
Lors de la présentation du rapport d'activité de la préfecture de la Côte-d'Or en 2022, le 26 juin dernier, le préfet a souligné la «proximité» avec le conseil départemental présidé par François Sauvadet.

«Nos compatriotes attendent beaucoup en matière de solidarité. On note des montées de précarité», alerte François Sauvadet (UDI), le lundi 26 juin 2023, au moment de recevoir Franck Robine, préfet de la Côte-d'Or, pour la première fois lors d'une session du conseil départemental de la Côte-d'Or.
Franck Robine vient présenter aux élus le rapport d'activité des services de l’État en Côte-d'Or durant l'année 2022, un exercice institutionnel qui permet de rappeler l'articulation entre les services déconcentrés et ceux de la collectivité territoriale ainsi que de faire passer quelques messages (
retrouver le dossier de la préfecture remis aux élus).
François Sauvadet alerte sur «des actes de déstabilisation»
«Je salue nos forces de gendarmerie, nos forces de police qui parfois sont très exposées à des actes de violence qui pourraient s'apparenter à des actes de déstabilisation», déclare en préambule le président du Départemental de la Côte-d'or qui a également un mot pour les sapeurs-pompiers.
François Sauvadet insiste sur «la qualité des relations» entre le Département et les services de l’État, des relations «exigeantes» et «de confiance» dans un contexte où les dépenses à la charge de la collectivité augmentent, parfois du fait de décisions gouvernementales «sans concertation avec les collectivités».
«En deux ans, on a eu plus de 40 millions d'euros supplémentaires de dépenses», insiste le président du Département, un «choc» pour la collectivité.
Ainsi, la hausse du point d'indice de la rémunération des fonctionnaires – une mesure de pouvoir d'achat – se traduira par une augmentation de 1,5 million d'euros des charges de personnel en année pleine pour le Département.
«Nous sommes des garants des cohésions sociales, humaines et territoriales», assure le président de l'Assemblée des Départements de France
Concernant les défis auxquels la Côte-d'Or devra faire face, François Sauvadet aborde la «transition générationnelle» dans le secteur agricole, le risque de «déserts médico-sociaux» en cas de gestion des EHPAD par «la santé», les «fermetures de classes» sans baisse des effectifs, «la transition numérique» ou encore «les transitions climatiques et énergétique»
«Dans ce contexte de tensions, vous pouvez compter sur le Département de la Côte-d'Or pour toutes les missions que nous avons en partage. (…) Nous, acteurs territoriaux, nous sommes des garants des cohésions sociales, humaines et territoriales», insiste celui qui est également président de l'Assemblée des Départements de France.
«Le couple président du conseil départemental-préfet est solide ici», souligne Franck Robine
Ayant été directeur général des services au sein du conseil général des Alpes-Maritimes de 2013 à 2016, Franck Robine connaît bien les rouages de la décentralisation.
«On est tous au service de nos concitoyens et, en particulier, des habitants de la Côte-d'Or», déclare-t-il en soulignant à son tour «l'excellence de la coopération» entre l’État et les élus du département. «Pendant la crise Covid, il a beaucoup été question du couple maire-préfet, le couple président du conseil départemental-préfet est solide ici particulièrement en Côte-d'Or.»
«Le défi de l'équité des territoires et de la ruralité»
Abordant le cœur du sujet, le préfet rappelle que le bilan 2022 est principalement dû à son prédécesseur et aux directeurs de services qui l'entourent puis concentre son propos sur quelques «défis» en commençant par «le défi de l'équité des territoires et de la ruralité».
Cinquième département de France par la superficie, la Côte-d'Or voit sa population répartie à moitié dans la métropole dijonnaise, à moitié dans le reste du département.
«Il n'y a jamais eu autant d'argent de l’État disponible pour financer les projet», rappelle-t-il, avec «un doublement des subventions depuis 2017» allant jusqu'à 33 millions d'euros en 2023, Fonds vert inclus.
