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13/02/2022 17:21

PRÉSIDENTIELLE : «Le gouvernement veut protéger les banlieues, je veux protéger nos campagnes», déclare Éric Zemmour

À Saulieu, le candidat d'extrême-droite s'est fait le chantre de la ruralité. Ce samedi 12 février,  il a tenu un meeting devant plus de 3.000 personnes.
Le candidat de la droite nationale avait retenu Saulieu pour aborder le thème de «la protection des Français». Ce samedi 12 février 2022, le foirail sédélocien, traditionnel lieu du concours de bovins estival, a été transformé en salle de réunion publique dans le cadre de la campagne pour l'élection présidentielle d'avril 2022.

Selon les organisateurs, plus de 3.000 personnes s'étaient rassemblées à l'Espace Jean Bertin pour assister au meeting qui sur des chaises, qui debout sur des bottes de paille. Un meeting formaté pour les caméras, non pas celles des médias mais celles de la diffusion des écrans géants de la salle ainsi que de la retransmission en direct par Internet qui cumulera des centaines de milliers de vues en quelques heures.


200 manifestants opposés à la venue d'Éric Zemmour à Saulieu


Tandis que le candidat et son équipe déjeunaient au Relais Bernard Loiseau, après la visite d'une parcelle de forêt morvandelle avec des acteurs de la filière bois-forêt, des contre-manifestants s'étaient regroupés en haut de l'avenue de la gare.

À l'appel de syndicats et d'associations (lire le communiqué), environ 200 personnes, selon la police, entendaient protester contre la venue en Côte-d'Or du candidat d'extrême-droite, dont des élus comme Caroline Carlier (Génération.s), conseillère départementale de la Côte-d'Or, ou encore Stéphane Guinot (LFI), maire de Boussenois.

Quelques tensions avec les policiers et gendarmes ont entraîné  deux interpellations parmi les manifestants. Un blessé a été conduit au centre hospitalier de Semur-en-Auxois par les sapeurs-pompiers.

La préfecture de la Côte-d'Or avait mobilisé un «dispositif adapté» impliquant tout à la fois des CRS et des gendarmes. Ainsi, des véhicules pouvaient être contrôlés dès la sortie de l'A6 à Pouilly-en-Auxois. En tout, ce sont cinq interpellations qui ont eu lieu dans la journée, en ajoutant aux précédentes deux personnes pour des tags dans la nuit et une personne qui transportait une arme par destination.

À l'intérieur de la salle, un impressionnant service d'ordre s'était préparé pour former un cordon entre le candidat et les participants lors de ses déplacements dans la salle afin d'éviter qu'une agression comme celle survenue au meeting de Villepinte ne se reproduise.

Séduire l'électorat du centre-droit à l'extrême-droite


Les deux premiers intervenants sont des locaux de l'étape côte-d'orienne. Maire de Chaume-et-Courchamp, Franck Gaillard (R) est délégué régional de Reconquête en Bourgogne-Franche-Comté (lire notre article). Maire de Gurgy-le-Château, Loup Bommier (R) a quitté les Républicains pour figurer parmi les premiers élus a parrainé à Éric Zemmour. Deux personnalités que l'on retrouvera sans doute aux législatives de juin 2022.

Cette journée morvandelle prend ainsi la forme d'une opération séduction auprès du monde rural de Côte-d'Or. Agriculteurs, sylviculteurs, chasseurs... sont directement ciblés pour capter une part des électeurs traditionnels de l'extrême-droite, de la droite et du centre-droit. «L'électorat de François Sauvadet pourrait faire la bascule», confie un proche d’Éric Zemmour.

Les divergences apparues entre François Sauvadet (ex-UDI) et Gilles Platret (LR) durant la campagne des élections régionales en 2021 ont effectivement laissé des traces. Aujourd'hui, les atermoiements de Gilles Platret face à la candidature de Valérie Pécresse (LR) continuent de semer le trouble dans la droite républicaine : président de la fédération des Républicains de Saône-et-Loire, il ne participe pas au comité départemental de soutien de la candidate (lire notre article).

Dans ce contexte, l'équipe de Reconquête entend bien siphonner les voix de ceux qui ne se retrouvent ni dans un rapprochement du centre-droit vers Emmanuel Macron ni dans le discours de droite de Valérie Pécresse.

Cependant, une certaine fébrilité apparaît au sein de l'équipe à propos du décompte des parrainages (181 parrainages à ce jour). Les deux maires locaux prennent donc soin d'appeler publiquement leurs «collègues» de France à les rejoindre au rang des parrains.

