Le budget 2025 s'est invité dans les débats bien que n'étant pas à l'ordre du jour de la session, ce vendredi 13 décembre, à Lons-le-Saunier. Julien Odoul a revendiqué de «couper les budgets accessoires». Claire Mallard a appelé à «abandonner les dépenses nuisibles au climat». Gilles Platret a demandé un «état des lieux» de l'impact du transfert des dossiers FEADER.
Comment élaborer un budget pour 2025 quand le projet de loi de finances a été interrompu par la censure du gouvernement de Michel Barnier ? C'est l'équation à résoudre notamment par l'exécutif du conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté.
Le débat d'orientation budgétaire aurait dû être au menu de la session plénière de ce vendredi 13 décembre 2024, délocalisée à Lons-le-Saunier. Marie-Guite Dufay, présidente de la collectivité a fait le choix de le repousser en février pour un vote du budget primitif en mars prochain. Pour autant, des éléments de ce budget ont été abordés durant les débats.
Accueil par le maire de Lons-le-Saunier
Se tenant dans le grand hall de Juraparc, Jean-Yves Ravier (divers gauche), maire de Lons-le-Saunier, a un mot pour accueillir les élus. Le premier édile note que trois conseillers municipaux lédoniens sont également conseillers régionaux – Willy Bourgeois (PS), Sarah Persil (LE) et Catherine Clerc (divers droite) –, ce qui fait de la cité jurassienne «une des villes les mieux représentées» dans l'assemblée régionale.
Le maire salue «le soutien financier majeure de la Région» qui a permis de réaliser des projets portant sur la végétalisation d'espaces publics ou de cours d'écoles, de rénover le pôle multimodal, de développer le service intercommunal de mobilité et d'acquérir un système de supervision urbaine.
De plus, une opération de rénovation de l'habitat est en cours grâce au programme «cœur de ville».
Devant des élèves du lycée Saint-Michel, membres du conseil de vie lycéenne, présents parmi le public, aux côtés de membres du conseil municipal, Jean-Yves Ravier vante «l'attractivité» de Lons-le-Saunier, deuxième ville où il fait bon vivre, derrière Dijon, dans la région. En la matière, le maire annonce également que le déjeuner servi aux élus a été préparé par la restauration municipale, avec de la volaille de Bresse au menu.
Aux conseillers régionaux qui sont également parlementaires, le maire de la commune de 17.000 habitants indique que «rien ne peut se faire sans les collectivités». Et d'appeler à «respecter leur libre administration».
7,5 millions d'euros pour «un plan exceptionnel» destiné au monde agricole
«Ce lien avec les territoires est important», enchaîne Marie-Guite Dufay qui salue «la véritable ambition de transformation qui est à l’œuvre» à Lons-le-Saunier, un «territoire dynamique».
La présidente de la Région Bourgogne-Franche-Comté entre dans le vif de la session en présentant le «plan exceptionnel pour l'agriculture» doté de 7,5 millions d'euros et approuvé, de façon «unanime», par les quatre syndicats agricoles régionaux. L'objectif est de «sortir de la crise», c'est à dire de «revenir à la normale à l'été 2025» en purgeant «tout le stock de dossiers [FEADER] à traiter».
Pour cela, la collectivité recevra l'aide des services déconcentrés de l’État – qui seront compensés à hauteur de 300.000 euros – et aura recours à un prestataire extérieur spécialisé – 700.000 euros seront mobilisés à ce titre.
Le plan intègre surtout «le lancement de quatre appels à projets nouveaux sur la période 2023-2027 pour, précisément, répondre aux demandes de la profession et engager de nouvelles programmations». «Ce sont donc des moyens exceptionnels qu'il faut donc engager pour traiter cela. (…) Ce plan traduit le fort attachement qui est le nôtre à notre agriculture régional. (…) Le nombre de dossiers reçus est un réel signe de dynamisme de nos exploitants. (…) La filière agricole est une filière historique, un des piliers de notre économie, à l'instar de la filière automobile, toutes deux traversent des tempêtes pour faire face à des transformations structurelles majeures.»
En mars, un plan de soutien dédié à la filière automobile sera soumis à l'approbation de l'assemblée.
Les appels à projets nouveaux sont accompagnés d'une mobilisation de près de 7 millions d'euros de crédits supplémentaires pour abonder l'enveloppe du FEADER et ainsi la porter de 16 à 23 millions d'euros.
