Ce jeudi 14 décembre, la présidente de la Région Bourgogne-Franche-Comté a ouvert la session plénière en revenant sur les sujets d'actualité et en abordant les orientations budgétaires pour les années à venir.
Discours liminaire de Marie-Guite Dufay (Parti socialiste)
«Nous entrons aujourd’hui de plain-pied dans les débats qui nous amèneront, début février prochain, à notre séance budgétaire.
Nos échanges s’inscrivent de nouveau dans un contexte international et
économique troublé, avec les crises, les conflits et les incertitudes
que nous connaissons tous. Un contexte où l’inflation reste marquante en
particulier sur le coût des énergies, et où la hausse considérable des
taux d’intérêt impacte fortement les collectivités locales.
Des collectivités locales, et c’est tout particulièrement le cas de
notre conseil régional, qui ne ménagent pas leurs efforts pour
accompagner la relance, pour investir dans les grandes transitions, pour
faire face aux mutations... Mais pour investir dans de bonnes
conditions, il faut des moyens, il faut des recettes, et force est de
constater aujourd’hui que la façon dont la décentralisation est pensée
dans notre pays sur cet aspect des choses, pose des questions
fondamentales.
Les Conseils Régionaux ont des compétences majeures en matière de
développement économique, de mobilités, de formation, d’équilibre
territorial, de transition écologique... des compétences qui appellent à
investir pour préparer l’avenir. Et malgré cela, ils n’ont pas, ou
plutôt ils n’ont plus de réels leviers efficaces et fiables pour
financer leurs politiques. Nos recettes principales, ce sont des
dotations de l’Etat, dont chacun sait qu’elles sont plutôt orientées à
la baisse ; c’est la dévolution d’une part de TVA sur laquelle nous
n’avons aucun pouvoir de taux et qui reste dépendante de l’activité
économique.
L’autonomie financière des collectivités est à mes yeux une question
essentielle pour l’avenir de la décentralisation, et j’espère vivement
qu’elle sera abordée dans le cadre de la mission confiée à Eric Woerth
par le Président de la République sur une nouvelle étape de la
décentralisation dans notre pays.
Je l’espère tout particulièrement au moment où le gouvernement s’engage
fort justement dans la planification de la transition écologique, car
s’il y a bien un domaine où la capacité à investir de l’ensemble des
pouvoirs publics sera déterminante, c’est celui-ci. Lors du lancement,
hier à Dijon, de la COP régionale, j’ai eu l’occasion de le rappeler au
ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des Territoires,
de même que notre entière responsabilité pour prendre toute notre part
dans la déclinaison territoriale de cette planification.
Mais pour le moment, nous devons faire avec ce que nous avons, et c’est
dans ce cadre que nous avons préparé les orientations budgétaires et le
plan pluriannuel d’investissement que nous vous présentons aujourd’hui.
Je rappelle dans un premier temps que les efforts consentis par le
Conseil régional pour accompagner la relance, au travers du PAIR
notamment, nous ont amenés sur un véritable pic d’investissement : 624
millions d’euros en 2021, 609 en 2022 et 570 prévus en 2023... alors que
nos deux collectivités étaient à moins de 300 millions d’euros de cumul
avant la fusion.
Cet effort considérable ne peut pas être durable, car il n’est pas
soutenable pour la Région. C’est pourquoi nous avons fait de 2023 une
année charnière, pour nous adapter à la nouvelle donne budgétaire issue
des crises que notre pays traverse, et pour préparer une véritable
stratégie d’investissement responsable pour notre collectivité, tout en
conservant une réelle ambition de porter des politiques transformatrices
dans nos territoires.
● Nous avons donc suspendu en 2023 certains de nos RI d’investissement,
pour nous donner l’air nécessaire à la préparation de ce PPI ; nous
serons en mesure, avec son adoption, d’en réouvrir la grande majorité
dès l’assemblée budgétaire de février.
● Nous avons mené à bien une négociation avec la SNCF qui nous a permis
d'alléger le coût de ce service pour notre collectivité, et donc de
dégager des marges supplémentaires.
