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20/06/2022 16:16

LÉGISLATIVES : Les enseignements du second tour en Côte-d'Or

La Côte-d'Or a contenu les poussées du populisme des villes et du populisme des champs en choisissant deux députés sociaux-démocrates, un radical, un centriste et un divers droite. Cependant, bien que battus, certains candidats peuvent nourrir des ambitions en vue des municipales de 2026.
L'espoir au soir de l'élection d'Emmanuel Macron s'est concrétisé dans les urnes lors du second tour des législatives. Trois députés sortants de la majorité présidentielle sont réélus – Dider Martin, Fadila Khattabi et Didier Paris –, un nouveau entre à l'Assemblée nationale : Benoît Bordat.

Sur la quatrième circonscription, la députée sortante Yolaine de Courson, centriste, battue au premier tour, voit lui succéder un député divers droite, Hubert Brigand, considéré comme «compatible» avec la majorité présidentielle.

Les duels fratricides durant la campagne pour le premier tour ont laissé des traces dans les rangs des oppositions à Emmanuel Macron, contribuant à brouiller les cartes plutôt qu'à constituer des réserves de voix pour le second tour, une semaine entre les deux tours se révélant un temps trop court pour recoudre les divergences précédentes.

Le hasard s'est bel et bien invité dans ces élections avec des résultats particulièrement serrés qui obligeront certains élus à tenir encore plus compte qu'auparavant des aspirations des électeurs ne se reconnaissant pas dans l'action du président de la République et qui transformeront durablement les candidats battus à cette élection nationale en leaders locaux en vue des échéances suivantes.

133 députés pour la NUPES à l'Assemblée nationale


Au niveau national, les législatives révèlent des résultats en phase avec la présidentielle. Avec 245 députés, la victoire d'Emmanuel Macron est bien moins large qu'en 2017, ce qui se traduit par une majorité relative à l'Assemblée nationale (48 Modem, 175 Renaissance et 27  Horizons).

La stratégie de «normalisation» du Rassemblement National conduit à une forte augmentation de son nombre de députés pour atteindre 89 élus.

La vote «efficace» pour Jean-Luc Mélenchon se prolonge dans la NUPES mais sa trouvaille de communication pour la campagne des législatives se retourne contre la coalition. Au lendemain du second tour, on retient plus l'écart entre le nombre de députés NUPES et la majorité absolue que ce même écart du côté de la majorité présidentielle, les partisans d'Emmanuel Macron ayant rapidement intégré l'éventualité d'une majorité relative.

En nombre de sièges, La France Insoumise passe de 17 à 84 députés, Europe Écologie Les Verts de zéro à 23, le Parti communiste français de 15 à 14 et le Parti socialiste reste à 28. Soit 149 députés pour la NUPES si la coalition initiée par Jean-Luc Mélenchon constitue un intergroupe puisque des composantes ont refusé un seul groupe commun (lire notre article). LFI et EELV sont donc les principaux gagnants de l'accord même si le PS et le PCF peuvent estimer avoir ainsi sauvé les meubles au regard de leurs résultats à la présidentielle.

Les barons locaux des Républicains et de l'UDI limitent eux aussi les dégâts par rapport à la présidentielle mais, avec 74 députés, le parti conservateur n'apparaît plus que comme une potentielle force d'appoint de la majorité présidentielle sur des sujets spécifiques.

L'ensemble confirme la vision qu'a eu, dès 2016, Emmanuel Macron d'installer un match entre les «progressistes» et les «populistes» même si, une fois encore, les forces «progressistes» apparaissent en retrait par rapport à l'ampleur de la victoire de 2017.

Les tendances en Côte-d'Or


En Côte-d'Or, avec une participation de 48,44% (+3,41 points par rapport à 2017), les électeurs ont contenu les poussées tout à la fois de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale et du Rassemblement National. Dans les circonscriptions mêlant ville et campagne, le vote de la ruralité s'est traduit par une préférence pour les candidats de la majorité présidentielle plutôt que pour les candidats de la gauche radicale.

Dans la quatrième circonscription, rurale avec de petites centralités, suite au vote très fragmenté du premier tour, le candidat du Rassemblement National s'est retrouvé isolé au second tour face aux reports de voix en direction d'un candidat bien implanté.

Entre le premier et le second tour, sur quatre circonscriptions, la coalition Ensemble passe de 40.895 voix à 70.119 voix. On peut imaginer ainsi un très bon report des suffrages LR-UDI et divers droite ainsi qu'éventuellement une partie des suffrages du Rassemblement National.

En tenant compte des trois premières circonscriptions, la NUPES passe de 28.181 voix à 43.604 voix. Le report des voix divers gauche (environ 7.000) ne suffit pas à expliquer cette progression. On peut donc supposer qu'une part importante des électeurs du Rassemblement National se sont reportés vers la NUPES ; les fameux «fâchés pas fachos» qu'affectionnent les Insoumis.

