Normes administratives, mesures agroécologiques, dossiers FEADER, approvisionnement des cantines des lycées, consommation de terres agricoles... ce mardi 6 février, à Dijon, la présidente du conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté a passé en revue l'actualité des sujets agricoles.
Même si le mouvement social des agriculteurs est terminé, nombre de problèmes du secteur restent en suspens, sans parler des revendication de la FNSEA, principal syndicat agricole.
À la veille de trois jours de session plénière, les 7, 8 et 9 février prochains, Marie-Guite Dufay (PS), présidente du conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté, est revenue sur le sujet, ce mardi 6 février 2024, à Dijon, en marge de la présentation des grandes lignes du budget primitif de l'année.
«Les agriculteurs dépendent de politique françaises, européennes, internationales»
«Nous avons été pas mal secoués», reconnaît Marie-Guite Dufay au regard de la mobilisation nationale. «Au-delà de ce qui a été le déclencheur avec l'augmentation du [gazole non routier], on est face à une crise qui est très complexe. (…) Les agriculteurs dépendent de politique françaises, européennes, internationales. (…) Je pense qu'une grande partie des revendications des agriculteurs sont légitimes.»
«Il y a un revenu qui est difficile à sortir. Derrière, il y a fondamentalement un sujet de place de l'agriculteur dans la société, de considération qui lui revient alors que sans lui nous n'aurions pas de quoi bien nous nourrir», souligne la socialiste.
«Les normes administratives sont effroyables», reconnaît la présidente d'une collectivité qui reverse 7% de l'ensemble régional de la politique agricole commune puisque compétente pour la gestion du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER), un des instruments de la PAC, concernant le financement de rénovation de bâtiments et de dotation aux jeunes agriculteurs. «Les dossiers que les agriculteurs doivent remplis, c'est complètement excessif.»
«Il ne faut pas abandonner les mesures agroécologiques»
«Il y a des revendications qui renvoient aux questions environnementales», constate Marie-Guite Dufay pour qui «l'agriculture et l'écologie doivent marcher de paire». «Les agriculteurs le savent, ils sont eux mêmes les protecteurs de leurs sols. Ils ont besoin d'être plus et mieux accompagnés.»
«Il n'y a pas de profession qui est plus percutée qu'eux par les changements qui s'imposent du fait du changement climatique. Il ne faut pas abandonner les mesures agroécologiques», analyse la présidente de Région qui plaide toutefois pour une «égalité de traitement» entre les différents agriculteurs européens.
Marie-Guite Dufay «comprend» la «pause» du plan Écophyto
«On n'a peut-être pas d'autres choix que cette pause [du plan Écophyto]», constate sans enthousiasme celle qui compte des tenants de l'écologie politique parmi sa majorité. «Je suis heureuse de savoir qu'on a un gouvernement qui est contre cet accord Mercosur, il faut que tout cela soit imprimé au niveau européen.»
«Je suis contre la mesure de pause d'Écophyto mais dans un contexte où il n'y a pas équité de traitement, je comprends», complète Marie-Guite Dufay concernant le plan gouvernemental français, lancé en 2007, de réduction d'usage, agricole et non agricole, des pesticides de synthèse. «Si, venant d'autres pays d'Europe, les contrôles ne sont pas les mêmes, cela crée une iniquité entre agriculteurs. (...) Ça ne peut être qu'une pause.»
La présidente voit un «sujet central» à propos de l'articulation entre agriculture et écologie. Elle insiste sur le fait qu'un vice-président issu de l'agriculture conventionnelle, Christian Morel, travaille avec une vice-présidente issue de l'écologie politique, Stéphanie Modde. Et de signaler néanmoins, qu'il y a «une certaine colère des agriculteurs qui s'est exprimée de façon scandaleuse sur les murs de la Région» (
lire notre article).
