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06/08/2023 05:46
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ÉLEVAGE : Face à la colonisation des campagnes par des loups, la Confédération paysanne fait des «propositions pragmatiques»

«L’exposition croissante des troupeaux aux loups pourrait mener à la disparition des fermes dans certains territoires», alerte la Confédération paysanne de Bourgogne-Franche-Comté.
Elevage paysan herbager, retour des loups : deux choix de société que les pouvoirs publics peinent à articuler et arbitrer. La cohabitation est jugée très compliquée voire impossible, en l’état actuel des choses et au regard des expériences vécues par les paysan.nes, à mesure du retour des loups depuis les Alpes dans les années 1990. Pour autant, prôner le « zéro attaque » comme le font la Chambre régionale d’agriculture et une partie des syndicats agricoles, paraît démagogique et illusoire, notamment du fait de l’actuelle réglementation européenne.

Du côté des associations de protection de la nature, laisser entendre qu’il suffirait de généraliser le modèle d’Agriculture paysanne et de protéger les troupeaux, pour que la cohabitation avec les loups soit possible, est tout aussi illusoire. La Confédération paysanne est résolument aux côtés des éleveur.ses et de leurs élevages plein-air, qui répondent aux enjeux de société que sont le bien-être animal, le maintien des paysages et de la biodiversité, l'économie rurale et la production d’une alimentation locale de qualité. Conscient de la complexité majeure à résoudre cette problématique et des débats parfois clivants que suscite ce sujet, le syndicat entend ici porter des revendications réalistes, susceptibles de rassembler autour d’avancées pragmatiques.


Le projet d’Agriculture paysanne porté par la Confédération paysanne est une perspective de développement agricole basée sur des paysan.nes nombreux.ses, réparti.es sur tout le territoire, vivant décemment de leur métier en produisant une alimentation diversifiée, saine et de qualité, accessible à toutes et tous, en préservant les ressources naturelles pour les générations futures. Ces paysan.nes participent à la dynamique des territoires avec les autres citoyens. Ils ont notamment à cœur de travailler avec la nature et de la préserver, tout en conservant une autonomie technique et financière.

Les propositions du syndicat sur le sujet de la prédation, sont à même de constituer des pistes concrètes pour les éleveur.ses, mais aussi de permettre à l’ensemble de la société de se constituer solidairement aux côtés des paysan.nes. Si la présence des loups impacte avant tout l’élevage plein- air, la prise en charge des conséquences tant humaines, techniques qu’économiques et l’anticipation autant que possible, relèvent d’un choix que toute la société doit assumer sans détours.

Le retour des loups impacte toujours plus d'élevages, de toutes sortes, qui ne bénéficient toujours pas de réelles perspectives d'adaptation fiables. Cela montre factuellement la complexité et les limites de la cohabitation avec nos projets agricoles, dont beaucoup répondent aux enjeux de la transition agroécologique et sociale.

La Confédération paysanne Bourgogne-Franche-Comté a obtenu en 2020 l’anticipation des aides aux chiens de protection sur toute la région. Mais aujourd’hui l’incompréhension est d’autant plus grande que les définitions administratives de la « protégeabilité » des troupeaux excluent bon nombre d’élevages plein-air, à commencer par les bovins mais aussi volailles, porcins et équidés. Une situation que la Confédération paysanne a vigoureusement dénoncée, sans être écoutée, dans le cadre des négociations pour le prochain Plan National d’Action sur le loup et les activités d’élevage pour 2024-2029. La situation n'est pas tenable en l'état, d’autant plus que les attaques sur bovins se multiplient dans la région.

L’exposition croissante des troupeaux aux loups pourrait mener à la disparition des fermes dans certains territoires (impasses techniques majeures, stress, préjudices économiques, perte de sens...), à l’accélération de l’industrialisation de l’agriculture et à la multiplication des élevages hors-sol. Pour éviter cela, les pouvoirs publics doivent assumer leurs responsabilités, en protégeant davantage l’élevage herbager face à cette dynamique de croissance des populations de loups, qui menace les pratiques et les perspectives des fermes paysannes.

L’ESSENTIEL DES REVENDICATIONS SYNDICALES DE LA CONFEDERATION PAYSANNE en Bourgogne-Franche-Comté

1- Une communication transparente, rapide et systématique sur la présence des loups, les constats de dommage et les aides disponibles, et ce à destination de tous les syndicats agricoles et de tou.tes les éleveur.ses.

2- Un soutien des services de l’Etat, des Etablissements publics et de la MSA, à la hauteur des difficultés psychologiques, techniques et financières rencontrées par les éleveur.ses face aux loups.

3- Des dispositifs de protection des troupeaux adaptés aux réalités de terrain et dont la nécessité doit être reconnue par tous.

4- Des prélèvements de loups efficaces, sous la responsabilité de l’Etat, partout où la diminution immédiate de la pression de prédation est nécessaire.

5- Une implication renforcée des Chambres d’agriculture sur la question de la prédation auprès des éleveur.ses et des candidat.es à l’installation.

