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24/05/2021 18:56

RÉGIONALES : Claire Rocher revendique «une liste très représentative de la classe ouvrière de Bourgogne-Franche-Comté»

La candidate de Lutte Ouvrière s'engage dans ces élections régionales «pour faire entendre le camp des travailleurs» en vue de «diriger la société». Claire Rocher annonce la venue à Dijon de Nathalie Arthaud le 11 juin prochain.
Toujours déterminée à défendre une véritable politique communiste, Claire Rocher rempile pour sa troisième participation aux élections régionales en portant le drapeau de Lutte Ouvrière. Ce lundi 24 mai 2021, elle répond aux questions d'Infos Dijon pour évoquer son engagement et ses propositions.

Âgée de 43 ans, Claire Rocher est militante communiste depuis ses années lycées. Elle est infirmière au CHU Dijon Bourgogne depuis 20 ans.

Habituellement mobilisée en néphrologie, elle intervient comme renfort en réanimation Covid-19 depuis un an, ce qu'elle voit comme «une forme d'engagement» malgré «des moments très durs». «Le dévouement et le sens de l'intérêt collectif est un marqueur de la classe ouvrière», signale-t-elle.

Aux élections régionales de 2010, Claire Rocher a réalisé 1,56% des voix en Bourgogne tandis que Michel Treppo recensait 1,08% en Franche-Comté. En 2015, premières élections de la fusion administrative, Claire Rocher revint pour améliorer la moyenne avec 1,51%.

En 2019, aux élections européennes, la liste conduite par Nathalie Arthaud ne rassemblait que 0,90% des voix en Bourgogne-Franche-Comté. Plus récemment, aux élections municipales à Dijon, le résultat de Claire Rocher s'est établi à 1,20%.

Des colistiers issus de l'industrie et des services publics


La candidate revendique «une liste très représentative de la classe ouvrière de Bourgogne-Franche-Comté» avec des employés de grandes entreprises industrielles, notamment en Franche-Comté. Michel Treppo est tôlier-retoucher à l'usine PSA à Sochaux (numéro un de la section départementale du Doubs), Daniel Rouillon est un soudeur d'Alstom (Territoire de Belfort), Cédric Fischer est lui aussi à PSA à Vesoul (Haute-Saône), Dominique Revoy est enseignante (Jura).

En Bourgogne, les services publics sont plus incarnés avec Fabienne Delorme (Côte-d'Or) qui est enseignante, Geneviève Lemoine assistance sociale (Nièvre), Pascal Dufraigne cheminot (Saône-et-Loire) et Sylvie Manigaut postière (Yonne).

Les travailleurs, «indispensables pour faire fonctionner la société»


Pourquoi vous engagez-vous de nouveau dans ces élections régionales ?

«Pour faire entendre le camp des travailleurs, d'autant plus après cette année de pandémie où l'on a vu vraiment apparaître ce camp. (…) On l'a vu chez ceux qui sont allés travailler dans les usines, sur les chantiers, qui ont continué à faire tourner les caisses dans les supermarchés, à ramasser les ordures... Tous ceux finalement qui ont continue à faire fonctionner les choses malgré l'épidémie et qu'on a envoyé au front et sans arme la plupart du temps. Je me présente pour représenter ce camp-là (…) dont on a bien vu qu'il était indispensable pour faire fonctionner la société.»

«Là, c'est fini, les héros, on n'en parle plus. D'un coup d'un seul, nos problèmes d'avoir un emploi, d'avoir un salaire qui nous permette de vivre, ça disparaît derrière des enjeux soi-disant régionaux qui sont beaucoup les préoccupations du pouvoir et des notables.»

«La grande bourgeoisie était déjà en crise avant la pandémie»


Quel bilan tirez-vous de la mandature de la présidente sortante ?

«Elle n'a pas protégé d'une quelconque manière les classes populaires de l'impact de la crise économique qui a encore été accélérée par la pandémie qui a bloqué une partie des échanges économiques et qui s'est traduite par des milliers de suppressions d'emplois. Il y a eu 15.000 suppressions d'emploi, rien que sur l'année qui vient de s'écouler, avec des plans de licenciement qu'on ne pourrait même pas citer, on pourrait y passer la journée (vente de DIM à Autun, SKF, fonderies à Saint-Claude).»

