
«Le conseil départemental s'engage dans un processus de relocalisation de sa souveraineté alimentaire, indispensable pour rendre accessible les produits de qualité à l'ensemble des consommateurs», a déclaré Marc Frot, ce jeudi 2 octobre, à Dijon, pour lancer une réunion où la question de l'approvisionnement des cantines scolaires a été centrale.
La Côte-d'Or compte huit projets alimentaires territoriaux (PAT) destinés, selon la préfecture, à «renforcer le développement de l’agriculture et de l’alimentation locales et durables».
En particulier, le PAT du Département vise à «accompagner la montée en puissance de l’alimentation de proximité par la structuration des logistiques alimentaires et la cohérence des politiques alimentaires territoriales».
Ce jeudi 2 octobre 2025, à Dijon, s'est tenue une réunion du Conseil départemental de l'alimentation, – l'organe de gouvernance du PAT créé en 2021 –, durant laquelle a été effectué un point de situation sur les PAT en présence d'élus départementaux et métropolitain, de producteurs et de représentants des différents partenaires. La réunion était animée par Berty Robert.
15,5 millions d'euros pour un accord-cadre avec la chambre d'agriculture
«On mesure pleinement les attentes du monde rural», tient à signaler Marc Frot pour lancer les échanges (UDI), en référence à la récente manifestation de militants de la FNSEA et des Jeunes Agriculteurs, notamment pour s'opposer au traité de libre-échange entre l'Union européenne et le Mercosur (
lire le communiqué). «Comment accepter une concurrence déloyale qui met en péril nos agriculteurs, nos territoires et notre souveraineté alimentaire ?»
«Le Département est profondément attaché au modèle agricole côte-d'orien : un élevage extensif et respectueux de l'environnement», poursuit le vice-président du Département.
L'engagement politique devrait déboucher sur la signature prochaine avec la chambre départementale d'agriculture d'un accord-cadre 2026-2030, assorti d'une enveloppe de 15,5 millions d'euros pour «accompagner les mutations du monde agricole pour qu'elle soient économiquement viables, socialement équitables et respectueuses de l'environnement».
«Ça doit passer par une alimentation 100% Côte-d'Or», revendique le centriste, «pour le renouvellement des générations, pour des exploitations durables et pouvoir pérenniser la profession, un objectif à 2050».
«Rendre accessible les produits de qualité à l'ensemble des consommateurs»
«Le conseil départemental s'engage dans un processus de relocalisation de sa souveraineté alimentaire, indispensable pour rendre accessible les produits de qualité à l'ensemble des consommateurs – à des prix les plus abordables possible – et pour soutenir l'ensemble des filières de production du territoire», insiste l'orateur.
Avec la chambre d'agriculture, le Département a contribué à développer la plateforme d'achats Agrilocal 21, à lancer la marque territoriale Savoir-Faire 100% Côte-d'Or et à préparer un pôle maraîchage à Perrigny-lès-Dijon.
«Étang cistercien» remis en eau vs «bassines» alimentées par pompage
«La chambre d'agriculture a vocation à soutenir toutes les productions et tous les modes de production», enchaîne Jacques Carrelet de Loisy. Le président de la chambre consulaire, récemment élu sur une liste FDSEA-JA, revient sur le Manifeste sur l'eau adopté, le 26 septembre dernier : «nous faisons face à l'évolution du climat, (…) il faut apprendre à travailler avec l'aspect erratique de la pluviométrie».
Pour cela, le président de la chambre d'agriculture défend le modèle des retenues d'eau de substitution alimentées par les pluies d'hiver car il s'agit de «gérer l'eau de surface et en aucun cas prendre de l'eau en profondeur pour la retransférer dans un réceptacle».
Se refusant à employer le terme «bassine» – mis en avant par les opposants à ces structures, Jacques Carrelet de Loisy préfère prendre l'exemple d'un «étang cistercien» remis en eau à Saint-Nicolas-lès-Cîteaux car «la production agricole n'est possible que par une bonne entente sur l'ensemble des territoires». «Les nouveaux plans d'eau pourraient servir à alimenter les engins des sapeurs-pompiers ; il en va de l'intérêt général majeur de l'agriculture et d'un partenariat fructueux avec les territoires.»
«Nos productions de qualité sont demandées par nos voisins européens et du bassin méditerranéen»
Avec le soutien aux cultures actuelles et aux productions émergentes, le président de la chambre d'agriculture entend «participer à un développement harmonieux de l'ensemble des productions pour répondre aux projets alimentaires territoriaux».
Que ce soit notamment avec les vins et les céréales, Jacques Carellet de Loisy rappelle l'importance des exportations : «nos productions de qualité sont demandées par nos voisins européens et du bassin méditerranéen». D'où le slogan de la chambre consulaire : «nous sommes pour des agricultures rentables pour des installations durables».
«Le sujet de l'alimentation a toute sa place dans le chantier de la planification écologique»
À son tour, Manuelle Dupuy, directrice départementale des territoires en Côte-d'Or, salue «la démarche gagnant-gagnant entre les producteurs et les consommateurs». «Faire le lien en proximité, c'est la souveraineté alimentaire au quotidien.»