● Nous avons poursuivi les efforts de maîtrise de nos budgets de
fonctionnement, effort que nous avons depuis plusieurs années, ce qui
n’est pas simple, car ce sont des dépenses utiles à tous les niveaux,
tant économique, social que sociétal...
● Nous avons poursuivi notre travail autour du “budget vert” pour notre
collectivité, en particulier avec l’extension de la logique
d’éco-conditionnalité dans nos interventions.
Ce travail nous permet de vous proposer aujourd’hui un PPI 2024 - 2030
doté de 2,3 milliards d’euros, qui s'ajoutent donc aux 1,5 milliard
d’euros d’Autorisations de Programme d'ores et déjà votées.
Pour construire ce PPI nous avons arbitré ligne par ligne en fonction des critères suivants :
● Une priorité, bien sûr en premier lieu sur ce qui relève de nos compétences
obligatoires : mobilités et lycées.
● Un fil rouge : la transition écologique, en privilégiant les dépenses cohérentes avec la
décarbonation, la sobriété énergétique et la préservation environnementale.
● Et la cohérence avec les orientations de notre stratégie de mandat.
Je remercie mon vice-président aux finances qui a conduit un travail titanesque avec l’ensemble des élus.
Avec ce PPI, nous sommes à mon sens pleinement armés pour répondre aux
grands enjeux pour notre Région, tout en conservant un investissement
fort mais contenu :
● Il répond à l’enjeu des bifurcations écologiques et énergétiques, qui
nécessite à tous les niveaux que des investissements considérables
soient menés. Je pense à nos lycées, aux mobilités, à l’effort de
décarbonation et de maîtrise énergétique que nous devons accompagner en
direction des entreprises, des territoires, des bailleurs sociaux...
● Il intègre l’enjeu des grandes mutations économiques, industrielles et
agricoles qui impactent notre territoire et nos filières. C’est le
soutien à l’innovation, aux nouvelles filières industrielles qui font
l’avenir de nos territoires. C’est aussi le soutien à l’adaptation de
l’agriculture aux conséquences du dérèglement climatique, et le soutien
au renouvellement des générations.
● Il confirme notre engagement en direction des territoires pour
soutenir un aménagement équilibré de notre région, dans le domaine des
services au public, du sport, de la culture, de la santé.
● Il nous permet de jouer pleinement notre rôle d’investisseur majeur du
territoire régional, car je n’oublie pas que derrière nos
investissements, il y a des entreprises et des emplois, notamment dans
les secteurs du BTP.
Nous avons dégagé des marges de manœuvre en 2023 pour construire ce PPI,
mais il va nous falloir continuer. Pour être au rendez-vous de
l’ambition que j’ai voulu donner à ce PPI, il nous faut plus. Le
gouvernement commence à le comprendre puisque les présidents de Régions
seront reçus sur ce sujet à Matignon mardi matin. Ceci-dit les
discussions que nous avons dans le cadre du PLF, avec Matignon, ne nous
montre pas encore le changement d’échelle qui serait nécessaire.
Néanmoins il y a peut-être, je l’espère, une avancée.
En attendant cette avancée nous devons, comme beaucoup d’autres
collectivités locales actuellement, mobiliser les leviers de recettes
qu’il nous reste pour soutenir l’investissement de notre collectivité.
Ces leviers, ce sont la carte grise, et nos recettes en matière de
mobilité.
C’est un choix que j’assume, car les investissements que nous voulons
faire sont nécessaires pour le développement, la jeunesse, l’avenir de
notre région.
Au-delà des OB et du PPI, je veux m'arrêter un instant sur la formation,
qui sera également au cœur de nos débats avec le CPRDFOP, le schéma du
tourisme, puis revenir sur l’évolution du dossier FEADER, qui préoccupe
fortement nos agriculteurs.
Mais en préalable, j’indique qu’en marge de consacrer du temps à
débattre sur nos politiques publiques, nous devrons passer du temps sur
les désignations des élus régionaux dans les organismes extérieurs.
Celles-ci ont en effet été annulées par le tribunal administratif
faisant suite à une procédure engagée par le rassemblement national.
