«Roland Carraz fut le père du bac pro», a rappelé Marie-Guite Dufay, ce mardi 19 novembre, en saluant le parcours de l'ancien député-maire chenevelier. «Le lycée professionnel est porté par une forte dynamique», a souligné la rectrice Mathilde Gollety.
En 2023, lors des 50 ans de l'établissement scolaire, des professeurs ont suggéré de faire évoluer la dénomination du lycée professionnel de Chenôve. Le conseil d'administration, la Ville de Chenôve et la Région Bourgogne-Franche-Comté se sont alors accordés sur le nom de Roland Carraz, emblématique député-maire socialiste.
Ce mardi 19 novembre 2024, la cérémonie a permis de saluer le parcours de Roland Carraz et de rappeler les origines des lycées professionnels ainsi que leur raison d'être dans le système éducatif français.
La cérémonie d'inauguration du nouveau nom s'est déroulée en présence notamment de la veuve de Roland Carraz, Ghislaine, ainsi que de leur fille, Leïla. Ont également participé Thierry Falconnet (PS), maire de Chenôve, Marie-Guite Dufay (PS), présidente de la Région Bourgogne-Franche-Comté, Willy Bourgeois (PS), vice-président de la Région Bourgogne-Franche-Comté, Philippe Neyraud (LR), conseiller municipal d'opposition, Mathilde Gollety, nouvelle rectrice de l'académie de Dijon, et David Muller, directeur académique des services de l'Éducation nationale en Côte-d'Or.
Maire, député, ministre socialiste...
Né en 1943 à Chalon-sur-Saône et mort en 1999, à Chenôve, Roland Carraz est principalement connu pour son engagement politique. Il a été adhérent du Parti socialiste puis du Mouvement des citoyens fondé par Jean-Pierre Chevènement.
Durant le premier quinquennat de François Mitterrand (PS), il a été secrétaire d'État au Tourisme puis secrétaire d'État chargé de l'Enseignement technique et technologique.
Entre 1981 et 199, Roland Carraz a été à plusieurs reprises élu député de la troisième circonscription de la Côte-d'Or. Il a été conseiller général de la Côte-d'Or, élu sur le canton Dijon IV, de 1985 à 1999. Il a été également été un temps conseiller régional de Bourgogne. Il a été maire de Chenôve de 1977 à son décès. Son premier adjoint Jean Esmonin (PS) lui a alors succédé.
C'est Roland Carraz lui-même qui avait choisit le nom d'Antoine Antoine pour le lycée professionnel de Chenôve. Antoine Antoine (1744-1818) était une figure locale durant la Révolution française, ingénieur des Ponts et Chaussées dans les états généraux de Bourgogne puis du département de la Côte-d'Or. Il est mort à Chenôve.
Les futurs agents de sécurité se mobilisent pour l'inauguration
Dirigé depuis 2021 par le proviseur Éric Vadot, le lycée professionnel de Chenôve compte 290 élèves, répartis de la troisième au BTS. En effet, l'établissement propose une 3ème prépa-métiers ainsi qu'une 3ème correspondant à une unité pédagogique pour élèves allophones arrivants (UP2A). Il participe même à l'expérimentation de la classe préparatoire à la seconde, dans le cadre du «choc des savoirs».
Une vingtaine d'élèves des CAP et BTS agent de sécurité ont été particulièrement valorisés puisqu'ils ont réalisé l'accueil et l'orientation des invités dans l'enceinte de l'établissement.
Récemment, la Région Bourgogne-Franche-Comté a financé des travaux d'isolation de bâtiments datant de 1973 ainsi que l'installation de caméras de vidéo-protection. Le proviseur se félicite d'«un dialogue constant» avec la collectivité chargée de l'entretien des lycées.
«Roland Carraz a su montrer une vision ambitieuse et novatrice de l'éducation»
«En donnant à cet établissement le nom de Roland Carraz, nous rendons hommage à un homme dont la vie fut marquée par l'engagement, l'amour de la transmission du savoir et la lutte pour l'égalité des chances», a déclaré Éric Vadot au moment des discours officiels.
