Numéro trois de la liste de l'Alliance rurale, Willy Schraen a échangé, ce mardi 28 mai, à Créancey, avec un éleveur de l'Auxois sud victime de prédations. «Je suis accablé», a réagi Jean Lassalle, candidat en tête de liste.
«Le loup, c'est un fléau !» Jean Lassalle (RES) n'y va pas par quatre chemins. Candidat aux élections européennes du 9 juin prochain, l'ancien député des Pyrénées-Atlantiques mène la liste de l'Alliance rurale.
Ce mardi 28 mai 2024, à Créancey, avec ses colistiers Willy Schraen, président de la Fédération nationale des chasseurs, et Évelyne Guillon, présidente de la fédération des chasseurs de la Saône-et-Loire, Jean Lassale est allé à la rencontre de Nicolas Baudion, éleveur ovin dans l'Auxois sud, victime de prédations imputées à un loup durant l'hiver dernier.
«On n'élève pas les moutons pour donner à manger au loup»
«Il faut quand même vivre du métier, on n'élève pas les moutons pour donner à manger au loup et nous crever de faim à côté», déplore Nicolas Baudion en présentant son exploitation et la situation.
L'éleveur calcule que, sur une commune voisine, il y a 20 ans, il y avait 1.000 moutons ; l'an dernier, 250 ; à cause des attaques imputées à un loup, il en reste 180 à ce jour.
«Tous ceux qui ont des petites troupes de 50-60 brebis et qui ont des ateliers bovins vont tous arrêter le mouton», anticipe-t-il.
«Que le loup reste dans les bois»
«Le Plan loup me coûte 15.000 euros», précise l'éleveur, «que le loup reste dans les bois». «On me dit ''c'est pour réguler le gibier'', qu'il ne vienne pas tuer nos moutons !»
Pourtant, même les bois connaissent des perturbations. Habituellement, des cerfs se regroupent à trois ou quatre individus. Il y a peu, Nicolas Baudion a comptés 25 cerfs au même endroit. Un comportement étonnant de la part de ces cervidés : «ils ont peur».
«Dans le calme, j'ai invité les gens à venir, à discuter, à comprendre pourquoi cet amour pour cet animal, personne ne vient», regrette l'éleveur. «On nous parle du dérèglement climatique mais, là, on est dans un dérèglement total du système de production.»
«L'Europe a choisi d'avoir plutôt des loups que des bergers»
«Il faut retrouver la raison. Qu'il y ait quelques loups et quelques ours en France, pourquoi pas», réagit Willy Schraen qui se prononce pour une population maximum de «200 loups» en France.
«Nous, les fédérations de chasseurs, nous savons très bien combien il y a de loups dans chaque département. C'est bizarre, il n'y a que nous qui les voyons, les autres ne les voient jamais. C'est la vérité, il y a des loups partout ! Aujourd'hui, ils sont en train de coloniser l'entièreté du territoire national», s'insurge-t-il.
«L'Europe a choisi d'avoir plutôt des loups que des bergers, des loups plutôt que des moutons. Nous, on a choisi, c'est les bergers, les éleveurs et les agriculteurs, plutôt que les loups», assène celui qui peste contre «des fantasmes d'écolos-bobos» qui ne voient les loups qu'«en photos».
Les chasseurs remettent en question le décompte des loups
En réaction, Évelyne Guillon se dit favorable au déclassement du statut de l'espèce, actuellement strictement protégée : «il y a une incohérence au niveau de la Convention de Berne».
La candidate aux élections européennes conteste le comptage des loups en France et cite l'exemple d'un recensement dans la Drôme. Alors que 7 meutes étaient décomptées, une expérience reposant sur la provocation de hurlements a permis d'envisager la présence de 21 meutes. «Depuis, ce protocole n'a plus été utilisé», note la chasseresse.
Le bocage de l'Auxois versus les grands espaces du Yellowstone
«On n'est pas le parc de Yellowstone, on n'a pas dix départements où personne n'habite», tempête Willy Schraen alors que l'éleveur explique conduire son exploitation sur 80 hectares de bocage.
«On doit attendre quoi ? Qu'un gamin se fasse manger ? C'est peut-être déjà le cas. On attendra le résultat, si on nous le dit honnêtement à un moment où à un autre», glisse-t-il.
Le chasseur fait ainsi référence aux spéculations sur l'éventuelle intervention d'un loup à la suite de la disparition du petit Émile, le 8 juillet 2023, dans le hameau du Haut-Vernet (Alpes-de-Haute-Provence). À ce jour, les enquêteurs n'ont pas mis en cause un tel prédateur.
Jean Lassalle souhaite constituer «un pouvoir de résistance»
À l'issue de leurs échanges et de la visite de la bergerie, les candidats ont improvisé une conférence de presse.
Quelle est votre réaction à la présentation de la situation de l'éleveur ?Jean Lassalle : «Je suis accablé. Je me demande si nous sommes encore en France. Comment avons-nous pu en arriver là en 20 ans. Pourquoi ne pas commencer par ça ? C'est-à-dire aller voir sur le terrain, écouter. Nous sommes des politiques. Et la définition du politique, c'est celui que le citoyen a choisir pour préparer un projet qu'il soumet à la cité et s'il est élu, il lui revient de prendre les décisions qui conduisent à diriger la cité et, ensuite, il rend compte. Mais nous sommes à des années-lumières. Qu'avons-nous à dire à ces hommes et ces femmes qui ont un tel désespoir ?»
