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16/11/2022 05:48

SANTÉ : Denis Thuriot travaille à une liaison aérienne de «flying doctors» entre Dijon et Nevers

Alors que les comptes de l'hôpital neversois sont plombés par les «médecins mercenaires», l'instauration d'une liaison survolant le Morvan pourrait favoriser l'attractivité tout en se révélant plus économique. «L'avion, ce n'est pas un gros mot, c'est un formidable outil», a lancé le maire de Nevers, ce mardi 15 novembre.
La voie des airs rapproche les hôpitaux. C'est déjà le cas grâce aux hélicoptères qui agrandissent le rayon d'action des établissements de santé, cela pourrait également s'étendre aux avions.

Le centre hospitalier universitaire Dijon Bourgogne (CHU) et le centre hospitalier de Nevers Agglomération (CHAN) partagent déjà un hélicoptère mis à disposition la nuit par l'agence régionale de santé du fait du maillage territorial retenu lors du dernier appel d'offres pour des vols sanitaires (lire notre article).


À présent, le maire de Nevers Denis Thuriot (Renaissance) travaille à établir une coopération portant sur une liaison aérienne spécifique Dijon-Nevers, non pas pour transporter des patients mais des médecins allant exercer temporairement au CHAN.

Ce mardi 8 novembre 2022, Denis Thuriot a présenté à Infos Dijon le principe de ces «flying doctors» qui permettraient de compenser la baisse de démographie médicale dans la Nièvre.

3,5 millions d'euros facturés par les «médecins mercenaires»


L'idée a été soufflée par le directeur du centre anti-cancer Georges-François Leclerc sur la base de l'activité de médecins qui, depuis les années 1950, parcourent l'Afrique de l'est à bord d'avions ambulances, les «flying doctors» de l'Association pour la médecine et la recherche en Afrique (AMREF en anglais). Il s'agissait cette fois de faire de même avec une compagnie locale. Denis Thuriot a repris l'idée à son compte.

«Cela fait huit ans que je préside l'hôpital de Nevers et un certain nombre d'année le groupement hospitalier de territoire [NDLR : le GHT Nièvre couvre l'ensemble du département au travers de neuf établissements dont le CHAN qui est l'établissement support]. On se rend compte qu'on ne progresse pas, on arrive bon an mal an parfois à équilibrer les départs [de médecins] avec de nouvelles arrivées mais on n'arrive pas à fixer les médecins qui nous manquent ou personnels soignants en général sages-femmes, kinés...», explique le président du conseil de surveillance du CHAN.

Chaque année, l'établissement de santé neversois est déficitaire d'environ 6 millions d'euros. Il engage annuellement un budget de 3,5 millions d'euros pour recruter des médecins intérimaires. Lorsqu'elle était ministre de la Santé, Agnès Buzyn, à Nevers même, en mars 2018, avait annoncé vouloir mettre fin aux rémunérations extra-réglementaires des médecins intérimaires. Des «médecins mercenaires», selon la ministre.

«On a repoussé la loi Rist qui avait cette vertu de limiter les médecins mercenaires», proteste Denis Thuriot qui regrette que, de façon solidaire, les établissements de santé ne stoppent pas les rémunérations extra-réglementaires. «Des médecins travaillent dix jours par mois à 1.500 ou 3.000 euros la journée et pendant vingt jours, vous avez des personnels soignants qui ne soignent pas.»

35 minutes en avion, 3 heures par la route


«Je suis face à des personnels soignants de Dijon, pour certains qui ont le courage de venir, parfois qui restent quelques jours, pour d'autres potentiels qui me disent 'je veux bien venir mais c'est hors de question que je mette 2 heure et demie ou 3 heures en voiture ou en train pour venir le matin ou rentrer chez moi le soir'», relate Denis Thuriot alors qu'une vingtaine de médecins dijonnais se rendent à Nevers pour des consultations.

Au-delà de la question de l'attractivité du territoire, à l'heure du débat sur l'optimisation du temps médical, on comprend bien qu'un long trajet soit sujet à réflexion.

