Ce vendredi 30 juin, les élus régionaux se sont prononcés sur la possibilité de confier un lot de liaisons TER à un opérateur privé en 2027. Les élus du Parti communiste et du Rassemblement national ont voté contre.
Après les propos liminaires de la veille, les élus du conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté ont abordé, ce vendredi 30 juin 2023, les dossiers ferroviaires.
Il s'agissait de la renégociation de la convention avec SNCF Voyageurs portant sur les TER, de l'ouverture à la concurrence du lot de lignes Bourgogne ouest-Nivernais, de la construction d'un atelier de maintenance à Dijon-Perrigny et de problèmes de trains bondés sur certains trajets.
Une nouvelle convention de dix avec SNCF Voyageurs assortie d'économies
Le point d'avancement de la renégociation de la convention TER 2018-2025, entamée en janvier dernier (
lire notre article), est dévolu à Michel Neugnot (PS), premier vice-président chargé des mobilités.
L'exécutif avait mandat d'«essayer de trouver un accord avec la SNCF sur l'ouverture progressive à la concurrence contre une renégociation de la convention, annulant la précédente, pour une durée de dix ans avec une évolution substantielle de certains points».
Ainsi, en permettant à la SNCF d'éviter une ouverture totale à la concurrence dès 2027, la Région a décroché : une réduction des charges de 30 millions d'euros, une amélioration de la qualité de service et une facturation du coût réel de l'énergie.
«Un accord qui est gagnant-gagnant avec la SNCF»
«Il ne s'agissait ni de tordre le cou à la SNCF ni de sacrifier aux voyageurs», résume Marie-Guite Dufay (PS), présidente de la Région, qui aspire à «un juste prix de services rendus par la SNCF dans la mise en œuvre de notre offre de transports ferrés régionaux».
«Avec cette future convention, nous aboutissons à un accord qui est gagnant-gagnant avec la SNCF. La SNCF se dit sécurisée par le fait que nous prolongions la convention et que nous rendions progressive la mise en concurrence qui s'inscrit dans le cadre de la loi. Nous avons pu demander des efforts supplémentaires en matière de qualité de service et réduire de moitié le surcoût de l'énergie».
Pour définir la nouvelle convention, dix articles de la convention actuelle de 800 pages vont être revus. Le texte sera présenté à la session d'octobre pour «une nouvelle ambition pour le ferroviaire».
Les écologistes voient «une bonne nouvelle pour les usagers»
Le travail de négociation est salué par Claire Mallard (EELV), présidente du groupe Écologistes et solidaires, participant de la majorité, qui voit là «une bonne nouvelle pour les usagers, le service va s'améliorer».
L'élue écologiste pointe néanmoins le niveau de part modale des TER de 2% et fait part de son «attention» concernant la tarification, le billet unique, la présence humaine dans les gares et la démocratie feroviaire.
Les communistes attendent de «juger sur pièces»
Au nom du groupe des élus communistes et républicains, participant de la majorité, Patrick Blin, hostile à l'ouverture à la concurrence, indique attendre le texte définitif pour «juger sur pièces» la nouvelle convention.
L'élu communiste incite l'exécutif à «se rapprocher des services de la SNCF pour qu'ils puissent lui donner le cadre juridique exact de façon à ne pas pouvoir ouvrir le lot [Bourgogne ouest-Nivernais] de façon à être dans les mêmes circonstances qu'Occitanie». Le 23 mars dernier, la Région Occitanie, présidée par Carole Delga (PS), a signé une convention de dix ans avec la seule SNCF.
Patrick Blin appelle à débattre des comités de ligne, de la tarification sociale, de la tarification domicile-travail, des investissements en matériel ainsi que de la présence de cheminots dans les trains et dans les gares.
Les élus du Rassemblement national fustigent des «décisions européennes dépourvues de bon sens»
Au nom du groupe d'opposition de l'Union des républicains et du centre et écologistes indépendants, Jean-Pierre Crost (LR) témoigne de l'«enfer ferroviaire» vécu par les usagers de la ligne Sens-Paris.
Au nom du groupe d'opposition du Rassemblement national, Pascal Blaise regrette des «décisions européennes dépourvues de bon sens» ayant conduit à «l'ouverture du marché [de l'énergie] à la concurrence, totalement artificielle, a imposé à la SNCF de vendre ses centrales hydroélectriques et d'acheter de l'électricité au prix du marché».
L'élu eurosceptique enchaîne en proposant plusieurs révisions des circulations de TER et le remboursement du billet en cas de suppression du train, pour cause d'inaccessibilité PMR ou de «rame saturée».
Pour le même groupe, Jacques Ricciardetti la ligne Besançon-Bourg-en-Bresse-Lyon : «tous les lundis, c'est le chaos».
Les socialistes saluent «la logique d'amélioration de la qualité de service»
Président du principal groupe de la majorité, Notre Région par cœur, Jérôme Durain (PS) salue «le résultat» de la négociation.
Parmi ce groupe, Willy Bourgeois (PS) salue «la logique d'amélioration de la qualité de service» et évoque la ligne de Revermont pour aborder la problématique des régions limitrophes.
«Sur l'Yonne, on a quand même fait quelques améliorations et on aura d'autres quand on aura du nouveau matériel», répond Marie-Guite Dufay.
Ouverture à la concurrence de lignes en Saône-et-Loire et dans la Nièvre en 2027
Le débat n’appelant pas de vote, les élus poursuivent en examinant la procédure d'ouverture à la concurrence du premier lot qui sera effective le 12 décembre 2026.