EXPOSÉ DÉTAILLÉ DES REVENDICATIONS

1- Une communication transparente, rapide et systématique sur la présence des loups, les constats de dommage et les aides disponibles, et ce à destination de tous les syndicats agricoles et de tout.es les éleveur.ses :
- Généralisation de l’outil MapLoup,
- Diffusion systématique des fiches Réflexe par toutes les Directions Départementales des Territoires (DDT) : conduite à tenir en cas d’attaque, numéros à appeler...
- Transparence des procédures concernant les constats de dommage réalisés par l’Office Français de la Biodiversité (OFB), accès au dossier complet par les éleveur.euses concerné.es qui le souhaitent (photos prises sur la ferme, constats, tout élément qui motive ensuite la décision du Préfet)
- Respect du pluralisme syndical dans les comités départementaux, cellules de veille et canaux de diffusion des informations
- Déploiement de formations et informations sur l’espèce à destination des éleveur.ses
- Large diffusion des résultats de recherche et d’expérimentation aux éleveur.ses.

2- Un soutien des services de l’Etat, des Etablissements publics et de la MSA à la hauteur des difficultés psychologiques, techniques et financières rencontrées par les éleveur.ses face aux loups :
- Prise en considération de la situation des paysan.nes avec une approche humaine et un accompagnement technique, par des agents formés et dédiés,
- Mobilisation systématique, transparente et immédiate des fonds d’urgences et mise à disposition de matériel (poste électrique, filets, effaroucheurs sonores et lumineux...) quelles que soient les espèces domestiques prédatées (ovins, caprins, bovins, équins, ...),
- Prise en charge de la protection des troupeaux à 100 % : tout éleveur qui le souhaite doit pouvoir s’équiper et être épaulé sans reste à charge, puisque les éleveurs ont l’obligation de protéger le troupeau pour pouvoir être indemnisés en cas d’attaque,
- Prise en compte de tous les surcoûts dans le barème d’indemnisation : un travail approfondi sur les pertes indirectes est attendu (éleveurs laitiers avec transformation fromagère notamment), et dans l’attente, possibilité de demander une indemnisation sur justificatif attestant d’une valeur supérieure des pertes indirectes d’un troupeau ayant fait l’objet d’une prédation,
- Des moyens publics renforcés pour les programmes de recherche, d’expérimentations et d’études de vulnérabilité (mise en place gratuite de diagnostics de vulnérabilité), dans un objectif d’anticipation et d’efficacité des mesures mises en place. Il convient notamment d’objectiver les conséquences des tirs, ainsi que les comportements des loups face aux dispositifs de protection (dont expérimentations en cours sur le massif du Jura).
NB : ces revendications sont valables aussi pour le lynx en l’absence actuelle de fonds dédiés prévus par l’Etat.

3- Des dispositifs de protection des troupeaux adaptés aux réalités de terrain et dont la nécessité doit être reconnue par tous :
- Accès facilité à des aides pluriannuelles, enveloppes et cerclages adaptés dans la durée,
- Prise en charge des aides humaines,
- Eligibilité d’autres espèces que ovins et caprins, en particulier des bovins (et ce, sans conditionnalité) et baisse de l’effectif minimum à 10 animaux reproducteurs détenus en propriété,
- Reconnaissance du statut particulier du chien de protection : modification du code de santé publique pour reconnaître le rôle essentiel des aboiements dans la dissuasion face aux prédateurs ; modification de l’arrêté du 8 décembre 2006 (obligations Installations Classées Pour l’Environnement) pour exclure les chiens de protection de troupeaux, communication large auprès de la population ...
- Déploiement d’expérimentations et de diagnostics de vulnérabilité gratuits pour aider les éleveur.ses à anticiper la mise en place de dispositifs adaptés à chaque contexte et aux espèces concernées.
4- Des prélèvements de loups efficaces, sous la responsabilité de l’Etat, partout où la diminution immédiate de la pression de prédation est nécessaire.
- Changement du statut de protection stricte de l’espèce, du fait de l’état de conservation actuel à l’échelle de l’Arc alpin.
- Organisation de tirs ciblés, sans plafond, par l’intervention réactive de l’OFB et de la Louveterie sur l’ensemble du territoire, et ce quelles que soient les espèces domestiques prédatées.
- Simplification des procédures administratives permettant les tirs de défense renforcés ainsi que les tirs de prélèvements par des personnels formés et équipés du matériel nécessaire (les tirs de défense simple autorisés aux éleveurs ou à leurs délégataires ne donnant pas de résultats).
- Généralisation des brigades d’intervention OFB et Louveterie sur l’ensemble des départements concernés.
- Travail sur la mise en place d’un permis de défense du troupeau (les éleveurs et bergers ne sont pas tous chasseurs). L’objectif des interventions doit être la baisse des attaques et la réduction des dégâts aux troupeaux. Il ne doit pas y avoir de gestion différenciée selon les territoires, les tirs doivent être accordés et réalisés en fonction des attaques et non en fonction du nombre de loups estimé. Les prélèvements réalisés sur les élevages bovins ne peuvent être décomptés d’un plafond au détriment des éleveurs ovins et caprins. Des moyens doivent être alloués pour mieux connaître la menace (comportement, génétique, déplacements des loups) grâce notamment à des suivis GPS et ADN. En particulier l’efficacité des tirs doit pouvoir être étudiée : conséquences sur le comportement de la meute et donc sur la pression de prédation.

5- Implication des Chambres d’agriculture sur la question de la prédation auprès des éleveur.ses :
- Information systématique sur le risque de prédation dans les parcours à l’installation en élevage,
- Relais des arrêtés préfectoraux de cerclage et large diffusion des dispositifs d’aides à la protection des troupeaux,
- Organisation et promotion de formations à la protection de troupeaux en partenariat avec l’Institut de l’élevage.

Communiqué


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