En Bourgogne-Franche-Comté, «la situation s'apaise»
«Il y a un volet régional particulier», envisage-t-elle également. «Au mois de décembre, j'avais trouvé curieux que la manifestation ait lieu devant la Région et les discussions à la préfecture.»
Cette manifestation dijonnaise s'était focalisée sur les retards dans le traitement par la Région des dossiers des jeunes agriculteurs notamment alors que les revendications nationales de la FNSEA étaient déjà portées, deux mois avant le début du mouvement social national qui a, lui, mis l'accent sur le préfet comme interlocuteur privilégié (
lire le communiqué de la FDSEA 21).
Concernant ces retards de traitement, «la situation s'apaise», signale Marie-Guite Dufay. La collectivité prévoit de recruter en 2024 deux postes permanents pour «renforcer ces équipes sur le suivi des dossiers FEADER» auxquels s'ajouteront six personnes embauchées en contrats de projet.
Le plan de charge a été présenté aux différents syndicats agricoles. «Tout le monde a reconnu que j'avais mis la priorité sur la dotation aux jeunes agriculteurs, maintenant traitée au fil de l'eau», indique la présidente de Région. «J'ai décidé que pour le programme nouveau qui va démarrer en juin 2024, que nous allions faire une augmentation conséquente. L'aide de 36.500 euros par installation sera augmentée à 40.000 euros.»
Concernant les aspect bâtimentaires, «le retard en enkysté», regrette-t-elle. «La Région va garantir auprès des banques le financement pour ce qui n'arrive pas car il y a trop de retard pour recevoir la notification de la Région. Cette garantie, qui va coûter à la Région, a été plutôt bien appréciée.»
Un accord avec l’État et les chambres d'agricultures départementales
Le nombre de dossiers en retard un temps estimé à 4.000, serait à présent envisagé autour de 2.000, dont 500 à 600 traités par l’État dans le cadre de l'accord passé par le ministre de l'Agriculture lui-même avec la présidente de Région (
lire notre article). Par ailleurs, 2.000 dossiers vont arriver d'ici juin 2025.
«Nous avons un accord avec les chambres d'agriculture pour que les dossiers de paiement soient les plus fiables possible», explique Marie-Guite Dufay qui s'était jusque-là refuser à incriminer les chambres consulaires pour la qualité des dossiers transmis aux services de la collectivité.
Dans le cadre de la prochaine programmation de fonds européens, «la Région mettra 40 millions d'euros de plus», annonce la présidente. La moitié de la somme est due à des contreparties exigées par l'Union européenne, l'autre moitié provient de mesures prise pour «sortir de la crise».
Marie-Guite Dufay a «hésité» avant d'accepter le transfert des dossiers FEADER
«À l'automne 2022, je n'aurais jamais dû accepter le transfert dans ces conditions», confie Marie-Guite Dufay à propos du transfert à la Région de la délégation de traitement des dossiers FEADER relevant préalablement de l'Etat.
«J'ai beaucoup hésité», indique-t-elle, «mais, pour les autres Régions, il fallait que toutes les Régions acceptent le transfert». «On met le cap pour qu'en juin 2025, tous les dossiers soient traités», préfèrent-elle envisager à présent.
La bio et l'élevage allaitant particulièrement en difficulté
«Au niveau national, la filière bio est en grande difficulté. Elle dépend de l’État mais nous accompagnons aussi et sommes très vigilants aux difficultés que rencontre cette profession», alerte la socialiste.
«Dans notre région, la filière des bovins allaitants est la plus structurellement en difficulté», avise-t-elle également. «Aujourd'hui, avec un plan des agriculteurs – surtout dans la Saône-et-Loire et la Nièvre –, il y a une proposition pour qu'ils apportent de la plus-value à leur filière en engraissant davantage leur bétail, nous les accompagnons avec un plan de trésorerie.»
La problématique économique et environnementale des veaux qui naissent en Bourgogne et qui font le voyage en Italie pour revenir engraissés est connue de longue date.
