
Ce vendredi 21 février, à Dijon, le vice-président Christian Morel a assuré que les demandes de subventions européennes retrouvaient «un rythme d'instruction classique». «Que de temps perdu pour les agriculteurs», a lancé Julien Odoul tandis que Jean-Marie Sermier a prévenu que «la confiance se gagne».
Depuis que la Région Bourgogne-Franche-Comté a repris une compétence de l’État, en 2023, le dossier empoisonne les relations entre la collectivité et les agriculteurs.
Le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) apporte des aides aux agriculteurs pour leur développement économique. Gérant déjà le Fonds européen de développement régional (FEDER) pour le compte de l'Union européenne, la Région a souhaité faire de même avec le FEADER.
Las, une partie des agents des services instructeurs de l’État n'ont pas souhaité rejoindre la fonction publique territoriale dans les conditions proposées par la Région. Des retards dans le traitement des dossiers se sont accumulés, la situation s'est progressivement enkystée au point de susciter des manifestations d'agriculteurs, soutenues par la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs, accompagnées de dégradations, devant l'Hôtel de Région à Dijon.
Après plusieurs rustines comme la prise en charge des intérêts des prêts bancaires que des exploitants agricoles ont dû contracter en attendant le versements des fonds européens promis, Marie-Guite Dufay (PS), présidente du conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté, a annoncé, le 11 décembre dernier, un «plan de sortie de crise» assorti de 7,5 millions d'euros (
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Un débat dans le calme sur le FEADER
Ce vendredi 21 février 2025, lors d'une session plénière à Dijon, Marie-Guite Dufay a établi un point de situation alors que, à la veille de l'ouverture du Salon international de l'agriculture, la chambre régionale d'agriculture mettait la pression sur l'exécutif par une habile communication, sans appeler à manifester pour autant.
Contrairement à ce qui s'était passé le 18 octobre dernier, où des agriculteurs avaient forcé l'entrée de la salle des séances (
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Depuis décembre, le traitement des dossiers «évolue fortement»
Cet échange a suivi une réunion organisée par la chambre régionale d'agriculture de Bourgogne-Franche-Comté en présence des présidents des différents groupes politiques. Christian Decerle, président de la chambre consulaire arrivant en fin de mandat, a alors adressé une volée de bois vert à la majorité régionale à partir d'un rapport sur la base des données établies au 31 décembre 2024.
«Les chiffres qui sont amenés par le président de la chambre régionale d'agriculture ne sont pas faux», a concédé Marie-Guite Dufay, «simplement, la plupart de ces chiffres font référence à une situation qui est désormais derrière nous». «À partir de décembre, nous avons, ensemble, procédé à un vote sur un plan de sortie de crise. (…) Depuis, les choses évoluent fortement.»
La responsable de l'exécutif a alors apporté des «compléments d'actualité» en réponse aux données de la chambre régionale d'agriculture, relayées par Gilles Platret (LR), président du groupe d'opposition de l'Union des républicains et du centre et écologistes indépendants, dans son propos liminaire en début de session.
«Les dates n'ont pas changé et elles seront tenues», assure Marie-Guite Dufay
Concernant la programmation en cours, mille dossiers sont en instance de traitement avant 30 juin prochain. «On s'en sort, les choses sont maîtrisées», a assuré Marie-Guite Dufay, «le plan d'action nous permet d'abord en toute sérénité cette étape».
Pour la nouvelle programmation, l'ensemble des dossiers actuellement déposés représente 33 millions d'euros sur l'enveloppe de 42 millions d'euros accordée par l'Union européenne.
Là aussi, la présidente de la Région s'est voulue rassurante : «les dates n'ont pas changé et elles seront tenues». Le plan de sortie de crise a prévu que la collectivité complète sur son budget propre les aides européennes, la session du jour permettant notamment d'engager 4,4 millions d'euros à ce titre pour financer 135 dossiers qui seront soumis à validation d'un comité en mars prochain.
La présidente de la Région concède «deux ans de difficultés administratives»
«Nous n'effacerons pas deux ans de difficultés administratives», a concédé Marie-Guite Dufay, «mais personne ne peut nous contester l'énergie que nous déployons, l'engagement de nos agents et de ceux de l’État pour que les agriculteurs bénéficient des aides auxquelles ils peuvent prétendre».
