Ce dimanche 9 juin, les élections européennes ont été marquées par un résultat historique à Dijon : l'arrivée en tête de la liste du Rassemblement national même si les scores des différentes listes progressistes ouvrent le jeu pour 2026. En vue des législatives, le RN pourrait accéder au second tour dans la plupart des circonscriptions.
Des élections législatives en plein Tour de France et quelques jours avant les Jeux olympiques de Paris 2024 : Emmanuel Macron a tranché, ce dimanche 9 juin 2024.
Les répliques du séisme du score de Jordan Bardella (RN) ont fait tremblé l’Élysée et conduit le président de la République à prendre le risque d'une cohabitation avec les représentant du Rassemblement national, son rival désigné depuis 2016, à moins de réussir à mobiliser ceux qui ont «voté avec leurs pieds» aux européennes.
Ces répliques sont la résultante de nombreux séismes locaux qui sont riches d'enseignement en vue des prochaines législatives ainsi que des municipales à venir sous la réserve que, au-delà de l'orientation nationale du parti, la personnalité des candidats, leurs parcours et leurs engagements, comptent pour beaucoup aux élections locales.
Un coup dur pour François Rebsamen
À Dijon, les électeurs se sont encore plus mobilisés que la moyenne française avec une participation de 54,74%. François Rebsamen (PS, FP), maire de la cité des ducs de Bourgogne, s'est fortement impliqué dans la campagne, recevant Valérie Hayer et des colistiers pour des actions militantes mais sans prendre la parole dans un meeting, faute de réunion départementale publique organisée à Dijon.
Malgré cela, la liste menée par Valérie Hayer arrive troisième avec 15,85% des suffrages (14,56% France entière). Avec 21,19%, Jordan Bardella est «contenu», selon l'expression de François Rebsamen (31,47% France entière) tandis que Raphaël Glucksmann réalise un bon score avec 17,80% (13,80% France entière), de même que Manon Aubry avec 13,11% (9,87% France entière) et Marie Toussaint avec 7,78% (5,47%).
C'est un coup dur pour François Rebsamen au vu de son soutien à Emmanuel Macron depuis 2022 et de son opposition de toujours au parti lepéniste. Toutefois, Dijon reste «une ville européenne» et même «une ville de gauche», selon son maire.
Les difficiles «unions» à réaliser à Dijon pour les municipales
Les partis identitaire, national-populiste et conservateur totalisent 34,06% à Dijon. Le référent régional de Reconquête appelle à une union du camp national de façon à menacer dans les urnes les prétendants à la succession du premier édile, en place depuis 2001.
Les bons scores relatifs des partis allant du social-libéralisme à l'anticapitalisme en passant par la social-démocratie ouvrent la porte à plusieurs listes en 2026.
L'«aile droite» et l'«aile gauche» de la majorité municipale actuelle pourraient être tentées de se compter au soir du premier tour tandis que les Verts vont devoir composer avec les Insoumis, les bons résultats des européennes de 2019 appartenant désormais au passé.
Les petites centralités expriment leur défiance de l'Union européenne
À Auxonne et Châtillon-sur-Seine, Jordan Bardella et Marion Maréchal totalisent plus de 50% des voix.
À Montbard, les partis eurosceptiques totalisent près de 50% des suffrages. Voilà de quoi nourrir quelques inquiétudes pour la maire centriste Laurence Porte (HOR) qui a soutenu Valérie Hayer. La tête de liste de la majorité présidentielle sous-performe dans cette commune.
À noter que, dans la cité de la haute Côte-d'Or, quelques électeurs permettent au Parti animaliste de devancer l'écologiste Marie Toussaint.
La sociologie particulière de la côte des vins
À Beaune, Valérie Hayer et François-Xavier Bellamy réalisent des scores nettement supérieurs à leurs moyennes nationales, ce qui, là aussi, «contient» le score de Jordan Bardella au vu de son succès dans les zones rurales environnantes.
Le phénomène se retrouve, amoindri, à Nuits-Saint-Georges. Voilà de quoi compliquer les ambitions du Rassemblement national dans de telles communes en 2026.
Manon Aubry surperforme dans les villes ayant des maires PS
À Chenôve, Manon Aubry arrive en tête avec 26,63% des suffrages, devant Jordan Bardella avec 23,15% et Raphaël Glucksmann avec 15,15%. En 2022, le maire actuel Thierry Falconnet (PS) a soutenu l'accord de la NUPES, une stratégie qui apparaît adéquate pour viser la reconduction de son camp en 2026.
La situation est sensiblement similaire à Quetigny où les électeurs de la gauche radicale se sont fortement mobilisés.