«Le sujet de l'alimentation a toute sa place dans le chantier de la planification écologique», ajoute-t-elle en référence au forum territorial qui s'est tenu, le 1er juillet dernier, à Quetigny (
lire le communiqué). Dans ce cadre, le thème «Mieux se nourrir» constitue «une priorité pour notre territoire et ses exploitants agricoles».
Progression des indicateurs Égalim sans atteindre les objectifs
La directrice départementale des territoires se félicite de voir les indicateurs liés à la loi Égalim progresser en Côte-d'Or entre 2022 et 2024 pour passer, en moyenne, de 6 à 22% de produits sous signe de qualité et de 3 à 9% en particulier pour le bio.
La loi Égalim de 2018 préconise pour la restauration collective de proposer 50% de produits durables et de qualité dont au moins 20% de produits biologiques. Un impératif qui aurait dû être atteint le 1er janvier 2022.
Le Département cordonne les PAT intercommunaux
Le projet alimentaire territoriale du Département – appelé Alimen'terr 21 – approche les dix ans. Il vise à «favoriser l'alimentation locale notamment dans la restauration collective», à développer les logistiques alimentaires de proximité, à mettre en place des outils destinés aux transformateurs et à accompagner les acheteurs locaux par l'animation de la plateforme Agrilocal 21.
Responsable de la restauration scolaire dans les collèges publics, la collectivité produit 2,5 millions de repas annuellement.
Le Département coordonne également les PAT des intercommunalités et propose un accompagnement en termes d'ingénierie à celle qui le souhaitent, comme Terres d'Auxois ou CAP Val de Saône.
Vers une cuisine centrale mutualisée avec l'hôpital à Semur-en-Auxois
La communauté de communes des Terres d'Auxois a vu son PAT labellisé au niveau 1 en 2023. Il a pour objectif de créer une cuisine centrale pour produire les repas des écoliers ainsi que des soignants du centre hospitalier de Semur-en-Auxois.
Selon l'intercommunalité, cela passe notamment par «un soutien à l'élevage» ainsi que par «l'éducation au goût des habitants» dont les enfants.
Expérimentation d'un approvisionnement local au collège de Montbard
Dans un premier temps, les producteurs qui fournissent les Petits casiers à Semur-en-Auxois – qui distribuent automatiquement des produits alimentaires locaux à l’initiative de l'intercommunalité – envisagent d'alimenter le collège de Montbard.
Un menu local sera ainsi proposé à 210 collégiens de Montbard, le 16 octobre prochain, avec quelques kilogrammes de produits. «Le plus compliqué était la logistique pour se faire livrer correctement dans de bonnes conditions», témoigne Fatima Michelin cheffe de cuisine du collège Louis Pasteur.
«De plus en plus, les élèves mangent des légumes et apprécient ; (…) il faut jouer avec les saveurs, les épices, il faut arrêter avec les cuisines fades», s'enthousiasme-t-elle.
Vers une cuisine centrale au sein de CAP Val de Saône
La communauté de communes CAP Val de Saône a vu son PAT labellisé au niveau 1 en 2021. L'intercommunalité expérimente déjà la mise en place de chèques alimentaires durables en lien avec le Secours catholique et fait également de l'éducation à l'alimentation auprès des élèves.
Le principal projet vise la création d'une cuisine centrale de 300 m² à Auxonne, en partenariat avec la communauté de communes Mirebellois-Fontenois, sur le même site que la future légumerie départementale, pour une mise en service envisagée en 2028 afin de produire quotidiennement 3.000 repas en utilisant une tonne de denrées alimentaires (250 à 300 tonnes annuelles). Des employés représentant 19 ETP feraient fonctionner l'équipement.
Marie-Claire Bonnet-Vallet vise à «reconnecter les productions locales avec la consommation locale»
Avec le PAT, Marie-Claire Bonnet-Vallet (LCOP) réaffirme «une volonté d'aménagement et de développement du territoire» pour «faire en sorte que les territoires ruraux ne soient pas simplement les garde-manger de l'espace urbain».
«Il y a bien sûr des interactions utiles, indispensables, génératrices de profit et de réseau entre l'espace urbain et les espaces ruraux de production mais nous tenons, aussi, comme une stratégie de développement local de faire en sorte que les cantons ruraux bénéficient également de cette valorisation de la filière agricole et de cette mise en réseau», explique-t-elle. «Nous avons des problèmes d'insertion sur les territoires et ça doit être aussi travailler au travers de ces projets structurants.»
La présidente de CAP Val de Saône fixe comme objectifs du PAT de «reconnecter les productions locales avec la consommation locale, offrir des débouchés complémentaires aux producteurs locaux, améliorer les conditions de travail du personnel en place de la cuisine centrale [du Mirebellois-Fontenois] et mutualiser un équipement».
«Un investissement à long terme»
«Le bien-manger et l'éducation alimentaire, c'est aussi un investissement à long terme», réagit Marie-Claire Bonnet-Vallet au regard des coûts plus élevés liés à un approvisionnement local. «On sait que l'obésité infantile est un sujet, le traiter sur les temps de restauration scolaire est très important.»
