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26/01/2023 11:51

RÉGION : Psychodrame autour du schéma d’aménagement du territoire

Ce jeudi 25 janvier, le ton est monté entre Marie-Guite Dufay, présidente de la Région Bourgogne-Franche-Comté, et Gilles Platret, élu d'opposition, à propos d'un contentieux porté devant la justice par des anti-éoliens.
Le premier jour de la session du conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté, ce mercredi 25 janvier 2023, a été marqué par la première suspension de séance de la mandature liée à une divergence d'analyse autour d'un contentieux administratif porté par des anti-éoliens concernant le schéma d'aménagement du territoire.

Le clash est survenu entre Gilles Platret (LR), président du groupe d'opposition Union des républicains et du centre et écologistes indépendants, et Marie-Guite Dufay (PS), président de la Région. Éric Houlley (PS), vice-président chargé notamment de la cohésion territorial, a dû intervenir en diplomate.

Un schéma d'aménagement du territoire contesté par des anti-éoliens


En juin 2020, la collectivité a adopté son Schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET). Il s'agit d'un document d'aménagement du territoire ayant une forte composante environnementale – renforcée depuis par la loi Climat et résilience d'août 2021 – validé par la préfecture de la Bourgogne-Franche-Comté.

En mars 2021, un collectif d'association et de personnes ont lancé un contentieux devant la justice administrative en visant tout particulièrement le développement éolien organisé par ce SRADDET.

«La Région devra effectuer une révision du SRADDET», selon Christophe Normier


«Le tribunal administratif de Dijon a statué le 12 janvier dernier sur une action introduite par un collectif de 380 associations et personnalités de Bourgogne-Franche-Comté disant avoir annulé le SRADDET», déclare Christophe Normier (Mouvement écologiste indépendant), membre du groupe Union des républicains et du centre et écologistes indépendants, pour intervenir sur ce sujet en marge des débats sur le budget primitif.

«Le tribunal est extrêmement clair : il indique le SRADDET adopté en juin 2020 est annulé car il ne comporte pas de diagnostic des continuités écologiques, ni de plan d'action stratégique, ni d'atlas cartographique à l'échelle de la région», poursuit l'écologiste.

«Cela a pour conséquence que la Région devra effectuer une révision du SRADDET et qu'elle ne pourra pas se contenter d'une simple modification», analyse l'élu d'opposition avant de lancer «j'ai honte pour la Région !»

«Non, le tribunal administratif n'a pas annulé le SRADDET !» analyse Marie-Guite Dufay


«Je suis fière du travail qui a été réalisé à travers ce SRADDET qui structure véritablement nos politiques d'aménagement du territoire», réagit aussitôt Marie-Guite Dufay.

«Non, le [tribunal administratif] n'a pas annulé le SRADDET ! Le TA a demandé une modification que nous avons jusqu'au mois de janvier 2025 à faire, non pas sur le corps du SRADDET mais sur une annexe qui est relative aux continuités écologiques, ce qui nous amènera simplement à une modification du SRADDET», analyse à son tour la présidente.

«J'ai honte quand des élus transforment la vérité», lance-t-elle en réponse à son opposant ce qui provoque un brouhaha dans l'opposition et un début d'applaudissements parmi la majorité. Une tension psychologique s'installe dans l'assemblée alors que les débats avaient été jusque-là feutrés et constructifs.

«Il n'y a pas d'annulation du SRADDET. (…) C'est non, c'est non et c'est non», martèle Marie-Guite Dufay. Et de glisser «c'est moi qui donne la parole, nous revenons au débat». L'opposition s'enflamme. Les ressorts du psychodrame se mettent en place.

Gilles Platret demande une suspension de séance


«Le SRADDET est annulé», clame Gilles Platret hors micro. Le ton monte. Chacun brandit des documents. Gilles Platret demande une suspension de séance.

Quelques minutes après, considérant le temps imparti dépassé, la présidente de la Région signale la reprise des débats alors que tous les opposants n'ont pas encore repris leur place.

«Bizutage» de Ludovic Rochette


Devant intervenir à propos du budget primitif, pour la première fois depuis son élection, Ludovic Rochettte (Horizons) prend la parole et partage une impression de «bizutage» alors que la tension n'est pas retombée.

En revenant à son siège, Gilles Platret demande alors à prendre la parole «de droit» au retour de la suspension de séance. De son côté, Ludovic Rochette observe cela avec circonspection mais sans débuter effectivement son intervention.

Marie-Guite Dufay concède une «annulation partielle» du SRADDET


Devant son insistance, Marie-Guite Dufay redonne la parole à Gilles Platret qui déclare «nous n'aimons pas être traités de menteurs» et entame la lecture de la décision du tribunal administratif. «Le schéma est annulé», analyse l'opposant, «je pense que vous êtes mal conseillée en la matière».

«Nous avons consulté la direction générale des collectivités locales. L'article que vous venez de lire, ce n'est pas l'annulation du SRADDET, c'est l'annulation partielle, différée s'il n'y a pas de modification en janvier 2025», rétorque la présidente de la Région. «Nous avons la DGCL qui a complètement corroboré avec la préfecture l'interprétation», poursuit-elle en secouant la tête de dépit devant la tournure des événements.

Un «khmers verts» fuse alors du côté du groupe de Gilles Platret, ce qui fait bondir Sarah Persil (EELV) qui fait face un instant au Chalonnais puis se réinstalle calmement à sa place.

