« J'espérais une prothèse un petit peu mieux de celle que j'avais de la sécurité sociale… Mais effectivement, dès que je l'ai essayée ça a été génial puisque je marchais tout de suite beaucoup mieux. Cette prothèse est absolument géniale !» affirme Sophie Loubet
Incroyable. Voici le mot que j’ai dû prononcer au moins une centaine de fois lorsqu’Alexandra m’a fait visiter les locaux de Proteor. Si nous devions résumer cette entreprise cela serait : Des petites mains au grand talent, qui redonnent l’envie de croquer la vie à pleine dent.
C’est à Seurre que l’entreprise a sa plus grosse fabrique. À l’origine, en 1913 - il y a donc 110 ans - , Proteor fournissait les fameuses jambes de bois aux amputés. Et il s’en est passé du temps. Car au fil des années, du savoir-faire engrangé, des innovations, ce sont de véritables bijoux de technologie que propose l’entreprise dijonnaise.
Lorsque vous entrez dans cette fabrique, c’est une véritable fourmilière. Des sculpteuses de plâtre aux découpeuses de carbone, en passant par des moulages de corsets, vous ne pouvez qu’être émerveillé face à ces dizaines de personnes qui offrent leur savoir-faire aux patients qui n’attendent que de retrouver une vie « normale ».
SYNSYS. Voilà le nom de la nouvelle prothèse mécatronique de Protéor. Une prothèse hanche, genou, cheville; qui fonctionne grâce à un microprocesseur.
Perdre sa jambe ce n’est pas que perdre un bout de son corps, c’est aussi devoir dire adieu à certaines choses banales de la vie. Les anciennes prothèses étaient par exemple réglées pour une paire de chaussures prédéfinies. C’est à dire que si le patient décidait de se mettre pied-nu, il devenait « bancal ».
Aussi, les patients devaient dire adieu aux chaussures à talons du fait de la non-flexibilité des chevilles de prothèse. SYNSYS, est une merveille. Nous avons rencontré une patiente qui possède cette prothèse. Si vous aviez vu son sourire, sa fierté de porter cette nouvelle jambe.
Elle ne la cache pas au contraire, et elle a bien raison. Il fut un temps où les personnes amputées perdaient leur rage de vivre quand ils perdaient leurs membres. Mais aujourd’hui, c’est époque révolue. Les patients qui autrefois disaient adieu aux chaussures à talon pourront aujourd’hui dire bonjour à cette merveille technologique qu’est SYNSYS.
Elle reproduit le mouvement naturel d’une jambe et grâce à une application sur son smartphone, la prothèse se règle sur des « preset » enregistrés préalablement. Les patients peuvent ainsi retrouver une liberté qu’ils n’espéraient peut-être plus avoir et cela ne peut que nous rendre fier de compter cette merveilleuse entreprise dans notre région.
Sophie Loubet
Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
«Je m'appelle Sophie Loubet, j'ai 36 ans. À l'âge de 23 ans j'ai eu un ostéosarcome, c’est un cancer des os. J'ai très bien été prise en charge en Espagne et en France. Malheureusement, ce cancer est revenu. Je l'ai eu 4 fois, étalé sur 10 ans. J’ai eu de multiples traitements et opérations dont une prothèse interne. En 2019 ça a récidivé encore une fois, donc c'était la 4e fois et donc là la solution, la seule et unique, c'était l'amputation. Et ça, c'était en 2019. J’ai fait quelques mois d’hôpital et de rééducation et ensuite pour commencer à bien marcher il faut bien un an et demi/ deux ans. »
Racontez-nous votre aventure avec Proteor
«Alors moi mon orthoprothésiste était à côté de chez moi. C’est un centre orthopédique proteor, c'était en Dordogne. Un jour, elle m'a parlé d'une nouvelle prothèse avec cheville articulée. Moi je me suis dit que je voulais bien essayer, mais ce qui est compliqué c'est si je l'essaye et que je l'aime bien. Qu'est-ce qui va se passer ? Elle m'a dit : « essaye-la quand même.»
Alors j'espérais une prothèse un petit peu mieux de celle que j'avais de la sécurité sociale… Mais effectivement, dès que je l'ai essayé ça a été génial puisque je marchais tout de suite beaucoup mieux. Elle m'a dit, « lâche la canne tu marches mieux sans canne. » Le premier jour d'essai, on m'avait demandé d'amener des chaussures à talons… Alors que j'avais jeté toutes mes chaussures à talons !
