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01/03/2023 21:05
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Cour d’assises de Saône-et-Loire : Abdelkrim Mouina condamné pour viol à 15 ans de réclusion criminelle

...Le 30 mai 2012, il se frotte contre elle et éjacule. L’avocate met le doute sur les pénétrations : monsieur a «des difficultés d’érection», c’est un « éjaculateur précoce »... a tenté plaidé l'avocat de l'accusé.
Ce mercredi 1er mars, à l’issue d’un réquisitoire efficace, l’avocat général a requis contre A. M. une peine de réclusion criminelle « de 12 à 15 ans » et un suivi socio-judiciaire pendant 10 ans. La défense a plaidé presque deux heures. Une défense habile dont le propos se résume ainsi : on ne condamne pas un homme au nom de l’évidente souffrance d’une femme qui avait depuis son enfance, bien des raisons d’aller mal.
Après que cet homme a abusé d’elle, la jeune femme d’alors environ 30 ans s’est lavée pendant des heures. Elle a tenu deux jours mais elle allait mal : elle a rapidement parlé à son entourage.

« Une collègue de travail voit qu’elle a des bleus sur les bras : ces bleus attestent de la contrainte physique exercée par monsieur M. » L’avocat général ne lâche rien, ni sur les éléments en faveur de la crédibilité de la victime - « déclarations constantes », « elle n’en rajoute pas », si tout s’était bien passé, pourquoi cet arrêt de travail longue durée juste après, sachant ce qu’elle y perd pécuniairement (elle était en CDI et donnait satisfaction) ? « Monsieur M. ne saurait tirer profit de la fragilité de sa victime, en s’en servant comme bouclier. » - ni sur la personnalité de l’accusé.

« Le viol est un crime, il faut le dire »
A. M., « il a voulu tirer son coup » a dit l’un de ses fils, « ça me paraît bien résumer les faits », poursuit l’avocat général. « Le viol est un crime, il faut le dire. » Il demande à la Cour de retenir l’altération du discernement (qui diminue de 30 % la peine encourue) : « Je ne conteste pas les problèmes d’ordre psychiatrique de monsieur M., mais ce n’est pas à madame X ou à d’autres, d’en faire les frais. » « Il arrête de lui-même les traitements : il faut des soins. »
Un mot sur l’arrêt de la cour de cassation du 15 juin 2022 :
« Ce n’est que le formalisme de la procédure pénale »
Philippe Chassaigne demande à la Cour et aux jurés de fixer une peine de réclusion criminelle, c’est-à-dire d’au moins 10 ans (en dessous c’est une peine délictuelle, une peine de prison, ndla). Il demande également que ça soit porté à 5 ans, la peine d’incarcération en cas de manquements au cadre du suivi socio-judiciaire.
L’avocat général conclut : « Si cette affaire est le combat d’une femme, c’est à travers elle la cause de toutes les femmes, de leur parole, de leur dignité qui est portée. »

La défense : « Monsieur M. attend qu’on reconnaisse qu’il n’a pas violé »
« J’ai soif de justice. Monsieur M. attend qu’on reconnaisse qu’il n’a pas violé » attaque clairement maître Christine Pillot-Quenot du barreau de Besançon.
L’avocate explique d’abord comment l’accusé a usé de ses droits en saisissant la Cour de Cassation, constate que l’avocat général avait requis « 10 à 12 ans » lors du dernier procès, requiert aujourd’hui davantage, pour rigoureusement les mêmes faits :
« Pourquoi punir monsieur M. d’avoir exercé ses droits ? ». Puis elle fait un parallèle entre accusé et victime, des problèmes difficiles dès l’enfance, etc. « Les deux, abîmés par la vie, trouvent les mêmes valeurs refuges : le cannabis, l’alcool, la religion, et tous deux développent des troubles. Sur l’affaire jugée en 86 pour viol en réunion : « C’est le même mot « viol » mais ça n’a rien à voir. C’est juste que ça fait l’état de récidive légale. »