Alors que la chambre régionale d'agriculture demande de mettre en œuvre des avances remboursables, sur le modèle pratiqué en Région Auvergne-Rhône-Alpes, la responsable de l'exécutif a refusé, mettant en avant un trop grand «risque d'irrégularité» auprès de l'agence des paiements.
En fait, par le truchement d'une litote, la socialiste soupçonne désormais Christian Decerle d'avoir «un agenda politique» : «les communiqués de la presse de la chambre, les lettres ouvertes, les visios organisées et les menaces à peine voilées se sont singulièrement accélérées dans les dix jours précédant notre assemblée et l'ouverture du Salon de l'agriculture».
«Malgré ce que j'entends, le dialogue avec la profession est constant», martèle la présidente de la collectivité, «je regrette tout ce qui s'est passé et qui a pu jeter de l’opprobre sur la façon dont nous travaillons et qui a ruiné la confiance qu'il pouvait y avoir entre les agriculteurs et le conseil régional». «J'appelle de mes vœux un retour de cette confiance, (…) sans confiance, on ne peut pas faire les choses de façon apaisé, constructive.»
Christian Morel assure «retrouver un rythme d'instruction classique»
Selon Christian Morel (divers gauche), vice-président chargé de l'agriculture, tous les présidents de chambres d'agriculture départementales nouvellement installés appellent à un retour à «un travail serein».
Entre rétrocession de dossiers à l’État, mise en place de vacataires dans les directions départementales des territoires sur crédits régionaux et sous-traitance de l'instruction à un cabinet extérieur, le vice-président a assuré que cela permet «d'accélérer les dossiers pour retrouver un rythme d'instruction classique».
Concernant la nouvelle programmation, Christian Morel s'est félicité que le volet «modernisation et adaptation des exploitations d'élevage au dérèglement climatique», financé sur crédits régionaux, ait reçu 30 à 40% de dossiers supplémentaires par rapport à la période précédente. «C'est une bonne chose pour la région quand on a une agriculture dynamique qui investit.»
«La confiance se gagne», réplique Jean-Marie Sermier
Gilles Platret s'étant absenté, Jean-Marie Sermier (LR) se charge de la réplique : «la confiance se gagne». L'opposant a regretté que la Région n'ait pas eu recours «beaucoup plus tôt» à un prestataire ou à des vacataires.
«Un certain nombre de dossiers ne seront pas honorés parce que les agriculteurs ont choisi de faire autrement», a déploré le Jurassien. «On se fait une joie que 135 dossiers arrivent.»
«Il y a encore beaucoup à faire pour changer la donne», selon Julien Odoul
«Que de temps perdu pour les agriculteurs», a lancé à son tour Julien Odoul (RN), président du groupe d'opposition Rassemblement national Bourgogne-Franche-Comté, qui a dénoncé un «mépris administratif».
«Le président Decerle a tiré la sonnette d'alarme, il a voulu informer sur la situation et sur les inquiétudes des agriculteurs», a-t-il défendu en appelant à «tirer des leçons» de la crise car «il y a encore beaucoup à faire pour changer la donne».
Le groupe des élus progressistes passe son tour
Les rangs dégarnis du groupe d'opposition des élus progressistes ont fait que personne n'a pris la parole à ce sujet au moment des débats.
En début de session, lors de son discours liminaire, le président du groupe Denis Thuriot (REN) avait déclaré notamment que «les agriculteurs subissent de plein fouet le report de leurs investissements. (…) Ce qui est un plus européen est un moins régional».
Patrick Blin se dit «vigilant»
Pour sa part, Patrick Blin (PCF), au nom du groupe des élus communistes et républicains, critique «le modèle néolibéral qui affaiblit l'agriculture française».
«Notre groupe partage les préoccupations des agriculteurs», a-t-il ajouté, voyant le rapport de la chambre régionale d'agriculture comme «une contribution au règlement de ce dossier». Le communiste s'est dit toujours «vigilant» à ce sujet.
À l'issue des débats, le rapport sur le point de situation et l'engagement de 4,4 millions d'euros pour financer potentiellement 135 dossiers est voté à l'unanimité, permettant à Marie-Guite Dufay de conclure que «nous sortons de l'ornière».
Jean-Christophe Tardivon






