L'association Restaurons Notre-Dame a conçu une exposition-événement avec un village des métiers d'art déployé autour d'une maquette de 5 mètres de haut, réalisée par des compagnons du Devoir qui ont reproduit les charpentes disparues de Notre-Dame de Paris. La première présentation de cette exposition s'est déroulée, ce samedi 19 octobre, à Guérigny, à proximité de Nevers.
L'incendie de Notre-Dame de Paris a suscité une grande émotion en France et dans le monde entier. Les 15 et 16 avril 2019, pendant 15 heures, la cathédrale brûlait. La flèche néogothique, les toitures de la nef et du transept ainsi que la charpente médiévale ont été totalement consumées.
«Cette cathédrale, nous avons su l’édifier, la faire grandir, l’améliorer. Nous la rebâtirons tous ensemble parce qu’elle est une part du destin français», déclarait le président de la République Emmanuel Macron, le soir même du déclenchement de l'incendie, en se fixant la perspective d'une réouverture en 2024, un délai alors jugé très court.
Réouverture de Notre-Dame de Paris le 8 décembre
La cathédrale sera rouverte au public le 8 décembre prochain. La flèche a été terminée en février dernier, les toitures de la nef et du chœur ont été restaurées.
En revanche, la restauration du chevet et de la sacristie se poursuivra jusqu'en 2025. Les vitraux contemporains font actuellement l’objet d’un appel à candidatures pour une installation envisagée en 2026.
L'association Restaurons Notre-Dame a défendu le principe d'une reconstruction à l'identique
Dans les jours qui sont suivi l'incendie, Pascal Jacob a fondé l'association Restaurons Notre-Dame pour plaider auprès des autorités le principe d'une reconstruction à l'identique, dans le respect de la charte de Venise.
Pascal Jacob est issu d'une famille nivernaise de charpentiers-entrepreneurs depuis quatre générations, ancien président du MEDEF Bourgogne et actuel dirigeant du cabinet de conseils Strater, il est également conseiller municipal de Guérigny.
Après un temps de réflexion et d'études de projets contemporains, en juillet 2020, il a bel et bien été décidé de restaurer à l'identique la flèche conçue par Viollet-le-Duc en 1859.
À partir de là, l'association a dirigé, de 2020 à 2022, «un vaste programme scientifique et universitaire relatif aux charpentes médiévales et néogothiques en collaboration avec plusieurs grandes écoles et universités françaises et européennes».
«Notre-Dame vient à vous», une exposition pour «valoriser les métiers d'art et les savoir-faire d'excellence»
Désormais, le principal objectif de l'association est de «contribuer à la préservation et à la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris, tout en valorisant les métiers d'art et les savoir-faire d'excellence qui ont participé à la reconstruction de ce monument emblématique».
Cela passe par le déploiement des «futaies Notre-Dame» – dont la première se situe dans la forêt des Bertranges –, l'organisation de «conférences cathédrale» en lien avec les «villes cathédrale» et la promotion du compagnonnage ainsi que des métiers d'art puisque 80 métiers d'art différents ont été mobilisés pour la reconstruction.
Ces démarches ont débouché sur une exposition, «Notre-Dame vient à vous», en guise de préfiguration du concept porté par l'association Restaurons Notre-Dame concernant cette valorisation des métiers d'art.
Les 19 et 20 octobre derniers, l'Espace Lafayette des Forges royales de Guérigny, en périphérie de Nevers, a accueilli une maquette à l'échelle 1/20ème de la charpente de Notre-Dame de Paris, entourée de plusieurs stands portant sur la sylviculture, les métiers de la forêt et l'artisanat.
Pour réaliser cette exposition, Restaurons Notre-Dame a été accompagnée par une quarantaine de partenaires – dont la Ville de Guérigny, la Chambre de métiers et de l'artisanat de la Nièvre, la CCI de Nevers, la Fédération française du bâtiment ou encore le CIC et le Crédit agricole –, ce qui lui a permis de réunir un budget de 30.000 euros. Sur l'ensemble des deux jours, environ 3.000 visiteurs étaient attendus.