« Il a tenté sa chance, est-ce que c’est interdit ? »
L’avocate dresse un portrait sensible de l’accusé, placé alors qu’il avait 3 ans et maltraité dans sa famille d’accueil, qui se vit comme apatride et privé de droits puisque, incarcéré de ses 16 à 23 ans, il ne parvient pas ensuite à obtenir une carte d’identité française (et sortait sa carte de détenu pour prouver sa nationalité, puisqu’il est né en France, dit l’avocate).
Avec madame X, « il a tenté sa chance, est-ce que c’est interdit ? »
Le 30 mai 2012, il se frotte contre elle et éjacule. L’avocate met le doute sur les pénétrations : monsieur a « des difficultés d’érection », c’est un « éjaculateur précoce ». Monsieur M. « a manqué du plus total respect, je comprends qu’elle ait été très choquée, et aussi qu’il lui dise ‘ramène-moi’. Donc ça ne s’est pas bien passé du tout. C’est marquant, et ça peut être traumatisant pour une personne qui a déjà été salie une fois. »

Verdict
Ce mercredi 1er mars, à l’issue de 4 heures de délibéré, la Cour et le jury ont déclaré monsieur Abdelkrim Mouina coupable du fait de viol en état de récidive légale, commis le 30 mai 2012 à Boussières, et le condamnent à la peine de 15 ans de réclusion criminelle et à un suivi socio-judiciaire pendant 10 ans (5 ans de prison en cas de manquement) avec injonction de soins. Il a en outre l’interdiction d’entrer en relation avec la partie civile. La Cour constate son inscription au FIJAIS.
Le verdict du procès en appel confirme donc la peine prononcée par la Cour d’assises de Côte d’Or en 2021. La peine est mise à exécution immédiatement, l’arrêt de la Cour valant titre de réclusion.
L’homme était jugé (et condamné) pour la 4ème fois, le fait sort de l’ordinaire. La victime traînait ce poids et les tourments associés, depuis 2012.
Florence Saint-Arroman


Notre article sur l'audience du 28 Février :
A. M., 54 ans aujourd’hui, est jugé pour la 4ème fois devant une cour d’assises, pour un viol commis en mai 2012 et duquel il a été déclaré coupable déjà 3 fois. Ça ne l’a pas empêché de soutenir à la barre que la victime éprouverait « encore une attirance » pour lui.
La présidente Therme n’a pas manqué de souligner le caractère étrange d’une telle assertion. Ce mardi 28 février, deuxième jour du procès, un expert psychiatre a mis de la lumière : « Monsieur M. est un grand malade, il a des troubles psychotiques ».

Une longue hospitalisation d’office, qui porte ses fruits
L’expert a rencontré l’accusé en avril 2014, il y a donc 9 ans. Le juge d’instruction lui avait passé le dossier d’hospitalisation de A. M. On constate que ce dossier démarre à peu près au moment où le casier judiciaire de A. M. fait une pause.
Son casier comporte 10 condamnations entre 86 (cour d’assises des mineurs, 10 ans de réclusion criminelle) et 2004. Des vols, des destructions, des violences. Première hospitalisation à la demande de sa famille en 2002 : il ne faisait plus rien, ne s’habillait pas, ne sortait pas.
A l’hôpital on constate des idées délirantes, un sentiment que sa famille le persécute. On lui donne des neuroleptiques, il va mieux, il sort. En 2005, alors qu’il est incarcéré, il arrête son traitement : il se met à tourner en rond dans sa cellule, nu, sans entrer en contact avec les autres.
Remise en route du traitement. Il sort de prison, mais en décembre 2005 il est interpellé pour des troubles du comportement dans un commerce de Besançon. Il reste en HP pendant 6 ans : « délire interprétatif aigu à thème mégalomaniaque ». Il est mis sous Haldol, fait des sorties dites d’essai, est capable de retourner de lui-même à l’hôpital quand il ne se sent pas bien.