Marie-Guite Dufay dénonce les «débordements inacceptables» d'agriculteurs de la FNSEA et des JA
Le 11 décembre dernier, au moment où Marie-Guite Dufay présentait ce «plan exceptionnel pour l'agriculture», les militants syndicaux de la FDSEA et des Jeunes Agriculteurs de la Côte-d'Or déversaient du lisier et des pneus devant l'Hôtel de Région (
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En reconnaissant le «contexte particulier de mobilisation de la profession» lié, en particulier à la censure du gouvernement faisant tomber également des mesures destinées au monde agricole et à la finalisation de l'accord entre l'Union européenne et le Mercosur, Marie-Guite Dufay concédait qu'«il y a une colère légitime des agriculteurs»
En revanche, la socialiste dénonce «des débordements inacceptables», regrette que «le préfet [de la Côte-d'Or] n'ait pas obtenu les moyens d'assurer une protection du conseil régional» et déplore «les désagréments énormes» à l'occasion de ces manifestations comme les atteintes aux permanences de députés.
«Murer les permanences parlementaires, c'est vraiment tourner le dos à la démocratie, à la représentation nationale qui doit pouvoir s'exprimer sans intimidation et sans subir de menaces», ajoute-t-elle.
Autre sujet syndical, interne cette fois. Marie-Guite Dufay évoque les ressources humaines, se référant implicitement à des revendications de Force ouvrière, pour rappeler la revalorisation du régime indemnitaire, la mise en place d'une protection sociale complémentaire et collective et «le maintien d'avancement de carrière régulier pour tous les agents».
La présidente de la Région met le cap vers «des économies immanquablement à envisager»
Concernant la situation budgétaire, «nous sommes partis d'un projet de loi de finances qui demandait beaucoup trop aux collectivités locales, (…) nous en arrivons à un gouvernement censuré pour avoir mis son destin entre les mains du Rassemblement national», analyse Marie-Guite Dufay. «Cette méthode de travail est bien loin du résultat des élections législatives de juin qui avait exprimé un front républicain rigoureux, (…) donc cette méthode doit être profondément réinterrogée en cherchant du consensus entre les acteurs de ce front républicain.»
«Quoiqu'il arrive, la dette publique du pays restera l'une des principales questions que devra traiter le nouveau gouvernement», poursuit la présidente de la Région qui s'attend à «des mesures d'économies». Il s'agit donc de «garder le cap pour la préparation de notre budget pour 2025» vers «des économies immanquablement à envisager».
«Cela fait déjà un certain temps que nous avons anticipé la maîtrise de notre budget de fonctionnement», ajoute-t-elle en citant la convention TER, les «ajustements» des politiques publiques et la «gestion rigoureuse» des ressources humaines. «Nous sommes dans une situation saine pour affronter cette nouvelle difficulté», déclare celle qui refuse «un désengagement massif de la Région vis à vis du secteur culturel».
Bien que le débat d'orientation budgétaire soit repoussé en février, la collectivité se doit de mobiliser des crédits régionaux à destination des partenaires dès le début d'année 2025. D'où une «décision modificative spéciale» pour «honorer les dépenses qui ne peuvent pas être décalée».
Pour conclure son propos liminaire, Marie-Guite Dufay salue l'«accueil rare» réservé au film «Vingt Dieux», réalisé par Louise Courvoisier, tourné dans le Jura, soutenu par la Région et qui bénéficie de critiques positives. «C'est une belle image de notre région qui est mise en avant.»
Julien Odoul revendique d'«assurer les compétences prioritaires et couper les budgets accessoires»
«Grâce au courage des députés du Rassemblement national, nos compatriotes et notre collectivité ont évité de justesse un tir de bazooka budgétaire», analyse Julien Odoul (RN). Le président du groupe Rassemblement national Bourgogne-Franche-Comté liste alors les mesures du projet de loi de finances 2025 réduisant le pouvoir d'achat et, ce faisant, fustige la «gestion socialiste» de Michel Barnier.
Dans le champ de l'agriculture, l'opposant déplore l'«incompétence anormale» de la gestion des fonds FEADER depuis 2023. «Tout un secteur est un train de mourir par les politiques iniques menées à la fois au niveau national et au niveau européen. (…) Le traité du Mercosur va planter le dernier clou de cercueil sur l'agriculture française.»
L'élu national-populiste assure que les agriculteurs demandent «plus de protectionnisme» et considère que le «plan exceptionnel pour l'agriculture» doté de 7,5 millions d'euros constitue un «coup de communication à moindre frais».