«On a stoppé la baisse de la diminution globale de fonctionnement» puisque «neuf communes sur dix» ont vu leur DGF augmenter en 2023, soit un effort de 2 millions d'euros en 2023.
«Je forme le vœu que nous fassions de la Côte-d'Or un territoire d'excellence pour la mise en œuvre du plan France ruralité», indique le préfet qui renvoie à «un vrai succès des Maisons France services». Sous-préfète de Montbard, Isabelle Bourion est la référente de ce sujet en Côte-d'Or.
«Mettre les bouchées doubles» pour terminer le déploiement de la fibre optique
Le sujet se prolonge avec «le défi de la numérisation» représenté par «le développement de la fibre» et «la couverture 4G» même si seulement 75% de la population du territoire sont reliés au très haut débit.
L’État a investi 47 millions d'euros pour contribuer au déploiement de la fibre optique. «On a conscience qu'il faut mettre les bouchées doubles pour terminer cette année».
Le préfet évoque le sujet du retrait du réseau filaire en cuivre qui préoccupe le président du Département (
lire le communiqué). Toutefois, il estime que «si on veut garder de la population dans ces territoires, il faut mettre à disposition des acteurs du monde rural des moyens de communication modernes et performants».
«Tout le monde peut trouver un emploi, même s'il est éloigné de l'emploi»
Concernant «le défi du plein emploi» qui n'est pas nécessairement ressenti dans «certains bassins industriel» ou dans «le monde rural isolé», Franck Robine signale que «la Côte-d'Or est le département-poumon de cette région Bourgogne-Franche-Comté, seul département qui continue de connaître une croissance démographique».
La Côte-d'Or connaît un taux de chômage inférieur d'environ un point à la moyenne nationale et le secteur de Beaune se situe même en-dessous de 5%.
Dans ce contexte, la Côte-d'Or figure parmi les départements pilotes pour expérimenter la réforme France Travail avec 2.000 premiers bénéficiaires dans les bassins d'emploi de Beaune et de Genlis (
lire notre article).
«Ça part de l'idée que tout le monde peut trouver un emploi, même s'il est éloigné de l'emploi»», indique le préfet en évoquant un «encadrement renforcé des bénéficiaires du RSA».
Revenant sur une annonce faite par François Sauvadet lors de l'inauguration de la Cité des climats et vins de Bourgogne à Beaune (
lire notre article), Franck Robine signale que «l’État soutiendra le réaménagement de la Route des Grands Crus» du fait de l'importance de l’œnotourisme pour le territoire.
15 millions d'euros ont été engagés au titre du Fonds vert
Au sujet de la transition énergétique, «l’État est présent pour viser la neutralité carbone en 2050» déclare le préfet qui estime que «l'avenir énergétique de la France passe par le nucléaire et par ce développement des énergies renouvelable». À ce titre, le représentant de l’État souligne le rôle des élus locaux dans «l'acceptabilité» des projets.
En Côte-d'Or, déjà 15 millions d'euros ont été engagés au titre du Fonds vert consacrés aux projets des collectivités locales en matière de transition écologique (
lire notre article).
«On a une eau qui n'est pas de qualité satisfaisante»
En abordant le délicat sujet de la gestion de l'eau, le préfet considère que «la Côte-d'Or n'est pas très bien préparée» alors que l'«on a à la fois la sécheresse et les risques d'inondation» tandis que «les agences de l'eau montrent bien qu'on a une eau qui n'est pas de qualité satisfaisante».
«On a un émiettement de la gouvernance dans les syndicats, cet émiettement est mal armé par rapport au coût de la rénovation et de l'interconnexion des réseaux», analyse Franck Robine. «Dans les prochaines années, on va avoir de l'eau d'une qualité moyenne, en moindre grande quantité, et dont le prix risque d'augmenter très significativement car les investissements de rénovation et d'interconnexion, il faudra les faire.»
Au plan national, le gouvernement est en train de préparer des textes pour «une gouvernance différente».
La ressource en eau amène au sujet de la sécheresse et des feux de forêt pour lesquesl l'orateur rappelle le plan de surveillance renforcée mise en place durant cet été (
lire notre article).