«Roland Carraz était un homme passionné par l'histoire et l'éducation», a souligné le proviseur, «issu d'une famille, il est devenu, grâce à sa détermination et son travail, professeur agrégé d'histoire puis maître de conférence à l'université de Dijon». «Cette réussite ne lui a pourtant pas fait oublier ses racines, sa volonté d'aider les jeunes à se construire et la mission qu'il s'était donné de défendre les plus démunis.»
«Au-delà de son rôle d'enseignant, Roland Carraz étaient aussi un homme de terrain, investi dans la vie de sa commune, Chenôve, dont il a été le maire pendant 22 ans», a-t-il développé. «Sa proximité avec les habitants et son engagement à leur côté ont fait de lui une figure emblématique, un modèle de dévouement et d'humanité.»
«En 1983, Roland Carraz devint secrétaire d’État à l'enseignement professionnel», a-t-il poursuivi. «Dans ce rôle il a su montrer une vision ambitieuse et novatrice de l'éducation. Convaincu que l'enseignement professionnel devrait être une voie de réussite, de dignité et de valorisation des compétences. Pour lui, l'enseignement professionnel n'était pas un second choix mais une voix noble permettant à chacun de trouver sa classe dans la société. Il a d'ailleurs œuvré que le diplôme préparé s'appelle, à l'instar de son cousin du général, baccalauréat. Ainsi, naquirent le lycée professionnel et le baccalauréat professionnel. C'est en mémoire de cet engagement que cet établissement portera désormais le nom de lycée professionnel Roland Carraz.»
«Ce nom rappelle à chacun que l'éducation est une clé de réussite et d'émancipation, et que chacun quelles que soient ses origines, doit pouvoir prétendre à la formation de son choix», a conclu le proviseur.
«Le baccalauréat professionnel est le passeport pour une intégration sociale réussie»
«Aujourd'hui, le baccalauréat professionnel, destiné au départ à une entrée directe dans la vie active, a pris toute sa place dans le paysage de notre institution scolaire», a analysé Thierry Falconnet, «il est, pour bon nombre de jeunes, notamment ceux issus des classes les plus défavorisées de notre société, le passeport pour une intégration sociale réussie et vers des études supérieures.»
«Roland Carraz avait la République, le progrès social et l'émancipation du plus grand nombre chevillés au corps», a ajouté celui qui a été l'adjoint de Roland Carraz de 1995 à 1999. «Son action à l'échelle local, par exemple à travers la création du revenu minimum étudiant en 1989, mais aussi nationale avec la création du baccalauréat professionnel, atteste au plus profond de lui cette idée que tout jeune qu'elle que soit sa condition, quelle que soit son origine a droit à une éducation exigeante et de qualité, que l'école de la République reste le meilleur housse outil d'émancipation par le savoir, par l'accès à la culture, par la transmission de valeurs communes et partagées, que la république enseignante dont il était le produit, lui, homme du peuple, devait combattre, par la connaissance, par les lumières, tous les préjugés, les obscurantismes d'où qu'ils viennent et de quelques natures qu'il soient et que l'école devait rester l'instrument principal de cette lutte acharnée.»
«Roland Carraz a pris conscience de la nécessité pour l'école de lutter contre les inégalités»
«Roland était fils et petit-fils de cheminot», a rappelé Ghislaine Carraz, «ses parents habitaient à Chalon-sur-Saône dans un quartier populaire un peu excentré». «Il a suivi dans ce quartier la formation de l'école primaire jusqu'au CM2. Au CM2, il a été préparé à l'examen entrée en 6ème qu'il a réussi.»
«Il a donc été admis au lycée Matthias de Chalon-sur-Saône», a-t-elle poursuivi, «le lycée Matthias, à l'époque le vieux lycée Matthias, lycée de garçons, était le lycée du centre-ville qui accueillait surtout les enfants des familles dont la plupart exerçaient des professions libérales et les enfants des commerçants aisés du périmètre. Roland m'a raconté comment son arrivée et celles de quelques rares d'élèves venus des quartiers périphériques avaient été considérés, au mieux, avec curiosité et, au pire, avec un petit peu de condescendance. Selon lui, il régnait, à l'époque, dans ce lycée, un entre-soi très exclusif qui n'a pas dû faciliter psychologiquement la vie de certains élèves. C'est, entre autres, dans ce contexte que Roland [Carraz] a pris conscience de la nécessité pour l'école de lutter contre les inégalités et de proposer à tous les élèves et une réussite.»