Sur les quatrième et cinquième circonscriptions, le Rassemblement National passe de 17.738 voix à 29.400 voix. On peut analyser qu'un «front républicain» a permis aux candidats de la majorité présidentielle de l'emporter face à un report de voix de la droite conservatrice vers la droite nationaliste.

Première circonscription


Didier Martin (Ensemble) 58,03% (élu)
Antoine Peillon (NUPES) 41,97%

Après une campagne animée, Didier Martin (Renaissance, Parti radical) a attiré sur son nom les électeurs ruraux et bénéficié d'une mobilisation des électeurs urbains libéraux et conservateurs voulant contrer la NUPES. Didier Martin est le député Ensemble le mieux élu de la Côte-d'Or. Il passe de 15.269 voix au second tour de 2017 à 19.473 voix ce dimanche.

Alors que François Patriat, fer de lance des partisans d'Emmanuel Macron en Côte-d'Or depuis 2016, a annoncé qu'il participait sans doute à sa dernière campagne électorale, Didier Martin apparaît ainsi comme pouvant prendre la relève.

De son côté, Antoine Peillon (LFI) débarque en fanfare. Installé à Dijon depuis l'automne 2021, il bénéficie à plein de la dynamique de la NUPES et du vote de jeunes électeurs mobilisés pour les questions environnementales.

Les voix de Sladana Zivkovic (PS) du premier tour ne suffisent pas à expliquer l'essor de l'Insoumis. On peut donc penser à un report de voix anti-Macron de la part des électeurs du RN.

En accédant au second tour dans une circonscription difficile, bien qu'incluant les quartiers populaires de la Fontaine d'Ouche à Dijon et du Belvédère à Talant, Antoine Peillon s'impose déjà comme une personnalité politique qui comptera à Dijon.

Il n'a d'ailleurs pas manqué de réagir ce dimanche soir en mettant d'emblée le cap sur les municipales, tout en esquivant la question du leadership (lire notre article).

Deuxième circonscription


Benoît Bordat (Ensemble) 51,70% (élu)
Catherine Hervieu (NUPES) 48,30%

Benoît Bordat (Fédération progressiste) a su convaincre les électeurs ruraux de la deuxième circonscription, plus enclins pourtant à voter pour les Républicains que pour un partisan d'Emmanuel Macron.

Du fait du non cumul des mandats, le nouveau député doit maintenant choisir entre son mandat de conseiller municipal de Dijon (dans la majorité de François Rebsamen) et celui de conseiller départemental (dans l'opposition à François Sauvadet).

La stratégie de François Rebsamen, fondateur de la Fédération progressiste, a fonctionné, quitte à sacrifier Yolaine de Courson sur la quatrième circonscription. Le maire de Dijon s'est tout particulièrement impliqué pour l'élection de son poulain. Il se pourrait que Benoît Bordat soit le seul député de la Fédération progressiste à entrer à l'Assemblée nationale.

En face, Catherine Hervieu (EELV) a, elle aussi, bénéficié de la dynamique de la NUPES, du rebond de la participation d'un électorat jeune et sans doute également d'un rejet d'Emmanuel Macron de la part des électeurs du Rassemblement National.

Politiquement, l'élue écologiste se retrouve dans la même situation qu'Antoine Peillon. D'une défaite nationale peut émerger une dynamique locale pour un binôme dijonnais regardant désormais en direction des municipales de 2026 (lire notre article).

Conseillère départementale et ancienne candidate aux sénatoriales, ce résultat des législatives pourrait également permettre à l'écologiste de revendiquer le leadership sur le groupe d'opposition Côte-d'Or Terre d'avenir afin de porter plus radicalement le fer contre le centriste François Sauvadet (LCOP).

Troisième circonscription


Fadila Khattabi (Ensemble) 50,11% (élue)
Patricia Marc (NUPES) 49,89%

Didier Martin a eu la victoire sereine, Didier Paris la victoire souriante, Benoît Bordat la victoire surprise et Fadila Khattabi la victoire émue. En tête avec les votes de la plaine dijonnaise, la députée sortante a vu son avance fondre comme neige au soleil au cours de la soirée avec la remontée des votes urbains. Ce fut une explosion de joie dans le hall de l'Hôtel de Préfecture ce dimanche à l'annonce du résultat définitif : 65 voix d'avance.

Un résultat révélateur d'une circonscription scindée en deux avec une inversion de la situation de 2017 où la ville s'était mobilisée en faveur de Fadila Khattabi pour contrer le candidat du Front National. Cette fois, la campagne a repoussé la candidate de la NUPES ; le candidat du RN et la candidate LR ayant implicitement appelé à voter pour la députée sortante.