Pourtant les plans de soutien se sont succédé notamment dans une approche complémentaire des mesures nationales ?

«Elle a soutenu les entreprises. Ce qui s'appelle le soutien à l'économie ou relancer la machine économique. Des plans de relance, il y en a eus, à coup de centaines de millions d'euros. 500 millions d'euros qui ont été versés à la région par l’État au titre du plan de relance et, localement, on en est à des 600 millions d'euros d'aides directes aux entreprises.»

«Ça n'empêche aucune suppression d'emploi. Ils encaissent ses subventions. Ça va grossir leurs profits. La crise économique n'est pas apparue avec le Covid. La grande bourgeoisie était déjà en crise avant la pandémie parce qu'elle avait déjà, elle, une maladie qui, régulièrement, la menaçait. Cette maladie, c'est la financiarisation.»

«On en est à un stade dans la société où ça leur rapporte infiniment plus de placer leurs capitaux en bourse et de spéculer que de l'investir dans la production. Quand un patron a de l'argent à placer, il ne fait que ce qui lui rapporte le plus sinon il est perdant par rapport à ses concurrents alors tout l'argent va à la spéculation. Ils ont beau leur verser des centaines de millions, cet argent-là est aspiré par ce flux qui va grossir la spéculation, la bourse, et qui ne se traduit pas par des investissements, par des créations d'emploi. Ça se traduit par des profits toujours plus gros pour les riches et par des masses d'argent énormes qui cherchent des placements rentables et qui ébranlent la bourse à chaque déplacement jusqu'à nous menacer d'un krach.»

«Il n'y a même pas de conditions qui leur sont données. C'est un chèque en blanc. (…) Par contre, cet argent a permis d'éviter certaines faillites, qu'il n'y ait pas un effondrement brutal. (…) En même temps, c'est presque un leurre parce que ça fait qu'il y a des masses d'argent toujours plus grandes et que le krach est peut-être reculé mais pour mieux sauter parce que la menace devient encore plus grande.»

«Les travailleurs devraient diriger la société»


Souhaiteriez-vous que le soutien aux entreprises se traduise par un droit de regard sur la conduite des entreprises ?

«Le contrôle que j'aimerais qui soit exercé, c'est celui des travailleurs de ces entreprises. L’État est de leur côté, il ne le fera pas. Les seuls qui pourraient vraiment contrôler ce qu'il advient de cet argent, c'est les travailleurs des entreprises elles-mêmes. On verrait que le travail, on peut se le répartir en prenant un peu moins de marge, en écornant un tout petit peu la fortune des milliardaires qui ont doublé la leur pendant que nous, on était dans une crise.»

«On est la seule classe utile, on est la classe qui produit les richesses. C'est nous qui faisons tourner les choses. (…) On fait déjà le plus difficile dans cette société. C'est nous qui faisons en sorte que les marchandises soient produites, transportées, que les enfants soient éduqués, que les enfants soient soignés. C'est les travailleurs qui devraient diriger la société, pas une minorité de parasites qui ne savent que vivre sur le travail des autres.»

«Il n'y a pas eu d'économie de guerre»


Durant la crise sanitaire, la souveraineté économique est devenu un sujet. La Région a développé une ligne de production de masques. C'est la collectivité qui met la main sur un moyen de production. Est-ce un exemple à suivre ?

«Au départ, sur les masques, c'était une catastrophe absolue. Ils nous ont menti éhontément en disant que c'était absolument inutile juste parce qu'ils n'avaient pas fait de stock pour faire des économies de bout de chandelle. (…) C'est vraiment représentatif de ce que cette société est capable de faire. Pour trois francs six sous, pour plus de profits pour les riches, les choses les plus indispensables à la population sont sacrifiées parce que ça ne rapporte pas assez.»

«On aurait voulu mettre les moyens d'en produire, on aurait pu contraindre les boîtes textiles ou industrielles qui ont ce type de chaîne à produire des masques parce que c'est nécessaire. Ils le font bien quand il y a une guerre pour produire des chars et des obus, je ne vois pas pourquoi pour sauver des millions de vie, on n'en est pas capable. (…) Il n'y a pas eu d'économie de guerre. Ils ne sont pas capables, pour l'intérêt général, de faire autant que pour leurs profits et leurs marchés sur des puits de pétrole à l'autre bout du monde.»

