Recherche
Pour nous joindre
redaction.infosdijon@gmail.com
SMS au 07.86.17.77.12
> OPINION > Autres
24/01/2023 10:54
2331 lectures

BOURGOGNE-FRANCHE-COMTÉ : «L'agriculture régionale 2040 sera paysanne ou ne sera pas», lance la Confédération paysanne

«Les politiques agricoles ont été inefficaces pour maintenir les fermes et installer de nouveaux actifs», estime le syndicat agricole.
Communiqué de la Confédération paysanne du 24 janvier 2023 :

Le 20 janvier 2023, des représentants de la Conf’ Bourgogne-Franche-Comté ont rencontré - sur leur invitation - le Président et la Directrice de la Chambre régionale d’agriculture. Suite à la commande du Conseil régional de mener une réflexion pour l’agriculture régionale à 2040 d’une part, et à la mission confiée par le Ministère de l’Agriculture d’animer les débats sur la future Loi d’Orientation Agricole d’autre part, la Chambre mène actuellement une large consultation auprès des paysan.nes, des organisations professionnelles et des opérateurs économiques. C’est dans ce cadre que la Conf’ a été reçue à Bretenière et a pu exprimer sa vision à 2040.


Le constat de la Conf’ est sans appel : les paysannes et paysans de tout bord sont inquiets ! Les résultats des derniers recensements agricoles montrent à quel point les politiques agricoles ont été inefficaces pour maintenir les fermes et installer de nouveaux actifs. Si l’attractivité du métier mise sur le numérique, la robotique, les revenus de la compensation carbone ou de la production d’énergie au détriment de l’alimentation des hommes et des animaux d’élevage, tout est perdu d’avance ! De plus, les politiques fiscales et d’investissement ont mené à l’hypercapitalisation des fermes devenues intransmissibles à une future génération de paysan.nes. La dépendance de certaines productions aux aides PAC montre aussi la fragilité du système. Enfin, les aides à l’hectare et les manquements du contrôle des structures, couplés aux politiques libérales tirant les prix vers le bas, n’ont fait qu’accélérer la course à l’agrandissement des fermes.

Au contraire, le projet d’Agriculture paysanne porté par la Conf’ repose sur des fermes aux productions diversifiées, faisant vivre des paysans nombreux grâce à la création de valeur ajoutée tant en filière courte qu’en filière longue, dans le cadre de débouchés pensés collectivement et régulés par les pouvoirs publics (loin des accords de libre-échange !). C’est une agriculture qui anticipe et gère démocratiquement les difficultés sans les nier : baisse de la production de biomasse et raréfaction de la ressource en eau à cause du dérèglement climatique, retour des grands prédateurs, ... C’est une agriculture avec des paysan.nes autonomes, capables de s’adapter sans aggraver les impacts sur le climat, l’environnement, la biodiversité, qui ne produisent pas plus que ce qui est permis par les ressources locales. Enfin, c’est une agriculture à l’écoute des questions posées par les représentants de la société civile soucieuse des enjeux de santé-environnement et de souveraineté alimentaire. Pour la Conf’, ce dialogue n’est pas vécu comme une agression mais comme une chance pour construire ensemble un projet agricole et alimentaire sobre et efficient.

La contribution de la Conf’, remise à la Chambre d’agriculture, est jointe à ce communiqué. Elle sera complétée par la réponse au questionnaire en ligne lancé par la Chambre à l’attention des organisations professionnelles. La Conf’ encourage par ailleurs les paysannes et les paysans à répondre au questionnaire qui leur a été adressé par la MSA https://fr.surveymonkey.com/r/TCB8GRX pour que le projet régional à 2040 soit non seulement en faveur de l’agriculture mais aussi et avant tout, en faveur des paysan.nes et des territoires ruraux.

RV Chambre régionale d’agriculture du 20 janvier 2023

« Imaginez demain – agir maintenant »

Pour la Confédération paysanne, le projet « l’agriculture régionale à 2040 » (imaginez demain) et le plan d’actions régional opérationnel 2023-2027 (agir maintenant), pilotés par la Chambre régionale d’agriculture, doivent s’inscrire dans une stratégie d’augmentation du nombre de paysan.nes et de leur autonomie, de lutte contre le changement climatique et de partage équitable des ressources.

