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19/09/2021 16:36

ENVIRONNEMENT : La résilience de la forêt du Val Suzon face au changement climatique

La réserve naturelle régionale du Val Suzon fête ses dix ans en 2021. Ce samedi 18 septembre, conseil régional, commune de Val Suzon et ONF sont revenus sur les enjeux environnementaux et touristiques d'une «forêt exceptionnelle». «La végétation arborée a énormément souffert des trois canicules», a souligné le directeur de l'ONF pour la Côte-d'Or.
Dans le programme des Journées européennes du Patrimoine, «le patrimoine naturel est oublié», constate Marlène Treca, conservatrice pour l'ONF de la réserve naturelle régional du Val Suzon. D'où le choix du samedi 18 septembre 2021 pour célébrer les dix ans de la réserve naturelle régionale.

Première à avoir été classée en Bourgogne, avec 3.000 hectares, la réserve naturelle régionale du Val Suzon reste la plus grande de Bourgogne-Franche-Comté. À elle seule, elle représente même 60% de la superficie des réserves naturelles de la grande région ! Le conseil régional entend ainsi en faire «l'emblème de sa politique active en faveur de la biodiversité».


Le comité consultatif de gestion de la réserve naturelle est coprésidé par Stéphane Woynaroski (PS), conseiller régional de Bourgogne-Franche-Comté, et Catherine Louis (LCOP), maire de Val Suzon et conseillère départementale de la Côte-d'Or. L'Union européenne, la Région et l'ONF cofinancent cette aire protégée.

Le parc de Jouvence et la source du Rosoir


Ce samedi, les prises de parole se font depuis le parking de Jouvence. Créée il y a plusieurs dizaines d'années, l'aire de Jouvence est toujours en bon état du fait d'un entretien régulier. Ainsi, les tables de pique-nique en bois ont été remplacées par des tables en béton. L'espace permet de se garer et d'accéder au site de la source du Rosoir, une balade facile à faire avec des enfants. Un boulodrome complète les installations.

Néanmoins, avec 20.000 visiteurs par an – et quasiment autant de voitures – le site est parfois victimes de son succès : stationnement sur les pelouses, barbecues, tentes...

Bien que situé sur la commune de Messigny-et-Vantoux, la Ville de Dijon est propriétaire du parc de Jouvence et responsable de son entretien. Un nouvel aménagement paysager devrait être prochainement réalisé pour mieux canaliser le flux des véhicules et améliorer encore la préservation des espaces naturels.

Si la Ville de Dijon en est propriétaire, c'est qu'il s'agit aujourd'hui encore d'un captage d'eau majeur pour l'alimentation de la métropole. En 1840, l'ingénieur Henry Darcy a supervisé la construction d'une conduite d'eau de 12 km entre la source du Rosoir et l'actuel jardin Darcy. En 1847, Dijon devint une des villes d'Europe les mieux desservies en eau courante.

«C'est le poumon vert à proximité de Dijon»


Pour de nombreux promeneurs et touristes, le parc de Jouvence est le point de départ d'une rencontre avec la forêt du val Suzon. Aujourd'hui, la vallée doit une part de son attractivité au rayonnement apporté par la réserve naturelle régionale.

«C'est une grande chance – pour la commune de Val Suzon et le territoire qui fait partie de la réserve – que nous avons de pouvoir bénéficier de labels de protection même si cela apporte quelques fois des désagréments au niveau urbanisme ou des déplacements. Si l'on n'avait pas ces labels-là, le site ne serait pas tel qu'il est», indique Catherine Louis.

«On voit les marcheurs qui fréquentent régulièrement le parc de Jouvence, il y a les cyclistes qui sont également présents sur le site. C'est le poumon vert à proximité de Dijon. (…) Avec la réserve, il y a eu des aménagements qui permettent d'accueillir encore dans de meilleures conditions les randonneurs. Des aires de stationnement ont été faites, on peut venir, on peut stationner en toute sécurité. Des supports de communication ont été réalisés et sont à destination des offices de tourisme. On communique sur ce que réalise sur l'ONF. Des boucles de sentiers ont été faites pour les familles», détaille Catherine Louis à propos des éléments d'attractivité du Val Suzon.

Le conseil départemental de la Côte-d'Or envisage l'installation de crapauducs pour favoriser les déplacements des batraciens qui vivent dans la forêt et cherchent à se rapprocher du Suzon lors de la période de reproduction.

Actuellement, ce sont des étudiants de l'université de Bourgogne qui se mobilisent bénévolement en mars et avril pour aider manuellement les crapauds à franchir la RD 7 séparant le massif forestier de la rivière. «Cela fait partie de la sauvegarde des espèces, j'y suis très attachée», ponctue Catherine Louis.

Une Forêt d'Exception


Alors que le plan de gestion de la réserve naturelle régionale a été renouvelé pour les dix prochaines années, «on est loin d'avoir fini tout ce qu'on peut imaginer faire sur ce site», lance Marlène Treca. Devant la qualité du site, l'Office National des Forêts a labellisé la forêt domaniale du Val Suzon Forêt d'Exception en 2016.