Le premier lot, dit « Bourgogne Ouest Nivernais », correspond à la mise en œuvre des circulations ferroviaires majoritairement dans la Nièvre et en Saône-et-Loire, dont la maintenance des matériels roulants est à l’atelier de Nevers.
Ce lot Bourgogne ouest-Nivernais comprend :
- Les dessertes intervilles : Dijon-Nevers et Lyon-Paray-le-Monial-Nevers
- Les dessertes périurbaines : Dijon-Chalon-sur-Saône-Mâcon
- Les dessertes locales : Montchanin-Paray-le-Monial, Nevers-Cosne-sur-Loire, Nevers-Decize, Nevers-Moulins et Étang-Autun (ligne ferroviaire suspendue, desserte assurée par autocar).
Satisfecit des écologistes
«Le train doit être présent quand on a besoin», revendique Claire Mallard qui se félicite que «ce lot prévoit des critères favorables à une fréquentation plus importante des circulations, plus de trains et une plus grande amplitude horaire».
L'élue compte sur «une amélioration de service» pour que les passagers du train «abandonnent l'usager de la voiture».
Si le statut des agents est garanti par la loi LOM, Claire Mallard appelle l'exécutif à le «verrouiller au mieux».
«La mise en place de la concurrence est une vraie fausse bonne idée», selon les élus du Rassemblement national
«Rien ne vous impose de sortir des lots pour les ouvrir à la concurrence», assure Pascal Blaise, «par dogmatisme pro-européen, vous persistez». «La mise en place de la concurrence est une vraie fausse bonne idée.»
L'élu populiste compare avec des pays européens ayant déjà ouvert à la concurrence leurs transports ferroviaires régionaux : «la ponctualité des trains est-elle meilleure ? C'est non ? Le prix du billet à l'unité a-t-il diminué ? C'est non. (...) Le nombre de fréquences a-t-il augmenté ? Oui. (…) Les coûts pour les collectivités ont-ils baissé ? Sur le premier contrat de DSP, 3%, selon le Conseil national des transports, suivi par une augmentation de +11% lors du deuxième contrat».
Revenant à la Bourgogne-Franche-Comté, Pascal Blaise anticipe les «conséquences pratiques» : «les TER Paris- Lyon Perrache ne pourront être effectués de bout en bout par le même prestataire. En cas de situation perturbée, impossibilité du personnel d'intervenir en dehors des lots définis pour chaque DSP».
«L'ouverture à la concurrence n'apportera rien à la qualité des dessertes et coûtera plus cher aux Bourguignons et Francs-Comtois à moyen terme», synthétise l'opposant.
L'avenir du technicentre de Nevers en question
«Fils de cheminot», Julien Guibert (RN) s'enquiert du carnet de commande du centre de maintenance situé en périphérie de Nevers.
«Les maintenances lourdes, gérées par la SNCF, il y a dix années de boulot devant, il y a 1.100 salariés dans ce technicentre, il n'y a pas de problème ; sur les maintenances quotidiennes, il est remis en propriété à la Région qui en dispose et le remettra au nouvel exploitant, comme pour les trams», répond Michel Neugnot.
«SNCF Réseau a l'habitude de gérer beaucoup d'opérateurs», ajoute le premier vice-président à l'adresse de Pascal Blaise.
«La Région va mettre à disposition gratuitement des matériels que nous avons achetés», notent les communistes
«On a déjà voté contre», rappelle Patrick Blin, «on invite à poursuivre juridiquement la fin de cette ouverture». L'élu incite ses collègues de la majorité à «bien lire les annexes» : «dans le cas de la mise en concurrence de ce lot, la Région va mettre à disposition gratuitement des matériels que nous avons achetés, demain ça sera les Régiolis, les rames à hydrogène...»
Des votes transpartisans
Le groupe du Rassemblement national demandant un vote public, chaque conseiller régional est appelé pour faire connaître oralement son vote.
Les membres du RN votent contre ainsi que les membres du PCF.
Le groupe de l'Union des républicains et du centre et écologistes indépendants se partage entre votes favorables – dont Gilles Platret (LR) et François-Xavier Dugourd (LR) –, abstentions et votes défavorables – dont Alain Joyandet (LR).
Le groupes des élus progressistes vote favorablement ainsi que celui des Écologistes et solidaires et l'élu non-inscrit Gérald Gordat (HOR).
Les membres du groupe majoritaire Notre Région par cœur votent pour sauf Hicham Boujlilat (PS) qui vote contre et Salima Inezarene (PS) qui s'abstient.
Avec 68 voix pour, 28 voix contre et 4 abstentions, le rapport est adopté, ce qui fait dire à Marie-Guite Dufay que «nous allons délibérément améliorer les conditions offertes aux voyageurs avec cette ouverture à la concurrence».
Construction d'un atelier de maintenance à Dijon-Perrigny
Le sujet ferroviaire se prolonge avec l'examen du rapport concernant Les élus délibèrent sur la construction d’un atelier de maintenance ferroviaire de niveau 3 à Perrigny-lès-Dijon.
Selon la Région Bourgogne-Franche-Comté, le déploiement de rames Régiolis de 110 mètres de long nécessite de disposer d’installations de maintenance adaptées avec deux voies couvertes de positionnement des rames, depuis lesquelles la manutention des organes lourds implantés en toiture (transformateurs électriques, blocs climatisations) ou le changement d’essieux depuis les fosses et équipements au sol spécialement dédiés à ces interventions sous caisse (vérin en fosse) pourront être mis en œuvre.
Avec 47 millions d'euros à sa seule charge, «il s’agit d’un des plus gros investissements ferroviaires réalisés par la Région».
Jean-Christophe Tardivon