Dans sa plaquette de présentation, la Chambre régionale d’agriculture vise une démarche concertée, collective, directement opérationnelle pour les agriculteurs et un plan quinquennal autour d’un nombre resserré d’actions. Le champ de réflexion porte sur les pratiques agricoles et l’utilisation des ressources, les choix de production et de transformation en lien avec les industries agroalimentaires, les relations avec le citoyen et le consommateur.

La Confédération paysanne salue cette démarche de consultation des parties-prenantes. De cette concertation, nous espérons que naissent des ambitions à la hauteur des enjeux qui nous obligent :
- arrêt de la trajectoire actuelle de l’agriculture en BFC vers l’industrialisation démesurée des outils de production et par conséquent suppression de toutes les formes de projets qui y concourent : méga-méthaniseurs, méga-bassines, parcs photovoltaïques sur du foncier agricole, productions hors-sol, robotisation,
- mais aussi contrôle et donc refus de la financiarisation galopante à l’œuvre dans le cadre des « fusions-acquisitions » des fermes devenues inreprenables.

Il est primordial que ce projet aboutisse à une appropriation des enjeux sociaux et environnementaux par l’ensemble des acteurs institutionnels (chambres consulaires, services de l’Etat, collectivités, établissements publics ...) et économiques (banques, organismes de conseils, organismes de formation, filières...), pour que le choix de la sobriété soit celui de tous, et se traduise concrètement dans l’ensemble des décisions touchant notamment l’agriculture et l’alimentation. Les politiques publiques doivent toutes converger dans ce sens. Les intentions doivent se traduire concrètement dans l’accompagnement technique, les subventions publiques et l’organisation des marchés y compris publics notamment en ce qui concerne la restauration hors domicile. La diversification de la « ferme BFC » sera un enjeu majeur de notre résilience économique, sociale et environnementale.

Concernant le choix de production et de transformation, la Confédération paysanne considère que cela relève de l’autonomie des paysan.nes sur leurs fermes, tout en devant répondre à l’enjeu de souveraineté alimentaire. Le choix des productions sur les territoires doit permettre de nourrir les communautés locales sans remettre en question la préservation des ressources naturelles ni la possibilité, pour les autres paysan.nes du monde, de produire une alimentation choisie par leurs communautés et d’en vivre. Autrement dit, les outils de transformation agro-alimentaire devraient être coopératifs et démocratiques, au service des producteurs et de la relocalisation de l’alimentation et non au service de la finance souhaitant conquérir des marchés internationaux.

L’Agriculture en Bourgogne-Franche-Comté à 2040 doit être paysanne, c’est-à-dire capable d’une prise en compte globale des enjeux sans en exclure aucun :
- Installation d’un maximum de paysans et de paysannes répartis sur tout le territoire régional,
- Productions diversifiées à vocation alimentaire, assurant un revenu permettant au paysan de vivre décemment de son métier et d’être autonome dans ses décisions techniques et financières,
- Modes de production et de transformation transparents pour les consommateurs, préservant les ressources (eau, énergie, biodiversité, vie du sol...), aboutissant à une nourriture saine et de qualité.

Le maintien d’un tissu dense de fermes produisant une alimentation diversifiée de proximité, qu’elle soit valorisée en circuit-court ou en filière longue, doit être au cœur des politiques territoriales.

Pour cela, l’ensemble des parties-prenantes, dont la Chambre d’agriculture et ses partenaires institutionnels et économiques, doivent veiller à ce que les outils et les volumes de production agricole soient répartis entre des paysans nombreux.