L'ONF travaille avec de nombreux partenaires comme des forestiers ou des experts comme l'entomologiste Monique Prost et le mycologue Alain Gardiennet qui apportent leurs compétences pour étudier la biodiversité de la forêt. L'ONF a inventorié 2.900 espèces parmi la fonge, la flore et la faune du Val Suzon.

«La caractéristique du site est sa diversité de milieux qui vient du découpage en combes et en sous-combes liée à l'érosion créée par le Suzon qui a entaillé le plateau calcaire du jurassique et qui a découpé de façon quasiment fractale toute la vallée», explique Marlène Treca. La vallée présente un coude impressionnant au niveau de Sainte-Foy ce qui, au découpage en hauteur, ajoute une variété d'expositions.

«Ça a permis à une multitude d'habitats de pouvoir s'exprimer. On va pouvoir retrouver des espèces à affinités montagnardes, de milieux froids, ou des espèces à affinités méditerranéennes, de milieux très chauds», poursuit la conservatrice.

Les principaux enjeux environnementaux de la réserve concernent le pelouses sèches en bord de corniches, les milieux rocheux au niveau des falaises et des éboulis, les forêts de combes et les milieux humides.

Prise en compte du patrimoine culturel


«Le paysage est un élément essentiel du site», tient à souligner Marlène Treca. Une dimension qui implique également le patrimoine culturel lié aux activités agricoles et sylvicoles ainsi que la dimension historique sur les habitats anciens du territoire.

Lors de cette journée d'anniversaire, Rémi Landois, docteur en géoarchélogie à l'université de Bourgogne, a ainsi présenté les résultats de sa thèse portant sur l'étude des paysages du Val Suzon et des activités humaines sous forêt depuis le Néolithique.

«La forêt domaniale n'est jamais chassée le week-end»


«Toute cette richesse d'enjeux en fait une Forêt d'Exception», résume Marlène Treca. «La forêt du Val Suzon est particulièrement importante, particulièrement belle et particulièrement exceptionnelle», s'enthousiasme à son tour Stéphane Woynaroski.

Les différents classements du Val Suzon n'empêchent pas l'exploitation forestière ni même la chasse même si la réglementation encadrent ces activités.

«Beaucoup de soins ont été pris pour l'exploitation des résineux compte-tenu à la fois de la fréquentation et de l'aspect paysager», indique Régis Michon, directeur de l'Office National des Forêts pour la Côte-d'Or et la Saône-et-Loire.

«Il y a des jours de chasse qui sont définis pour éviter les moments très fréquentés», ajoute Marlène Treca, «la forêt domaniale n'est jamais chassée le week-end».

«La forêt souffre»


La forêt du Val Suzon a, elle aussi, souffert des trois étés de sécheresse de 2018 à 2020. «Pour bien se porter, les arbres ont besoin de la pluie de l'année précédente, c'est comme ça qu'ils fabriquent les bourgeons. Nos arbres ont très mal démarré cette année», spécifie Régis Michon. Les hêtres ont été particulièrement touchés.

«Tout ceux qui sont encore en vert ont profité à plein d'un été bien humide et ça fait beaucoup de bien à la nature», s'enthousiasme le directeur interdépartemental de l'ONF.

De plus, au printemps 2021, la forêt a été victime d'une attaque de la chenille du bombyx disparate – remarquable par ses points rouges et bleus – qui a défolié plusieurs centaines d'hectares.

«La forêt souffre, la végétation arborée a énormément souffert des trois canicules», résume Régis Michon qui donne rendez-vous au printemps 2022 pour voir les effets des pluies de 2021.

«Dans les modèles de l'INRA liés au changement climatique, l'est de la France – la Bourgogne-Franche-Comté entre autres – est identifié comme une des régions qui risque le plus de souffrir», renchérit Stéphane Woynaroski.

«On réfléchit à des évolutions des essences», réagit Régis Michon, «dans une réserve naturelle, on va essayer d'éviter de mettre des essences exotiques». Érable champêtre, tilleul, alisier blanc sont actuellement présents sporadiquement dans le Val Suzon. Ils pourraient mieux résister aux canicules que le hêtre ou le chêne pubescent.

«La biodiversité permet une meilleure résilience»


«Les pelouses sèches sont déjà un écosystème très résistants à la canicule et à la sécheresse. Les versants sud vont moins souffrir. On voit pas mal de dépérissement sur les versants nord. (…) On a ici une biodiversité exceptionnelle donc on va pouvoir utiliser ces essences sans faire venir du cèdre du Liban ou des chênes méditerranéen», analyse Régis Michon.

Selon Stéphane Woynaroski, «la biodiversité permet une meilleure résilience, c'est un des intérêts de maintenir la plus grande biodiversité possible. Il faut commencer par voir comment les espèces locales vont s'adapter et changer. C'est dans la biodiversité que l'on trouvera les solutions pour s'adapter au changement climatique».

Jean-Christophe Tardivon

«Les aires protégées, ça ne veut pas dire que l'on met des territoires sous cloche», rappelle Stéphane Woynaroski



















Le parc de Jouvence le samedi 18 septembre 2021

Les deux parties de la vallée du Suzon observées depuis le belvédère de Sainte-Foy (image d'archives)


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