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25/03/2022 12:13

PRÉSIDENTIELLE : Valérie Pécresse, «candidate de la raison», selon Arnaud Danjean

À Saint-Apollinaire ce jeudi 24 mars pour parler de la crise ukrainienne, le député européen s’est arrêté plus largement pour Infos Dijon sur la dynamique de campagne de Valérie Pécresse. Entretien.
Député européen depuis juin 2009, Arnaud Danjean, originaire de Louhans en Saône-et-Loire, est membre du parti Les Républicains. Reconnu pour son expertise sur les questions de sécurité et de défense, il prend part au groupe Défense mené par le député de Seine-et-Marne Jean-Louis Thiériot dans le cadre de campagne de Valérie Pécresse à l’élection présidentielle.

L’occasion aussi de faire le point sur la campagne compliquée de la candidate LR. Dans la dernière ligne droite de cette campagne, Arnaud Danjean veut croire à un retour à la raison, qui serait selon lui bénéfique à Valérie Pécresse.

«C’est une campagne difficile»


À quinze jours du premier tour de l’élection présidentielle, comment voyez-vous la campagne de Valérie Pécresse ?

«C’est une campagne difficile on le voit bien et il ne faut pas le cacher. Il y a d’abord eu une difficulté médiatique suite au meeting de Paris qui n’a pas été une réussite. Puis nous sommes dans une période délicate avec les sondages et le bruit de fond médiatique défavorable. Maintenant, toutes les élections ont amené leur lot de surprises. La réalité plusieurs semaines avant l’élection n’est pas celle du jour du vote.

Plus on va se rapprocher de l’échéance, plus les gens vont aussi réaliser que cette campagne, qui n’a pas vraiment eu lieu, risque de déboucher sur exactement le même face-à-face qu’il y a cinq ans, Le Pen face à Macron. J’ai toujours l’espoir que les gens se disent : non, on ne va refaire le même match. Et qu’un certain nombre d’électeurs se reportent sur une candidate raisonnable.»

«Les électeurs vont jeter un oeil aux programmes»


Comment expliquez-vous que Valérie Pécresse ne parvienne pas se relancer dans l’opinion ?

«Méfions-nous des sondages je le répète. Ils avaient donné Chevènement très haut en 2002, ils ont donné Bayrou au deuxième tour pendant un bon moment en 2007. Simplement, quand vous ratez un exercice aujourd’hui, il n’y a pas de pitié au niveau médiatique. Elle continue de payer son meeting et c’est injuste. Il me semble que les meetings de Macron en 2007 avaient été moqués par des humoristes.

C’est en plus la première fois qu’on vit une campagne de cette nature. La gravité de l’actualité internationale occulte la campagne. Les circonstances font que l’élection présidentielle n’est pas la priorité des Français. Dans cette situation-là, les candidats qui donnent l’impression d’avoir décroché ont du mal à revenir au premier plan. Encore une fois, ça ne préjuge pas du vote final.

Plus l’échéance se rapprochera, plus les électeurs vont jeter un oeil aux programmes et regarder certaines contradictions, sur l’agriculture, sur l’énergie, entre ce que disait Monsieur Macron, ce que ses troupes ont voté comme textes, et ce qu’il dit aujourd’hui. C’est difficile de s’en rendre compte quand la campagne n’est pas vraiment ouverte comme en ce moment.»

Comprenez-vous le silence de Nicolas Sarkozy par rapport à son soutien ou non à Valérie Pécresse ?

«Non, je n’ai pas de commentaires particuliers à faire là-dessus.»

«Elle ne jette pas l’argent par les fenêtres»


Sur quels sujet peut-elle redynamiser sa campagne ?

«Moi je pense qu’elle a le programme le plus solide sur l’économie. Tout est occulté par la crise c’est normal, mais nous sommes dans quelque chose qui n’est pas rationnel aujourd’hui. Et encore une fois, les contradictions d’Emmanuel Macron peuvent être mises en évidence. Il est auréolé de toutes les vertus, y compris vis-à-vis de gens de ma famille politique élargie qui lui trouvent beaucoup de convergences.

C’est à nous de pointer ces incohérences en disant : vous allez en reprendre pour cinq ans. Cette philosophie du en même temps est très attractive en période de campagne électorale mais derrière, les clins d’oeil pour que tout le monde s’y retrouve ne suffisent pas. Il faut faire des choix, des choix qui sont lourds. Si vous voulez contenter tout le monde, ça donne des décisions illisibles et incohérentes.

J’entends Guillaume Larrivé me dire que nous avons des similitudes avec Macron. Ça veut dire quoi ? Qu’il en a de l’autre côté avec Madame Guigou et Madame Touraine. Et moi qui suis de Saône-et-Loire, j’ai vu que la seule réunion de campagne a réuni Jean-Baptiste Lemoyne et François Rebsamen (ndlr : à Chalon-sur-Saône le 25 mars). À un moment donné, il faut savoir où on habite. La triangulation de Macron est très toxique car elle est très artificielle.

