Principal sujet à l'ordre du jour de la session présidée par François Sauvadet, la seconde décision modificative du budget 2024. L'exécutif conteste l'extension des hausses de rémunérations liées au Ségur de la santé. Catherine Hervieu a revendiqué «une réforme de justice fiscale». Un clash est survenu avec Pierre Poillot à propos du réseau routier secondaire.
Les récentes révélations du gouvernement sur l'état des comptes publics de la France et les mesures prises pour leur «redressement» ont animé les débats de la session plénière du lundi 14 octobre 2024, à Dijon, du conseil départemental de la Côte-d'Or.
François Sauvadet considère que l'effort demandé aux collectivités est «incompréhensible et insupportable». Celui qui est également président de l'Assemblée des Départements de France a indiqué s'être entretenu avec le Premier ministre Michel Barnier à ce sujet.
L'objectif du gouvernement de 100 milliards d'euros d'économies en cinq ans
Pour respecter les engagements européens en 2029 et tendre vers un un déficit public de 3% du PIB – contre 6% désormais attendus fin 2024 –, le gouvernement de Michel Barnier recherche 100 milliards d'euros d'économies à réaliser en cinq ans.
Dans ce contexte, le gouvernement envisage d'instaurer une contribution des collectivités à hauteur de 5 milliards d'euros en 2025. Cela passerait notamment par un «mécanisme de précaution» qui, selon le gouvernement, correspondrait à «une mise en réserve de fonds, afin d'associer à l'effort de redressement des comptes publics et de renforcer à termes les mécanismes locaux de précaution et de péréquation».
Une contribution du Département de 21 millions d'euros au «redressement» des comptes publics en 2025
Le gouvernement compte créer un «fonds de précaution» abondé par les collectivités, de réduire les recettes liées à la TVA. La contribution du Département de la Côte-d'Or au «redressement» des comptes publics est ainsi estimée à 21 millions d'euros en 2025.
«Il faut vraiment que l’État se réforme sur ses propres dépenses plutôt que de venir faire les poches des collectivités territoriales qui ont l'obligation de présenter des budgets en équilibre», signale François Sauvadet. «Nos dépenses sociales ont explosé ces dernières années et, en même temps, nos recettes se sont effondrées. (…) Nous avons eu, en trois ans, 70 millions d'euros de dépenses supplémentaires qui sont, pour l'essentiel, des dépenses sociales imposées par l’État. (…) Il faut que l’État arrête de charger la barque des Départements ! »
«Ce que je vous propose, dans ce contexte, ce n'est pas l'austérité, ce n'est pas non plus du rabot, ce sont des choix clairs pour les mois qui viennent», résume François Sauvadet. «Le pire, dans la crise, serait de ne rien faire ou de la subir. (…) Les engagements fondamentaux que nous avons faits à l'égard des Côte-d'Oriens nous les tiendrons !»
Si le débat d'orientation budgétaire est maintenu le 25 novembre prochain, le vote du budget 2025 pourrait être repoussé de quelques semaines.
L'exécutif conteste l’extension du Ségur
La traditionnelle seconde décision modificative du budget de l'année en cours, ou «DM2», représente une augmentation de 3,8 millions d'euros en 2024, dont 2 millions d'euros affectés à une extension des rémunérations liées au Ségur de la santé, décidée par le gouvernement démissionnaire «sans la moindre concertation».
Dans l'immédiat, le président des Départements de France se refuse à voir appliquer une telle hausse, tout en incitant à provisionner le montant, en attendant une compensation de la part de l’État.
«Heureusement que nous avons procédé à un désendettement massif au moment où nous avions des ressources de [droits de mutation à titre onéreux] [NDLR : des recettes assises sur les transactions immobilières] parce que, sans quoi, aujourd'hui nous devrions renoncer à nos engagements fondamentaux», indique-t-il. «Nous serons plus que jamais aux côté des Côte-d'Oriens .»
Toutefois, la collectivité entend demander à ses partenaires du champ social de «rechercher toutes les voies d'efficience dans leur fonctionnement».
Céline Tonot propose d'augmenter la fiscalité pesant sur les entreprises bénéficiaires et les patrimoines les plus importants
Le président du groupe d'opposition Côte-d'Or Terres d'avenir Christophe Avena (PS) étant absent pour raison de santé, la vice-présidente Céline Tonot (PS) prend la parole en son nom : «le pays est confronté à une dette financière et écologique importante, les inégalités territoriales notamment pour l'accès aux soins se creusent, le réchauffement climatique et l'effondrement de la biodiversité continuent aussi à s'accélérer».