Mais en juillet 2011, le législateur modifie la loi, et…
Donc ça se passait plutôt bien, jusqu’à ce que le législateur modifie la loi relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques, en juillet 2011.
À la suite, un juge des libertés et de la détention ordonne la mainlevée de l’hospitalisation d’office d’A.M. Il n’a dès lors plus de cadre coercitif : il arrête son traitement et rechute sur un mode psychotique grave. Il est hospitalisé deux fois (périodes courtes) en 2012, année des faits de viol que juge la cour d’assises de Saône-et-Loire. En septembre 2012 il arrête ses traitements, rebelote, hospitalisation, mais quand il sort il prend des toxiques : recrudescence des troubles. Voilà le tableau. L’accusé n’a pas quitté des yeux le médecin (qui est en visio).

« Il projette sur l’extérieur, il n’est cause de rien »
Le docteur Chopard avait conclu à une altération du discernement. Il dit que A. M. présente « un état dangereux psychiatrique éventuel, lors des épisodes délirants » et des éléments de dangerosité criminologique (peu d’empathie, de la paranoïa, son passé de conduites délinquantes).
Maître Pillot-Quenot, avocate de la défense, se glisse tout de même (son client a déjà été reconnu coupable par trois cours d’assises différentes) dans la brèche du « grand malade » : « Donc ce n’est pas de la responsabilité de la personne. » En aucun cas l’expert n’aurait conclu à l’abolition du discernement. Le médecin répète que A. M. semble ne pas pouvoir se mettre en cause personnellement, il rend les autres responsables de ses déboires, il projette sur l’extérieur, il n’est cause de rien. De surcroît, il peut avoir « des difficultés à percevoir les attentes des autres ». Il reste responsable de ses actes.

Les faits de 1985 : féroces et cruels
La présidente Therme donne la lecture intégrale de pièces qui relatent l’affaire de 1985. Longue lecture de scènes d’une sauvagerie impressionnante. Dans la nuit du 4 au 5 août, un garçon de 19 ans fut victime d’une agression épouvantable de la part de 4 jeunes hommes dont le plus jeune et seul mineur était
A. M. Après avoir embarqué de force le garçon de 19 ans dans leur véhicule, les quatre hommes l’ont emmené dans une clairière, lui ont arraché ses vêtements, l’ont battu, l’ont violé, lui ont fait subir des sévices tout en le frappant. (Devant la barbarie des actes et la durée on ne peut s’empêcher de songer à des récits de tortures qui nous arrivent d’Ukraine, ndla) Ils ont embarqué leur victime dans le coffre, le garçon martyrisé y a perdu connaissance. Ils l’ont réveillé en le frappant, puis l’ont abandonné, nu.
On est sur un niveau inouï de violence. A. M. faisait partie, avec son frère aîné, des agresseurs. Quel qu’ait été son niveau de participation, il était là, il a frappé, et il a tout vu, au minimum. Son incarcération ne s’est pas bien passée, il était bagarreur, « difficile à maintenir », l’administration pénitentiaire l’a beaucoup déplacé, il a connu l’isolement.

