Budget vert, gestion de Natura 2000, place laissée aux opposants... Ce mardi 30 janvier, Stéphanie Modde, Sarah Persil et Maxime Meyer ont pris l'exemple de la Région présidée par Laurent Wauquiez pour mettre en avant la contribution des tenants de l'écologie politique dans une collectivité comme la Région Bourgogne-Franche-Comté.
La coordination des élus écologistes des Régions de France organise deux jours d'universités d'hiver, ces 30 et 31 janvier, à Dijon. Près de 80 élus du pôle écologiste, conseillers régionaux et conseillers départementaux, se sont inscrits pour suivre les ateliers préparés par le Centre d’écodéveloppement et d’initiative sociale. Le CEDIS conçoit «des formations axées sur les enjeux de transition écologique et de développement des territoires» pour tous les élus, quel que soit leur parti.
«La coordination des élus écologistes des Régions de France vit au quotidien», explique-t-on du côté des participants, «on a des boucles qui nous permettent d'échanger sur les positions, les dossiers, les thématiques et le soutien que l'on peut avoir d'une Région à l'autre».
Cette coordination est rattachée à la Fédération des élus Verts et écologistes (FEVE), présidée par la Dijonnaise Catherine Hervieu (EELV).
135 élus du pôle écologiste dans les 13 Régions de France
Depuis, les élections de 2021, dans les treize Régions, entre majorité et opposition, 135 élus relèvent du pôle écologiste, adhérant principalement à Europe Écologie Les Verts (en cours de changement de nom pour devenir Les Écologistes), Générations, Génération écologie ou encore Cap 21. Deux Régions comptent des vice-présidences écologistes : la Bourgogne-Franche-Comté et le Centre-Val-de-Loire.
Avant de débuter leur journée de formation, ce mardi 30 janvier 2024, Stéphanie Modde (EELV), vice-présidente de la Région Bourgogne-Franche-Comté chargée de la transition écologique, Sarah Persil (EELV), vice-présidente de la Région Bourgogne-Franche-Comté chargée de la jeunesse, de la vie associative, de la citoyenneté et de la démocratie participative, et Maxime Meyer (EELV), coprésident du groupe d'opposition Les Écologistes au conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes, ont exposé les enjeux des élus portant l'écologie politique dans les Régions.
«Laurent Wauquiez fait une sorte de saupoudrage»
Les trois intervenants entendent mettre en avant les différences entre des collectivités comptant ou non des écologistes au sein des exécutifs en prenant tout d'abord appui sur le «contexte particulier» de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, présidée depuis 2016 par Laurent Wauquiez (LR).
«Laurent Wauquiez se sert de la Région comme un marchepied hypothétique pour la présidentielle avec une politique particulière», analyse Maxime Meyer (EELV). «Il appelle ça l'écologie positive (…) en disant que nous, on fait de l'écologie punitive mais on est très loin d'une politique écologiste et il fait une sorte de saupoudrage».
En Bourgogne-Franche-Comté, Stéphanie Modde insiste notamment sur «le programme ambitieux» sur la rénovation thermique des bâtiments dans le cadre du volet sur la transition énergétique de la transition écologique.
«Laurent Wauquiez a décidé que Natura 2000 n'était pas si important que ça»
Autre sujet révélateur de différence : la gestion des sites Natura 2000. Le réseau Natura 2000 résulte d'une transposition dans le Code de l'environnement français de directives européennes. Dans le cadre de contrats, des subventions sont versées pour des actions en faveur de la conservation de la nature ou du maintien en l'état de sites. Depuis le 1er janvier 2023, il s'agit d'une compétence obligatoirement mise en œuvre par les Régions.
«On s'est battu pour avoir une garantie du [Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER)] pour obtenir de l'animation du territoire pour engager des propriétaires dans des programmes plus respectueux de l'environnement», indique Stéphanie Modde. «En AURA, Laurent Wauquiez a décidé que Natura 2000 n'était pas si important que ça».
L'Auvergne-Rhône-Alpes compte quelques 250 sites Natura 2000 représentant plusieurs centaines de milliers d'hectares. «Dès 2000, Laurent Wauquiez a bloqué les fonds», précise Maxime Meyer, évoquant que le président du conseil régional taxait alors les animateurs d'«emplois fictifs». «Il veut que l'argent soit directement versé de la Région à un acteur», ajoute le conseiller régional alors que la gestion de sites Natura 2000 repose sur un comité de pilotage : «ça se passe globalement bien pour gérer les conflits d'usage».
Dans ce contexte, un contentieux particulier est né avec la fédération régionale de France Nature Environnement puisque l'association est prestataire pour mener des actions au sein de sites Natura 2000 et porte parallèlement des recours juridiques contre la collectivité.
«L'enjeu est de pouvoir travailler dans une gouvernance élargie dans une zone avec des agriculteurs»
«Il instrumentalise le sujet», insiste Sarah persil, «AURA est la seule Région qui n'est pas allée chercher des fonds». «Ça l'intéresse de dézinguer ces espaces de coopération».
«L'enjeu est de pouvoir travailler dans une gouvernance élargie dans une zone avec des agriculteurs entre autres», ajoute Stéphanie Modde. «La Bourgogne-Franche-Comté s'est beaucoup bagarrée pour avoir le maximum de fonds au niveau du FEADER» car «il y a des mesures agroenvironnementales qui vont dans le sens que l'on promeut d'accompagnement des agriculteurs pour leur permettre d'évoluer dans leurs pratiques».