Un chef-d’œuvre compagnonnique de 5 mètres de haut
Se souvenant que le responsable du chantier de réalisation de la flèche de Viollet-le-Duc était un de leurs prédécesseurs, trois charpentiers, compagnons du Devoir d'Anglet (Pyrénées-Atlantique), Valentin Pontarollo, Armand Dumesnil et Yann Férotin, encadrés par Jean Michel Hourcade, ont décide de reproduire la charpente partie en fumée à l'échelle 1/20ème. On appelle une telle prouesse de minutie un «chef d’œuvre compagnonnique».
Huit mois et 1.200 heures de travail à trois ont été nécessaires pour cette réalisation qui occupe 3 mètres par 3 mètres au sol. Le coq de la flèche s'élève à 5 mètres de hauteur.
Par ailleurs, Valentin Pontarollo lui-même a travaillé sur le chantier de Notre-Dame de Paris, dans les Ateliers Perrault, où il a participé à la taille et au levage de l'abside.
Une importante délégation pour inaugurer l'exposition
Ce samedi 19 octobre 2024, l'inauguration de «Notre-Dame vient à vous» a été présidée par Yoann Saturnin de Ballangen, directeur de cabinet du préfet de la Nièvre, et s'est déroulée en présence notamment de Jean-Pierre Chateau, maire de Guerigny, Nadia Sollogoub, sénateur de la Nièvre, Jean-Luc Gauthier, conseiller départemental de la Nièvre, Bertrand Pegorier, président de la Fédération nationale des compagnons du tour de France, Pierre Claude Sutter, directeur du développement Grand-Est du groupe de promotion immobilière Pichet et président de l'association Restaurons Notre-Dame depuis 2023, et Pascal Jacob, désormais président d'honneur de cette même association.
«Chaque métier d'art est un pilier essentiel de la préservation de notre patrimoine architectural», souligne Pascal Jacob
«La richesse et la réussite du chantier de restauration de Notre-Dame de Paris, ce sont des énergies et des talents qui se déploient avec passion», a estimé Pierre Claude Sutter, «la recette de ce succès, c'est la volonté, l'énergie et la confiance chères au général Jean-Louis Georgelin, qui nous a quittés en août 2023. (…) C'est aussi la réactivité et la compétence de tous les acteurs et entreprises concernés».
«Notre-Dame de Paris est bien plus qu'un édifice religieux, elle est un symbole vivant de notre histoire, de notre culture, de notre identité nationale», a avancé Pascal Jacob pour qui l'exposition vise ainsi à «valoriser les savoir-faire d'excellence, de découvrir de près des métiers souvent méconnus comme la charpenterie médiévale, la dorure, la restauration de vitraux, la sculpture sur pierre ou encore l'ornemanisme. «Chaque métier d'art est un pilier essentiel de la préservation de notre patrimoine architectural», a-t-il souligné.
«Notre-Dame vient à vous se veut un pont entre Notre-Dame et chaque région de France», a expliqué le président d'honneur de Restaurons Notre-Dame. «En honorant, ici, à Guérigny, les chênes majestueux de la forêt des Bertranges qui ont servi à la reconstruction de la flèche de la cathédrale Notre-Dame de Paris, nous montrons combien la contribution de nos ressources naturelles est primordiale. Le lien entre la nature et l'artisanat prend, ici, tout son sens en illustrant le rôle crucial que ces forêts jouent dans la conservation de notre patrimoine bâti.»
«Restaurons Notre-Dame a également pour mission de sensibiliser le grand public à l'importance de la préservation de notre patrimoine architectural à travers des expositions, des démonstrations, des conférences», a rappelé le fondateur de l'association. «Ensemble, nous montrons que Notre-Dame de Paris, tout comme les
traditions qui l'ont façonnée, sont l'affaire de tous les Français, de
toutes les régions et de toutes les générations.»