«Faire un vrai choix lors de la prochaine élection présidentielle»


Durant son bref discours, Franck Gaillard défend le pouvoir d'achat et la présence des services publics en zone rurale. Le maire critique la tendance au développement des prérogatives des intercommunalités par rapport aux communes. «Sans vous, la France mourra ; en revanche, avec vous, comme dit l'autre, 'tout va bien se passer'», lance-t-il pour chauffer la salle.

Dans une atmosphère embrumée par la poussière du foirail, les participants réagissent au quart de tour. Les drapeaux tricolores s'agiteront fréquemment. Les «Zemmour présidents», «On est chez nous» et autres «Ben voyons» seront régulièrement scandés.

«Ici c'est Saulieu, ici c'est le Morvan, terre de forestiers, terre de paysans, terre de résistants», clame à son tour Loup Bommier à la tribune. «Nous nous battons pour la France, pour réaffirmer que force doit rester à la loi républicaine, pour faire vivre la démocratie en proposant à nos concitoyens de faire un vrai choix lors de la prochaine élection présidentielle», déclare-t-il pour refuser le duel annoncé Macron-Le Pen avant de multiplier les critiques de l'action du président de la République sortant.

Ancien membre des Républicains, proche du sénateur de la Côte-d'Or Alain Houpert (LR), Loup Bommier s'adresse alors tout particulièrement aux électeurs de sa famille politique d'origine : «chers amis Républicains, vous qui avez connu la conquête en 2007, rejoignez-nous maintenant et venez vivre la reconquête». Une formule qui fait particulièrement mouche dans la salle.

«Partout où la France est grande, on croise la Bourgogne»


Fendant la foule sous protection, Éric Zemmour monte sur scène sous un tonnerre d'applaudissements. Après un début quelque peu laborieux amenant à des reformulations, l'orateur salue le public qui lui répond par un «vive la Bourgogne» suivi d'un ban bourguignon.

«À chaque chapitre de notre épopée nationale, on retrouve la Bourgogne», analyse Éric Zemmour qui passe volontiers des Celtes peuplant Alésia avant notre ère aux résistants du Morvan sous l'Occupation dans une lecture de l'histoire digne des BD d'Astérix. En revanche, l'alliance au XVème siècle des ducs de Bourgogne avec les Anglais, ennemis du roi de France, est survolée.

«Partout où la France est grande, on croise la Bourgogne et on croise les Bourguignons», poursuit-il dans un registre historique pour exhumer certaines figures et ainsi vanter «le philosophe Bossuet, le compositeur Rameau, le maréchal Davouy, l'écrivain Lamartine et le bâtisseur Eiffel». Et d'insister pour rendre hommage à Bernard Loiseau qui a «hissé notre gastronomie sur le toit du monde» avant de souhaiter «longue vie à cette œuvre familiale» en évoquant la reprise de l'entreprise par les filles de Bernard Loiseau.

Vauban précurseur de l'aménagement du territoire


Éric Zemmour rembobine alors le fil de l'histoire de quelques siècles pour revenir se placer dans l'Ancien Régime en saluant la mémoire de Vauban, né dans l'Yonne en 1633. Sous Louis XIV, «au service du royaume, il a révolutionné la manière de se défendre», précise l'orateur qui le voit en précurseur de «l'aménagement du territoire».

À partir de cette figure bourguignonne, le candidat quitte le champ local pour entrer véritablement dans le temps politique de son discours et s'adresser à tous ceux qui suivent le meeting à distance. À partir de Vauban, le candidat aborde sa propre conception du rôle de l’État : «il recommande au Roi Soleil d'assurer la prospérité de ses sujets avec un État fort qui assure la paix avec des voies de communication qui désenclavent les villages, avec des lois justes qui permettent à chacun de manger à sa faim».

Vers un État «bienveillant avec ceux qui travaillent»


L'orateur mobilise alors des tournures négatives pour évoquer la relation entre la population et l’État, induisant une relation contrariée plutôt qu'harmonieuse qui fait écho dans la salle. Dans ce cadre, le candidat considère que «la bureaucratie» a pris «une place démesurée» conduisant à «ponctionner les Français, privilégier les étrangers et gaspiller les impôts».

«Qu'est-ce que les Français attendent de leur État», demande-t-il alors que les transitions sont particulièrement soignées. «Qu'il cesse de les emmerder définitivement et le plus vite possible», répond-il dans la foulée en référence aux propos d'Emmanuel Macron concernant les non-vaccinés contre la Covid-19, ce qui suscite une vague de d'applaudissements.

