
«On va faire des économies de dépenses, on va augmenter un peu les recettes et on va dégrader nos ratios financiers», a expliqué la présidente de la Région Bourgogne-Franche-Comté, ce jeudi 20 février, à Dijon.
Maintenant que la loi de finances pour 2025 a été adoptée, le conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté prépare son budget primitif avec plus de visibilité. Avant la session plénière de ce vendredi, Marie-Guite Dufay (PS), présidente de la collectivité, a présenté, ce jeudi 20 février 2025, à Dijon, les grandes lignes du débat d'orientation budgétaire.
Entre la loi de finances préparée par le Premier ministre Michel Barnier et celle préparée par le Premier ministre François Bayrou, validée en évitant la censure, l'effort demandé à la Région Bourgogne-Franche-Comté pour contribuer au «redressement des comptes publics» passe de 60 à 30 millions d'euros. Même dans ce cas, la collectivité se retrouve à devoir faire des économies, tant en fonctionnement qu'en investissement, comme cela avait été annoncé en session, le 13 décembre dernier (
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Pousser le curseur de la dette
«Le fonctionnement, c'est nos politiques ; l'investissement, c'est les travaux», explique Marie-Guite Dufay qui a défini trois axes de travail : «on va faire des économies de dépenses, on va augmenter un peu les recettes et on va dégrader nos ratios financiers».
Ce dernier choix a été fait car la responsable de l'exécutif refuse de «mettre en cause les politiques mises en œuvre depuis 15 ans pour mieux servir les citoyens».
«Nous faisons partie des Régions qui ont les ratios financiers les meilleurs parce que, depuis des années, nous faisons des efforts de rigueur», analyse la socialiste, «on a fait en sorte de compenser l'effort exceptionnel du COVID».
«Toutes les Régions de France vont dégrader leurs ratios», glisse Nicolas Soret (PS), vice-président chargé des finances.
Alors que l'encours de la dette s'établit à 1,47 milliard d'euros à fin 2024, l'exécutif envisage de pousser ce curseur. Indicateur de référence, la capacité de désendettement de la collectivité passerait de 5 années en 2024 à 7 années en 2025 puis 8 en 2028 sans exclure d'atteindre 9 années en 2029.
Des économies partout sauf en matière de culture, sport et environnement
«Nous maintenons le cap sur le développement économique, sur la transition écologique, sur l'offre de mobilité, sur la transition écologique, les politiques de fraternité déclinées par le sport et la culture», assure Marie-Guite Dufay en matière de fonctionnement.
L'exécutif articule deux années budgétaires pour atteindre les 30 millions d'euros d'économies demandées : 10 en 2025 puis 20 en 2026.
Cela se fera «en touchant toutes les politiques sauf la culture, le sport et l'environnement, en faisant en sorte de ne pas abîmer nos stratégies fondamentales», signale Marie-Guite Dufay, en lien avec la stratégie de mandat. «Ne seront pas touchés les dispositifs d'accompagnement de l'innovation des entreprises, de formation des demandeurs d'emploi, l'offre ferroviaire.»
«La transition écologique, c'est un sujet d'avenir, c'est la colonne vertébrale de toutes nos politiques d'intervention», martèle-t-elle. Ainsi, Effilogis, dispositif d'accompagnement de la rénovation énergétique des bâtiments publics, verra lui, ses crédits augmenter pour «répondre aux besoins des communes et intercommunalités».
La méthode pour faire des économies en trois exemples
«Nous allons passer toutes les politiques au rabot sans viser un secteur particulier», insiste-t-elle, «nous allons trouver des économies ici ou là selon trois principes pour rogner des financements : on ne touche pas à nos compétences obligatoires, on regarde l'effet incitatif de ces financements et l'exécuté de l'année précédente.»
Pour exemplifier cette méthode, Marie-Guite Dufay indique que, depuis 2005, d'abord en Région Franche-Comté puis en Région Bourgogne-Franche-Comté, la collectivité est «la seule Région de France à mettre en place une mesure qui est applaudie par tous les employeurs des aides à domicile associatifs». Désormais, l'exécutif va «regarder chaque association pour voir comment nous diminuer sans les mettre en péril».
