En ordre dispersé, ce samedi 23 septembre, des syndicats et partis politiques ont décliné localement une mobilisation nationale remettant en cause l'action de la police.
La manifestation contre «le racisme systémique, les violences policières et les inégalités sociales» organisée à Dijon, ce samedi 23 septembre 2023, a réuni environ 350 personnes.
La marche qui se voulait «unitaire» a principalement rassemblé les membres d'organisations de la gauche radicale et des militants anarchistes.
Quelques communistes étaient bel et bien présents malgré l'appel de la direction nationale à ne pas participer. Socialistes et écologistes ont brillé par leur absence.
Au niveau national, le ministère de l'Intérieur a recensé 31.300 manifestants quand les syndicats en ont compté 80.000. À Dijon, la police en a compté 300 et la FSU 350.
La police nationale sécurise la manifestation anti-police
À l'heure du rassemblement, la place de la Libération est encore bien dégagée alors que les participants aux quelques mariages du jour accèdent facilement à la cour d'honneur du palais des ducs de Bourgogne, filtrés cependant par la police municipale.
De son côté, la police nationale sécurise cette manifestation déclarée et au parcours négocié à la rue près entre la CGT et la préfecture de la Côte-d'Or. À défaut de pouvoir remonter la rue de la Liberté pour cause d'animation sportive, les organisateurs ont décroché l'accès devant l'Hôtel de préfecture.
«Vérité et justice pour Check» en tête de cortège
Symboliquement, la banderole «Vérité et justice pour Check» prend la tête du cortège qui s'élance au rythme de la batucada du collectif du 25-Novembre. Le 29 juillet dernier, une marche avait eu lieu pour demander des éclaircissements sur la mort de ce jeune homme originaire de Côte-d'Ivoire et naturalisé français (
lire notre article).
Le 7 juillet, une vidéo a montré Check Camara fuyant des policiers au bord de l'Ouche. Le 10 juillet, son corps était retrouvé dans les eaux du port du canal de Bourgogne.
«Qu'est-ce qui s'est passé après la vidéo ? On le voit rentrer dans l'Ouche mais on ne voit pas s'il sort. (…) On attend de nouveaux témoignages et une accélération de la police», déclarait alors Allassane Doumbia, oncle de la victime, tenant la banderole ce samedi. Allassane Doumbia renouvellera ses interrogations en arrivant place de la République.
Pas de sono ni de pancartes mais des drapeaux
Rue Rameau, rue Lammonoyne, rue Jean-Jacques-Rousseau... le cortège défile dans le calme et en musique malgré l’absence de camion sono.
Les manifestants ne manquent pas de conspuer la police à pleins poumons. «
No justice, no peace» [NDLR : «pas de justice, pas de paix», «
Siamo tutti antifasciti» [NDLR : «Nous sommes tous antifascistes»] ou encore «Police fasciste, État complice» sont les slogans les plus repris.
Cela sans oublier le fameux «Tout le monde déteste la police» qui a provoqué des dissensions parmi les partis politiques, entraînant notamment la prise de distance de la direction nationale du Parti socialiste avec cette «marche unitaire».
Une référence à la rentrée scolaire surgit rue Jean-Jacques-Rousseau avec un «
crop-top,
abaya, même combat» qui sera explicité par la suite par les militantes néoféministes.
Étonnamment, les pancartes couramment utilisées comme moyen d'expression dans les manifestations se font rares et peuvent même être comptées sur les doigts d'une main.
A contrario, les drapeaux des syndicats et partis politiques sont très présents, CGT et FSU en tête, Solidaires, l'UNEF et La France insoumise étant plus discrets.
Parmi les personnalités politiques présentes, se trouvent notamment Isabelle de Almeida (PCF), Dominique Guidoni-Stoltz (LFI) ou encore Patricia Marc (LFI).
Terminus devant l'Hôtel de préfecture
Un rien surpris par la possibilité d'accéder à la rue de la Préfecture qui fut l'objet de tant d'affrontements durant le mouvements des Gilets jaunes, le cortège s'engage prudemment avant de savourer la possibilité de manifester là.
Toutefois, quelques policiers sont discrètement postés rue du Champ-de-Mars et rue de Soissons.
L'intersection avec la rue d'Assas marque le terminus de la marche et le lieu des différentes prises de parole.
La FSU demande une «structure indépendante» pour remplacer l'IGPN
Au nom de la FSU de la Côte-d'Or, Fabian Clément rappelle que l'enjeu de l'action de ce jour construite par «un large collectif» est de s'insurger «contre les répressions policières, contre le racisme systémique» et de soutenir «les libertés publiques».
«La vérité doit être établie et la justice doit être rendue», clame-t-il au sujet de la mort de Check Camara. «Nous témoignons notre solidarité, notre soutien le plus entier à la famille.»
Le syndicaliste revendique ensuite la création d'une «structure indépendante» en lieu et place de l'actuelle Inspection générale de la Police nationale.
«La politique de la ville, la politique de l'éducation prioritaire doit être absolument relancée de toute urgence», insiste-t-il sur le sujet de la justice sociale. «Il faut investir dans les services publics, dans l'éducation dans tous les quartiers, dans la vie dans les quartiers, dans les transports en commun, dans tout ce qui fait que ça fait une vraie société d'égaux et d'égales, une société solidaire.»