«Là, on parle des intérêts de l'autre camp»


Le bilan de la mandature, c'est aussi le bilan de la fusion. Quelle lecture avez-vous du rapprochement des deux conseils régionaux de Bourgogne et de Franche-Comté ?

«S'il y a bien une chose où je ne vois absolument pas quel type d'impact ça a pu avoir sur la vie des gens, c'est ça. Il ne faut vraiment rien connaître à la vie d'un travailleur pour penser que ça fait une quelconque différence dans son existence d'être [un travailleur] de Bourgogne, ou de Franche-Comté ou de la grande région Bourgogne-Franche-Comté. Ça concerne un petit microcosme de politiciens qui visent des postes et pour qui la place est bonne. C'est aussi un marché potentiel avec des marchés publics, des occasions de donner des subventions donc il y a toute une bourgeoisie - petite et grande, locale ou non – pour qui ça a une véritable importance. Là, on parle des intérêts de l'autre camp.»

«Le fait de tout faire fonctionner, ça nous donne des intérêts communs»


Que proposez-vous aux électeurs à l'occasion de ces régionales ?

«Ce qu'on a vu pendant cette pandémie c'est justement que le camp des travailleurs, c'est celui qui fait tourner la société. Peut-être que cette élection, par le fait qu'il y ait une liste Lutte Ouvrière pour faire entendre le camp des travailleurs, d'affirmer que l'on est un camp dans la société. Le fait de tout faire fonctionner, ça nous donne des intérêts communs. (…) Ce camp-là a une légitimité à se faire entendre et à diriger cette société dans laquelle il fait déjà le plus difficile. C'est l'occasion de reprendre confiance dans la force que cela donne d'être au cœur de la machine économique et de faire fonctionner tout ce qui est utile à la population.»

«Le fait qu'il y est une liste Lutte Ouvrière permet que les gens qui pensent ça affirment leur camp plutôt que de résigner à choisir entre des politiciens dont ils savent pertinemment qu'ils ne les représentent pas, qu'ils ne travaillent pas pour eux et qu'ils sont là uniquement pour gérer cette société au profit des riches parce qu'elle est faite pour ça.»

«Quand les travailleurs se mobilisent, ça ouvre des perspectives»


Comment les catégories sociales qui ne se reconnaissent pas spontanément dans le camp des travailleurs – les agriculteurs, les professions intermédiaires, etc. – peuvent se sentir représentés ?

«Ils ne trouveront pas d'issue à leurs problèmes dans le cadre de ce système-là, que ce soit les petits agriculteurs ou commerçants ou artisans. Un de leur problème essentiel est quand même d'être surendettés auprès de banques qui finissent par posséder leur entreprise bien plus qu'eux-même et dont ils ne finissent pas de rembourser les intérêts. Ils se disent peut-être qu'il leur  faudrait moins de charges ou de baisser les salaires mais qui leur achète leurs marchandises si ce n'est les classes populaires ? Leur sort est plus lié aux travailleurs que peut-être ils ne le pensent.»

«C'est les travailleurs eux-mêmes qui les en convaincront parce que, quand les travailleurs se mobilisent, ça ouvre des perspectives, y compris à ces catégories-là pour se sortir du marasme dans lequel le capitalisme les plonge. On voit bien qu'il n'y en a plus que pour les grosses entreprises et qu'elles sont en train de tout dévorer sur leur passage, y compris ces petites entreprises-là. Il faut qu'il fasse un choix et la classe ouvrière peut les entraîner quand elle relèvera la tête !»

«Si ça leur rapporte de démolir la moitié de la planète, ils le feront»


Dans ces élections régionales, des thématiques se sont imposées en lien avec l'actualité nationale plutôt qu'en lien avec les compétences de la collectivité. Il reste néanmoins la préoccupation environnementale qui correspond à l'action d'un conseil régional. Que proposez-vous concernant ce sujet spécifique ?

«L'écologie, c'est vraiment devenu le truc à la mode pour essayer de rafler des voix, pourtant c'est une préoccupation réelle et un problème réel. Tout le monde se repeint en vert, (…) je trouve ça vraiment hypocrite.»