Le candidat prône un État «bienveillant avec ceux qui travaillent, ceux qui créent, ceux qui respectent la loi» et cessant d'être «lâche avec la racaille, les criminels, les gangs et les mafias». Le propos est bien compris par l'assistance qui scande alors «on est chez nous», provoquant un large sourire chez l'orateur.

La «défense excusable» pour «contre-attaquer» en cas d'agression


Le troisième temps du discours glisse vers le thème du jour : «la protection de votre sécurité, la protection de nos campagnes et de nos villages, la protection des Français les plus fragiles, la protection de nos anciens, la protection de nos agriculteurs et de nos paysages et la protection de tous ceux que l’État a abandonné».

Bien que neuf en politique, les mots-clés que l'essayiste et polémiste a développé durant des années dans ses livres et émissions de télévision se retrouvent dans le discours et font florès auprès du noyau dur qui le suit depuis longtemps et auprès de ceux qui le rejoignent à la faveur de l'audience liée à la campagne électorale.

«Ma priorité est de réarmer cet État régalien : justice, police, armée», martèle le candidat alors que les drapeaux ne cessent plus guère d'être agités. Éric Zemmour propose d'instaurer une «présomption de légitime défense» pour les forces de sécurité intérieure et une «défense excusable» pour les citoyens.

Cette dernière consisterait en une évolution législative revenant sur le principe de proportionnalité appliquée à la légitime défense (lire les explications du Parisien) et pour donner le droit de «contre-attaquer» en cas d'agression ou de cambriolage.

«Un autre choix que celui qui a été fait par toutes nos élites depuis quarante ans»


«Le gouvernement veut protéger les banlieues, moi, je veux protéger nos campagnes. Emmanuel Macron veut une politique de la ville, moi, je veux une politique de la campagne. (…) Nous nous présentons devant les Français avec un autre choix que celui qui a été fait par toutes nos élites depuis quarante ans», ajoute-t-il.

Et de promettre, en réorientant des financements auparavant fléchés vers la politique de la ville, le retour aux jours heureux des Trente Glorieuses tellement fantasmés depuis avec «des places rénovées, des rues commerçantes restaurées, des bourgs ressuscités».

Le propos prend alors des accents poujadistes – au sens de Pierre Poujade, conduisant un mouvement politique de défense des commerçants et artisans dans les années 1950 – de défense des petits commerçants contre les supermarchés : «je refuserai la construction de nouveaux centres commerciaux à l'entrée des villes».

Une prime défiscalisée et désocialisée


Autre proposition : une «prime zéro charge». Une mesure d'inspiration libérale consistant à exonérer une prime de taxe et de cotisation sociale pour augmenter la rémunération de salariés du secteur privé sans mobiliser les ressources des entreprises.

L'entourage d'Éric Zemmour met en avant la possibilité d'une augmentation équivalent à trois mois de salaires en réfutant toute comparaison avec la «prime Macron» mais sans pour autant détailler son coût ni son impact sur le financement des prestations sociales.

«Je veux que nos enfants goûtent le lait issu des fermes à proximité»


«Il faut écouter le désespoir de nos paysans», alerte alors l'orateur pour glisser vers la thématique de l'agriculture : «j'en ai assez que l'on se soumette aux intérêts des autres pays européens au prix de notre agriculture, au prix de la survie de nos agriculteurs».

Cette fois, c'est un autre souvenir des années 1950 qui est mobilisé. Le verre de lait quotidien instauré en 1954 par Pierre Mendès-France revient sous la forme d'un «circuit court» dans les cantines scolaires : «je veux que nos enfants goûtent le lait issu des fermes à proximité plutôt que de production industrielle à l'autre bout du monde ; je veux qu'à l'école de Saulieu, les enfants puissent savourer le fromage du Jura et la viande charolaise». Les fromagers de Côte-d'Or apprécieront.

«Nous avons besoin que l’État mette fin à la folie des éoliennes»


Éric Zemmour reprend l'approche esthétique du paysage déjà développée le matin lors de son incursion dans une forêt de résineux voisine. Il reconnaît la participation des agriculteurs à l'entretien des campagnes et entend défendre la «beauté» des paysages en interdisant l'implantation d'aérogénérateurs : «nous avons besoin que l’État mette fin à la folie des éoliennes qui enlaidissent notre horizon».

La salle se lève et se déchaîne, rappelant le clivage autour des énergies renouvelables. Au premier rang, Franck Gaillard exulte, lui, qui, alors conseiller régional de Bourgogne-Franche-Comté, élu sur une liste du Rassemblement National, n'a cessé de vilipender les éoliennes. C'est bien sur les terres électorales du RN que chasse, là, Éric Zemmour.

