
Ce jeudi 20 mars, les membres du groupe RN Bourgogne-Franche-Comté ont plié bagages en plein milieu des débats après des tensions avec Jérôme Durain puis Nicolas Soret.

Actualisé avec les propos qui se sont enchaînés avant et après le départ des élus RN.
En plein examen du budget primitif pour 2025, ce jeudi 20 mars 2025, à Dijon, la tension s'est progressivement accentuée entre les élus du groupe du Rassemblement national et la majorité de Marie-Guite Dufay (PS), présidente de la collectivité.
Le ton est tout d'abord monté lors des propos liminaires quand Jérôme Durain (PS), président du groupe Notre Région par cœur, principal groupe de la majorité, a lancé à l'adresse des élus populistes : «vous instrumentalisez les juifs contre les musulmans, contre l'islam qui est votre seule obsession».
Cela venait en réaction de la proposition d'une motion du RN intitulée «Entretenir la mémoire de la Shoah et lutter contre l'antisémitisme dans nos lycées». La suspension de séance a alors été évitée de peu.
Un peu plus tard, quand Nicolas Soret (PS), vice-président chargé des finances, a fait référence à une exposition à Paris sur le «procès de l'art moderne par le nazisme», les élus du camp national se sont scandalisés.
«Face aux horreurs de Monsieur Soret dont les propos sont inqualifiables, nous ne nous laisserons pas traiter de nazis dans cet hémicycle», a lancé Julien Odoul (RN), président du groupe Rassemblement national, visiblement poussé à réagir par ses troupes.
Faute d'excuses venant de la part de Nicolas Soret, les élus du RN ont alors plié bagages, au moins pour la première partie de ce jour de session.
Jean-Christophe Tardivon
Actualisé le 20 mars 2025 à 16h17 :Julien Odoul cible les élus du Nouveau Front populaire
Tout à commencé avec le propos de Julien Odoul (RN), président du groupe Rassemblement national Bourgogne-Franche-Comté, lors des discours liminaires avant l'examen des rapports régionaux.
À la suite des «menaces» internationales évoquées par la présidente de la Région, Julien Odoul a rappelé «la menace du fondamentalisme islamiste» et regretté que «la présidente n'ait pas eu un mot» pour «les minorités musulmanes alaouites et chrétiennes» en Syrie ainsi que pour «nos alliés israéliens qui luttent également contre cette barbarie islamiste». «Il y a toujours un deux poids, deux mesures, dans vos priorités.»
Julien Odoul a soulevé ensuite les «discours incohérents» du gouvernement sur la question du voile islamique dans le sport.
«Rien ne change également dans l'antisémitisme débridé de la France insoumise qui, avec des affiches recyclées des années 30, s'enlise dans une pensée et une obsession nauséabonde», a alors déclaré l'élu mariniste, «honte à tous ceux qui ont fait campagne avec ces gens-là, qui ont accepté l'étiquette Nouveau Front populaire qui était le nouveau front antisémite, qui ont fait élire ces députés de La France insoumise».
Tandis qu'un brouhaha montait dans les rangs de la majorité, Marie-Guite Dufay a repris le contrôle du micro – «faites attention à vos propos Monsieur Odoul» – pour inciter à revenir aux sujets régionaux.
Le geste de celle qui est chargée de la police des débats a heurté des membres du groupe du RN qui ont évoqué hors micro une «politique de la pensée» : «avec la gauche, la liberté d'expression, c'est aussi à géométrie variable».
«Il est difficile d'être vraiment patriote quand on est financé par Poutine et qu'on rêve de devenir Trump», tacle Jérôme Durain
«Les priorités du débat public ont changé, on parle d'économie de guerre, on cherche comment financer notre défense, on s'interroge sur le réarmement de l'Europe», a constaté à son tour Jérôme Durain (PS), président du groupe Notre Région par cœur, principal groupe de la majorité régionale, «la question qui est posée à notre génération est une question que nous n'attendions pas : quelle guerre voulons-nous mener ?»
«À la décharge du Rassemblement national, il est difficile d'être vraiment patriote quand on est financé par Poutine et qu'on rêve de devenir Trump», a taclé Jérôme Durain, qui, par le passé, avait taxé les élus du RN de «patriotes en carton».
«Il s'agit, pour les nouveaux hommes forts, de promouvoir le retour des impérialismes et de défaire, brique après brique, le multilatéralisme», a-t-il analysé avant d'évoquer «l'impitoyable guerre commerciale menée par les États-Unis contre le reste du monde».