Cela passe par :
- La préservation des espaces agricoles, naturels et forestiers contre l’artificialisation des sols ;
- La préservation de la vocation nourricière du foncier agricole, en priorité pour des productions destinées aux populations et aux élevages dans le bassin de consommation régional ou interrégional ;
- La mise en cohérence des aides et accompagnements à l’installation avec :
o le profil des porteurs de projets actuels (reconversion professionnelle, plus de 40 ans, productions déficitaires ...),
o les autres politiques agricoles notamment d’aides à l’investissement qui contribuent trop souvent à créer des structures devenant intransmissibles à d’éventuels repreneurs,
o de réelles politiques pour la transmission des fermes à des porteurs de projets agricoles et ruraux, y compris les fermes très spécialisées et/ou trop capitalisées qu’il convient de réadapter aux projets des candidats à l’installation (transmission à un collectif ou découpage en unités plus petites),
o un respect strict et renforcé du contrôle des structures, lors des demandes d’autorisations d’exploiter mais aussi des transactions SAFER, afin de lutter contre l’agrandissement excessif et la concentration des moyens de productions.

- Le soutien à la relocalisation de l’alimentation et au maintien et développement d’outils de transformation et de distribution collectifs et coopératifs ;
- Le soutien à la diversification des productions alimentaires et à la valorisation des autres produits issus de l’élevage (laine, cuir...) ;
- La proposition de dispositifs d’accompagnement à l’émergence de projets en agriculture paysanne et de formations initiales et continues promouvant l’installation sur des productions alimentaires rémunératrices, adaptées aux besoins et aux ressources des territoires.

Tout est lié : sans transmission des fermes, les nouvelles vocations agricoles restent sans perspectives d’installation sur le territoire, et les investissements consentis dans la formation perdent leurs capacités à faire évoluer les productions et assurer la transition des pratiques agricoles.

La Confédération paysanne se félicite que ce thème soit prévu dans le projet porté par la Chambre. En effet, un des piliers de l’Agriculture paysanne est l’autonomie des paysans. Ils doivent être en capacité d’être maîtres de leur choix mais aussi, dans les faits, avoir la possibilité d’exercer cette capacité.

A travers différents supports techniques et pédagogiques, des informations objectives doivent être données aux paysans par les établissements d’enseignement agricole et de formation continue, les organismes de conseils, les centres de gestion ... En aucun cas ces informations ne doivent pousser le paysan à devenir dépendant d’une firme, d’une méthode, d’un modèle technique. Tout doit être fait pour qu’il reste libre d’opter pour tel système de production, de commercialisation, de financement mais aussi de choisir par qui et comment il souhaite être éclairé dans ses choix.

D’autre part, la « prise en compte de l’humain » doit aussi se traduire concrètement par :
- Le maintien d’un service de qualité, tant dans les Administrations que les établissements bancaires ou assurantiels, avec des hommes et des femmes à l’écoute des paysans et en lien avec la réalité du terrain, loin de la dématérialisation systématique de toutes les procédures.
- La promotion et le soutien à différents dispositifs d’accompagnement pour les paysans en difficultés, proposés par des organisations publiques, associatives ou privées, laissant le choix aux paysans concernés de se tourner vers le dispositif qui conviendra le mieux à chacun.

Les organisations collectives ayant une gouvernance coopérative et démocratique, portées par les paysans et intégrant des représentants de la société civile, sont à privilégier pour penser et structurer l’avenir des filières et surtout l’avenir du lien entre agriculture et alimentation sur les territoires.

L’Agriculture paysanne est synonyme de partenariats et de complémentarités, elle promeut les projets collectifs et les collaborations. Elle est à l’écoute des préoccupations économiques, sociales et environnementales des autres acteurs du monde rural.

Pour l’Agriculture régionale à 2040, la Confédération paysanne attend que la Chambre d’agriculture veille, dans l’ensemble des programmes auxquels elle participe, que le pluralisme syndical soit scrupuleusement respecté. Plus globalement, nous demandons à ce que l’ensemble des données récoltées et des résultats d’études menées grâce à des subventions publiques, soient largement partagés1 dans des Comités de pilotages ouverts aux syndicats agricoles représentatifs et à la société civile.

Atteindre la finalité d’une démocratie alimentaire impliquera la création d’outil(s) commun(s) qui organise(nt) cette démocratie : lier la relocalisation de notre alimentation et une politique de préservation de la ressource en eau par exemple suppose de mettre en lien les politiques foncières afférentes. Réinventer les outils de gestion du foncier au profit de ce projet serait novateur.