«Ils ont plein de vie. Ils sont là pour faire un métier qui est le plus ancien depuis l'Antiquité. Il n'a jamais été remis cause et, aujourd'hui, en plein époque moderne, ils devraient avoir tout en mains pour leur permettre de faire ce qu'ils sont de plus important à faire, c'est-à-dire de nourrir les autres et ont les laissent disparaître dans le désespoir absolu parce que nous n'avons plus aucun courage, nous sommes d'une lâcheté à toute épreuve et, malheureusement, j'ai eu la malchance de faire partie de cette génération.»
Que préconisez-vous au niveau européen ?«C'est essayer de constituer avec d'autres pays européens un pouvoir de résistance parce que face à une situation aussi dégradée, il n'y a qu'une résistance organisée qui puisse permettre d'ouvrir des débats.»
Willy Schraen estime qu'il y a plus de 3.000 loups en France
Quid des loups ? Willy Schraen : «On n'est pas contre l'écologie, on n'est pas contre la biodiversité. Aujourd'hui, on nous ment sur le sujet. Le loup en France, c'est sûrement un des mensonges les plus importantes en matière d'animalisme qu'on ait pu réaliser effectivement dans ce XXIème siècle.»
«On nous parle de chiffres, on sait tout ce qu'ils sont faux. Il n'y a que les gens sur le terrain qui le savent mais on ne les écoute pas. Il y a entre 3.000 et 4.000 loups en France [NDLR : En 2023, les pouvoirs publics dénombraient environ 1.100 loups en France métropolitaine, 203 loups ont été éliminés après des attaques sur des troupeaux].»
«Je ne vois pas l'intérêt de mentir. Le jour où il y a une catastrophe, le balancier va partir brutalement dans l'autre sens puis, là, on va comprendre qu'il y a un danger.»
«Il a fallu attendre qu'Ursula von der Leyen comprenne que c'était un danger parce que son poney s'est fait bouffer par une meute de de loups. Le discours a commencé à changer. Faut-il attendre qu'un enfant perde la vie ou qu'une famille perde de la vie avec une catastrophe que personne ne souhaite donc je pense qu'il faut retrouver raison concernant le loup et les grands prédateurs.»
NDLR : Selon le quotidien allemand «Bild», en septembre 2022, un loup se serait introduit dans un enclos de la propriété de la famille, dans le nord de l'Allemagne, avant de tuer l'un des poneys d'Ursula von der Leyen, présidente sortante de la Commission européenne.
«On est dans un fantasme du loup, de l'ours ou du lynx»
Willy Schraen : «Il faut des grands prédateurs ! Oui, ça fait partie des écosystèmes et des équilibres mais pas dans des proportions aujourd'hui qui remettraient totalement en cause la sécurité à la fois des hommes et des animaux de rente ou des animaux tout court. Il est hors de question que le loup détruisent tous les mouflons qu'il y a en France. C'est quoi cette écologie à deux balles ?»
«On est dans un fantasme du loup, de l'ours ou du lynx. C'est tout des gens qui n'y connaissent rien, qui voient ça à la télé, assis dans le canapé. Venez voir sur le terrain, vivre avec les gens qui sont sur les estives, avec les bergers, avec les éleveurs et là on va être dans le vrai.»
«Si un loup approche d'un troupeau, ce n'est pas pour demander un autographe au berger»
Certains de vos concurrents à ces élections européennes préconisent de réguler les loups pour diviser par deux la population en France. Que proposez-vous ?Willy Schraen : «Les loups doivent redevenir sauvages. Si les loups sont intéressés par des moutons, il faut donner des moyens. Si un loup approche d'un troupeau, ce n'est pas pour demander un autographe au berger.»
«Il faut des méthodes simples, efficaces et pragmatiques. Un loup qui s'attaque aux animaux de rente [NDLR : animaux élevés pour leur consommation de viande], il faut le tuer. Le loup, s'il ne sait plus ce qu'il doit bien faire, on va lui réapprendre ce qu'il ne peut pas faire. C'est pragmatique et c'est les gens de bon sens du monde rural.»
«Puis, on va enfin compter intelligemment et vraiment ce qu'il y a dans le cheptel de loup et on va définir un chiffre de loups et ce qui sauvera le loup d'ailleurs parce que, sinon, ça va mal finir. On est en train de faire des lois qui vont forcer les gens à devenir des voyous et à réagir de façon épidermique et se mettre peut-être à tuer des loups alors qu'on n'aurait pu trouver une autre solution à condition d'en parler intelligemment.»
«Ça ne se fera pas avec des écologistes, ça ne se fera pas avec des animalistes, il n'y a plus rien de pragmatique. On leur laisse leur façon gérer la nature qui est complètement erronée et irresponsable. On va parler s'il y a des politiques courageux qui peuvent se mettre autour d'une table, redevenir pragmatique et poser le problème de façon intelligente, raisonnable et raisonnée. Ce qu'on ne peut plus faire aujourd'hui. Dès qu'on parle des animaux, c'est une catastrophe. Maintenant, c'est les animaux avant les hommes. À l'Alliance rurale, avec Jean Lassalle, c'est d'abord les hommes et on verra pour les animaux.»
Propos recueillis par
Jean-Christophe Tardivon