«On a tout intérêt de regarder du côté d'un budget vert»
«On est arrivé tellement dans le dérèglement climatique (…) qu'on voit bien les effets. (…) On a tout intérêt de regarder du côté d'un budget vert», enchaîne Stéphanie Modde. «Un budget vert, c'est regarder les dépenses que l'on fait : est-ce qu'elles sont positives, neutres ou négatives pour la transition écologique.»
«En AURA, on nous a présenté un budget vert qui n'en est pas réellement un», proteste Maxime Meyer, «c'est de la communication dans le sens où ils mettaient tous les transports dedans». «Le budget environnement a diminué de 80% les investissements la première année de mandat. (…) D'un côté, [Laurent Wauquiez] annonce une écologie dite positive et, de l'autre côté, il sabre les budgets.»
Autre exemple, l'alimentation. «Une conseillère régionale déléguée fait le lien entre les agriculteurs et les lycées pour qu'on respecte la loi Égalim», revendique Sarah Persil, «il y a un seul projet alimentaire territorial bio en France et il est en Bourgogne-Franche-Comté». «Il y a une politique incitative et si ce n'est pas les écologistes qui le font, ce n'est pas fait. (…) Il n'y a pas d'écologie sans écologistes.»
«En Bourgogne-Franche-Comté, on laisse l'opposition siéger dans les organismes extérieurs»
«On a une culture du partenariat», souligne Sarah Persil, «on s'appuie sur les sachants et les associations». «Les Régions ont une vocation de faire participer les corps constitués avec les CESER, les enquêtes publiques, les schémas régionaux. On a vocation à écrire notre vision du territoire, du tourisme, de l'économie avec les parties prenantes. (…) Notre objectif est de faire avec et de travailler cette culture du respect des sachants et des associations.»
«Notre démocratie est malade», déplore l'élue écologiste, «on a les corps constitués – la société civile organisée, les associations, les syndicats – qui est méprisée, qui est radicalisée, qui est criminalisée alors que, quand on a le pouvoir, l'objectif est d'écouter les contre-pouvoirs». «[En AURA], nos collègues sont privés de leurs droits basiques de personnes politiques, il n'y a plus forcément les moyens, de travail en proximité, (…) ce sont des verrous qui sont mis pour qu'on ne puisse pas travailler, qu'on ne puisse pas parler. (…) On dénonce cette façon de faire de la politique.»
«[En Bourgogne-Franche-Comté], on laisse l'opposition siéger dans les organismes extérieurs, ce qui n'est pas le cas en AURA où la majorité des lycées n'ont vu aucun conseiller régional», insiste la vice-présidente à la démocratie participative. «L'opposition s'exprime, (…) l'opposition préside la commission des finances, ce qui n'est pas le cas en AURA.»
«La colère des agriculteurs est légitime», selon Stéphanie Modde
Concernant le mouvement social des agriculteurs en cours, Stéphanie Modde critique la réponse du gouvernement (
lire le communiqué) : «c'est une hypocrisie sans nom, ce sont les mêmes à l'Europe qui ont toujours voté les lois sur le libre-échange sans aucune demande de contrôle à nos frontières ou de taxe carbone qui puisse équilibrer ce qui rentre en Europe». «On est vraiment des boucs émissaires.»
«La colère des agriculteurs est légitime, la plus grande partie des agriculteurs ne vivent pas de leur métier», poursuit la vice-présidente à la transition écologique, «il y a plusieurs types d'agriculteurs, entre les gros céréaliers et un éleveur qui n'arrive plus à vivre de sa vente de produits, c'est un monde très différent. Il y a une lutte de pouvoir au sein même du monde agricole». «On n'oppose pas les écologistes et le monde agricole, on n'oppose pas des contraintes environnementales qui vont peser sur tout le monde, surtout sur le monde agricole – ce sont les premiers qui sont impactés par le changement climatique –, et la complexité de normes. (…) Il faut accompagner le monde agricole dans sa mutation.»
«Ça fait 40 ans qu'on prévient de ce qui arrive aujourd'hui»
«C'est une machination politique», estime Maxime Meyer, «il y a les élections européennes au mois de juin». «On est les seuls à se battre contre la politique agricole commune au niveau de l'Europe pour qu'elle passe d'une subvention à l'hectare à la subvention à l'emploi. (…) D'un côté, Laurent Wauquiez a retourné le panneau de la Région et son parti vote la PAC et le libre-échange des deux mains. (…) Ça fait 40 ans qu'on prévient de ce qui arrive aujourd'hui.»
«Il y a un vrai enjeu politique», résume Stéphanie Modde, «le monde agricole est en colère ; (…) pour détourner l'attention, c'est instrumentalisé pour trouver les boucs émissaires». «Enfin, on nous tend le micro, on écoute nos arguments ; nous sommes les seuls à proposer un certain nombre de solutions (…) avec un projet de société de vivre ensemble assez positif».
Jean-Christophe Tardivon
Maxime Meyer, coprésident du groupe d'opposition Les Écologistes au conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes
Stéphanie Modde, vice-présidente de la Région Bourgogne-Franche-Comté
Sarah Persil, vice-présidente de la Région Bourgogne-Franche-Comté