Dans les lycées, le programme pédagogique Éveil pour sensibiliser les élèves à la culture sera lui aussi «rogné». «La compétence obligatoire, c'est rénover les bâtiments», justifie la présidente de la Région. «En novembre 2024, nous avons fortement augmenté la dotation aux établissements pour compenser les coûts énergétiques et les coûts pédagogiques».
En matière de formation professionnelle, l'accompagnement de salariés en entreprises sera raboté pour privilégier l'accompagnement des demandeurs d'emploi.
Sur sept ans, 87 millions d'euros en moins pour dans l'entretien des lycées
Le Plan pluriannuel d'investissement 2024-2030, nouveauté votée en décembre 2023, était passé de 2,3 à 2,7 milliards d'euros au cours de l'année 2024 en raison de dépenses supplémentaires liées au secteur ferroviaire. L'exécutif entend ramener l'enveloppe au montant initial.
«On va ralentir les travaux dans les lycées de 87 millions d'euros», annonce Marie-Guite Dufay, «il en reste 609 millions d'euros soit 85 millions d'euros par an en moyenne, ce qui reste supérieur du temps d'avant la fusion».
«La question de la rationalisation bâtimentaire se pose», note Marie-Guite Dufay car la Bourgogne-Franche-Comté perd «beaucoup d'élèves». «Il faut regarder où on peut garder la même offre de formation mais condenser les élèves moins nombreux dans des zones qui les accueillent de façon mutualisée.»
Augmentation du coût des cartes grises
Côté recettes, l'exécutif suit le mouvement engagé en 2024 de coller au plafond concernant les «cartes grises». L’État ayant autorisé une réévaluation, le coût du cheval fiscal passera de 55 à 60 euros au 1er juillet 2025.
Malgré la baisse de rendement de cette taxe, la mesure rapportera 5 millions d'euros en année pleine.
Réflexion sur l'instauration du versement mobilité régional qui apporterait 35 millions d'euros annuellement
«Dans la loi de finances pour 2025 apparaît la possibilité nouvelle de toucher de la fiscalité sur les entreprises comme le font depuis longtemps les agglomérations pour un objectif unique pour financer des services nouveaux en matière de mobilité», remarque Marie-Guite Dufay
Le versement mobilité régional s'appuie sur la masse salariale des entreprises de plus de dix employés avec un taux maximum de 0,15%.
Comme dans neuf autres Régions, la présidente se dit «intéressée par une perspective d'avoir 35 millions d'euros affectés à du renforcement de matériel pour l'offre ferroviaire et pour des plateformes de mobilité en milieu rural».
Tout en entendant «l'alerte des entreprises» (
lire le communiqué), la socialiste se dit «pas sûre que 0,15% de la masse salariale mettent les entreprises en difficulté» alors qu'elle voit cependant «le mur d'investissements en matière de mobilités».
Au niveau national, la fin de l'impôt de production qu'était la CVAE a allégé la fiscalité des entreprises de 9 milliards d'euros
«Jusqu'à maintenant, les Régions, qui ont une forte compétence en matière de mobilités, n'ont pas de recette appropriée alors que les agglomérations touchent du versement mobilités de la part des entreprises, que la Région Île-de-France en touche aussi donc il y a un retour à quelque chose d'un peu plus égalitaire», développe Marie-Guite Dufay. «J'entends l'inquiétude des entreprises. Je leur dis que, il y a quelques années, il y a un impôt très important, la CVAE, qui leur a été retiré et qui était une source de fonctionnement pour les Régions. Cet impôt leur a fait gagner 9 milliards d'euros, au niveau de la France. Là, on parle de 700 millions d'euros.»
L'exécutif régional envisage même d'«affecter une part» de cette recette nouvelle aux intercommunalités, autres autorités organisatrices des transports.
