Concernée par le non-cumul des mandats, la nouvelle parlementaire a démissionné du conseil municipal de Dijon. Ce mardi 27 août, elle a indiqué opter pour la Région afin d'«instaurer un rapport de forces» avec le Rassemblement national.
Par ailleurs, la socialiste a critiqué «une forme de déni et de mépris» de la
part du président de la République au sujet de la désignation d'un
Premier ministre.
Avant les élections législatives anticipées, Océane Godard (PS) était vice-présidente à la Région Bourgogne-Franche-Comté, conseillère municipale déléguée et conseillère métropolitaine déléguée à Dijon.
La nouvelle députée de la première circonscription de la Côte-d'Or, élue dans le cadre de l'accord du Nouveau Front populaire, a donc dû faire un choix pour respecter la règle sur le non-cumul des mandats : pas de fonction exécutive et un seul mandat local en plus de la députation.
Un engagement «de passion et de conviction»
Les lecteurs d'
Infos Dijon ont pu noter l'importance toute particulière qu'avait prise la vice-présidence aux lycées au sein du conseil régional pour Océane Godard qui déclarait, le 18 juillet dernier, «je ne me suis pas engagée avec autant de passion et de conviction auprès des 129 lycées pour aujourd'hui lâcher cet engagement» (
lire notre article).
Ce mardi 27 août 2024, la députée a donc officialisé sa démission de la Ville ainsi que de la Métropole de Dijon, deux collectivités présidées par François Rebsamen (PS, FP).
«J'ai décidé de démissionner de mes fonctions de conseillère municipale et conseillère métropolitaine à Dijon»
Qu'avez-vous décidé pour vous conformer à la règle sur le non-cumul des mandats ?«J'ai décidé de conserver mon mandat régional et de démissionner de mes fonctions de conseillère municipale et conseillère métropolitaine à Dijon.»
«Je me suis dit que je pouvais être utile à la Région d'un point de vue politique»
À quel moment avez-vous pris votre décision ?«J'avais 30 jours donc pour prendre ma décision. J'ai pris ma décision fin juillet, j'ai envoyé mon courrier à Monsieur le préfet.»
«C'était un choix très difficile parce que ça fait 10 ans que je suis élue à Dijon, parce que François Rebsamen m'a fait confiance, m'a donné beaucoup de responsabilités dans les domaines de l'emploi, de l'insertion, de l'économie sociale et solidaire. J'étais présidente de Creativ aussi qui est le bras armé de la Métropole sur les questions d'emplois. Il y a eu beaucoup de projets.»
«Ce n'est pas une décision que j'ai prise à la légère. Ça a été compliqué pour moi mais quand j'ai vu les résultats aussi aux législatives en région Bourgogne-Franche-Comté – c'est peut-être ce qui m'a fait basculer d'ailleurs sur ce choix – effectivement, je me suis dit que je pouvais être utile à la Région d'un point de vue politique, ne serait-ce que pour porter le travail parlementaire qui est fait et continuer à travailler pour la Région en vue des élections régionales de 2028.»
À la Région, Océane Godard souhaiter «instaurer un rapport de forces» avec le Rassemblement national
Vous avez donc pris en compte le fait qu'il y a plusieurs conseillers régionaux d'opposition RN élus députés qui continuent de siéger au sein de l'assemblée régionale ?«Il y a un rapport de force qu'il faut instaurer évidemment. Les résultats aux législatives parlent d'eux-mêmes quand on voit dans des territoires comme l'Yonne où ils font carton-plein dès le premier tour sur certaines circonscriptions, en Haute-Saône, dans le Doubs aussi où c'est extrêmement compliqué, dans la Nièvre.»
«Les élus du Rassemblement national sont présents en Bourgogne-Franche-Comté. Je pense que nous avons collectivement un rôle et ma place, en ce sens, était à la Région.»
«Il y a ce point de vue politique et il y a aussi que je suis également très investie sur les politiques régionales depuis 2015 notamment sur les sujets de formation, d'éducation, d'orientation, d'apprentissage et je veux continuer à conserver ses dossiers.»
«Pour exemple, la présidente [Marie-Guite Dufay (PS)] d'ailleurs m'a donné son accord sur les assises du travail que j'ai mises en place cette année qui auront lieu l'année prochaine. Je vais continuer à m'investir sur ces dossiers, les World Skills, notamment [NDLR : ex-Olympiades des métiers].»
Océane Godard appelle à un «rassemblement encore un petit peu plus large» à la Région
Vous évoquez les régionales de 2028. La Région apparaît-elle comme un point d'ancrage pour préparer l'après-Macron en vue de la reconstruction qu'il y a à mener au PS et autour ?«La Région peut être un laboratoire. C'est déjà un beau laboratoire, un beau terrain d'expérimentation sur des politiques publiques. Je pense à ce qui se fait sur les lycées de demain, sur ce qui se fait sur l'orientation et dans les territoires.»