«La priorité va à la lutte contre la drogue»
La sécurité civile faisant la transition avec la sécurité intérieure, le préfet déclare avoir «besoin des collectivités locales pour prévenir la délinquance autant que faire ce peut, pour mettre en place des intervenants sociaux ou en matière de violences faites aux femmes de former tous les intervenants sociaux».
«La priorité va à la lutte contre la drogue car c'est elle qui déstructure tout le tissu social», insiste-t-il en renvoyant au deux tonnes de produits stupéfiants saisis et aux 260 personnes arrêtés en 2022.
Depuis la tribune de l'assemblée départementale, le préfet dénonce alors «la façon totalement scandaleuse» dont des policiers peuvent être hués durant des manifestations revendicatives.
Le préfet alerte sur «la question de la gouvernance et de l'organisation de l'intercommunalité»
Faisant d'une «méthode de concertation et de dialogue» sa «marque de fabrique», Franck Robine appelle à «faire des efforts en matière d'intercommunalité».
Regrettant que «56% des communes du département n'ont pas de document intercommunal d'urbanisme» au regard des défis mentionnés, dont l'eau et l'artificialisation des sols, le préfet alerte sur «la question de la gouvernance et de l'organisation de l'intercommunalité».
L'orateur cite finalement l'ancien président de la République François Mitterrand disant qu'«on ne trouverait jamais à remplacer les 500.000 conseillers municipaux qui maillent la France de façon bénévole».
«Je crois que l'on peut parler de proximité entre votre action et celle de l’État», lance Franck Robine à l'adresse de François Sauvadet.
«On a connu des périodes moins favorables de discussion avec l’État ; elles ont été parfois difficiles avec votre prédécesseur», glisse François Sauvadet avec gravité. «J'apprécie beaucoup le dialogue construit avec les services de l’État, (…) c'est mieux qu'avant».
Caroline Carlier aborde la prévention de la délinquance
Première à commenter le rapport d'activité, Caroline Carlier (Gs) prend la parole au nom du groupe d'opposition Côte-d'Or Terres d'avenir pour évoquer la stratégie de lutte contre la pauvreté, la prévention des violences intrafamiliales, la prévention de la délinquance et le droit des étrangers.
Le préfet répond en indiquant qu'il est «un peu tôt» pour réaliser un bilan de la stratégie de lutte contre la pauvreté.
Concernant les violences intrafamiliales, Franck Robine rappelle que le Département finance un poste d'intervenant social auprès des gendarmes.
Pour la prévention de la délinquance, auprès de la police, il existe un poste, financé par la Ville de Dijon, ainsi qu'un second, pris en charge par le Département et l’État. L’État envisage de maintenir à hauteur d'un tiers le financement de ce dernier poste du fait d'une «forte activité».
Le préfet note une hausse de 40% des demandes d'asile en 2022 ainsi qu'une «très forte augmentation» du nombre de mineurs étrangers isolés.
«J'essaie d'appliquer les lois de la République sans jamais oublier que derrière, il y a des hommes et femmes. Pour les mineurs, on a obligation de les prendre en charge. Il y a de belles histoires qui s'écrivent. Quand je suis saisi d'un cas, je regarde toujours avec humanité en essayant de voir le parcours et la volonté d'insertion», indique Franck Robine.
Pierre Poillot relaie la «crainte» des territoires ruraux
Pour sa part, l'opposant Pierre Poillot (PS) relaie «une crainte de désertification» dans les territoires ruraux en lien avec les «menaces» pesant sur des activités d'établissements de santé, comme à la maternité d'Autun dont l'action rayonne sur l'ensemble du Morvan ou encore à l'hôpital de Beaune, ou encore avec la loi pour lutter contre l'artificialisation des sols.