Après l'éolien, l'enjeu du zéro artificialisation nette des sols


«Le gros sujet sur lequel nous avons à travailler, c'est la loi Climat et le gros sujet du zéro artificialisation nette des sols. Justement, ce jugement aurait pu tout arrêter, ce n'est absolument pas le cas. (…) Nous pouvons parfaitement continuer notre travail», reprend Marie-Guite Dufay.

«Le motif soulevé par les requérant sur la disproportion de développement éolien n'a pas été retenu par le tribunal administratif ainsi notre ambition régionale de transition énergétique est intacte et nous pouvons continuer à la porter», signale-t-elle. «Si jamais le SRADDET avait dû être annulé, cela aurait été une catastrophe.»

«On est pas dans un bureau de vote du Parti socialiste», glisse Julien Odoul


Président du groupe d'opposition du Rassemblement national, Julien Odoul s'en mêle : «Madame la présidente, nous avons perdu une demi-heure de débat parce que vous êtes d'une mauvaise fois patentée et que vous refusez de reconnaître vos erreurs».

Plus largement, l'opposant «conteste» l'organisation des débats autour du budget primitif : «ici, on est au conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté, on est pas dans un bureau de vote du Parti socialiste».

Mea culpa d'Éric Houlley


Revenant au budget primitif, Ludovic Rochette peut finalement prendre la parole pour demander une harmonisation des règlements de transports scolaires.

Peu après, au détour des échanges, Éric Houlley s'exprime pour ramener de l'«objectivité» et de la «sérénité». Le vice-président à la cohésion territoriale rappelle que les «contentieux sur les documents d'urbanisme, qu'ils soient régionaux ou locaux, sont monnaie courante» et que le recours émane d'un collectif «dont l'objectif est de lutter contre le développement de l'éolien, de préserver le patrimoine et l'environnement»

«Ce recours a été pris très au sérieux par la Région eu égard à la complexité du dossier lui-même car le SRADDET, c'est douze volets thématique, c'est la nécessité d'intégrer des schémas pré-existant et, peut-être, sur deux d'entre eux nous ne l'avons pas fait correctement», explique Éric Houlley.

«Le SRADDET reste applicable», selon Éric Houlley


Un mea culpa diplomatique qui contribue effectivement à ramener de la «sérénité» et permet de clore le psychodrame, l'exécutif s'engageant à présenter une nouvelle trame verte et bleue correspondant aux continuités écologiques en Bourgogne-Franche-Comté pour répondre au rendu de la justice administrative.

Le vice-président à la cohésion territoriale indique finalement que «le SRADDET reste applicable jusqu'au 1er janvier 2025, l'annulation porte sur des documents annexes non opposables, (…) la modification en cours, consécutive à la loi Cimat et résilience qui nous est imposée, qui porte sur le zéro artificialisation nette et la gestion des déchets, peut se poursuivre sans dommage».

Jean-Christophe Tardivon

Communiqué de la préfecture de la Bourgogne-Franche-Comté et du conseil régional de Bougogne-Franche-Comté du 26 janvier 2023 :

Schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET) Région Bourgogne-Franche-Comté - Contentieux

La loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (loi NOTRe) du 7 aout 2015 a confié aux Régions la compétence d'élaborer les schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET), lesquels entrent en vigueur sur arrêté du représentant de l'Etat dans la région.

En Bourgogne-Franche-Comté, le SRADDET "Ici 2050" élaboré par le Conseil régional après quatre années d'échanges et concertation a ainsi été validé par arrêté préfectoral du 16 septembre 2020.

Un recours contentieux contre cet arrêté a été introduit en mars 2021 par l’association de défense de l'environnement et du patrimoine du collectif régional Bourgogne Franche-Comté et un collectif de requérants.

Suite à l’audience au Tribunal Administratif du 15 décembre 2022, le jugement rendu le 12 janvier 2023 confirme la solidité et l’ambition du SRADDET.

En effet, le SRADDET actuel approuvé en septembre 2020 reste applicable dans son intégralité jusqu’au 1er janvier 2025.

De ce fait, la modification en cours consécutive à la loi Climat et Résilience, portant sur l'intégration des enjeux de sobriété foncière et l’actualisation des volets déchets et logistique, peut se poursuivre.

Sur la forme, le juge confirme qu'il n'y a eu aucun vice de procédure dans l'élaboration et l'approbation du schéma, le rapporteur public ayant même souligné la qualité de la concertation et du débat.

Sur le fond, et au vu des différents arguments soulevés par les requérants, le juge relève la proportionnalité de l’analyse des incidences environnementales du schéma et valide la conformité des objectifs et des règles édictés au regard des orientations attendues. Il considère néanmoins, pour une meilleure lisibilité, que le SRADDET doit être complété dans un délai de 24 mois afin que les annexes relatives aux continuités écologiques fassent l’objet d'un travail d'harmonisation à l'échelle de la nouvelle région Bourgogne-Franche-Comté.

Enfin, le motif soulevé par les requérants sur la disproportion d’objectifs de développement éolien n’a pas été retenu par le Tribunal Administratif. Ainsi, l’ambition régionale de transition énergétique en région Bourgogne-Franche-Comté à partir d’un mix énergétique équilibré reste intacte et permet de s’inscrire dans les objectifs nationaux et internationaux de lutte contre le changement climatique.

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