«Il y a une réflexion extrêmement sérieuse à mener et je sais que la présidente porte ses réflexions et est très soucieuse aussi de ses réflexions-là pour préparer la suite d'un point de vue politique, peut-être de rassemblement encore un petit peu plus large pour que cette Région ne tombe pas aux mains du Rassemblement national. C'est un risque aujourd'hui !»
Mandat de député et mandat local «vont ensemble»
Dans le rapport d’Éric Woerth sur la décentralisation, une révision de la règle du non-cumul est évoquée, avec la préconisation d'autoriser de nouveau la possibilité d'être député-maire. Regrettez-vous la règle qui s'applique aujourd'hui ?«C'est une réflexion j'ai eue quand je suis arrivée à l'Assemblée nationale. Je me suis dit que ça pouvait être en tout cas extrêmement violent pour des femmes et des hommes qui se retrouvaient parlementaires du jour au lendemain sans avoir eu d'ancrage local auparavant.»
«Je vois bien combien la complémentarité de l'engagement sur un mandat local est extrêmement précieuse pour mener à bien la fonction de parlementaire. Les deux vont ensemble.»
«Je ne tombe pas dans la démagogie – parce que c'est complètement démagogique de vouloir laver plus blanc que blanc – et bien sûr qu'il faut des limites. Il y en a aujourd'hui. François Hollande a porté le non-cumul des mandat quand il était président de la République, je pense que c'est ce qu'il fallait, il fallait mettent des gardes fous.»
La députée critique «une forme de déni et de mépris» de la part du président de la République
Emmanuel Macron a écarté l'éventualité de désigner Lucie Castets en tant que Première ministre comme le voulaient les partisans du Nouveau Front populaire. Quelle réaction cela vous inspire ?«J'ai été extrêmement choquée. Je suis très inquiète par la réaction du président de la République qui, à mon sens, commet deux fautes.»
«La première, c'est une faute institutionnelle parce qu'il balaie d'un revers de la main la proposition qui est faite en censurant – il y a une étape qui est sautée quand il parle d'instabilité gouvernementale – un potentiel gouvernement. Ce rôle-là, c'est le rôle de l'Assemblée nationale.»
«Il y a une faute politique et celle-ci m'ennuie tout particulièrement parce que qu'il ne souhaite pas positionner Lucie Castets en Première ministre, c'est son choix. Pour autant, il ne propose rien. Et je trouve que de ne pas avoir une offre et une solution à proposer aux Français, ça génère de l'inquiétude, c'est très anxiogène.»
«C'est, encore une fois, une forme de déni et de mépris à l'égard aussi de ce que les Français ont exprimé dans les urnes même si je suis très humble en le disant cela, c'est un fait, il n'y a pas de majorité absolue donc personne ne peut revendiquer de la bique la victoire. Lui peut revendiquer la défaite s'il le souhaite parce que c'est quand même une défaite pour le camp présidentiel. Revenir sur la réforme des retraites, la non-brutalisation de la vie politique, l'écoute, etc., tout cela s'est exprimé dans les urnes et quoi qu'il veuille, c'est le Nouveau Front populaire qui est arrivé en tête.»
«Il y a des propositions qui ont été faites sur une mobilisation sociale. Je ne suis pas pour cette mobilisation et qu'on descende dans la rue.»
«Ce dont on a profondément besoin, c'est d'apaisement, d'écoute, de continuer à discuter. Il faut qu'on continue à discuter parce que, c'est mathématique, il va falloir discuter sur les textes qui vont passer à l'Assemblée. Il va falloir avoir des alliances et continuer aussi à avoir ses compromis et non pas ses compromissions.»
«Le président de la République doit proposer un nom»
Nombres de sièges respectifs, textes à examiner, alliances éventuelles... Certains députés demandent à ce qu'il y ait un vote à l'Assemblée nationale sur un nom de potentiel Premier ministre avant même sa désignation par le président de la République. Qu'en pensez-vous ?«Le président de la République doit proposer un nom, un Premier ou une Première ministre. C'est institutionnel, c'est son rôle. Ça doit témoigner de ce qu'il a aussi retenu de l'expression démocratique du 7 juillet dernier. C'est au président de la République de faire des propositions. C'est quand même son rôle d'assurer la continuité pour les Françaises et les Français.»
Willy Bourgeois prend du galon à la Région
Indépendamment de l'agenda de l'exécutif, la rentrée ordinaire de l'Assemblée nationale doit se faire au plus tard d'ici le 1er octobre. Une session extraordinaire pourrait avoir lieu plus tôt en cas de nomination d'un nouveau Premier ministre.
À la Région, le Jurassien Willy Bourgeois (PS) a vu son périmètre de délégations élargi : au sport et à la communication de la collectivité s'ajoutent désormais les lycées, l’offre de formation, l’apprentissage et l’orientation.
À Dijon, le conseil municipal intégrera prochainement la juriste Valérie Teisseire (PS).
Jean-Christophe Tardivon