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09/05/2022 03:23

LÉGISLATIVES : Le PS local se prépare à présenter des candidats socialistes face aux Insoumis

Nombre d'élus et militants socialistes en Côte-d'Or sont vent debout contre l'accord passé par le PS avec La France Insoumise. Des dissidences se préparent.
«Il y a aujourd'hui une direction nationale qui est portée par un clan qui ne défend que ses propres intérêts sans penser à l'avenir de la gauche», déclare ce dimanche 8 mai Antoine Hoareau, secrétaire de la section de Dijon du PS.
Le Parti socialiste craque de toute part. De nombreux territoires mènent la fronde contre la décision du premier secrétaire Olivier Faure de se rallier à La France Insoumise en vue des élections législatives des 12 et 19 juin prochains. Dijon et la Côte-d'Or en font partie.

La Nouvelle Union populaire écologique et sociale est constituée d'onze mouvements dont principalement La France Insoumise, Europe Écologie Les Verts, le Parti communiste français et le Parti socialiste. Leur dénominateur commun ? Une opposition tout particulièrement à Emmanuel Macron et, plus globalement, au capitalisme.

La NUPES présentera des candidats communs dans les circonscriptions selon une répartition principalement basée sur les résultats électoraux respectifs à l'élection présidentielle : 326 candidats pour LFI et apparentés, 100 candidats pour le pôle écologiste, 69 pour le Parti socialiste – dont aucune en Côte-d'Or –  et 50 pour le Parti communiste français. Une trentaine de circonscriptions sont «hors accord», en outre-mer et en Corse.

La majorité d'Olivier Faure se réduit


Le principe même d'une coalition avec La France Insoumise rebutait nombre de socialistes du fait de divergences programmatiques mais le fait de vouloir tordre le bras du président de la République en appelant à «élire» Jean-Luc Mélenchon Premier ministre et le faible nombre de circonscriptions réservées au PS au regard de ses élus locaux ont convaincu maints élus et militants de s'extraire de l'accord.

Le 16 septembre dernier, lors du congrès du PS, la motion d'Olivier Faure l'emportait face à celle de Hélène Geoffroy par 72% contre 28%. Le 6 mai dernier, les membres du conseil national n'étaient plus que 62% à voter l'accord de la NUPES (167 voix pour, 101 contre, 23 abstentions).

L'arrivée du PS dans la NUPES a fait fuir le Nouveau Parti Anticapitaliste. Par ailleurs, Lutte Ouvière refusait par principe de participer à la coalition et le PRG-Centre gauche, après un vote interne, choisissait à 90% de ne pas s'associer à la démarche.

Le PS de Côte-d'Or est prêt à financer des candidatures dissidentes


Membre du conseil national du PS, secrétaire de la section de Dijon du PS, élu de la Ville et de la Métropole de Dijon aux côtés de François Rebsamen, Antoine Hoareau a voté contre l'accord.

Le 7 mai dernier, la fédération du PS de Côte-d'Or a acté le principe de soutenir, y compris financièrement, des candidatures dissidentes là où les Insoumis présenteraient un candidat.

Dans le cadre de la NUPES, la deuxième circonscription est dévolue à une écologiste, la cinquième à un communiste. Le PS local se prépare donc à entrer en campagne sur les première, troisième et quatrième circonscriptions.

Ce dimanche 8 mai 2022, Antoine Hoareau a répondu aux questions d'Infos Dijon sur les raisons de cette fronde.

«Il faut rassembler cette gauche du réel mais pas avec La France Insoumise»


Pourquoi avoir voté contre l'accord NUPES au conseil national du PS ?

«Ce qui compte pour ces élections législatives, c'est le rassemblement de la gauche. C'est quelque chose que l'on a toujours porté au Parti socialiste et, en particulier, à l'échelle locale. On l'a démontré encore l'année dernière au moment des élections régionales et aux élections départementales [NDLR : avec un accord PS-PRG-PC-Pôle écologiste dans une coalition devenue majoritaire au conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté, présidé par Marie-Guite Dufay, ainsi qu'un accord PS-EELV-Cap 21-Génération.s dans un groupe d'opposition au conseil départemental de la Côte-d'Or].»

«Avec nos partenaires historiques, Europe Écologie Les Verts, le PC, le PRG et le Parti socialiste, on a commencé à travailler dans l'entre-deux-tours de l'élection présidentielle et après l'élection présidentielle au rassemblement de ses forces politiques en Côte-d'Or.»

«En parallèle, les appareils politiques nationaux ont mené des discussions avec La France Insoumise.»