Les moyens doivent être concentrés sur un accompagnement des paysans qui leur permette de se forger un avis éclairé et de faire leurs choix en connaissance de cause. Les formations et les journées techniques qui leur sont proposées ne doivent pas se résumer à la promotion de solutions technologiques plébiscitées par le secteur marchand. Elles doivent au contraire apporter des données objectives notamment sur les risques et les inconvénients (dépendance à des fournisseurs, endettement élevé, incertitudes face au changement climatique ou à l’évolution des prix des intrants, coûts induits pour le reste de la société ...).

Concernant les filières, on est en droit d’attendre des chambres d’agriculture qu’elles permettent une prise de recul par rapport à ce que peuvent faire les interprofessions, pour aller vers :
- une déspécialisation de certains territoires (Comté, Charolais, ...) en travaillant aussi à freiner la spéculation foncière et la course à l’agrandissement,
- davantage de complémentarités entre les productions (polyculture-élevage à privilégier sur les fermes ou à l’échelle des territoires),
- une anticipation face aux enjeux grandissant : dérèglement climatique, grands prédateurs, crises sanitaires en élevage...

Par ailleurs, des priorités doivent être clairement établies et la Confédération paysanne s’étonne de voir dans certaines offres d’emploi du réseau des Chambres en France, des postes ouverts pour développer les filières « laine, cuir et carbone » ! Le carbone n’est pas une filière, la financiarisation du carbone ne nourrira ni ne vêtira personne.

Le mirage de la compensation

L’enjeu principal de la lutte contre le dérèglement climatique est la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), de même pour espérer stopper l’érosion de la biodiversité ou du foncier agricole, il faut stopper la bétonisation et préserver le fonctionnement des écosystèmes.

Or, la compensation, au lieu de chercher à éviter les émissions de GES ou la destruction des milieux agricoles, naturels et forestiers, va chercher à les compenser, ce qui ne permet pas de ralentir la tendance. Cela revient au contraire à accorder un droit à réchauffer et à détruire la planète.

Qu’il s’agisse du marché dit « volontaire » du carbone ou celui des « obligés », des entreprises achètent des crédits carbone qui viendraient « rémunérer » un agriculteur qui, sur 5 ans, aurait suffisamment diminué ses émissions de GES et stocké davantage de carbone. La Confédération paysanne refuse ce principe et a fortiori que des moyens institutionnels soient utilisés pour démarcher les paysans pour les faire entrer dans le marché du carbone. La réalisation de diagnostics de performance environnementale des fermes dans un objectif de sobriété des pratiques agricoles est une chose, le démarchage des paysans dans le cadre de la financiarisation du carbone en est une autre.

Quant à la compensation dite « collective » de surfaces agricoles artificialisées par des projets industriels ou d’aménagement, sa gestion actuelle notamment via des GUFA2 n'est pas toujours transparente et est problématique sur l'utilisation des fonds avec le droit de veto accordé aux maîtres d'ouvrage et les risques de conflits d'intérêts.

L’effort collectif devrait plutôt être mis sur la préservation du foncier agricole et de sa vocation nourricière au lieu de chercher à engranger de l’argent en contrepartie de leur destruction.

L’eau : un bien commun : partager, préserver, organiser les priorités

La Confédération paysanne est favorable à l’irrigation sous certaines conditions : la gestion de l’eau, qui est un bien commun, doit être transparente, collective, équitable et démocratique.

Nous demandons la mise en place de plafonds d'irrigation sur les fermes qui soient notamment fonction : du nombre d'actifs sur la ferme ; des productions et du caractère local de leur commercialisation ; et de la surface agricole utile.

L’irrigation doit être créatrice de valeur ajoutée sur la ferme et non être au service de produits agricoles destinés à l’export ou à la production d’énergie.

De plus, elle doit systématiquement être couplée à des pratiques agronomiques adaptées : diversification des assolements, gestion de la matière organique et de la vie des sols, choix judicieux des espèces et variétés végétales, systèmes de productions respectueux de l'environnement (climat, biodiversité, qualité de l’eau...).


Infos-dijon.com - Mentions légales