«L'écologie qui sauve ce qui est beau»


Déroulant son propos, l'orateur passe de l'agriculture en général à la sylviculture en particulier et expose sa proposition de planification étatique du développement de la forêt – «un trésor français» – qu'il avait déjà présentée le matin même à des forestiers (lire notre article).

«Voilà l'écologie que nous aimons, (…) l'écologie qui protège et pas celle qui oppresse, l'écologie qui sauve ce qui est beau, pas celle qui enlaidit les paysages, l'écologie qui respecte ce que l'on est, pas celle qui punit, pas celle qui interdit les sapins de Noël», déclare-t-il, assuré de toucher son auditoire dans une terre de production de sapin de Noël où les propos du maire EELV de Bordeaux ont pu choquer.

Dans la foulée, le candidat évoque la défense des chasseurs à la grande joie de la salle qui comprend de nombreux jeunes, certains et certaines sont debout sur les chaises à cette évocation de la chasse.

Une espérance de vie moindre en milieu rural


«Nous n'abandonnerons pas notre manière de vivre, notre manière de manger, notre manière de boire, notre manière de nous divertir», ponctue Éric Zemmour dans une tonalité conservatrice.

Pour repeupler les campagnes, le candidat propose une «bourse de naissance» dotée de 10.000 euros. Elle serait réservée aux citoyens français, habitant depuis plus de deux ans dans une commune rurale et s'engageant à résider encore trois ans de plus. Autre condition : «faire un enfant quand même». Ce sera un des rares traits d'humour, si ce n'est le seul, du discours.

Redevenant rapidement sérieux, Éric Zemmour reprend une étude de l'Association des maires de France pointant une différence d'espérance de vie entre les habitants des zones rurales et des zones urbaines (deux ans de moins en moyenne à la campagne). L'orateur dit en avoir «honte» et rappelle que, en Bourgogne-Franche-Comté, 205 communes sont considérées comme «des déserts médicaux».

Face à cela, le candidat prend l'exemple de la Saône-et-Loire – ce qui fait réagir toute une partie de la salle – et propose que l’État recrute «immédiatement mille médecins» à déployer dans les déserts médicaux.

«Le centre-droit de Valérie Pécresse ne vaudra pas mieux que le centre-gauche d'Emmanuel Macron»


Après les considérations propres au milieu rural, l'orateur élargit le propos en exposant sa vision concernant les personnes âgées puis résume ce qu'il a déjà indiqué sur le rôle de l’État ce qui tend à calmer l'ambiance dans la salle.

Après n'avoir ciblé que le président de la République durant les deux premiers tiers de son discours, Éric Zemmour s'emploie à critiquer Valérie Pécresse (LR) et ses «mesures de gauche».

Après avoir développé un propos conservateur avec une touche réactionnaire, Éric Zemmour en vient à aborder les aspects identitaires pour souligner ce qu'il le différencie de la candidate des Républicains.

«Quand elle doit faire face au grand remplacement, Valérie Pécresse remplace le courage par le charabia. (…) Valérie Pécresse ne supprimera pas le droit du sol, Valérie Pécresse ne réservera pas les aides sociales ou les logements sociaux aux Français, elle n'expulsera pas les délinquants étrangers, elle ne réduira ni le nombre d'entrées légales ni le coût de l'immigration. Elle continuera de s'entourer d'islamo-droitistes qui ne vous protégeront jamais de la conquête de notre pays par l'islam. Moi, je vous protégerai», déclare-t-il sous une salve d'applaudissements.

«Reconnaissez que le centre-droit de Valérie Pécresse ne vaudra pas mieux que le centre-gauche d'Emmanuel Macron», lance-t-il tout particulièrement à l'adresse de l'électorat des Républicains avant de les renvoyer dos à dos en «robots de la technocratie française».

«Je suis celui qui rendra à la France son identité, son débat, son insolence, sa personnalité et tout ce que cette personnalité signifie : l'indépendance, la liberté, la sécurité, la culture», s'enflamme Éric Zemmour qui ambitionne de «barrer la route» à Emmanuel Macron au second tour de la présidentielle.

Forçant le ton en fin de meeting, l'orateur accentue son lien avec la salle qui scande des «c'est nous» avant de terminer par son traditionnel «vive la République et, surtout, surtout, vive la France» afin de bien distinguer les deux sous les hourras de l'assistance. Les élus du premier rang rejoignent alors la tribune pour entonner «La Marseillaise» devant une mer de drapeaux tricolores.

Jean-Christophe Tardivon

«L'âme de la France est à Saulieu», s'exclame Éric Zemmour














































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