Avant de décider, l'exécutif prévoit, dans un premier temps, de proposer au vote, ce vendredi, un dossier en urgence sur l'élargissement du comité des partenaires – espace de dialogue avec les entreprises sur la question des mobilités – à plus d'entreprises.
La Région pourra récupérer la TVA sur les billets de train
Une nouvelle recette liée aux mobilités se profile. Suite à un contentieux entre la Région Sud et SNCF Voyageurs, arbitré par Bercy, la Région Bourgogne-Franche-Comté va désormais pouvoir encaisser directement les montants des achats de billets de train puis récupérer la TVA afférente. «On récupère 15 millions d'euros de TVA», se félicite Nicolas Soret (PS).
«Il y a un vrai problème de modèle économique des Régions», rappelle Marie-Guite Dufay qui a plusieurs fois alerté sur l'autonomie financière des Régions comme enjeu de décentralisation (
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L'achat de 15 nouvelles rames Régiolis
Autre sujet à l'ordre du jour de la session, l'acquisition de matériel ferroviaire avec une enveloppe de 175 millions d'euros pour investir dans 15 nouvelles rames Régiolis, principalement pour circuler sur l'étoile de Besançon et la ligne Paris-Lyon.
L'objectif est de «faire face à la fréquentation croissante des lignes» même si la responsable de l'exécutif se dit consciente que «ce n'est pas suffisant pour faire face dans l'avenir au surcroît de besoin». «On fait au plus juste.»
En raison du changement climatique, les petits lignes ferroviaires se dégradent
En vertu d'un accord entre l’État et la Région disposant que la collectivité finance les investissements sur les dessertes fines du territoire ou «petites lignes ferroviaires», celle-ci voit les coûts s'envoler.
«Les rafistolages, c'est terminé, les petits lignes ont besoin de regénérations structurelles, la dégradation s'amplifie du fait du changement climatique», relaie la responsable de l'exécutif, selon l'argumentaire de SNCF Réseau. «Un train qui roule moins vite qu'une voiture, ça pose problème», abonde Michel Neugnot (PS), vice-président chargé des transports.
L'opérateur ferroviaire a alerté sur le besoin d'investissement qui passe de 60 millions d'euros aujourd'hui dans le contrat de plan État-Région à au moins 400 millions d'euros d'ici 2030 dont 117 millions d'euros avant la fin du CPER 2021-2027. À elle toute seule, la Bourgogne-Franche-Comté représente 10% du réseau ferroviaire français.
«C'est tout le territoire qui doit se sentir concerné»
«Halte-là», s'exclame Marie-Guite Dufay, «il y a besoin de remettre en cause le protocole avec l’État». «Je lance un cri d'alerte !»
«Je demande à l'assemblée de me mandater pour que je porte ce combat au niveau de l’État», expose-t-elle en signalant que 50 millions d'euros ont été inscrits dans le budget 2025 de façon à «amorcer la négociation avec l’État».
«Si on n'arrive pas à avoir le financement, la Région ne pourra pas faire face seule alors les petits lignes seraient condamnées», prévient-elle en se félicitant que des citoyens manifestent à ce sujet et que les associations d'usagers de transport montent également au créneau (
lire le communiqué) : «c'est tout le territoire qui doit se sentir concerné».
Actualisé le 22 février 2025 :En session, les conseillers régionaux, majorité et oppositions, ont fait savoir à l'unanimité qu'ils soutenaient la président de Région dans sa volonté de négocier avec l’État à ce sujet.
La Région déroule le plan d'action lié aux dossiers agricoles financés par le FEADER
Alors que le syndicat des Jeunes Agriculteurs en particulier proteste contre les délais d'instructions des dossiers de subvention liés au fonds européen FEADER (
lire le communiqué), «le plan d'action se déroule conformément à ce qui est prévu», défend Marie-Guite Dufay.
À ce sujet, un rapport en urgence sera présenté à l'assemblée régionale.
Jean-Christophe Tardivon