Au sortir de cette victoire sur le fil, avec moins de voix qu'en 2017, Fadila Khattabi (Renaissance) reconnaissait implicitement que l'action gouvernementale en direction des quartiers «paupérisés» de Chenôve, Longvic ou Quetigny n'était pas suffisante (lire notre article).

Cela révèle la gageure de la politique social-démocrate teintée de libéralisme d'Emmanuel Macron : il s'agira dorénavant, «en même temps», de faire reculer l'adhésion au populisme ciblant la ruralité et au populisme ciblant les quartiers populaires.

Le vote de ce jour et l'élimination du candidat du RN dès le premier tour signale implicitement que les électeurs ruraux de la circonscription ont délivré un satisfecit à la majorité présidentielle sortante.

De son côté, Patricia Marc (LFI) a fait le plein des reports de votes qui étaient éparpillés en différents divers gauche et divers écologistes au premier tour. En plus de la dynamique de la NUPES, l'Insoumise a bénéficié du soutien de Thierry Falconnet (PS), maire de Chenôve, qui ne s'est pas révélé déterminant pour accéder à la députation mais qui marquera durablement la vie politique chenevelière.

Quatrième circonscription


Hubert Brigand (LR-UDI) 60,68% (élu)
Jean-Marc Ponelle (RN) 39,32%

Pas de triangulaire au second tour, faute de participation suffisante. Passé de 6.660 voix à 19.291 voix, Hubert Brigand (divers droite), investi par LR-UDI, a fait le plein des ressources électorales divers droite, centre et divers gauche pour construire le fameux «barrage à l'extrême-droite».

Du fait de la loi empêchant de cumuler les fonctions électives, celui qui est maire de Chatillon-sur-Seine depuis 1995 devra laisser à contre-cœur son cher fauteuil. Roland Lemaire, premier adjoint, est pressenti pour lui succéder.

Le nouveau député devra également choisir entre conseiller municipal de sa commune et conseiller départemental de la Côte-d'Or.

Pour sa part, Jean-Marc Ponelle (RN) a vu son nombre de voix passer de 7.733 à 12.500. On peut donc raisonnablement penser que l'appel de Loup Bommier (Reconquête) à voter pour Hubert Brigand n'a guère été suivi et qu'une partie des «pas fachos» mais bel et bien «fâchés» de La France Insoumise ont opté pour un vote protestataire au vu de la progression du candidat du RN.

Cinquième circonscription


Didier Paris (Ensemble) 54,24% (élu)
René Lioret (RN) 45,76%

Tout le monde est satisfait sur la cinquième circonscription. Le député sortant est réélu en voyant progresser son nombre de voix par rapport à 2017 (passant de 17.822 à 20.031) et le candidat défait améliore lui aussi son résultat en accédant au second tour.

Cependant, il est à noter que Didier Paris n'a sans doute pas bénéficié d'un «front républicain» complet faute d'appel à voter pour lui de la part de la candidate LR défaite au premier tour, sur fond de rivalité en vue des municipales de 2026 à Beaune, tandis que la communiste Isabelle de Almeida avait rapidement appelé à «faire barrage».

De son côté, passant de 10.005 à 16.900 voix entre les deux tours, René Lioret a bénéficié d'un bon report de voix de la part de l'électorat de Hervé Moreau. Le délégué départemental du RN est ainsi conforté dans son leadership au sein du parti de Marine Le Pen (lire notre article). Il franchit aussi un palier en vue des municipales de 2026 à Beaune en rivalisant en nombre de voix avec les Républicains.

L'efficience du découpage des circonscriptions en Côte-d'Or


Même si c'est loin d'être un statu quo en Côte-d'Or, les lignes qui sous-tendent les votes ayant considérablement évolué, le département ne connaît pour autant pas de bouleversement dans sa représentation à l'Assemblée nationale.

Deux députés sortants issus antérieurement du PS et un député sortant issu du PRG (devenu Parti radical) sont rejoints par un centriste sensible à l'écologie politique, assez proche en cela de l'attitude qu'avait retenue Yolaine de Courson.

Pour sa part, Hubert Brigand peut faire le pont entre les centristes et les conservateurs sans braquer les électeurs ruraux, se rapprochant ainsi du positionnement adopté en son temps par Rémi Delatte.

On constate également l'efficience du redécoupage conduit pour les législatives de 2012 qui tend à équilibrer les votes urbains et ruraux, évitant ainsi une confrontation entre les territoires.

Jean-Christophe Tardivon

14 députés pour Ensemble, 6 pour LR, 5 pour le RN et 2 pour la NUPES élus en Bourgogne-Franche-Comté


La NUPES arrive en tête à Dijon lors des élections législatives