La CGT déplore «les violences sur les militants syndicaux»
Pour la CGT de la Côte-d'Or, Frédéric Pissot fustige «les violences policières exercées quotidiennement» en centrant son propos sur «les violences pendant les manifestations et les violences sur les militants syndicaux» en référence notamment aux syndicalistes convoqués par la police suite à la manifestation contre les retenues d'eau de substitution à Sainte-Soline (Deux-Sèvres) du 25 mars dernier.
Le syndicaliste enchaîne en citant les exemples d'interventions des forces de sécurité intérieure à Saulieu et à Châtillon-sur-Seine dans le cadre de la contestation de la réforme des retraites lors de déplacements de membres du gouvernement ou, plus récemment, à Semur-en-Auxois lors de la venue du président de la République.
«Il y a une attaque flagrante sur la liberté de manifester», estime-t-il.
La France insoumise appelle à «une refonte radicale du partage des richesses»
Pour La France insoumise de la Côte-d'Or, Dominique Guidoni-Stoltz revient sur l'émotion consécutive au «meurtre de Nahel» : «nous sommes des millions à ne plus accepter les violences policières, le racisme systémique et les injustices sociales».
«Rien n'adviendra sans une refonte radicale du partage des richesses, sans une lutte acharnée contre les discriminations, les inégalités sociales et la pauvreté, sans justice sociale», considère la militante anticapitaliste.
«Le gouvernement refuse de s'attaquer à ces problèmes. Sa politique au service des ultra-riches aggrave les difficultés du peuple face à la vie chère, à la crise du logement ou aux difficultés dans l'accès aux soins», poursuit-elle avant d'appeler à «une mobilisation populaire puissante» autour d'«un programme de rupture avec le capitalisme».
Un propos largement applaudi parmi les personnes encore présentes rue de la Préfecture.
Le collectif du 25-Novembre fustige «un rappel à l'ordre de l’État policier, raciste et patriarcal»
Pour le collectif 25-Novembre, deux militantes anonymes fustigent «une répression féroce» ayant succédé à l'«exécution» du jeune Nahel, ce qui déclenche des huées en écho dans l'assistance.
Les deux néoféministes critiquent le choix du gouvernement d'«imposer un contrôle du corps des très jeunes filles musulmanes pour tenter, dans un même d'intimer un rappel à l'ordre en direction des populations racisées après les révoltes de cet été et d'occulter sa propre responsabilité dans la gestion d'une rentrée scolaire catastrophique».
«Supposer que les jeunes femmes sont forcément sous l'influence d'un mari, d'une famille, c'est sexiste, raciste, islamophobe», lancent-elle en considérant que la mesure d'interdiction de port de l'
abaya ou du
qamis dans les établissements scolaires constituent «un rappel à l'ordre de l’État policier, raciste et patriarcal».
«La police est dans son essence même un élément crucial de l’État fasciste, du contrôle et de la domination de la population. Les violences policières sont institutionnelles, systémiques et non pas des bavures occasionnelles», analysent les deux militantes anarchistes avant d'inviter à «engager une réflexion sur des alternatives à l'institution policière».
«La loi Cazeneuve doit être abolie», revendique un Gilet jaune
Pour ATTAC 21, Agnès Salomon s'exprime contre «la répression dans les quartiers, la répression sociale, la répression du mouvement écologiste».
Pour l'Assemblée populaire des Gilets jaunes de Côte-d'Or, Jean-Paul Brenelin revient sur l'«émeute» s'étant déroulée rue de la Préfecture, le 1er décembre 2018. «Ici même, pendant deux ans, chaque samedi, des blocs de béton ont été posés aux extrémités de cette rue, des centaines de policiers et de CRS étaient là pour guetter, combattre, réprimer, mutiler, éborgner et briser des vies entières pour le seul fait que des gens étaient là pour s'insurger et dire 'non, ça suffit'.»
«Nous ne voulons plus de la loi de 2017. La loi Cazeneuve doit être abolie», revendique Jean-Paul Brenelin à propos de la disposition alignant la doctrine des policiers sur celle des gendarmes en cas d'usage de leur arme à feu.
Pour le collectif Bourgogne-Franche-Comté pour l'abolition des armes nucléaires, Jean-Marc Convers célèbre la Journée internationale de la Paix et défend le Traité sur l'interdiction des armes nucléaires (TIAN) de l'ONU, entré en vigueur en 2021 et refusé par les pays détenteurs de l'arme atomique.
De futures mobilisations
Les organisateurs donnent rendez-vous aux quelques manifestants encore présents le 28 septembre prochain pour un rassemblement concernant les mineurs étrangers non accompagnés (
lire le communiqué) et le 13 octobre pour une manifestation «pour nos salaires, contre l'austérité» dans le cadre d'une journée européenne de mobilisation intersyndicale.
Finalement, est donné le signal de la dispersion qui s'effectue dans le calme au chant d'«À bas l'état policier».
Jean-Christophe Tardivon