«Si on veut vraiment parler d'écologie, on est bien obligé de parler des vrais responsables. Tout le monde les connaît. Quand on parle de déforestation, de pollution des océans, de pêche intensive... on sait très bien que ce sont de grandes entreprises qui décident de ce genre de choses en dépit de l'avenir de la planète comme de la santé de leurs propres ouvriers. Les premières victimes dans ce genre d'industries, c'est quand même les gens qui travaillent pour dans les milieux les plus polluants possibles.»

«On sait pertinemment que si ça leur rapporte de démolir la moitié de la planète, ils le feront et personne ne pourra les arrêter parce qu'ils feront que ce qui est le plus rentable. On voit ça dans l'écologie comme dans l'ensemble du fonctionnement de ce système.»

«On ne peut pas poser le problème de l'écologie sans poser le problème de s'attaquer au pouvoir des conseils d'administration des grandes banques, des grandes entreprises, et au fait que ces gens décident, sous prétexte de leur propriété privée, uniquement en fonction d'intérêts financiers, quand bien même ils nous feraient tous crever au passage.»

«Le vrai problème est dans le fonctionnement de ce système capitaliste, c'est à ça que les travailleurs vont devoir se confronter. Le camp des travailleurs a prouvé l'inverse, il a prouvé qu'il était capable en prendre en charge les choses en fonction de l'intérêt collectif. Si on veut le faire à l'échelle vraiment de la société, il va falloir qu'on renverse ce pouvoir-là.»

«Le problème principal, c'est la sécurité d'avoir un emploi»


La thématique de la sécurité émerge alors qu'elle est plutôt marginale par rapport aux compétences de la collectivité. Quelle est votre approche des questions sécuritaires ?

«C'est vraiment le cheval de bataille de l'extrême-droite. Tous les politiciens de droite ou de gauche font de la surenchère sur ce terrain-là, ce que je trouve particulièrement dégoûtant.»

«C'est révoltant parce que ça évite de poser les vrais problèmes des gens. Le problème principal, c'est la sécurité d'avoir un emploi et d'avoir un salaire qui permette de vivre. Je ne nie pas qu'il y ait des vrais problèmes dans les quartiers populaires mais là c'est vraiment qu'il faut à tout prix se faire élire sur ces trucs-là qui n'engagent à rien finalement.»

«Mettre en avant les divisions entre travailleurs, c'est aussi une manière d'affaiblir notre camp. L'extrême-droite, c'est les pires ennemis du monde du travail. On voudrait nous faire croire qu'élire un homme providentiel avec une poigne de fer, ça changerait quelque chose pour nous mais les seules contraintes qu'ils imposent, c'est les contraintes à la population. On l'a vu pendant la pandémie. C'est sûr que pour nous confiner, exiger attestations, instaurer un couvre-feu... on était juste bon à aller travailler et à obéir ! Le programme de l'extrême-droite, c'est ça fois mille ! Donc, c'est vraiment des ennemis. Derrière il y a tout un tas de gens prêts à faire le coup de poing contre des piquets de grève ou des ouvriers qui réclameraient de ne pas fermer une usine par exemple. C'est ce qu'ils nous préparent. Les travailleurs ne doivent pas se laisser embarquer sur ce terrain-là qui n'est vraiment pas le nôtre.»

Meeting avec Nathalie Arthaud le 11 juin à Dijon


Côté agenda, Claire Rocher entend mettre à profit le déconfinement pour proposer un vrai meeting, avec une jauge réduite certes, mais un meeting quand même. Nathalie Arthaud, porte-parole nationale de Lutte Ouvrière, tiendra une réunion publique le vendredi 11 juin à 18 heures à la salle du clos de Vougeot au palais des Congrès de Dijon. La veille, une réunion similaire se déroulera à Belfort.

Globalement, l'équipe de campagne privilégiera les échanges en présentiel. «On milite en dehors des élections autant que pendant», s'enthousiasme Claire Rocher évoquant les échanges dans les entreprises ou les quartiers à longueur d'année.

Propos recueillis par Jean-Christophe Tardivon


Les têtes de liste des sections départementales et Claire Rocher (DR)