Nous traiterons aujourd’hui les plus urgentes : celles dont le résultat
de cette procédure remettrait en cause le fonctionnement faute d’une
nouvelle désignation rapide. Je note que cette fois, contrairement à ce
qu’il s’était passé il y a deux ans, le RN a accepté de nous transmettre
des noms pour les organismes que nous traiterons. J’ose espérer que
cela préjuge d’un exercice fluide entre nous, et que cela ne sera pas
l’occasion d’un nouvel exercice d’instrumentalisation de notre
assemblée... Quant aux désignations restantes, elles seront traitées
dans le cadre d’une prochaine de nos réunions...
Le CPRDFOP, contrat de plan concernant les formations et l’orientation,
constitue un outil essentiel et stratégique dans la réponse et
l’adaptation aux mutations du monde du travail. Car si nous devons
innover et investir dans nos filières industrielles et nos entreprises
pour préparer l’avenir, l’investissement sur l’humain est tout aussi
fondamental pour accompagner ces objectifs. Et cet investissement sur
l’humain, passe en particulier par des politiques de formation et
d’orientation tout au long de la vie.
Le CPRDFOP, merci à la vice-présidente Océane Godard et au conseiller
régional Frédéric Poncet pour le travail mené au long cours, est donc
tout particulièrement orienté vers l’accompagnement de l’évolution des
métiers, les transitions sociétales, écologiques et numériques qui
impactent le monde du travail, les filières d’avenir créatrices d’emploi
et de valeur, et puis aussi, mais pas que, vers les métiers en tension.
C’est donc un outil majeur au service de l’emploi et des entreprises.
A propos de formation, je m’arrête un instant sur le projet de
candidature de notre Région autour d’une école nationale de l’hydrogène,
projet que nous portons en lien avec le Préfet et le Rectorat dans le
cadre de l’Appel à Manifestation d'Intérêt “Compétences et Métiers
d’Avenir” de France 2030 et qui illustre bien notre préoccupation de
corréler la formation au plus haut niveau avec la croissance d’une
filière d’avenir.
S’il est évidemment trop tôt pour anticiper les résultats de cette
démarche, je veux dire combien je suis impressionnée par le très fort
engagement de l’ensemble des acteurs de notre territoire autour de ce
projet collectif, qu’ils soient acteurs économiques, acteurs de la
formation, acteurs de la formation et de la recherche... C’est une
véritable démarche régionale qui se construit, une véritable démarche de
coopération qui démontre une forte attente de tous les partenaires avec
lesquels nous travaillons, mais aussi une capacité à agir ensemble que
j’aimerais retrouver dans tous les secteurs à impact pour l’avenir, je
pense particulièrement à nos universités ...
Nous débattrons également pendant cette assemblée d’un autre Schéma
important, notre Schéma du tourisme, que nous n’avions pas pu évoquer
faute de temps au cours de notre précédente assemblée. Il vise à
développer nos atouts touristiques : le tourisme nature et de montagne,
l’itinérance, le fluvial, l’œnotourisme, la gastronomie, le tourisme de
patrimoine et de savoir-faire ; dans une logique responsable et
respectueuse de notre environnement exceptionnel. Nous l’avons vu cet
été, le tourisme a bien repris dans notre région, signe que nos atouts
attirent ! C’est ce que nous continuerons à développer, avec l’adoption
de règlements d’intervention dédiés dès le budget.
En évoquant notre attractivité touristique, je veux faire une incise
d’actualité sur un autre type d’attractivité sur laquelle nous
travaillons actuellement : l’attractivité dite résidentielle. Vous le
savez, notre région fait face à un enjeu démographique d'ampleur, et
j’avais souhaité, en juin dernier le mettre au cœur des discussions de
la CTAP que j’ai co-présidée avec Monsieur le préfet.
Forts du constat partagé avec les collectivités présentes, et des
retours que nous avons eus depuis, nous lançons donc une démarche
expérimentale à partir du début de l'année 2024 avec les EPCI et les
Départements qui ont répondu favorablement à notre proposition. Cette
démarche consiste en une répartition des rôles en fonction des échelons
de collectivités : d'une part la prospection et la promotion, qui seront
prises en charge par la Région pour attirer de potentiels nouveaux
habitants en Bourgogne-Franche-Comté, d'autre part l'accueil de ces
potentiels nouveaux habitants, qui sera confié par la Région aux 15
candidats, car ce sont les élus locaux qui connaissent le plus finement
leur territoire et les offres et besoins spécifiques de celui-ci :
appartement disponible ici, besoin de professionnels et de compétences
et j'en passe.