«Je pense qu'il faut rassembler cette gauche du réel mais pas avec La France Insoumise parce que La France Insoumise, ce sont des excès, des reniements sur un certains nombres d'engagements très forts pour les socialistes et les sociaux-démocrates que nous sommes, en particulier sur la question européenne, sur les questions de république, sur les questions de laïcité et, donc, avant d'aller discuter avec La France Insoumise, il aurait été préférable de d'abord rassembler la gauche de gouvernement, ça n'a pas été fait. Donc, j'ai voté contre au conseil national.»

Pour le Parti socialiste, l'objectif de l'accord de la NUPES n'était-il pas principalement de sauver ses finances ?

«Les finances du Parti socialiste ne sont pas connues. La direction nationale du Parti socialiste n'a jamais transmis l'état des finances du Partis socialiste ni même le coût de la campagne d'Anne Hidalgo donc je suis incapable de répondre.»

«Je pense que c'est un déni de démocratie. Ce n'est pas le premier, malheureusement, par cette direction nationale.»

La question européenne figure parmi les «divergences profondes»


La radicalité de l'Avenir en commun, le programme porté par Jean-Luc Mélenchon qui sert de matrice à l'accord NUPES, en fait-elle un programme de gauche ?

«Il y a des choses qui sont intéressantes dans l'Avenir en commun sur lesquelles il peut y avoir des points d'alliance mais il y a des points de divergence qui sont assez fondamentaux.»

«Je lutte et je fais tout ce que je peux contre la pauvreté et pour faire en sorte que les personnes puissent vivre dignement dans notre pays. Sur ces mesures-là, on peut trouver des points d'accord avec La France Insoumise.»

«Par contre, il y a des points qui sont fondamentaux également. C'est la question européenne. En 1995, j'avais dix ans mais je me souviens de cette phrase de François Mitterrand qui disait que 'le nationalisme, c'est la guerre' et voir aujourd'hui Jean-Luc Mélenchon et un certain nombre de responsables politiques de La France Insoumise remettre en question le soutien apporté à l'Ukraine par l'Union européenne, remettre en question les accords internationaux en portant la sortie de l'OTAN.»

«Aujourd'hui, on est le 8 Mai, on célèbre la victoire des Alliés de 1945 et c'est sur ces ruines de la Seconde Guerre mondiale qu'a été construite l'Europe. Voir porter la désobéissance aux règles de l'Union européenne, qui est avant tout la garantie de la paix dans le continent européen, ça, ce sont des divergences qui sont profondes. Cela ne me permet pas d'être dans une dynamique de rassemblement avec La France Insoumise.»

Le maire du Creusot, David Marti, préfère parler d'«extrême populisme» à propos de LFI (lire notre interview). Reprendriez-vous cette catégorisation idéologique ?

«Oui, David Marti a raison. (…) C'est du populisme et de l'extrême-populisme. On sait que les populistes apportent de la division donc ce n'est pas une solution d'avenir.»

«Le Parti socialiste est coupé en deux»


Ce même David Marti regrette que le PS ne se soit pas recomposé à partir des territoires en amont de la présidentielle. Y a-t-il un PS parisien influencé par des questions identitaires et un PS des territoires, gardien de l'héritage de François Mitterrand ?

«Il y a aujourd'hui une direction nationale qui est portée par un clan qui ne défend que ses propres intérêts sans penser à l'avenir de la gauche.»

Un «clan» qui est quand même majoritaire !

«Un clan qui est très très peu majoritaire. Si on regarde le résultat du conseil national, on est à 55-45 donc le Parti socialiste est coupé en deux aujourd'hui [NDLR : en tenant compte des abstentions au vote du 6 mai dernier]. Il ne représente pas l'ensemble du courant social-démocrate français.»

«Ce n'est pas le seul parti qui est dans cette situation-là puisque c'est la même chose chez Europe Écologie Les Verts. Pour l'instant Yannick Jadot n'a encore rien dit sur cet accord et je suppose qu'il est sur une position qui est similaire à la mienne.»

Les lignes ont donc évolué au sein du PS entre septembre et mai ?

«Bien sûr ! Parce que la stratégie qui est proposée, qui est une stratégie d'effacement avec un accord a minima sur un certain nombre de circonscriptions et sur le programme politique fait que cet accord ne peut pas être partagé par une grande partie des socialistes. (…) Il y a beaucoup d'élus locaux qui ne portent pas cette stratégie.»

«Quitter le Parti socialiste, ce n'est pas la solution»


De votre point de vue, vaut-il mieux défendre une autre ligne au sein même du PS ou quitter le PS pour construire un mouvement se situant politiquement entre la NUPES et la majorité présidentielle ?