En 11 ans, la victime a dû raconter 9 fois ce qu’elle a vécu
Lorsqu’il était petit, l’accusé fut placé, il dit qu’il était frappé, qu’il a beaucoup souffert. Sa souffrance est réelle mais son manque d’empathie aussi. L’experte psychologue qui l’avait rencontré, s’était aussi penchée sur la victime et ses souffrances, elle parle de « névrose post-traumatique ».
Maître Faustine Cheval a pris la parole, pour madame X. « Aujourd’hui on ne peut qu’admirer le courage de cette femme, parce qu’à chaque fois qu’elle vous raconte, à chaque fois, elle revit les faits, et c’est la 9ème fois qu’elle doit y revenir. Combien de temps encore madame devrait-t-elle se mettre à nu, parler encore de ses plus gros traumatismes ? Je compte sur vous, dit l’avocate à la Cour et aux jurés, pour mettre un terme à ce cauchemar, pour qu’elle puisse reprendre sa vie en main. »
Demain, mercredi 1er mars : réquisitions et plaidoirie de la défense, délibération puis verdict. On se doute que cette fois-ci, la décision, quelle qu’elle soit, sera motivée avec un maillage serré. Il est déjà lunaire que cette affaire soit jugée 4 fois, il serait grave qu’elle doive l’être une 5ème fois.
Florence Saint-Arroman



Notre article sur l'audience du lundi 27 février :
A. M., né en 1969, fut condamné successivement à des peines de 8 ans (en 2018), puis 12 ans (en appel, en 2019), puis 15 ans (en 2021) de réclusion criminelle.
Pourquoi être autant rejugé ? Eh bien parce qu’à deux reprises la cour de cassation a cassé les arrêts des cours d’assises, mettant en cause les motivations, estimées insuffisantes, donc, des arrêts des Cours d’assises (deux pourvois, auxquels la cour de cassation a répondu en 2020, puis en 2022, d’où ce 4ème procès). De surcroît, l’accusé avait demandé sa remise en liberté avant ce procès, et l’a obtenu l’été dernier.

Elle avait « confiance »
Il se tient donc à la barre, ce lundi 27 février le matin, cheveux grisonnants, teint foncé, survêtement blanc marqué par des bandes tricolores, et il maintient : « Elle ment. » La victime a déposé, elle, l’après-midi, pendant 2 heures. Une audition touchante en raison de l’émotion et des larmes pendant la première heure mais dont il ressort un fait : la femme est cohérente, livre les éléments qui l’ont conduite non seulement à croiser la route de l’accusé mais surtout à finir par lui faire confiance.
Confiance trahie, confiance abusée en même temps que son corps, le 30 mai 2012 à 15 km de Besançon : elle sombre. Un jour, elle l’aperçoit par hasard à Besançon alors qu’elle est en voiture, et, ce qui monte en elle, c’est le désir de l’écraser. Un scooter qui surgit lui permet de se raviser mais « je me suis rendue compte que je n’avais pas les moyens de dépasser ça, alors je suis allée à la police ».

« Je suis fatiguée. J’en ai marre que ça soit impuni »
Elle dépose donc plainte le 8 octobre 2013. Le lendemain, sa robe tâchée de sperme est mise sous scellés, elle l’avait laissée dans un sac dans sa voiture le jour des faits. En 2016, une ordonnance de mise en accusation renvoie A. M. devant une cour d’assises. Depuis, cette femme âgée d’une quarantaine d’années n’en finit plus d’avoir à répéter son histoire, à répondre aux questions, à des questions difficiles, forcément.
Elle n’a jamais repris le travail depuis. Elle se dit épuisée : « C’est 10 ans de ma vie, à moi aussi. J’ai envie que ça s’arrête, là. J’en ai marre. J’en ai marre de me mettre à nu, j’en ai marre que ça soit impuni. » En dépit des condamnations, les appels et les pourvois ont finalement maintenu le statut de l’accusé à « placé en détention provisoire » (il a passé pas loin de 4 ans en DP, par morceaux).
« Ce matin, monsieur a dit que vous aviez toujours une attirance pour lui », lui dit Philippe Chassaigne, avocat général. La réponse fuse : « Il est malade ce mec, il a un problème. » C’est le sentiment qu’on a gardé de l’interrogatoire, ce matin, de l’accusé.