Dans la crise sanitaire, le seul choix à faire était d’ouvrir les vannes. C’est la seule chose qu’a faite le ministre de l’économie Bruno Lemaire. Aujourd’hui, il faut savoir comment réorienter les vannes.»

Pensez-vous justement que Valérie Pécresse soit la candidate la plus «raisonnable» en quelque sorte ?

«Son projet est en tout cas celui qui est le plus cohérent, rationnel, en rapport avec nos moyens sans continuer à accumuler une dette colossale. L’une des difficultés de Valérie Pécresse est justement son programme raisonnable. Elle ne jette pas l’argent par les fenêtres et ne fait pas de promesses faciles. Ce n’est pas avec ce type de mesures, réalistes, rationnelles, que vous emballez forcément les foules. J’espère que les gens se rendront compte, juste avant d’aller voter, qu’il y a un projet qui tient la route.»

Avez-vous peur du devenir du parti Les Républicains après l’élection présidentielle ?

«Je me pose évidemment des questions sur ma famille politique, c’est inévitable. Le score de Valérie Pécresse aura son importance mais ce que je vois aujourd’hui c’est qu’on est en passe de perdre pour la troisième fois une élection présidentielle alors que notre famille politique est pourtant pile au centre de gravité de la société française sur beaucoup de sujets. Ce qui m’interpelle, c’est qu’on n’arrive pas à profiter d’un positionnement de la société française qui devrait plus nous être favorable.»

«Monsieur Macron a plutôt divisé les pays européens»


Vous êtes venu à Saint-Apollinaire ce jeudi 24 mars pour parler de la crise ukrainienne. Dans l’esprit qui prévaut, d’union nationale et de solidarité européenne, est-ce possible de remettre en cause Emmanuel Macron sur sa gestion de la crise ?

«Je ne critiquerai pas la gestion de la crise car il faudra tirer les leçons de celle-ci quand elle sera terminée. En pleine crise, les critiques sont mal venues et elles seraient trop perçues dans un esprit partisan. En revanche ce que je dis, c’est que sur la politique étrangère d’une façon générale, au-delà de la crise ukrainienne, on peut poser un certain nombre de questions, sur la manière dont Monsieur Macron a agi en cavalier seul, dont les relations avec la Russie qui ont choqué un certain nombre d’européens, sur des promesses européennes déconnectées des réalités.

Sur la scène européenne, Monsieur Macron a plutôt divisé les pays plus qu’il n’a travaillé à l’unité de l’Europe. La façon dont il a beaucoup stigmatisé la Hongrie, la Pologne, ça a laissé des traces. En Afrique aussi, il a reculé pour des causes locales qu’il ne maîtrisait pas, mais il aurait pu par exemple anticipé la dégradation de la situation au Sahel.

Je ne veux pas formuler des critiques gratuites mais on élit tous les cinq ans un président de la République, la politique étrangère et la défense lui étant réservées, c’est normal de poser de telles questions au moment de l’élection présidentielle.»

«Il faut des annonces fortes en matière de budget militaire»


Qu’aurait fait Valérie Pécresse, présidente de la République, dans la crise ukrainienne ?

«Franchement, je ne suis pas sûr qu’elle aurait fait les choses radicalement différentes. Sur la crise ukrainienne proprement dite, je pense que le président de la République est plutôt à la hauteur de la tâche et quand on a une crise de cette ampleur qui s’abat sur l’Europe je pense qu’il faut être solidaire des décisions qui sont prises. Les détails de communication auraient peut-être été différents et il aurait fallu que le président de la République fasse des annonces plus déterminées sur la hausse du budget militaire.»

Les investissements annoncés dans l’armée sont-ils trop faibles ?

«Valérie Pécresse s’est tout de suite positionnée dans le sens qu’il faut des annonces fortes en matière de budget militaire, ce qu’on fait les Allemands avec 100 milliards d’euros annoncés. Nous on estime que les hausses prévues de trois milliards d’euros par an sont insuffisantes et qu’il faudrait qu’elles se rapprochent des 5 à 7 milliards d’euros. Il ne faudrait pas en plus que le décalage entre les investissements allemands et nos investissements créent un déséquilibre industriel à long terme. C’est pour ça que nous avons besoin d’un plan plus ambitieux.»

Pour en revenir à la campagne électorale à poursuivre malgré tout, le fait que votre candidate soit positive au Covid est-il un nouveau coup dur ?

«Ça prouve qu’elle est humaine, comme tout le monde. Oui c’est dommage car une campagne est l’occasion d’être au contact des gens. Mais ça fait quand même longtemps que cette campagne est atypique. C’est un événement atypique de plus.»

Propos recueillis par Alix Berthier
Photo : Alix Berthier

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