«L'ARS, si elle a le choix, n'est pas pour la fermeture des services», réagit le préfet. «Le sujet est connu du manque de médecins, de spécialistes en particulier pour les zones rurales. (…) Autun, c'est quand même l'histoire d'une occasion manquée parce qu'on voyait venir l'absence d'anesthésiste qui fait que vous n'avez plus de permanence des soins. Vous ne pouvez pas faire prendre des risques à ceux fréquentent les établissements. La solution résulte de multiples expérimentations, notamment de coopérations. On a la chance d'avoir un CHU de grande qualité pour pouvoir s'appuyer dessus pour armer les services dans les hôpitaux de proximité. (…) Dans le département, il y a une volonté de collaboration qui donne des espoirs.»
La lutte contre l'artificialisation des sols en question
Concernant la lutte contre l'artificialisation des sols, le préfet réfute tout «gel total de développement» et rappelle que 10.000 hectares ont été consommés sur l'ensemble de la Bourgogne-Franche-Comté de 2011 à 2021 sur les 4,7 millions d'hectares de la région.
«Ces trois dernières années, le département de la Côte-d'Or a consommé moins de terre qu'il n'en a rendu à la nature», assure le représentant de l’État.
«En 2030, cette loi va imposer que si on artificialise un hectare, on devra rendre la moitié d'un hectare ; en 2050, pour un hectare consommé, ce sera un hectare rendu. La réalité, c'est qu'on a plein d'instrument pour le faire, notamment le traitement des friches, la renaturation des cours d'écoles. '…) Une partie du réchauffement climatique vient de ce que l'on a trop artificialisé», développe le préfet qui appelle à prendre du «recul» sur le sujet.
Catherine Hervieu revendique «une amélioration démocratique de présentation des projets intercommunaux pendant les campagnes municipales»
Autre membre de l'opposition et nouvelle présidente d'Atmo France (
lire le communiqué), Catherine Hervieu (EELV) interroge le préfet sur la qualité de l'air, en particulier sur les mobilités et la présence d'ozone en France, «polluant secondaire lié au trafic routier avec les émanations des dioxydes d'azote et les composés organiques volatiles, (...) un oxydant délétère pour la santé, les rendements agricoles et la forêt».
«Je plussoie vos propos sur l'intercommunalité», déclare l'élue écologiste qui demande «une amélioration démocratique de présentation des projets intercommunaux pendant les campagnes municipales».
«Les trafics de drogue sont en train de s'internationaliser de façon inquiétante. (…) Ça aboutit à une certaines fragilisation des états», alerte-t-elle en appelant à «la lutte contre le blanchiment». «La consommation touche tous les milieux, tous les publics ; on a un impensé, c''est un chantier que l'on doit prendre à bras le corps.»
Le préfet renvoie à l'élaboration du plan santé environnement : «en matière de santé environnementale, il y a peut-être une prise de conscience un peu éloignée de la part des Français, sans doute est-ce un peu de notre faute».
Le volet mobilités du contrat de plan État-Région étant en discussion, le préfet signale «une vraie volonté politique, quasiment historique, de faire basculer la logique de raisonnement en matière de mobilités du tout-routier vers des modes plus respectueux des émissions, notamment vers le ferroviaire mais aussi l'intermodalité avec le vélo». «L'effort en faveur du ferroviaire se verra très fortement dans la déclinaison en Bourgogne-Franche-Comté.»
Le préfet relaiera au gouvernement le message de François-Xavier Dugourd concernant le logement
Du côté de la majorité, François-Xavier Dugourd (LR, NE), par ailleurs président du bailleur social Orvitis et de l'Union sociale pour l'habitat Bourgogne-Franche-Comté, alerte sur «la crise du logement» et regrette «le durcissement» des conditions d'accès au prêt à taux zéro.
Partageant sa déception avec son collègue Hamid El Hassouni (PS), siégeant dans l'opposant et également président du bailleur social Grand Dijon Habitat, François-Xavier Dugourd juge «les annonces gouvernementales extrêmement insuffisantes par rapport aux besoins» et revendique «un grand mouvement de décentralisation sur les questions de l'habitat et du logement».
Le préfet assure l'intervenant qu'il fera «passer les messages au gouvernement» et partage la réflexion : «il faut construire des logements».
Jean-Christophe Tardivon