«Notre viticulture régionale est la première menacée», a-t-il poursuivi à propos des tarifs douaniers, «le RN est curieusement absent de ce sujet, signe de son ambiguïté». «Qui soutenez-vous, quels intérêts, pour qui travaillez-vous ?»
Un «complotiste» a fusé hors micro dans les rangs du RN.
Les condamnations de Jean-Marie Le Pen versus la francisque de François Mitterrand
En particulier, la motion du RN intitulée «Entretenir la mémoire de la Shoah et lutter contre l'antisémitisme dans nos lycées» a fait bondir Jérôme Durain : «on ne peut pas insulter l'histoire à ce point». «C'est sans doute un détail de l'histoire pour vous, comme ceux que soulignait Jean-Marie Le Pen, (…) ce ne sont pas des valeurs, juste un vilain opportunisme.»
«On vous a attendu tellement longtemps», a poursuivi le socialiste, solennel, «cet amour tardif et bruyant à la communauté juive est intéressé». Et de rappeler l'historique de la fondation du Front national et des condamnations de Jean-Marie Le Pen pour discrimination et contestation de crimes contre l'humanité. «Vous vous êtes tous précipités à ses obsèques !»
«Et la francisque de Mitterrand ?» a demandé Jacques Ricciardetti (RN) hors micro, «la tombe de Pétain fleurie tous les ans par Mitterrand». «Bousquet, Mitterrand», a surgi dans le brouhaha, suivi de «Rima Hassan et Mélenchon».
«Et la Région dans tout ça», a tenté de glisser Gilles Platret (divers droite) hors micro.
«Ce n'est pas les juifs que vous aimez, c'est l'extrême-droite israélienne», insiste Jérôme Durain
«Vous êtes le fossoyeur de la communauté juive», a contre-attaqué Julien Odoul mais Jérôme Durain disposait de l'avantage du micro et du soutien de Marie-Guite Dufay qui ironisa : «l'heure de la post-vérité est vraiment arrivée».
«Celle qui accuse le parti d'Éric Zemmour de bénéficier de fonds juifs, c'est votre collègue Sophie Dumont, conseillère économique au groupe RN», a repris Jérôme Durain.
«Le président du Congrès juif européen n'est pas dupe : ce n'est pas les juifs que vous aimez, c'est l'extrême-droite israélienne», a-t-il insisté, «vous êtes juste dans l'instrumentation des juifs contre les musulmans, contre l'islam qui est votre seule obsession !»
«Je reste sans voix quand j'entends de telles contre-vérités,de telles inepties de la part de votre groupe, le Rassemblement national», a enchaîné Marie-Guite Dufay, «on sait l'histoire». «Il faut que les jeunes apprennent l'histoire, il faut que leurs professeurs les amènent au cœur de l'histoire, c'est l'histoire la vérité.»
Nicolas Soret dénonce les «effets de tribune» de Julien Odoul
Vice-président chargé des finances, Nicolas Sorret (PS) a pris la présidente de la Région au mot en faisant référence peu après à une exposition historique.
Au détour du débat très technique sur le budget primitif 2025, Nicolas Sorret a dénoncé «des effets de tribune» de Julien Odoul en indiquant s'exprimer directement en direction des électeurs du Rassemblement national : «je les invite à regarder dans le détail, l'immense différence qu'il peut y avoir entre le discours et la réalité des votes».
Ainsi, le vice-président a insisté sur l'augmentation des dotations de
lycées de millions d'euros qui «n'a pas été votée par le groupe du RN».
Une exposition sur «le procès de l'art moderne par le nazisme» met le feu aux poudres
«Je voudrais dire à l'ensemble des enseignants de cette région : continuez à présenter des projets péripédagogiques, on n'arrête pas de les financer», a déclaré le socialiste.
Tandis que la tension montait dans les rangs du RN, Nicolas Soret a porté le fer, proposant que «tous les enseignants d'histoire ou d'art plastique de cette région n'hésitent pas à nous présenter des dossiers pour aller visiter – petite page de pub – une magnifique exposition à Paris qui s'appelle ''L'art dégénéré'' au musée Picasso, le sous-titre c'est, ''le procès de l'art moderne par le nazisme''». «On vous financera les cars pour y aller.»