«La politique de la chaise vide et quitter le Parti socialiste, ce n'est pas la solution. Ce qu'il faut c'est transformer et surtout rassembler, ouvrir les portes et les fenêtres.»

«Le problème du Parti socialiste, c'est qu'il se meure par cette épuration qu'Olivier Faure fait et cette purge régulière qu'Olivier Faure essaie de porter au sein du Parti socialiste.»

«Quand on lui a dit qu'on n'était pas d'accord, il nous a répondu 'partez'. Non ! On va rester et on va continuer à se battre.»

«Purge» dites-vous, cela renvoie aux heures staliniennes du Parti communiste...

«C'est exactement cela. Le Parti socialiste, qui a une grande tradition démocrate, n'est plus un parti démocratique aujourd'hui. Les militants n'ont pas été consultés sur cet accord alors que, sur la base de nos statuts, il y aurait avoir une convention nationale avec une consultation de l'ensemble des militants.»

«Nous porterons, en Côte-d'Or, une motion devant la commission nationale des conflits pour dénoncer ce manque de démocratie interne et cette démocratie bafouée dans la discussion autour de l'accord avec La France Insoumise.»

Voyez-vous émerger une figure pouvant conduire les opposants à la ligne d'Olivier Faure (Stéphane Le Foll, Carole Delga, Michaël Delafosse...) ?


«Ce sont de grands responsables nationaux. Je ne veux pas que l'on soit derrière une figure unique. Ce qui compte pour l'instant, c'est que l'ensemble des oppositions internes se réunissent et surtout travaillent.»

«Le problème du Parti socialiste, et de la gauche en général, c'est qu'il ne travaille plus. Cela fait dix ans que l'on n'a pas eu de débat interne, que l'on n'a pas eu de convention nationale sur les grands enjeux d'aujourd'hui et nous sommes un parti qui ne travaille plus sur le fond. On en a vu le résultat aux élections présidentielles. Ce n'est pas uniquement la faute d'Anne Hidalgo, c'est aussi la situation politique qui est laissée par une direction nationale qui n'était pas prête pour porter un programme aux élections présidentielles.»

«L'accord est un accord d'appareil qui vise à sauver un certain nombre de députés socialistes»


Est-ce cela qui rend la direction nationale du PS d'autant plus perméable aux propositions idéologiques de La France Insoumise ?

«Bien sûr ! L'accord est un accord d'appareil qui vise à sauver un certain nombre de députés socialistes. Les députés sortants, c'est une très bonne chose mais je pense qu'ils auraient pu gagner même sans l'accord avec La France Insoumise. Les députés socialistes sortants ont fait un très bon travail»

«Quand on regarde les autres investitures qui ont été données sur les 70 circonscription, on est vraiment sur des responsables politiques qui ne sont que des boutiquiers.»

«Il y aura probablement plus de candidatures socialistes en dehors de l'accord que dans l'accord.»

«L'idée de l'union de la gauche est quelque chose qui séduit»


Pour soutenir Emmanuel Macron, Jean-Yves Le Drian a fondé Territoires de Progrès, François Resbamen la Fédération progressiste, Jean-Pierre Chevènement Refondation républicaine. Maintenant Bernard Cazeneuve quitte le PS. Jean-Luc Mélenchon n'apparaît-il pas comme une «valeur refuge» pour les électeurs socialistes déboussolés ?

«Je comprends que dans la tête de beaucoup d'électeurs socialistes et pour beaucoup de gens de gauche, pour en côtoyer beaucoup, l'idée de l'union de la gauche est quelque chose qui séduit. Je ne veux absolument pas les juger parce que je comprends tout à fait que l'union qui est proposée par la NUPES est quelque chose qui peut séduire.»

«Ce qui compte, c'est quand même le contenu et le fond. Je pense qu'il faut plutôt rassembler les forces politiques de gauche de gouvernement et ne pas aller vers la radicalité qui est portée par Jean-Luc Mélenchon».

Y aura-t-il des candidats PS dissidents aux prochaines législatives en Côte-d'Or ?

«On a eu un conseil fédéral hier [samedi 7 mai 2022] et nous avons adopté cette position de dire que, sans solliciter des candidatures, si des camarades socialistes, dans une idée de rassemblement avec d'autres forces politiques de gauche et d'écologie, veulent porter la voix des socialistes dans ces élections législatives (…) dans les circonscriptions où il y a des candidats de La France Insoumise, nous les soutiendrons.»

«Je n'aime pas le terme de 'dissident'. On offrira une offre politique aux électeurs de nos circonscriptions qui permettra d'avoir les forces socialistes et écologistes représentées. (…) Nous sommes en ordre de bataille pour pouvoir le faire.»

Propos recueillis par Jean-Christophe Tardivon

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