Durant ce mois de novembre, le Centre de formation à l’appui aérien de Nancy-Ochey, certifié par l'OTAN, organise un exercice en Côte-d'Or pour former des contrôleurs aériens avancés. Ce mardi 19 novembre, des élus ont pu visiter le centre de commandement, installé en pleine campagne, à l'ouest de Beaune.
Une centaine de militaires français et allemands ont pris position dans les hautes côtes de Beaune, depuis le 11 novembre dernier. Parmi eux, une vingtaine suivent une formation à un métier spécifique : le contrôleur aérien avancé, un commando qui est chargé de décrire des cibles désignées à des avions, ou tout autre aéronef, lors de combats.
Ce mardi 19 novembre 2024, l'armée de l'air et de l'espace a organisé une présentation aux élus locaux du dispositif implanté à Meloisey jusqu'au 29 novembre prochain. Michel Gien, premier adjoint au maire de Meloisey, et Philippe Falce, conseiller municipal de Beaune délégué à la coordination culturelle et au monde patriotique, ont participé. Les députés de la Côte-d'Or Catherine Hervieu (LE) et René Lioret (RN) étaient représentés.
Un exercice à l'ouest de Beaune
Pour réaliser les exercices militaires d'appui aérien, une large zone a été définie à l'ouest de Beaune au sol et jusqu'à 6.000 mètres d'altitude. Lignes commerciales et aéroclubs ont été prévenus qu'il sera interdit de pénétrer dans cette zone aéronautique à certains moment précis.
Au sol, la population a été avertie par voie de presse (
lire le communiqué) et par le relais des élus locaux de la possible circulation de militaires français et allemands en exercice. Même les chasseurs ont été conviés à éviter le secteur du camp, devenu terrain militaire par arrêté préfectoral et interdit au public.
La plupart du temps, les avions – des avions civils équipés de matériel militaire, appuyés par des Mirage 2000D et potentiellement des Rafale – voleront à 3.000 mètres d'altitude mais pourraient effectuer ponctuellement des passages à 150 mètres. Ils totaliseront une centaine d'heures de vol en deux semaines.
Unique en son genre, le Centre de formation à l’appui aérien
L'exercice a été préparé par le Centre de formation à l’appui aérien 01.451 de la base aérienne 133 Nancy-Ochey, une unité créée en 1946, devenue franco-allemande depuis 1998, relevant désormais de l'armée de l'air et de l'espace.
Le CFAA est un centre interarmées et interalliés, dispensant une formation correspondant aux procédures de l'Organisation du traité de l'Atlantique nord. L'OTAN évalue l'unité tous les trois ans.
Le CFAA est la seule unité en France et en Allemagne à former au métier de Joint Terminal Attack Controller (JTAC) ou contrôleur aérien avancé, le coordonnateur des appuis aériens des troupes au sol.
Sur les 37 militaires du CFAA – dont 10% de femmes –, 18 ont effectué des opérations ou des missions de coopération de plus d'un mois à l'étranger en 2023.
À dix minutes des bases aériennes du nord-est de la France
Chaque année, trois stages sont organisés : deux en France et un en Allemagne. Les emplacements changent régulièrement.
Les hautes côtes de Beaune ont été retenues pour leur proximité avec les bases aériennes de Saint-Dizier, Nancy et Luxeuil qui sont à 10 minutes de vol. Il s'agit également d'un secteur comportant peu de trafic aérien régulier, ce qui facilite l'instauration d'une zone d'exclusion.
Cette fois-ci, suivent la formation 19 stagiaires JTAC français et allemands ainsi que 2 instructeurs JTAC français. En tout, plus d'une centaine de militaires sont mobilisés pour l'exercice.
Si les activités tactiques et pédagogiques d'appui aérien ont débuté ce lundi, l'exercice a été temporairement suspendu ce mardi, le décollage des avions n'étant pas conseillé en raison des conditions météo, non pas en Côte-d'Or – pourtant exécrables –, mais au-dessus de Nancy.
Auparavant, le CFAA a déployé la logistique et, surtout, les moyens techniques nécessaires au déroulé de l'exercice, en particulier les moyens de communication.
«Le JTAC supporte une manœuvre au sol à l'aide d'effecteurs dans les airs»
Après trois semaines dans les locaux du CFAA, puis trois semaines à l'extérieur près de Nancy, le stage de deux semaines d'apprentissage tactique constitue l'étape finale de la formation avant une évaluation les autorisant au combat.
«Le contrôleur aérien avancé est un combattant de terrain qui va contrôler les frappes aériennes et les frappes d'artillerie», a expliqué le lieutenant-colonel Alexandre, pilote de chasse de l'armée de l'air et de l'espace de formation et désormais commandant du CFAA. «Le CFAA se déploie en campagne pour mettre ses stagiaires dans des situations tactiques le plus réel possible.»