Donc c’est un travail qui est bien engagé, et qui s’est illustré au
salon du SIMI. Beaucoup d’élus de tous bords ont remarqué que ce
territoire fait pack derrière ses atouts.
Après cette incise sur l’attractivité, je veux prendre un instant sur le
FEADER. Chacun connaît ici les difficultés que nous rencontrons, la
presse s’en est largement fait l’écho, et les inquiétudes légitimes de
la profession agricole, également relayées par le monde politique...
J’ai déjà insisté ici sur la complexité de la problématique du
recrutement, sur la complexité de la gestion des fonds européens, sur la
complexité d’un sujet qui touche la dotation jeune agriculteur et les
investissements dans les bâtiments, la complexité de ce transfert de
compétence, qui aurait pu être mieux préparé - il n’y a pas que moi qui
le dit, cela remonte de toutes les Régions, et ce indépendamment de leur
couleur politique... J’ai vu que certaines Régions ont même d’ores et
déjà demandé un report de la date limite de paiement de la programmation
14-22 : ce n’est absolument pas notre cas. Mais toutes les Régions ont
par ailleurs écrit la semaine dernière au ministre pour rappeler cette
complexité.
Mais je ne souhaite absolument pas entrer dans une polémique stérile, ce
qui compte avant tout, ce sont les solutions que nous travaillons pour
que les choses s’améliorent pour nos agriculteurs.
• Deux catégories d’agriculteurs sont exposées aux retards : ceux de la
programmation 14-22, pour qui nous prenons en charge d’éventuels
surcouts liés aux intérêt pour les 600 dossiers, et non 6000 comme j’ai
pu le lire ici ou là, qui sont en retard ; et les nouveaux dossiers de
l’actuelle programmation, plus précisément ceux qui ont candidaté sur
les appels à projets PCAE que la Région a ouvert, et qui n’auront de
réponse qu’à la mi-2024, et pour lesquels nous travaillons une solution
de préfinancement avec le réseau bancaire
• Concernant le versement de la Dotation Jeunes Agriculteurs, j’ai
demandé, dans la pénurie de moyens dans laquelle nous sommes, que la
priorité soit donnée aux jeunes ; donc priorité au versement de la
dotation jeune agriculteur, nous traitons les dossiers au fil de l’eau
et les soldes seront mis en paiement dès janvier 2024. Par ailleurs,
toujours pour les jeunes agriculteurs qui ont candidaté à un appel à
projet PCAE, un courrier a été envoyé ces derniers jours aux
exploitations concernées pour leur notifier les financements auxquels
ils auront droit. Il n’y aura pas eu d’année blanche, contrairement à ce
que j’ai pu entendre. Pour ces travaux, dont nous venons de donner le
signal de financement au dernier comité de sélection, c’est quand même 6
millions (Europe, Région, département) de financement public qui sont
investis pour 99 dossiers.
Nous avançons, par ailleurs dans la construction d’un partenariat avec
les chambres départementales d’agriculture, afin que celles-ci
contribuent à la fluidité du système en assistant les agriculteurs en
proximité dans la construction de dossiers de paiement complets.
Enfin, un accord auquel je travaille d’arrache-pied depuis quelques
semaines, vient d’être trouvé avec l’Etat pour que ce dernier reprenne
l’instruction de 250 dossiers dès début 2024 et un nombre équivalent
complémentaire, qui sera adossé à la mise à disposition de 3 agents
recrutés par la Région à Macon.
Ce sujet est capital pour notre agriculture, je vous l’assure, nous le
suivons au quotidien, mon vice-président, avec l’administration, à tous
les niveaux, et je remercie tout le monde de ce travail qui s’est fait
depuis quelques mois dans un stress important, dont les premières
victimes sont les agriculteurs, mais les deuxièmes victimes sont les
agents de la Région, et nous leur devons beaucoup de bienveillance pour
travailler dans ces conditions.