Ainsi, Michel Izard, journaliste de TF1, a présenté, en avant-première, le tout dernier épisode d'un documentaire consacré au chantier de reconstruction de Notre-Dame de Paris (
à retrouver sur TF1+).
«Paris n'a rien eu de plus beau. C'est la grande symphonie humaine. C'est l'ensemble colossal d'une œuvre d'art, d'un monument. C'est le passé qui s'écoule dans le présent. C'est l’inspiration du génie qui se fond dans la réalité palpable des pierres», a conclu Pascal Jacob en citant Victor Hugo.
«Chaque pièce de bois taillée symbolise non seulement un défi technique mais aussi un acte de fraternité», indique Bertrand Pegorier
«Nous célébrons non seulement notre patrimoine mais aussi l'art de la transmission, ce lien essentiel entre générations d'artisans et neuves de métier», s'est enthousiasmé Bertrand Pegorier.
«Alors que la cathédrale s'apprête à rouvrir ses portes, après une restauration titanesque, elle incarne une fois de plus l'excellence et l'engagement passionné des métiers d'art», s'est ainsi félicité le président de la Fédération nationale des compagnons du tour de France.
«Être compagnon aujourd'hui, c'est être fidèle à des valeurs qui ont traversé les siècles : la quête d'effort et d'excellence, le respect de la tradition et l'humilité devant l'ouvrage qui se perpétue à chaque étape du chemin», a-t-il développé, «chaque rencontre, chaque collaboration autour d'un projet est une occasion d'apprendre, d'enrichir notre savoir-faire et notre humanité». «Comme autrefois, nous bâtissons non seulement des œuvres mais aussi des liens forts entre les hommes nourris par la transmission et le partage. Chaque ouvrage réalisé, chaque pierre posée, chaque pièce de bois taillée symbolise non seulement un défi technique mais aussi un acte de fraternité.»
«Cette histoire n'est qu'un écho à des siècles d'excellence artisanale. Depuis plus de 800 ans, les compagnons répondent présents pour bâtir et rebâtir, que ce soit au commencement de la construction de Notre-Dame, ou aujourd'hui, nos métiers continuent de se transmettre de génération en génération, perpétuant des savoir-faire uniques. Il nous appartient de continuer à former et à inspirer, nos centres de formation sont là pour susciter de nouvelles vocations et notre parcours de tour de France est l'un des meilleurs moyens d'enseigner et de faire découvrir la richesse de nos métiers», a-t-il ajouté.
Pour Nadia Sollogoub, «Notre-Dame, ce n'est pas qu'hier, c'est aujourd'hui et c'est demain»
Pour sa part, Jean-Luc Gauthier a salué «les savoir-faire et talents réunis à Guérigny», tandis que Nadia Sollogoub a partagé son émotion de découvrir le chef d’œuvre des compagnons dans le cadre des Forges royales qui datent du XVIIIème siècle.
«Au moment où l'incendie dévorait Notre-Dame, le regard du monde s'est posé sur la cathédrale», a-t-elle rappelé, ajoutant à l'adresse de Pascal Jacob : «vous vous êtes dit qu'il ne devait pas s'en détourner». «Notre-Dame, ce n'est pas qu'hier, Notre-Dame, c'est aujourd'hui, et Notre-Dame, c'est demain.»
«Notre-Dame de Paris incarne l'esprit de résilience qui caractérise notre pays», relève Yoann Saturnin de Ballangen
Représentant le préfet de la Nièvre, Yoann Saturnin de Ballangen a salué «l'occasion de rapprocher notre patrimoine national de chacun et de chacune d'entre nous en mettant en lumière l'un des symboles les plus emblématiques de notre histoire et de notre culture : Notre-Dame de Paris»
«Notre-Dame est le témoin de nos luttes, de nos victoires, de nos aspirations», a relevé Yoann Saturnin de Ballangen, «elle incarne l'esprit de résilience qui caractérise notre pays». «Depuis l'incendie tragique d'avril 2019, elle est aussi le symbole de notre capacité à nous unir dans l'adversité pour reconstruire ce qui fait notre héritage commun. L'exposition que nous découvrons aujourd'hui nous offre une occasion unique de contempler ici-même les trésors et les secrets de ce trésor architectural. Grâce au travail passionné de l'équipe qui a conçu cette exposition, c'est un peu de l'âme de Notre-Dame qui est présente parmi nous.»