«Il a eu une autre expérience», a-t-elle complété. «Parallèlement à sa scolarité d'études secondaires au lycée Matthias, il a suivi les cours de l'UAICF, union artistique et intellectuelle pour les cheminots français. L'UAICF était une structure associative à destination des cheminots et de leurs enfants. Elle avait pour mission de développer différentes activités intellectuelles et artistiques à destination de ceux qui en étaient privés dans leur milieu social ou familial. C'était une structure d'éducation populaire qui était animée par des intervenants compétents, passionnés et qui avaient à cœur de transmettre leur savoir et leur savoir-faire. (…) C'est également dans ce contexte que s'est enraciné le principe qui a guidé son action politique en matière d'enseignement et de formation.»
«Le lycée professionnel est porté par une forte dynamique»
«Roland Carraz a consacré sa vie au service public, œuvrant avec passion et détermination pour le bien-être de tous», a déclaré Mathilde Gollety, «son engagement pour l'éducation, le développement local et la justice sociale a laissé une empreinte indélébile dans notre région».
«Renommer le lycée en son honneur est bien plus qu'un changement de nom, c'est un acte symbolique fort, une manière, de perpétuer ses valeurs et son engagement auprès des générations futures. Nous espérons ainsi que chaque élève qui franchira les portes du lycée professionnel Roland Carraz sera inspiré par son exemple est animé par les idées qui guidaient son action», a indiqué la rectrice de l'académie de Dijon.
«Le lycée professionnel est porté par une forte dynamique dont vous êtes tous les acteurs», a-t-elle conclu, «l'académie de Dijon, audacieuse et engagée, est là pour faire de la voie professionnelle une voie ambitieuse pour tous les élèves afin qu'elle répondent à une promesse républicaine d'égalité des chances».
«Roland Carraz a été un militant de gauche engagé»
«Tous les intervenants ont dit combien le passage de Roland Carraz comme maire durant plus de 22 ans a été déterminant pour la ville», a enchaîné Marie-Guite Dufay qui a salué «ce grand responsable politique engagé». «Roland Carraz fut le père du bac pro. (…) Les savoirs techniques qui sont aujourd'hui dispensées dans nos lycées professionnels [sont] des savoirs incomparables.»
«Je retiens trois choses : l'attachement essentiel, profond, viscéral de Roland Carraz au système public de l'éducation. D'autre part, la formidable ambition qu'il avait pour les jeunes, une ambition qui s'appuyait sur le savoir. La formation les jeunes, c'est la liberté. (…) Il n'y a pas de liberté sans formation. (…) Enfin, c'est la conviction que le savoir et le savoir-faire professionnel tels qu'ils sont dispensées dans nos lycées professionnels, comme ici, sont des éléments-clés pour l'avenir de notre pays», a-t-elle développé.
«Roland Carraz a été un militant de gauche engagé», a conclu la socialiste, «il n'a jamais renoncé à défendre ses idées, y compris contre ses amis et ses compagnons de parti.» «C'est ainsi, pour rester fidèle à ses convictions, qu'il a quitté le Parti socialiste pour rejoindre le mouvement fondé par Jean-Pierre Chevénement. Mais sa mémoire est reconnue bien au-delà de son cercle politique d'origine. C'est le signe que Roland Carraz était un grand homme, on disait un honnête homme.»
Une salle baptisée du nom d'Antoine Antoine
Après le dévoilement inaugural de la nouvelle plaque apposée à l'entrée du lycée professionnel, la cérémonie s'est poursuivie par la visite d'ateliers.
Ensuite, la délégation a dévoilé une autre plaque qui, pour perpétuer l'héritage d'Antoine Antoine, a été installée à l'entrée d'une salle de classe.
Là, les participants à l'inauguration du nouveau nom ont pu partager un temps de convivialité préparé par les personnels de la restauration qui sont des agents de la Région faisant partie des équipes de l'établissement scolaire.
Jean-Christophe Tardivon