«Booster» la part de produits locaux ou bio dans les cantines des lycées
«Il y a aussi une contribution des collectivités qui doit être boostée, c'est le recours aux produits locaux et aux produits bio dans nos cantines», revendique la présidente de Région. «Les choses avancent trop lentement, ce qui ne dépend pas de nous puisque les gestionnaires de lycées dépendent de l’Éducation nationale. La lutte contre le gaspillage alimentaire permet d'avoir des coûts de repas allégés et d'aller vers les produits locaux et les produits bio.»
Là encore, Marie-Guite Dufay entend ne pas subir les critiques adressées à la collectivité qu'elle préside : elle envisage désormais une notion de «préférence» et de passer des «conventions bonifiées pour les lycées qui recourent massivement aux producteurs locaux».
«Il faut lutter contre l'étalement urbain»
De façon périphérique, un sujet d'aménagement du territoire vient s'ajouter à la crise agricole à l'échelle de la Région. En 2020, la collectivité avait anticipé le principe de la sobriété foncière dans son schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET).
Principe formalisé en 2021 au niveau national par la loi Climat et résilience en tant que recherche d'une zéro artificialisation nette des sols (ZAN) en 2050, avec une étape de 50% en 2030 par rapport à 2020.
«Il faut lutter contre l'étalement urbain, contre les zones commerciales», martèle Marie-Guite Dufay, «il y a de la sobriété foncière à retrouver». «C'est une loi issue de la convention citoyenne, la mesure la plus audacieuse, complexe, révolutionnaire !»
Les sénateurs ont «assoupli» le ZAN en 2023
Problème : la Région a anticipé une concertation débutée en 2021 alors que, en juillet 2023, les sénateurs, sous la pression des élus ruraux, ont nettement «assoupli» l'ambition de sobriété en optant pour la sortie partielle des grands projets d'intérêt national et européen du décompte d'artificialisation au niveau régional et en accordant une «garantie foncière» de pouvoir consommer un hectare d'ici 2031 aux communes dotées d'un plan local d'urbanisme ou équivalent. Le travail de «concertation terrible» est désormais caduque.
La Bourgogne-Franche-Comté recense 6.000 hectares de foncier consommable, 500 hectares de projets d'intérêt national et 3.760 communes. Il reste donc 1.740 hectares à répartir entre territoires ruraux et urbains. Ces derniers se trouvent «lésés» : «Dijon, Besançon, Pontarlier... hurlent tous !»
Vote à venir du SRADDET mis à jour
«
Dura lex,
sed lex», latinise Marie-Guite Dufay qui revendique de «ne pas dire la même chose que Laurent Wauquiez», son homologue d'Auvernge-Rhône-Alpes qui souhaite «retirer» la Région qu'il préside du ZAN.
«Derrière le sujet du ZAN et le compromis que la Région doit présenter pour décliner cette sobriété foncière, je sais bien combien il est source de colère et d'énormes inquiétudes», constate Marie-Guite Dufay.
La nouvelle version du SRADDET tenant compte de la modification de la loi apportée en juillet 2023 sera présentée aux élus régionaux durant la session des prochains jours, cela pour «être au rendez-vous de novembre 2024», date butoir de l'exercice réglementaire.
La Région sera présente au Salon de l'agriculture
Comme les années précédentes, le conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté installera deux stands au Salon de l'agriculture 2024 : l'un dans le hall des collectivités, l'autre dans le hall des animaux.
Selon Marie-Guite Dufay, il s'agit respectivement de «valoriser les produits locaux» et de «mettre avant l'élevage». «Il y a toujours autant de moyens et d'entrain pour ce salon qui est une belle vitrine !», s'enthousiasme-t-elle.
Un temps fort aura lieu, le mercredi 28 février, en présence d'élus et de représentants de la profession.
Jean-Christophe Tardivon