Céline Tonot exprime les «inquiétudes» et la «colère» de son groupe devant la feuille de route du gouvernement de Michel Barnier et sa déclinaison territoriale : «faire peser les deux tiers des efforts de réduction du déficit par une baisse sèche de nos recettes n'est vraiment pas tenable». «Les entreprises ont largement profité de la solidarité nationale entre 2020 et 2023 avec près de 100 milliards [d'euros] d'aides pour faire face aux crises sanitaire et énergétique. (…) Il serait juste que les bénéfices des entreprises soient davantage mis à contribution, tout comme le patrimoine des grandes fortunes françaises.»
«L'extension du Ségur est une mesure d'égalité entre les personnels qui interviennent dans le champ du sanitaire, du social et du médico-social», considère la socialiste. «Nous nous opposons à une prise en otages des salariés du secteur», indique-t-elle au regard de la volonté de l'exécutif départemental de différer l'application de la revalorisation des rémunérations concernées.
«On fera des choix courageux, sans quoi, ce serait l'accélération du mouvement populiste», indique François Sauvadet
«Vous ne pouvez vous exonérer de votre propre responsabilité», répond François Sauvadet sur le sujet des dotations de fonctionnement des collectivités territoriales, «entre 2014 et 2017, sous la présidence Hollande, quand on a diminué la DGF, chez nous, on a perdu 28 millions d'euros».
«On fera des choix courageux mais je ne renoncerai pas aux politiques d'aménagement du territoire, sans quoi, ce serait l'accélération du phénomène d'inquiétude et du mouvement populiste», ajoute le centriste. «On ne fera pas plus, on fera mieux !»
«Personne n'a intérêt à l'échec du gouvernement», commente-t-il, «si quelqu'un avait gagné les élections, ça se saurait ! C'est la démocratie qui a perdu avec la montée des populismes et des mouvements populistes que je dénonce en permanence, qu'ils soient d'extrême-gauche ou d'extrême-droite». «Je ne fais pas de différence entre l'extrême-gauche et l'extrême-droite !»
«Il ne faut pas résumer l'attractivité des métiers simplement à des questions salariales», réagit Emmanuelle Coint
Pour sa part, la première vice-présidente Emmanuelle Coint (LCOP) réagit aux propos concernant l'extension du Ségur de la santé : «il ne faut pas résumer l'attractivité des métiers simplement à des questions salariales, il y a effectivement la qualité de vie au travail, l'équilibre vie professionnelle-vie personnelle, l'accès aux moyens de garde des enfants sur des horaires souvent atypiques, (…) des problèmes de management aussi (…) et le sujet de la formation initiale et continue. (…) Ne tombons pas dans le piège qui nous est tendu par l’État, nous ne demandons pas aux gestionnaires de porter l'extension du Ségur, nous demandons aux gestionnaires d'être à nos côtés pour faire pression sur l’État pour que celui qui décide paye».
«L'impôt est le lien entre le citoyen et la puissance publique», analyse Catherine Hervieu
De son côté, Catherine Hervieu (LE) s'interroge sur le «pilotage politique» de l'exécutif au moment où les comptes publics sont annoncés plus dégradés que ce qu'il était anticipé.
«Il s'agit d'un fiasco, le fiasco d'une gestion économique et financière durant sept ans avec le tabou d'engager une réelle réforme de justice fiscale, afin d'assurer les ressources de l’État en faveur de la nécessaire et urgente transition écologique, de la réduction des inégalités qui pèsent, entre autres, sur les budgets des conseils départementaux», considère l'écologiste.
«L'impôt est le lien entre le citoyen et la puissance publique, c'est aussi la contribution des différents secteurs d'activité qui bénéficient des investissements publics», analyse-t-elle, «dévaloriser l'impôt, c'est fragiliser l’État, les collectivités et la puissance publique». «C'est aussi fragiliser la démocratie en renvoyant le besoin de ressources à différentes corruptions ou systèmes de gré à gré.»
«J'attends de rentrer dans le vif du débat pour me dire ce que vous proposez pour l'avenir de la Côte-d'Or», réagit François Sauvadet.
Concernant la situation nationale, le président de Départements de France souhaite que la députée appuie à l'Assemblée nationale les amendements transpartisans portés par l'association d'élus dans le cadre de la préparation du budget 2025.
«On paye l'absence de réforme de l’État», analyse François-Xavier Dugourd
«On paye le quoi qu'il en coûte», analyse le vice-président délégué François-Xavier Dugourd (LR, NE) face à la dégradation des comptes publics qu'il fait remonter à 2012. «On paye l'absence de réforme de l’État depuis des années et, au-delà de ça, l'absence de réforme de l'action publique : État, collectivités mais aussi les satellites, les multiples agences qui contribuent à cette action publique, de manière souvent désordonnée.»