À Longvic, Manon Aubry surperforme même si Jordan Bardella arrive en tête. Ayant succédé à José Almeida (PS) en cours de mandat, la maire socialiste Céline Tonot (PS) aura potentiellement à composer avec les Insoumis pour être validée par les électeurs en 2026.
Les résultats inégaux de François-Xavier Bellamy dans les villes ayant des maire LR
Malgré des maires LR et divers droite, Chevigny-Saint-Sauveur, Saint-Apollinaire et Plombières-lès-Dijon voient les électeurs plébisciter Jordan Bardella et réserver une portion congrue à François-Xavier Bellamy.
En revanche, Talant et Fontaine-lès-Dijon – où François-Xavier Bellamy avait tenu un bref meeting –, «contiennent» également la tête de liste du Rassemblement national.
En vue des législatives, la première circonscription
Dans ce territoire, Valérie Hayer (18,13%) surperforme et rivalise avec Jordan Bardella (22,98%). Le territoire semble difficilement gagnable pour le RN.
En revanche, l'accès au second tour sera très disputé entre le candidat de la majorité présidentielle – le député sortant Didier Martin a sollicité l'investiture –, et les autres prétendants allant du socialisme à la gauche radicale – dissidente en 2022, référente de Place publique en 2024, Sladana Zivkovic (PS) a été prompte à réagir pour annoncer sa candidature.
La deuxième circonscription
Tributaire en 2022 d'une investitures de la Fédération progressiste face au Modem, le député sortant Benoît Bordat a d'ores et déjà annoncé sa candidature. Il devra faire avec un score de Valérie Hayer en phase avec les résultats nationaux même s'il recevra de nouveau le soutien appuyé de François Rebsamen, fondateur de la Fédération progressiste.
Rivalisant au second tour avec Benoît Bordat en 2022, l'écologiste Catherine Hervieu (EELV, NUPES), conseillère municipale d'opposition à Dijon, devra défendre son ancrage territorial face au PS local et aux Insoumis dans un contexte d'effondrement des Verts aux élections européennes.
Cette déclinaison locale du contexte national amène à ouvrir le jeu dans cette circonscription en raison du score de Jordan Bardella – simplement en phase avec la moyenne française – et d'une candidature à reconstruire pour les Républicains après le décès d'Adrien Huguet. C'est potentiellement le candidat du Rassemblement national qui pourrait capitaliser le mécontentement en cas d'investiture adaptée au territoire.
La troisième circonscription
En 2022, Fadila Khattabi (REN) l'a emporté d'une soixantaine de voix seulement devant Patricia Marc (LFI, NUPES). Autant dire que celle qui est devenue ministre des Personnes âgées et des Personnes handicapées devra batailler ferme pour conserver son siège, entre temps dévolu à son suppléant Philippe Frei.
Au lendemain des européennes, Pierre Pribetich, ancien parlementaire européen, premier-vice-président de la Métropole de Dijon et adjoint au maire de Dijon, a annoncé sa candidature, soutenue par le maire de Chenôve Thierry Falconnet (PS). L'accès au second tour dépendra d'un éventuel soutien des Insoumis qui se décidera au niveau national.
Là encore, le score de Jordan Bardella sera porteur pour le candidat du Rassemblement national mais la mobilisation pour un nouveau scrutin en un mois seulement sera cruciale.
La quatrième circonscription
Habitué à battre le fer avec le Rassemblement national, le député sortant Hubert Brigand (LR) avait remporté l'élection législative avec plus de 20 points d'écart lors du duel de second tour en 2022.
En revanche, l'accès à ce second tour avait été serré entre celui qui était alors maire de Châtillon-sur-Seine et le maire de Boussenois Stéphane Guinot (LFI, NUPES).
Dans le contexte où le Rassemblement national capte majoritairement la contestation à la politique d'Emmanuel Macron dans les zones rurales, les Insoumis devront jouer finement pour décrocher un ticket pour le second tour.
L'éventuelle consigne de vote de l'Alliance rurale, menée par Jean Lassalle, ayant réalisé 4,35% sur cette circonscription, pourrait compter puisque le chasseur Willy Schraen, troisième de la liste, n'a cessé de souligner sa différence avec le Rassemblement national.
Cinquième circonscription
Rivaux depuis 2017, le député sortant Didier Paris (REN) et le conseiller régional René Lioret (RN) pourraient bien s'affronter une troisième fois. Si Didier Paris l'avait emporté avec près de 9 points d'écart au second tour en 2022, le contexte est nettement moins favorable pour le soutien d'Emmanuel Macron.
Cependant, tout comme dans la quatrième circonscription, l'essor du RN fragilise la contestation portée par la gauche anticapitaliste et la sociologie des villes comme Beaune et Nuits-Saint-Georges a conduit Valérie Hayer a surperformer localement.
Jean-Christophe Tardivon