Je venais de faire quelques mois plus tôt un grand vide puisque vous ne pouvez pas changer de chaussures avec une prothèse à mon grand désespoir… Donc j'ai demandé à mes cousines et mes amis de me prêter des chaussures à talons et je suis allé essayer et je marchais super bien tout de suite avec chaussure à talon alors qu'avec une prothèse l'équilibre est compliqué. Cette prothèse est absolument géniale !
C’était encore un produit en recherche et développement, en fin de développement. Il y avait plus de 10 ans de développement dessus. Ils commençaient à envisager à trouver des égéries, des personnes pour la porter et les accompagner sur les événements pour commencer la promotion de cette prothèse.
Donc je suis tombé à peu près au bon moment puisque je correspondais un peu au profil qu'ils cherchaient. Donc une jeune femme qui soit à l'aise, qui porte des talons, qui mettent des robes courtes pour qu'on puisse voir la prothèse, et surtout une femme qui a envie de la mettre en valeur.
Une personne amputée a plutôt tendance à cacher sa prothèse sous des pantalons et moi c'était tout le contraire. J'avais envie de me libérer de ça. L'autre, je la cachais effectivement, mais celle-ci est différente. »
Une fierté du savoir-faire Français ?
«Effectivement c'est un savoir-faire français dont on doit être fier. Cela depuis plus d'un siècle, c'est une belle entreprise qui a toujours existé et c'est grâce à eux si aujourd'hui on a des bons produits et 100% français. En plus ces Proteor qui a le plus grand nombre de centres orthopédiques en France et c'est pour ça que j'ai pu être appareillé par Proteor dans ma campagne en Dordogne. »
Qu'est-ce que cette prothèse a changé dans votre quotidien ?
«C’est plein de petites choses, plein de nouveaux mouvements qui me sont accessibles. Je n'avais pas de cheville, j'avais une cheville fixe. C’est l'équivalent de quand vous mettez des chaussures de ski complètement fermées, vous marchez en boitant. Le fait de ne pas avoir de cheville c’est très handicapant, vous ne pouvez pas ramasser quelque chose par terre. Avec SYNSYS je redécouvre des choses comme le fait de s’assoir sans tomber, de descendre les escaliers sans tomber.. Physiologiquement, elle est beaucoup plus proche d'une jambe humaine et du coup ça me permet d'avoir plein de nouveaux mouvements que j'ai perdus à cause de l'amputation.
Évidemment, changer de chaussures, pouvoir marcher pieds nus.. Je ne pouvais pas marcher pieds nus, je ne pouvais pas faire de marche arrière… Plein de petites choses comme ça. »
Vous pouvez faire du sport avec votre prothèse ?
«Non. En fait les amputés fémoraux, on a des genoux électroniques donc là moi c'est genou et cheville, on ne fait pas de sport avec c'est que pour marcher. On a des lames de course pour courir par exemple. Il nous faut pratiquement une prothèse par activité, ça c'est un problème.
Moi je fais du Snowboard à haut niveau avec des prothèses amortisseurs. »
Si vous pouviez parler aux personnes qui viennent de se faire amputer, quel message vous aimeriez leur faire passer ?
« Le problème, c'est que je n’arrivais pas à me projeter. Quand on est amputé on est complètement dans l'inconnu, on ne sait pas du tout comment on va évoluer. Il faut savoir que la rééducation est très très longue. Très souvent on passe 3-4 mois en centre de rééducation à réapprendre à marcher et c'est très très dur. Mais il ne faut pas lâcher. Ce n’est pas lorsqu'on sort du centre de rééducation que c'est terminé. Moi, quand je suis sortie du centre de rééducation mon kiné m'a demandé quel était mon objectif. Moi j'ai dit « marcher sans regarder mes pieds, sans me prendre une marche de trottoir ou autre. » On m’a dit que c’était impossible, que ça n’arriverait jamais. Et finalement en continuant à faire du sport, en continuant ma rééducation moi-même chez moi, avec mes kinés ou autres, aujourd'hui je marche très bien et sans canne. Mais ça on ne le sait pas avant. Quand on vient d'être amputé on pense qu'on va être très limité et il est important de savoir qu’on peut aller beaucoup plus loin et reprendre le sport. »
Un dernier mot ?
« Un grand merci à Proteor, aux ingénieurs, à toutes les personnes qui ont travaillé dessus parce qu’elle a changé ma vie tout simplement. »
Manon Bollery