (PS), président du parc naturel régional du Morvan, Jean-Sébastien Halliez (sans étiquette), maire de Brassy, Régis Lindeperg, coprésident d'Adret Morvan et coordinateur de SOS France, Frédéric Beaucher, gérant du groupement forestier du Chat sauvage, ainsi que des bénévoles de l'association Sycomor.

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Le 30 juin dernier, après les élections régionales, le maire de Grenoble Éric Piolle a déclaré sa candidature à la primaire de l’Écologie. Les autres candidats sont Delphine Batho (Génération Écologie), Yannick Jadot (EELV) et Sandrine Rousseau (EELV).

Dans le cadre d'un tour de France entamé dès décembre dernier, Éric Piolle était venu soutenir Stéphanie Modde (EELV) dans sa campagne pour les régionales en Bourgogne-Franche-Comté (lire notre article).

Aujourd'hui, le tour de France se poursuit avec récemment une participation aux Rencontres économiques d'Aix-en-Provence, des échanges avec SOS Méditerranée à Marseille ou encore un déplacement dans la vallée de la Roya au nord-est de Nice.

Avant de rejoindre le Festival des Idées à La Charité-sur-Loire (Nièvre) – organisé par l'ancien député socialiste Christian Paul et le journaliste Guillaume Duval – Éric Piolle a donc fait une étape morvandelle pour échanger avec des acteurs engagés pour une gestion durable de la forêt.

En deux siècles, la forêt a plus que doublé en France métropolitaine


Les forêts représentent le deuxième puits de carbone, après les océans. En France, la filière bois, principalement concentrée des pépiniéristes jusqu'aux scieurs, comprend 400.000 emplois et participe à hauteur de 10% environ au déficit extérieur.

Si l'on se réfère aux cartes d'état-major du début du XIXème siècle, la France métropolitaine est passée de 7 millions à 16 millions d'hectares de forêts. Les «forêts anciennes» correspondent ainsi aux zones qui était à l'état de forêt à cette époque et qui n'ont pas été utilisées depuis pour une autre culture.

«1827 est la date de promulgation du code forestier. (…) Après des siècles de défrichement, de déboisement, de surexploitation de la forêt française, le coup de grâce, ça a été  la révolution et les guerres napoléoniennes. Vers 1820-1830, la forêt française est ruinée», explique Sylvain Mathieu.

«On n'est ni fétichiste, ni extractiviste»


«Nous sommes très attaché à la dimension de paysage mais aussi à la dimension historique», souligne Éric Piolle en faisant référence à l'ordonnance de Villers-Coterêts de 1539 – plus ancien texte législatif encore en vigueur en France, édicté au château royal situé dans l'ancien domaine de chasse de Dagobert – ainsi qu'aux maquisards durant la Seconde Guerre mondiale.

«Ce rapport au temps est essentiel dans l'articulation de l'intérêt général et comment on repousse ces rentes de situation spéculatives et extractivistes car il y a un pan de l'économie qui regarde tout comme une ressource et c'est évidemment frappant sur la forêt», déclare l'écologiste.

«On n'est ni fétichiste, ni extractiviste. Là, on retrouve bien une logique d'écosystème», signale Éric Piolle en écho aux commentaires des acteurs associatifs au milieu de la forêt coupée à blanc.

«Recréer 5.000 postes au sein de l'ONF»


Le candidat à la primaire de l’Écologie et son équipe ont donc dressé des propositions en lien avec la sylviculture et l'écosystème forestier. En s'appuyant sur des réflexion d'«experts de la société civile, de scientifiques et de philosophes».

«Nous proposons de transformer l'ONF en établissement public administratif et de sortir de cette logique d'EPIC – établissement public industriel et commercial – qui fait qu'il engendre lui-même une logique contrairement à sa raison sociale, une logique extractiviste avec, aujourd'hui, 40% d'emplois disparus, avec 450 millions d'euros de dette. (…) Nous proposons de recréer 5.000 postes au sein de l'ONF, ça ne ferait que revenir au nombre de forestiers il y a trente ans et ça permettrait de retrouver une gestion durable de la forêt», indique tout d'abord Éric Piolle.

«Interdire toutes les coupes rases dans les forêts anciennes»


«Nous proposons d'interdire toutes les coupes rases dans les forêts anciennes. Dans les forêts nouvelles et forêts de plantation, nous proposons de limiter à un hectare. (…) Nous pensons qu'il faut aujourd'hui un cadre qui soit suffisamment radical pour changer cet équilibre entre la rente et l'extractivisme et la gestion du temps long et l'intérêt général», martèle le candidat.

«La forêt en France est un puits de carbone de 90 millions de tonnes de CO2. Elle pourrait devenir une source de carbone parce que le stress hydrique fait qu'elle se fragile et la bascule globale est en train de se retourner. Nous proposons de limiter ce que nous sortons de la forêt à 80% de la production de biomasse annuelle. Cela donne la production que nous avions en 2016», poursuit-il.

«Nous proposons d'avoir 10% de la forêt en libre évolution avec une répartition minimum par territoire pour trouver des zones où la nature n'est pas soumise à la gestion humaine», avance l'écologiste.

«Nous proposons de rompre avec le Mercosur (…) dans une dimension géopolitique. Le Mercosur est en train de déforester les forêts d'ailleurs et notamment les forêts primaires et cela avec un danger grave pour l'ensemble de l'humanité», alerte-t-il.

«Créer 30.000 emplois communs dans le domaine de la forêt»


«Nous avons aussi travaillé pour créer 30.000 emplois communs dans le domaine de la forêt. Il y avait, il n'y a pas si longtemps 450.000 emplois aidés. Nous pensons qu'il y a là une richesse pour mailler avec le territoire, pour mailler avec le développement touristique, pour mailler l'ensemble des écosystèmes. Cela permettrait d'avoir des emplois qui seraient cogérés par des associations de société civile, des collectivités locales et l’État», envisage le membre d'EELV.

«Le plan de relance est passé complètement à côté de la forêt»


Durant les échanges, Éric Piolle s'est fait très critique du plan de relance gouvernemental. Pour Infos Dijon, il explique pourquoi : «le plan de relance est passé complètement à côté de la forêt ou a appuyé une logique extractiviste de la forêt. (…) Ils restent dans la logique qui est la leur depuis quelques années, à savoir une casse des missions originelles de l'ONF, une privatisation de la forêt. (…) Nous avons une gestion de la forêt comme si nous étions colonisés : nous fournissons de la matière première, nous ne sommes pas dans les chaîne aval de création de valeur», analyse Éric Piolle qui propose aussi d'interdire «les exportations de chêne» alors que «les scieries tournent au ralenti sur le chêne» et qu'«il commence à y avoir une démarche spéculative à l'échelle mondiale sur le chêne».

En résumé, selon l'analyse d'Éric Piolle, «la France agit comme si elle était un pays colonisé : elle surexploite sa ressource – alors que la forêt, c'est bien plus qu'une ressource, c'est un lien au vivant – et elle n'est pas du tout présente dans la partie valeur ajoutée et la partie écosystème».

Jean-Christophe Tardivon

«La forêt du Morvan subit de plein fouet le réchauffement climatique», analyse Sylvain Mathieu