Selon lui, il s'agit de «faire des choix de bon sens». Plutôt que des «lignes rouges sur la culture et la transition énergétique», il revendique d'«assurer les compétences prioritaires et couper les budgets accessoires».
Considérant que «des sommes faramineuses [sont] déversées au quatre vent pour des niches idéologiques», l'opposant à se concentrer sur des actions publiques visant à «chauffer les lycées» et «faire fonctionner les trains».
«Nos compatriotes ont besoin que leur argent leur revienne», résume l'opposant pour qui «revenir à la normal passera par un changement de politique». Et d'envisager «le départ de Monsieur Macron dans trente mois et par la victoire de Marine Le Pen».
Gilles Platret demande un «état des lieux» de l'impact du transfert des dossiers FEADER
«La majorité macronienne a plombé les comptes de notre pays», réagit Gilles Platret (LR). «Cela aura impact fort sur la politique de la Région Bourgogne-Franche-Comté», analyse le président de l'Union des républicains et du centre et écologistes indépendants qui liste les Régions qui ont «déjà voté leur budget».
«Les grandes inconnues vont demeurer en début d'année prochaine», enchaîne l'élu conservateur. «Vous avez déjà des orientations budgétaires»,estime-t-il.
L'opposant voit un «mouvement de panique» dans la présentation d'un «plan exceptionnel pour l'agriculture» six mois avant la fin de la programmation FEADER en cour. «Tout ceci a été mal géré, merci à Annie Genevard [NDLR : ministre de l'Agriculture dans le gouvernement de Michel Barnier], sans l’État nous ne serions arrivés à rien.»
Gilles Platret demande alors un «état des lieux» de l'impact du transfert FEADER depuis 2023.
L'opposant conclut son propos par une pensée envers une enseignante du lycée Pré Saint-Sauveur, à Saint-Claude, menacée par une élève et sa famille pour avoir visité, dans le cadre d'une sortie pédagogique, une exposition sur la caricature politique où était représenté notamment le président turc Recep Tayyip Erdoğan. Plus généralement, l'adhérent des Républicains appelle tous les parents à «respecter la laïcité de la République».
Denis Thuriot défend le «front républicain»
«Des alliances entre des extrêmes qui se détestent, et aussi certains de votre famille politique, ont mené, par un attelage improbable à l'adoption d'une mention de censure pour provoquer le chaos», dénonce d'emblée Denis Thuriot (REN), «l'instabilité met en danger la capacité de notre pays à relever les défis immenses qui nous attendent». Et de lister, lui, les mesures qui ne sont plus applicables en raison de l'absence d'une loi de finances.
Le président du groupe des élus progressistes défend le «front républicain» et accuse Julien Odoul de proférer «des raccourcis malhonnêtes et dangereux». «Nos concitoyens attendent de nous du sérieux et pas des postures politiciennes, pas des irresponsables politiques incapables du moindre compromis.»
Celui qui soutient Emmanuel Macron assure le monde agricole de son «soutien indéfectible» et propose un vœu contre le traité avec le Mercosur.
Claire Mallard appelle à «abandonner les dépenses nuisibles au climat»
«Au nom de quel principe les collectivités devraient-elles être solidaires des errances macronistes ?» lance Claire Mallard (LE), en référence à la contribution demandée pour le «redressement des comptes publics», vue comme «un affront».
L'écologiste défend la censure votée par les députés de sa famille politique et appelle à mettre à contribution «les gagnants de la crise solidarité nationale». «La seule voie possible est de sortir de l'obstination macroniste, (…) tout autre chemin nourrira l'arnaque sociale de l'extrême-droite qui n'attendra qu'une chose, que les gens dévissent pour surfer sur leur colère».
La présidente du groupe Écologistes et solidaires appelle à «abandonner les dépenses nuisibles au climat» pour «maintenir nos capacités d'investissement dans les services publics liés à la transition écologiques et les emplois d'avenir». Le groupe qui participe à la majorité régionale entend rester «mobilisé pour que la transition écologique soit sanctuarisée au même titre que la culture» dans le budget pour 2025.
Concernant les sujets agricoles, l'écologiste défend les actions des services publics de l'environnement. «Si la colère des agriculteurs est légitime, la montée en tension et les dérives vers la violence sont inacceptables.»