Le rôle du JTAC est crucial notamment lors de combats contre des cibles hostiles à proximité de troupes à préserver car cela implique une coordination précise entre les éléments mobilisés – avions de chasse, bombardiers, hélicoptères, drones, artillerie... –, parfois de différentes armées, voire de différents pays. En quelque sorte, c'est le « chef d'orchestre » d'un appui aérien.
«Le JTAC supporte une manœuvre au sol à l'aide d'effecteurs dans les airs», précise le militaire, «c'est un expert de la manœuvre au sol, parce qu'il doit comprendre ce que le chef au sol va attendre en termes d'effet sur le terrain, et c'est un expert de la chose aérienne parce qu'il va devoir connaître les performances des aéronefs, les effets des munitions et les techniques de marquage de cible». «Il comprend à la fois le monde en deux dimensions de la manœuvre terrestre et le monde en trois dimensions de l'armée aérienne.»
Des procédures de l'OTAN à respecter
«Le stagiaire va apprendre à parler à son avion : il y a certaines procédures, codes et séquences à respecter, connus du JTAC et de l'avion. (…) Ensuite, il va falloir apprendre à décrire en anglais des cibles et la zone d'objectif, ensuite une procédure autorise le déclenchement du feu puis une autre procédure reroute l'avion à l'extérieur de la zone de manière saine», développe-t-il. «Il apprend également à séparer des avions qui œuvreraient simultanément ou à séparer les avions des tirs d'artillerie. Au-delà du dialogue avec l'avion, il y a la représentation en trois dimensions et la répartition des moyens de manière à produire des effets sur le champ de bataille.»
Preuve que des films à grand spectacles peuvent parfois être bien conseillés techniquement, un extrait du film de Michael Bay «Transformers» évoque avec pertinence le rôle du JTAC (
retrouver l'extrait sur You Tube).
Quatre scénarios joués durant l'exercice
Durant l'exercice en Côte-d'Or, les stagiaires vont être confrontés à quatre simulations différentes : escorte de convoi pris à partie avec un JTAC embarqué, patrouille en zone urbaine à visibilité et portée radio limitées, patrouille à pied en petit groupe dans un contexte de contre-insurrection et protection des environs du camp de commandement avec un JTAC dans un bunker sans vision directe de l'extérieur.
«Les scénarios sont scriptés», explique le militaire, «on va injecter des éléments perturbateurs à des points précis parce que cela va être très formateur pour le stagiaire». Un debriefing tactique et pédagogique suivra chaque simulation de combat.
Des contrôleurs aériens pour surveiller l'environnement aéronautique
Le JTAC intervient lui-même dans un cadre plus large balisé par des contrôleurs aériens qui surveillent ce qui se passe dans l'environnement aéronautique concerné.
Ainsi, le lieutenant-colonel Henri a présenté le centre opérationnel de l'exercice mobilisant quatre contrôleurs aériens du commandement de défense aérienne et des opérations aériennes, une unité basée à Cinq-Mars-la-Pile, près de Tours.
Les quatre contrôleurs aériens communiquent avec l'extérieur grâce à une antenne-satellite installée sur le terrain militaire. Cela leur donne accès notamment au réseau de radars balayant le territoire national pour obtenir des données tactiques.
Par ailleurs, trois antennes radio permettent les échanges directs avec les pilotes des avions.
«La radio est l'arme principale du JTAC»
La présentation du matériel effectuée par le capitaine Guillaume permet de passer en revue les matériels anciens, pouvant être utile en seconde intention, et les technologies de pointe comme la reprise vidéo de la caméra d'un avion ou le marquage d'une cible pour une munition guidée par laser.
«La radio est l'arme principale du JTAC», a souligné le lieutenant-colonel Alexandre, «c'est bien plus qu'un simple talkie-walkie, ce sont de vrais ordinateurs qu'il faut savoir maîtriser».
Pour autant, les JTAC doivent également savoir se servir d'une carte et d'une boussole.
Les outils cybernétiques pourraient intégrer le panel du JTAC
L'armée de l'air et de l'espace anticipe le futur du JTAC : «il contrôlera peut-être d'autres effecteurs comme du cyber de manière à combiner différentes actions pour avoir un effet, par exemple aveugler la défense anti-aérienne adverse avec une attaque cyber au bon moment». «Le contrôleur pourrait être un peu plus à l'arrière et à un poste plus élevé dans la chaîne de commandement.»
Dans la perspective d'un recours accru aux outils numériques, l'usage de l'intelligence artificielle est envisagée «en tant qu'aide à la décision» en élaborant des «options» par la synthèse d'une masse d'informations, cela dans le cadre de la doctrine française de ne pas déléguer de décision, a fortiori d'autorisation de tir.
Jean-Christophe Tardivon