Le coût matière de la production de la future cuisine centrale est estimé à 5 euros : «c'est plus cher que d'acheter à un prestataire». «On souhaite travailler sur des gains de coût : gaspillage alimentaire, marges à trouver», indique la présidente de l'intercommunalité.
Le pôle de maraîchage bio à Perrigny-lès-Dijon
Le projet de pôle maraîchage biologique à Perrigny-lès-Dijon approche de son aboutissement. Il est constitué par un bassin d’irrigation de 40.000 m3 – rempli grâce à un pompage dans la nappe phréatique en hiver –, trois hectares pour un chantier d'insertion en maraîchage des Restos du Cœur, 4 hectares pour un chantier d'insertion de la Croix-Rouge française pour du portage de repas à domicile et un bâtiment agricole de 600 m² avec des espaces de stockage et des chambres froides.
Cet automne, une production pilote de butternut est déjà destinée aux cantines des collèges, en lien avec Terre azur. En 2026, seront implantées des haies pour couper, mis en place des brise-vents pour limiter l'évaporation du bassin d'irrigation et installés des composteurs en bout de champ, en partenariat avec Alfacy.
Le projet de légumerie départementale à Auxonne
La collectivité porte également un projet de légumerie départementale dans un bâtiment de 839 m², situé à Auxonne, pour une production annuelle de 150 tonnes de légumes de quatrième gamme, notamment pour la cuisine centrale de CAP Val de Saône.
Le début des travaux est prévu au second trimestre 2026 pour une mise en service envisagée à la rentrée scolaire 2027.
L'accompagnement de la chambre d'agriculture
Pour accompagner les acteurs des PAT, la chambre d'agriculture propose un Point accueil installation pour les porteurs de projet – titulaires ou non d'un BPREA –, un Point info diversification ou encore un service installation et transmission
Les producteurs sont recensés via la plateforme J'veux du local, lancée au début de la crise sanitaire, et qui compte déjà 325 inscrits.
La plateforme Agrilocal 21 met en relation les producteurs et les acheteurs publics : en 2024-2025, elle a enregistré 89 acheteurs et 160 fournisseurs pour 636 marchés simples et 161 marchés à bon de commande.
La marque territoriale Savoir-Faire 100% Côte-d'Or est soutenue par la chambre d'agriculture car elle permet d'«apporter de la visibilité» aux producteurs.
Des repas bio dans les collèges pour atteindre les préconisations Égalim
À la demande du département, la coopérative Manger bio Bourgogne-Franche-Comté a participé à l'instauration de menus mensuels dans les collèges publics de la Côte-d'Or, fréquentés par environ 15.000 demi-pensionnaires.
Les six premiers menus bio ont représentés 5 tonnes de viande et 8 tonnes de légumes et légumineuses commandées auprès de 23 producteurs différents. 83% de ces produits bio venaient de la Côte-d'Or générant 96.000 euros reversés sur les fermes locales, soit 5,5 fois plus que l'année scolaire précédente.
L'action a permis de passer de 15,14% à 22,94% de produits bio dans les collèges publics donc de dépasser la préconisation de la loi Égalim sur cet aspect-là.
Désormais, le Département vise 18 repas 100% bio Côte-d'Or sur l'année scolaire 2025-2026 avec au moins un repas par mois.
Vers la construction d’un réseau de logistique locale
Après le point de situation, les participants au Conseil départementale de l'alimentation ont traité le thème principal : «La construction d’un réseau de logistique locale pour le développement de l’alimentation de proximité».
Depuis 2023, le Département déploie un plan d'action afin d'optimiser la logistique des produits locaux. Pour cela, la collectivité vise à agir sur la demande notamment en synchronisant et planifiant les commandes, afin de massifier, et à agir sur l'offre avec notamment de la formation et de l'accompagnement.
Les services du Département insistent sur le fait d'agir «en transversalité» auprès des acteurs logistiques et des producteurs, en particulier les agrées de la marque territoriale.
L'organisation des outils logistiques
En 2024, a été créé le réseau social La Charrette dédié aux fournisseurs, acheteurs et logisticiens. Il compte déjà 450 inscrits.
Le Département a passé des conventions de partenariat avec des logisticiens comme Log'issimo, Chronofresh ou encore Cap nord livraisons
Parallèlement, la collectivité mobilise des acteurs de la distribution comme Terre Azur, Passion froid, SAPAM, Manger bio BFC ou encore Sodifragel.
Augmentation de la commercialisation des produits côte-d'oriens
Parmi ces distributeurs partenaires, il résulte que, parmi l'offre globale, en 2024, 4% viennent de la Bourgogne-Franche-Comté (hors 21), 5% de la Côte-d'Or – dont 2,7% d'agréés Savoir-Faire 100% Côte-d'Or –, soit un total de 9% de produits locaux et une augmentation d'un peu plus de 1% des transactions en volume par rapport à 2023.
Les services du Département en concluent que l'«on progresse un peu avec la Côte-d'Or, c'est un bon signe de l'engagement de ces distributeurs».
Jean-Christophe Tardivon