Je n’en n’oublie pas pour autant les dossiers de fonds, tout aussi
essentiels, et je pense en premier lieu à la filière viande, dans le
Charolais, et dans la Nièvre notamment, dont j’ai toujours dit qu’elle
était une priorité dans notre plan d’actions agricole. C’est la raison
pour laquelle nous inscrivons, dans nos orientations budgétaires, le
financement d’un ambitieux plan d’engraissement, pour aider la filière à
créer de la valeur ajoutée sur notre territoire. Et puis nous sommes
aussi dans l’action dans les préoccupations foncières des agriculteurs.
Enfin, avant de céder la parole aux présidents de groupes, je veux
m’arrêter un instant sur le sujet des ressources humaines, qui a fait
l’objet de quelques articles récemment dans les médias, autour de
réactions sur le sujet des remplacements des agents absents dans les
lycées. C’est un poste budgétaire important pour la collectivité, évalué
à plus de 17 millions d’euros cette année, et aussi, j’en suis
consciente, des mécanismes importants pour permettre le bon
fonctionnement des établissements. Mais après avoir élargi les
possibilités en la matière en lien avec la période du covid, il nous
semble essentiel de mieux réguler ces remplacements, et ce dans une
logique qui n’entrave pas la vie de nos lycées. Les remplacements en
cuisine, ou les remplacements des maladies de longues durées
continueront d’être assurés, sans faute, mais nous demandons un effort,
dans les lycées où nous avons établi qu’ils étaient surdotés, ou dans
les périodes de l’année où l’activité est moins intense. Cet effort est
essentiel dans une période de complexité budgétaire comme celle que nous
traversons.
Néanmoins, je veux rappeler que parallèlement à cela, notre collectivité
a répondu présente pour accompagner les agents face à l’inflation.
Bien-sûr, il y a les mesures nationales avec le relèvement des points
d’indice, mais au-delà, je veux rappeler les mesures volontaristes que
nous avons prises :
• Un nouveau régime indemnitaire, qui vise à renforcer l’attractivité de
notre collectivité, et qui a apporté un complément de revenu
significatif à de nombreux agents, pour un montant annuel de 4,2
millions d’euros.
• Un hause volontariste du point d’indice de 3,5% sur le Régime indemnitaire.
• Une prime exceptionnelle « pouvoir d’achat » de 200 euros versée en juillet 2023.
• Une autre prime exceptionnelle « pouvoir d’achat » de 100 à 600 euros
sous conditions de ressources, versée à 4005 agents de notre
collectivité en cette fin d’année.
Vous le voyez, nous nous sommes emparés des possibilités ouvertes par
l’Etat sur l’octroi de prime aux agents publics, dans un contexte à la
fois difficile pour les agents confrontés à l’inflation, mais tout
autant difficile pour notre collectivité. J’ai noté un récent article
d’un média national disant que peu de collectivités, compte-tenu de
leurs difficultés, allaient en ce sens. Nous n’étions pas cités, donc je
répare.
C’est donc une AP dense qui s’ouvre aujourd’hui, qui conclut une année
que j’avais souhaitée studieuse et prudente, pour nous mettre en
situation de vous proposer le PPI qui est mis en débat aujourd’hui.
Je vous remercie et cède la parole aux présidents de groupe.
Nous entrons dans une nouvelle phase d’aiguisement des contradictions et
des crises exposant singulièrement notre région rurale et industrielle.
Les besoins de santé, d’éducation, de formation, de mobilités
décarbonées, de logement, d’emplois de qualité et correctement
rémunérés, de préservation des ressources et de lutte contre les
pollutions, sont criants.
Ils nécessitent des dépenses nouvelles.
Le rapport Pisani-Ferry chiffre par exemple à 100 milliards d’euros par
an jusqu’en 2030 la dépense à engager pour réaliser en France la
transition énergétique. Le GIEC, lui, va même plus loin avec une
estimation à 140 milliards d’euros.
Les besoins de rénovation des infrastructures ferroviaires nécessitent a
minima 100 milliards d’euros en 15 ans, et nous avons pu constater dans
le cadre du débat sur le volet mobilités du CPER que l’Etat n’est pas à
la hauteur.
Mais il y a aussi besoin d’emplois, de salaires, de formations, pour
appuyer ces investissements massifs et répondre aux pénuries de main
d’œuvre et d’emplois, en particulier dans les grands services publics.