«L'idée est de raccourcir la distance et de leur permettre d'être là en 35 minutes», indique le maire de Nevers. Les 200 km entre le CHU et le CHAN représentent un trajet routier de 3 heures. Alors que des TER reliant la gare de Dijon à la gare de Nevers en 2h07 étaient disponibles avant la crise sanitaire, le meilleur temps est dorénavant de 2h17. En tenant compte des transferts entre les gares et les hôpitaux, autant compter également 3 heures.

13.000 euros l'aller-retour pour quelques passagers


«L'idée serait d'ouvrir aux collectivités, aux entreprises. On a des entreprises qui nous disent 'si vous refaites des lignes aériennes, je m'implante sur l'agglo'», explique Denis Thuriot. «Priorité aux personnels soignants mais on pourrait tout à fait voir, en fonction de la jauge et de la régularité, d'ouvrir ces vols à d'autres personnes pour partager le coût.»

Il s'agit d'une problématique commune à l'ensemble des villes moyennes. C'est ainsi que, plus à l'est de la région, Besançon, Dijon et Montbard cherchent à obtenir le rétablissement d'une liaison ferroviaire avec l'aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle comme élément de mobilité ainsi que d'attractivité industrielle (lire notre article).

En ce qui concerne une liaison aérienne Dijon-Nevers, plusieurs compagnies ont déjà manifesté leur intérêt. Le coût indicatif est de 13.000 euros aller-retour pour une quinzaine de passagers. Le déplacement et l'hébergement des soignants sont à la charge du CHAN.

«Je souhaite bien relancer l'aéroport»


L'aéroport de Nevers-La Sangsue est situé sur la commune de Marzy, entre Nevers à la Loire, à quelques minutes de l'hôpital. Il est équipé d'un aérogare, d'une tour de contrôle, d'une piste principale de 1.630 mètres et d'un balisage de nuit. Peuvent atterrir là des ATR 72 de 78 passagers.

Très actif du temps où le Grand Prix de France de Formule 1 se déroulait sur le circuit de Nevers-Magny-Cours, l'aéroport continue d'être fréquenté par un tourisme d'affaires et de loisirs en lien avec les compétitions de sports mécaniques dont le Grand Prix de France Historique.

En 2018, l'équipement a recensé 1.600 passagers, 300 vols d'affaires et 11.000 vols d'aviation légère.

«Je souhaite bien relancer l'aéroport, avec Dijon, avec Lourdes – avec laquelle on est jumelée –, pourquoi pas des liaisons ponctuelles l'été avec la Corse où d'autres endroits. On a l'outil», signale le maire de Nevers.

La dernière liaison aérienne Dijon-Nevers remonte à 2012 où durant un an la compagnie Air'Mana avait organisé une rotation hebdomadaire avec un Merlin III de dix places. La ligne était alors soutenue financièrement par la CCI de Nevers, le conseil départemental de la Nièvre et le conseil régional de Bourgogne.

Le maire de Nevers prévoit de déposer un dossier de demande de financement auprès de l'agence régionale de santé Bourgogne-Franche-Comté et envisage de solliciter le conseil régional Bourgogne-Franche-Comté après un premier échange avec Michel Neugnot (PS), vice-président chargé des mobilités.

«L'avion, ce n'est pas un gros mot»


Nevers est célèbre pour l'escrime aussi le premier édile se prépare d'emblée à parer les attaques des opposants qui se focaliseraient sur le bilan carbone d'une telle opération.

«L'avion, ce n'est pas un gros mot, c'est un formidable outil. Quand il s'agit de soigner les gens, d'éviter des gens qu'ils meurent, il n'y a pas photo dans le choix à faire. On transporte bien des organes des patients donc on peut aussi transporter des médecins quand il y a une urgence à pouvoir soigner des Nivernais», lance le Marcheur.

À présent, un «travail de dentelle» est lancé pour convaincre les différents partenaires régionaux et peaufiner l'organisation interne de l'hôpital de Nevers afin de regrouper la venue des praticiens dijonnais sur un petit nombre de jours chaque mois. En cas d'accord autour du financement, un premier vol pourrait avoir lieu en 2023.

Jean-Christophe Tardivon


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