« Il est malade » - injections retard d’Haldol
En 2012 n’avait pas de ressources, vivait chez sa mère à la Planoise. En 1986, il est condamné par une cour d’assises des mineurs à 10 ans de prison pour viol en réunion. Cette condamnation le met en état de récidive légale aujourd’hui, c’est pourquoi il encourt 30 ans de réclusion criminelle (15 ans x 2, sauf si l’altération du discernement est rentenue).
Il est suivi en psychiatrie depuis 2002.
Pourquoi ? « Mon grand frère, il s’est mis à téléphoner à la police, et a dit que je menaçais ma famille avec un couteau. J’ai fini en HP. » Il y est allé plusieurs fois, en HP et parfois de lui-même.  La maladie psychiatrique dont il souffre ?, lui demande la présidente Therme. « Je pense que c’est la souffrance. J’ai manqué d’affection. » Qu’en disent les médecins ? « Que mes idées partent dans tous les sens. »
Il reçoit désormais des injections retard d’Haldol (pour éviter qu’il ne prenne pas son traitement, ce qui est déjà arrivé et apparemment en 2012). Il buvait de la bière et fumait du cannabis, puis il s’est tourné vers des pratiques religieuses et d’après la victime ça l’avait rendu sobre. Sur la religion : « J’ai tellement souffert dans ma vie que je me rattachais à Dieu. »
Comment les chemins de cet homme de la Planoise (qui ne connaissait que très mal les environs de Besançon) et de cette femme alors insérée professionnellement, autonome et active, se sont-ils croisés ? Par le cannabis. Elle allait l’acheter là-bas, au quartier. Comment en était-elle venue à en consommer ?

Un récit de vie
Ce chemin-ci, elle le fait débuter l’année de ses 16 ans. Elle est victime d’un viol dans le sud de la France. Elle en parle à sa mère mais deux semaines plus tard, sa sœur aînée se tue en voiture. Ce drame foudroie l’adolescente, et il prend le pas sur le viol. Déstabilisée, elle commence à recourir à l’alcool et au shit.
« J’ai continué ma vie sans aucune croyance. » Pour autant, elle se forme, elle travaille.
Un jour, par des connaissances, elle découvre la pratique du ramadan et celle du jeûne. Elle constate que ça lui fait du bien, que ça la stabilise, « ça m’aidait ». Sans jamais lire le Coran ou s’attacher au contenu des textes, elle s’appuie sur des pratiques et une prière. « J’y trouvais des béquilles pour essayer d’avancer. »

Alors, quand ce revendeur de stups adopte la djellaba et le port d’une calotte islamique, cessant de boire et de fumer, elle en est épatée, et c’est à cela qu’elle accroche : « Il me paraissait très investi, il me parlait en regardant le sol, il ne me regardait pas dans les yeux, il disait qu’un bon musulman se comporte comme ça. J’ai eu confiance. »

« Sortir du bitume »
Lui, de son quartier et de sa vie déjà marquée par des condamnations et incarcérations ainsi que par la maladie psychiatrique, il dit à la barre qu’il la trouvait « attirante ». Il lui demande à plusieurs reprises en 2012, de « sortir du bitume », « sortir du quartier », pour discuter tranquillement.
Elle finit par accepter. Le 30 mai elle vient le chercher et ils vont jusqu’à Boussières, « au bord de l’eau », dit-elle, « y avait pas d’eau », dit-il. Elle étend une grande serviette au sol, « y avait pas de serviette » dit l’accusé. Ils se posent. « Son comportement change », dit la femme. Au lieu de parler des pratiques religieuses et de la paix qu’on peut y trouver, A. M. se met à parler de ses ex et la questionne sur sa vie intime. Elle le recadre mais finit par évoquer le viol dont elle fut victime dans sa prime jeunesse.