Claire Mallard rappelle que les élus écologistes ont voté contre les traités de libre-échange et incite à regarder vers «les droites libérales qui ont mis en œuvre la dérégulation des agricultures, leur mise en concurrence, ont toujours voté tous les traités de libre-échange». Elle dénonce un «deux poids, deux mesures» en matière de réaction aux manifestations agricoles : «quand les paysans manifestent pacifiquement à coup de banderoles face aux multinationales de l'agrobusiness, (…) les syndicalistes finissent toujours en garde à vue».
Saluant le «plan de sortie de crise», l'écologiste considère que «cet acte aurait mérité autre chose qu'un épandage de lisier et des feux de pneus». Elle s'adresse aux agriculteurs : «il n'y aura pas de miracle dans un monde au climat détracté». «La mise en discussion des catastrophes climatiques et les dédâts sociaux qui y sont associés deviennent des urgences démocratique», conclut-elle.
Muriel Ternant recherche «des dépenses supplémentaires» dotées par «des recettes nouvelles»
«Il n'y pas de majorité pour conduire une politique d'austérité», commente Muriel Ternant (PCF), réagissant à la censure du gouvernement de Michel Barnier.
Considérant que «la logique actuelle» est d'être «faible avec le capital, dure avec le travail», la communiste rappelle les mobilisations organisées devant les entreprises connaissant des plans de licenciement, le 12 décembre dernier, et dans la fonction publique, le 5 décembre dernier. «Tous les secteurs de la société refusent l'austérité et attendent un changement de cap politique.»
Assurant de sa «volonté d'affronter le pouvoir de l'argent», celle qui participe à la majorité régionale revendique de rechercher «des dépenses supplémentaires» dotées par «des recettes nouvelles». «Notre Région a un rôle à jouer d'abord en refusant toute baisse de moyens» car «la dépense publique locale est un moteur de la croissance économique».
«Les agriculteurs expriment avec force leur refus d'un nouveau traité de libre-échange et leur colère légitime contre une Commission européenne bafouant la souveraineté du peuple français», analyse la communiste.
Finalement, Muriel Ternant appelle à instaurer une «conférence sociale régionale» car «la Région est la bonne échelle pour donner une grande respiration démocratique».
Jérôme Durain plaide pour «davantage de contribution des plus aisés, des très grandes entreprises»
«Malgré les dossiers difficiles, la Région fait le boulot», assure Jérôme Durain (PS). «Oui, Monsieur Odoul, nous chauffons les lycées, nous faisons rouler les trains.»
«L'inquiétude est d'abord politique, (…) la crise est toujours là», constate le socialiste qui considère Michel Barnier comme ayant été «politiquement illégitime» en tant que Premier ministre. «Les Français n'ont pas fait barrage au RN en juillet pour que les choix du gouvernement lui soit dictés par Madame Le Pen.»
Le président du groupe Notre Région par cœur, principal groupe de la majorité régionale, réprouve «les leçons» du RN dont «les larmes de crocodile sur les agriculteurs» de Julie Odoul : «vous soutenez les agriculteurs comme la corde soutient le pendu».
«Le tripartisme place toute législature sous la menace de l'instabilité», poursuit-il socialiste, «des gouvernements de fortune, de calcul et de circonstance sont incapables de résister à la violence politique du Rassemblement national».
«Après l'échec criant de la politique de l'offre macroniste, nous n'échapperons pas à un budget de redressement des finances publiques qui instaure davantage de contribution des plus aisés, des très grandes entreprises, de l'économie et de la finance», développe-t-il.
Le socialiste, lui aussi, signale que «les plans sociaux se multiplient» et qu'«aucun secteur n'est épargné». Selon la CGT, 200.000 emplois seraient actuellement menacés en France. «La préoccupation, ce n'est pas le montant de l'aide médicale d’État mais le pouvoir d'achat. (…) Il faut à la France un véritable changement de cap politique.»
Concernant le secteur agricole, le groupe portera également un vœu contre le traité avec le Mercosur en insistant sur les clauses miroirs.
«Si la colère est légitime, elle ne peut s'exprimer par des atteintes, des dégradations sur des permanences de parlementaires, des intimidations ou des menaces, pas plus qu'elle ne peut entraver le fonctionnement d'autorités ou de services comme l'OFB, l'agence des paiements, l'INRAE, l'agence de l'eau, la Maison de l'Europe», déclare Jérôme Durain qui soutient les agents des services indiqués. L'élu condamne «ces formes de mobilisation qui ne concerne pas tous les agriculteurs».
Le soutien de l'exécutif salue finalement «les mesures fortes et exceptionnelles» concernant le traitement des dossiers FEADER.
Jean-Christophe Tardivon