Après la visite inaugurale et les discours officiels, les membres de la délégation ont été accompagnés par des élèves du lycée Alain Colas de Nevers pour découvrir les grands tirages représentant des arbres photographiés de nuit par Frédéric Sinturel.
Une prochaine exposition au château de Vincennes en 2025
L'association Restaurons Notre-Dame apparaît comme étant une des principales structures en France participant au rayonnement auprès du grand public de la reconstruction de la cathédrale de Paris. L'association est reconnue d'intérêt général et à caractère culturel par le ministère de l’Économie.
La structure compte 140 adhérents et 1.400 sympathisants, elle est animée uniquement par des bénévoles.
«L'objectif est de tester le cadre fonctionnel de cette opération pour le dupliquer dans d'autres villes», a explicité Pascal Jacob, interrogé par Infos Dijon. «Nous avons, aujourd'hui, trois candidates : Vincennes – qui a déjà acté la date des Journées européennes du patrimoine 2025 –, Bordeaux et Valréas.»
«L'idée est de pouvoir faire bénéficier aux régions françaises tout l'apport en matière de valorisation des savoir-faire d'excellence autour de Notre-Dame de Paris. Le titre, c'est ''Notre-Dame vient à vous'', c'est donc les Français qui seront destinataires de l'ensemble de ces démonstrations». «L'idée est de créer un concept qui englobe à la fois la représentation symbolique de Notre-Dame à travers le chef-d’œuvre compagnonnique et un village des métiers d'art, avec la mise à disposition de ce concept à des opérateurs organisateurs.»
Dans les prochaines villes où se tiendra l'exposition «Notre-Dame vient à vous», grâce au réseau du compagnonnage, des artisans locaux peuvent être sollicités pour animer des stands, en lien avec la contribution du territoire concerné à la reconstruction de Notre-Dame de Paris.
Le lycée du Velet a mis en avant les métiers de la forêt
Lors de cette exposition, le Lycée de la nature et de la forêt, situé à Étang-sur-Arroux, dans le Morvan, était dignement représenté par Maël, Eliott et Camille, élèves en terminale, accompagnés par le formateur Daniel Kielbasa, membre d'Eduforest, qui a favorisé les «témoignages» auprès des visiteurs.
«Avant tout, on met en avant les métiers de la forêt», a expliqué Maël, originaire du Charollais, «c'est un secteur où, il y a des débouchés multiples, il faut former les jeunes». «J'étais parti en lycée général, je me demandais où aller ; connaissant quelqu'un qui travaillait en exploitation forestière, ça me plaisait. J'ai tenté l'aventure et je ne regrette pas !»
En plus du chef d’œuvre compagnonnique, Eliott a été impressionné par les tailleurs de pierre, situés juste en face du stand du lycée du Velet, ainsi que par la taille de grumes.
Originaire du Nord, désormais établie dans l'Yonne, Camille a été sensibilisée aux métiers de la forêt par son père, grimpeur-élagueur, et s'est intéressée particulièrement aux perspectives de recrutement de l'Office national des forêts.
«On a besoin de main d’œuvre dans la filière», a souligné Daniel Kielbasa, «sans la main de l'homme, on ne pourra pas produire des bois de qualité». «La sylviculture est, avant tout, un métier avec un doigté dont les référentiels pédagogiques font état. L'appareil de formation est incontournable pour faire pousser les bois. Pour les adultes, on met en place des formations sur 8 à 10 mois avec des résultats probants : 90% des personnes ressortent insérées.»
Jean-Christophe Tardivon