En réalité, nous sommes dans un processus global, où l’évolution des
besoins de la société pousse à étendre toujours plus le champ d’action
des services publics et le nombre d’agents y travaillant, singulièrement
dans les fonctions administratives. L’ancien ministre de la fonction
publique Anicet Lepors parle de processus civilisationnel. Si les
politiques publiques conduites depuis 40 ans ont réussi à contenir le
niveau de la dépense de service public, c’est parce qu’elles se sont
appuyées de plus en plus sur le recours à des travailleurs précaires
ainsi qu’à des prestations intellectuelles extérieures, avec là un
certain nombre de gâchis.
Cela pour dire qu’il y a une part incompressible de la dépense de
service public, et c’est toute la contradiction de la période puisque la
politique monétaire européenne a choisi de casser l'inflation par la
récession, ce qui va conduire à comprimer l’emploi et les salaires, dans
le secteur public mais aussi dans le secteur privé.
Le gouvernement est donc en train de reporter en partie sur les
collectivités locales la responsabilité de l’investissement et de la
réduction du déficit public, alors qu’il faudrait agir vraiment en
Europe pour sortir la politique monétaire européenne de l’alignement sur
la banque fédérale américaine.
Je veux en dire un mot, car en effet, si la banque fédérale américaine
peut relever ses taux tout en finançant un plan de relance à 3000
milliards de dollars, car selon l’expression du Général De Gaulle, elle
dispose du « privilège exorbitant de la monnaie mondiale, qui lui permet
de rembourser ses dettes en une monnaie qu'il ne tient qu'à elle de
créer ». Un privilège complété par le principe autoproclamé
d'extraterritorialité du droit américain, dont les salariés de
l’industrie belfortaine viennent encore de faire les frais dernièrement.
Ce principe s’applique dès lors qu’une entreprise utilise d’une façon
ou d’une autre des dollars.
L’euro n’est pas le dollar.
Avec les règles actuelles, l’investissement se finance contre le
fonctionnement, donc contre le service public, l’emploi, la formation,
alors qu’il faudrait raisonner tout autrement, avec le fonctionnement
qui pilote l’investissement.
Des recrutements d’agents de la SNCF pour accompagner le développement
de l’offre, des recrutements d’agents administratifs pour accompagner le
poids grandissant des fonds européens dans le budget régional, des
dotations suffisantes aux lycées pour soutenir les projets pédagogiques
qui contribueront à la lutte contre le décrochage scolaire, des parcours
de formation professionnelle qualifiants de haut niveau afin que nous
soyons au rendez-vous de la nouvelle industrialisation, de la transition
énergétique, de la décarbonation des procédés de production, de la
transition numérique, ...
Voilà les vrais leviers du développement.
A l’opposé de cela, le cadre actuel impose à la prospective budgétaire
régionale dont nous allons débattre une grande contradiction : baisser
la dépense de fonctionnement pour maintenir un haut niveau
d’investissement, parce que la charge de la dette branchée sur les
marchés financiers devient insoutenable, parce que les critères de bonne
santé financière qu’ils nous imposent nous corsètent.
Nous allons changer les règles de comptabilité, en passant de la M51 à
la M57, mais c’est un tout autre changement qu’il faudrait opérer, une
nouvelle logique, où l’emploi, la formation, le service public,
deviendraient prioritaires.
Nous plaidons pour ce renversement de perspective, rendu d’autant plus
urgent que les enseignements du dernier baromètre du secours populaire
sont particulièrement alarmants. Plus d’un Français sur deux déclare ne
pas parvenir à mettre de l’argent de côté, près d’un sur cinq vit à
découvert. 45% des personnes sondées se sont retrouvées dans
l’incapacité de payer certains actes médicaux. 43 % ne peuvent pas
consommer tous les jours des fruits et légumes. Plus d'un Français sur
trois assure ne plus pouvoir faire trois repas par jour pour ne pas
priver les enfants.
Ces constats ne sont pas des dégâts collatéraux. Ils constituent le cœur
de la crise actuelle et doivent donner lieu à des réponses politiques à
la hauteur, du global au local».
Communiqué