« C’est de ta faute, t’es trop attirante »
A la barre, la scène de l’agression, elle la raconte pas à pas, en pleurant. Les jurés ont des mines graves, les minutes comptent double. « Il a collé son menton sous mon nez, il m’a demandé ce que je pensais de son parfum. Je le repoussais. Et puis il m’a sauté dessus. J’étais bloquée sous son poids, sous son corps. Son bras gauche était sur mon cou. Il faisait ‘chuuut, chuuut’. »

Une pénétration, deux, puis trois, il éjacule. « Je le regardais beaucoup, beaucoup, dans les yeux, pour qu’il voit ma détresse. » A la fin il a dit : « ‘C’est de ta faute, t’es trop attirante’. Il a jeté la serviette, il s’est assis dans la voiture sur le siège passager. Moi, j’ai pris le volant comme s’il n'était pas là, de toute façon j’étais ailleurs. J’ai roulé très vite. Je l’ai déposé, il m’a dit ‘je ne te fais pas la bise, on est au quartier’.
Je suis rentrée chez moi, je me suis lavée pendant des heures, à l’eau bouillante, à l’eau froide. »
Au début, « je me disais que Dieu voit tout, et qu’il sait tout. Je m’en suis remise à ça, mais ça n’était pas si simple. J’ai sombré, je suis descendue à 40 kg, je ne me nourrissais plus. Je n’ai jamais trouvé la force de dépasser ça. » Elle est accompagnée et suivie depuis 2012.

Version de l’accusé et sa position
Pour l’accusé il ne faisait aucun doute que si cette femme avait accepté d’aller passer un moment à la campagne avec lui, c’est qu’elle acceptait de sortir avec lui. Il dit à la barre qu’il avait une attirance croissante pour elle, « elle voyait très bien que je m’intéressais à elle.
Elle aussi, elle était attirée par moi. Elle l’est toujours d’ailleurs.  - Qu’est-ce qui vous fait dire ça ? Vous avez interdiction de la voir. - Ce que je n’arrive pas à comprendre, c’est que le jour où ça s’est passé, je me suis frotté à elle, je l’ai sentie … frustrée. » La victime sanglote et, sur un signe de son conseil, elle quitte la salle un moment.

« Elle l’a mal pris »
« Frustrée… » Le récit de l’accusé débute sur un mode « romantique » dira la présidente – « je la complimentais » - pour finir sur un mode trash : « On s’est embrassés. J’ai bien vu que, entre guillemets, elle se laissait faire. J’ai remonté ma main sur sa jambe mais elle me dit ‘Tu ne peux pas, j’ai un tampon’. Elle s’est mise sur moi, j’ai baissé mon pantalon (il mime), et je me suis frotté à elle. »

« Comment elle est, à ce moment-là ? » demande la présidente. Réponse, brute : « J’ai pas regardé. J’étais en train de frotter, donc j’ai pas regardé. » Ensuite, il l’a sentie « crispée ». Ah bon, et pourquoi ? « C’est quand je lui ai dit de me ramener. En prison j’ai réfléchi, et j’ai pensé : elle l’a mal pris. Ça se comprend : je la souille et je lui dis de me ramener, alors elle s’est dit que je l’avais prise pour un objet. J’étais un peu déçu qu’elle ait un tampon. »

L’agressivité affleure
« Et pourquoi vous vous êtes comporté comme ça, de vous frotter à elle ? - C’est interdit de se frotter ? » On entend une pointe d’agressivité dans le ton, elle monte d’un cran quand la présidente l’interroge sur les faits qui lui ont valu une condamnation en 1986. « Je ne veux pas en parler. J’ai reconnu une fellation mais j’avais rien fait. » Sur les faits de 2012 :
« Je suis innocent, madame. J’ai fait 4 ans de prison pour rien. »
Maître Cheval, pour la victime, lui demande : « Vous étiez amoureux d’elle, alors pourquoi ne jamais l’avoir rappelée, après le 30 mai 2012 ? » Et l’accusé, fort de son sentiment d’évidence, lui renvoie : « Mais pour la faire courir ! Pour qu’elle soit encore plus amoureuse de moi. Tous les hommes font ça. »
Florence Saint-Arroman


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