«On va vous laisser entre vous parce que nous n'acceptons pas ces accusations et ces insultes», répond Julien Odoul
«C'est une honte», a réagi Géraldine Grangier (RN) à l'unission des autres membres du groupe tandis que Julien Odoul restait stoïque.
«Face aux horreurs de Monsieur Soret dont les propos sont inqualifiables, nous ne nous laisserons pas traiter de nazis dans cet hémicycle», est intervenu le président de groupe du RN à la demande de ses membres.
«Nous demandons des excuses pour le parallèle honteux qu'il a fait. Son petit discours, il aurait dû le dire aux électeurs, il y a neuf mois, quand ils l'ont sévèrement fessé aux élections législatives et qu'il a été battu au premier tour», a cinglé Julien Odoul, «je pense que les électeurs [du RN] et notamment ceux du nord de l'Yonne ont très bien compris où étaient leurs intérets et où étaient les pantins qui font semblant de les défendre avec des tribunes et des propos abjects, de les insulter comme ils le font». «Donc, on va vous laisser entre vous parce que nous n'acceptons pas ces accusations et ces insultes.»
Océane Godard défend l'accord électoral du Nouveau Front populaire
Bien que les élus du RN fussent partis, Océane Godard (PS), conseillère régionale et députée de la Côte-d'Or, élue dans le cadre de l'accord électoral du Nouveau Front populaire, remit une pièce dans la machine.
Faisant référence aux propos de Julien Odoul sur le «nouveau front antisémite», Océane Godard a considéré que «ces propos ne sont pas acceptables» et a indiqué «se réserver le droit de déposer plainte pour diffamation».
«Honte plutôt à celles et ceux qui considèrent distinguer les races est un travail de bon sens : c'est ce que des députés RN disent ; honte à celles et ceux qui n'ont pas dit un mot concernant l'affaire Bétharram, qui ne disent pas un mot contre les droits des femmes et qui considèrent encore aujourd'hui qu'ils s'engagent à abroger à terme la loi sur l'avortement», a-t-elle déclaré, «ce n'est pas acceptable».
«Heureusement qu'il y a eu cet accord électoral pour empêcher que les Françaises et les Français soient représentés par des élus qui ne leur ressemblent pas et qui jouent contre les vies des Françaises et des Français», a-t-elle ajouté, «cela s'est exprimé massivement dans les urnes lors des législatives en juillet dernier, quand il y a eu le front républicain». «Nous allons poursuivre ce combat.»
Les élus du RN ne reviennent pas en séance
Par le biais d'un communiqué (voir ci-dessous), Julien Odoul a également évoqué la possibilité de déposer une plainte à l'encontre de propos tenus par des membres de la majorité.
Les élus du RN ne sont pas revenus en séance après
la pause méridienne et leurs amendements au budget primitif 2025 n'ont
donc pas été présentés.
Jean-Christophe Tardivon
Communiqué du groupe Rassemblement national Bourgogne-Franche-Comté du 20 mars 2025 :Budget 2025 : la gauche compare les électeurs du RN aux nazis
Au commencement des débats budgétaires au Conseil régional de Bourgogne Franche-Comté, le vice-président socialiste Nicolas Soret a osé comparer le refus du groupe Rassemblement National de financer l’art contemporain, qui représente une charge de 2 millions d’euros par an pour la collectivité, à la politique des nazis qui interdisaient certaines expositions et œuvres modernes.
Face à ces propos gravissimes, inacceptables et intolérables, devant la multiplication des insultes et des coupures d’interventions, séance après séance, Julien Odoul et les élus du groupe RN ont décidé de suspendre immédiatement leur participation à cette assemblée plénière infamante.
« Incapable de répondre à nos propositions et à nos amendements sur le budget 2025, leur choix de sacrifier les politiques de jeunesse tout en continuant d’abonder massivement les milieux de la culture, la politique internationale et la formation des migrants, Marie-GuiteDufay et les élus de la majorité de gauche ont fait le choix de l’insulte et de l’outrance. Cela participe d’un climat de plus en plus délétère nourri par le groupe socialiste. Cette situation ne permet plus un débat serein et démocratique. Pour nos électeurs et tous ceux qui croient en nos idées, nous ne laisserons jamais la gauche les maltraiter !» - Julien Odoul
Les élus du groupe Rassemblement National se réservent le droit de déposer plainte à la suite de ces propos diffamatoires et ceux qui ont été tenus après leur départ.