Celui qui est également président d'Orvitis alerte sur «la crise majeure du logement» et fustige «la taxe créée sur le chiffre d'affaires» des bailleurs sociaux.
Pierre Poillot pointe «une insuffisance» du réseau routier secondaire
Après des débats consensuels sur la politique du logement social, au détour du rapport présenté par le vice-président Alain Lamy (LR) sur les ajustements de la seconde décision modificative du budget 2024 appliquée à la voirie, un clash apparaît entre François Sauvadet et l'opposant Pierre Poillot (PS).
«Si le Département fait tout ce qu'il faut sur les grands axes, sur le réseau secondaire, il y a vraiment une insuffisance», expose Pierre Poillot.
«le maintien d'un réseau routier départemental en l'état est fondamental pour l'équilibre de nos territoires ruraux». «On ne peut pas continuer comme ça d'avoir des routes dans lesquelles on ne peut plus se croiser dessus parce qu'il y a eu des travaux de la fibre.»
«Les efforts faits sur toutes les routes ont été sans précédent», réagit François Sauvadet
«C'est insultant à l'égard de nos équipes qui sont sur le terrain ! (…) Les efforts que nous avons faits sur toutes les routes, y compris le réseau secondaire ont été sans précédent ! (…) Nous sommes un des Départements les plus sûrs. (…) Je ne peux pas vous laisser dire qu'il y aurait deux réseaux en Côte-d'Or, un réseau entretenu et un qu'on abandonnerait, c'est absolument faux ! Je trouve ça extrêmement choquant», réagit le président du Département. «Il y a une dizaine d'années, on n'était même pas à 7 millions [d'euros] sur les couches de roulement, on est remonté jusqu'à 14 millions [d'euros].»
Au moment du vote du rapport, le groupe Côte-d'Or Terres d'avenir se prononce défavorablement sauf Catherine Hervieu qui s'abstient. Le rapport est donc adopté à une large majorité.
Les Falaises de Baulme-la-Roche, nouvel espace naturel sensible
Le vice-président Marc Frot (LCOP) présente le rapport portant sur la labellisation comme «espace naturel sensible» (ENS) du site de 64 hectares des Falaises de Baulme-la-Roche, dont 32 hectares d'espaces communaux.
«C'est un véritable enjeu écologique lié à la mosaïque de milieux qui sont présents : falaises, forêts de feuillus, pelouses calcaires, différentes sources», explique Marc Frot. Un site où l'on trouve des faucons pèlerins, des chats forestiers ou encore des papillons Damier de la succise. «L'un des enjeux est l'organisation de la fréquentation du site», souligne le rapporteur.
Il s'agit du 15ème ENS du Département qui compte désormais 712 hectares ainsi labellisés. Deux nouveaux site seront prochainement reconnus en forêt de Cîteaux.
Patrick Chapuis souligne «un effort d'investissement tout à fait remarquable» en 2024
In fine, les ajustements de la DM2 sont présentés par le vice-président Patrick Chapuis (LR). «Ce rapport confirme qu'il peut être aventureux d'appuyer des dépenses quasi certaines sur des dépenses volatiles», glisse Patrick Chapuis, faisant ainsi référence aux ressources de la collectivités assises sur les transactions immobilières. En 2024, le total des droits de mutation à titre onéreux perçus par le Département vont ressortir inférieurs de 15 millions d'euros à la moyenne annuelle.
Pour 2024, les dépenses de fonctionnement sont augmentées de 3,8 millions d'euros pour être portées à 586 millions d'euros. Les recettes réelles de fonctionnement ressortent à hauteur de 613,3 millions d'euros. Le différentiel est versé à la section d'investissement qui s'équilibre à 432,4 millions d'euros avec un emprunt idoine de 40 millions d'euros.
«Cela met en évidence un effort d'investissement tout à fait remarquable en ces périodes de difficultés à la fois économiques et budgétaires», souligne le rapporteur.
En lien avec leur désapprobation du budget primitif 2024, les élus du groupe Côte-d'Or Terres d'avenir votent défavorablement. La DM2 est donc adoptée avec les voix de la majorité départementale.
Rendez-vous est donné aux élus, le 7 novembre prochain, pour examiner la nouvelle organisation des services du conseil départemental.
Jean-Christophe Tardivon
François Sauvadet, président du conseil départemental de la Côte-d'Or, le 8 juillet 2024, à Dijon (image d'archives JC Tardivon)