
«Pour moi, TAPAJ et le CAARUD, c’est une famille. Avant, tout l'argent que je gagnais partait dans l’alcool. Là, j’ai pu offrir du temps à mon fils de 12 ans. Et ça, c’est une vraie fierté. » a expliqué avec émotion Nicolas Moutard, lors de la remise du trophée.

Le dispositif TAPAJ (Travail Alternatif Payé À la Journée), porté à Dijon par la SEDAP (Société d’Entraide et d’Action Psychologique) et ses partenaires, vient de franchir un cap symbolique : les 5 000 heures de travail effectuées par des jeunes en précarité dans le cadre de la collecte des cartons en centre-ville. À l'occasion de la remise du trophée, nous avons rencontré Nicolas Moutard et une chose est sûre : Dans son regard, ont lit l'espoir.
« Grâce à Tapaj j’ai trouvé une équipe, des collègues, des amis, des éducateurs à l’écoute... (...) Je suis seul en Bourgogne, mon fils est en Bretagne. Grâce à l’argent que j’ai gagné avec les vélos, j’ai pu aller le voir et ça c'est une vraie fierté ! » nous a-t-il expliqué avec émotion lors de la remise de la 5000ème heure...
Un projet écologique pour un centre-ville apaisé
L’opération, mise en œuvre en partenariat avec Dijon métropole et DIEZE, vise à maintenir un centre-ville attractif tout en favorisant la transition écologique.
« On ne peut pas se permettre d’avoir un centre-ville où il y a autant de touristes, qu'il soit dégradé par la présence de dépôts de déchets sur la voirie », a rappelé Jean-Patrick Masson, élu dijonnais.
Grâce aux tapajeurs, la collecte s’effectue en mobilité douce, sans poids lourds en journée. Depuis 2021, 350 tonnes de cartons ont déjà été ramassées et envoyées directement au recyclage.
« Ça présente l’avantage de ne pas avoir de tri derrière, donc de pouvoir les compacter et les recycler en direct », a-t-il précisé.
Un levier d’insertion et de réduction des risques
Pour Josephine Micali, Directrice Générale de la Sedap ce partenariat illustre la rencontre réussie
« entre le secteur économique et le secteur social ». Le programme TAPAJ, ouvert à Dijon depuis 2016, accompagne des jeunes en grande précarité ou confrontés à des problèmes d’addiction.
« TAPAJ Dijon, c’est 243 jeunes accompagnés et 30 000 heures de travail réalisées depuis sa création », a-t-elle rappelé. Au-delà de la collecte des cartons, les tapajeurs participent aussi à des chantiers divers : espaces verts, peinture, réfection de bornes incendie, déménagements...
Le modèle d’accompagnement est progressif, par phases, jusqu’à l’autonomie professionnelle. Les résultats sont tangibles:
« En moyenne, nous avons 70 % de sorties positives, que ce soit vers la formation, l’emploi, l’intérim ou encore un parcours de soins », souligne Lisa François-Passaquet, responsable de DIEZE.
Une collaboration exemplaire
Depuis janvier 2021, 15 jeunes ont pris part à la collecte des cartons dans le secteur sauvegardé de Dijon (rue de la Liberté, autour des Halles, rue du Bourg, rue des Godrans).
« Souvent, les tapajeurs sont très intéressés par ce type de mission. Ils découvrent une tâche qui est vraiment intéressante pour eux », confie Yoan Colas, chef du service Tapaj Dijon.
Pour la métropole, ce dispositif coche toutes les cases : propreté urbaine, recyclage renforcé, insertion sociale et sensibilisation des commerçants.
« On fait plusieurs bonnes actions à la fois : le tri, un meilleur recyclage, un contact avec les commerçants, et puis socialement, évidemment, ça présente les avantages que j’indiquais », a conclu Jean-Patrick Masson.
Rencontre avec Nicolas Moutard
Quel a été votre parcours au sein de TAPAJ ?
« Je m’appelle Nicolas Moutard. Je suis arrivé à TAPAJ il y a un peu plus d’un an et demi, en mars 2024, après avoir traversé des problèmes d’addiction, notamment avec l’alcool. J’ai commencé comme tapajeur niveau 1, puis je suis passé niveau 2. Ensuite, on m’a confié les vélos niveau 3 pour le ramassage de cartons en centre-ville.
On faisait aussi d’autres missions, comme la rénovation des anciennes bornes à incendie qui contenaient de la peinture au plomb : on décapait et on repeignait pour remettre ça aux normes. Ça se faisait le matin, et l’après-midi on partait en collecte. Aujourd’hui, il n’y a plus de bornes à traiter, mais ça a été une belle expérience. »
Qu’est-ce que ce programme a changé pour vous ?
« Déjà, j’ai beaucoup moins consommé d’alcool. Parfois, j’ai même eu plusieurs mois d’abstinence. TAPAJ m’a aussi aidé à sortir de la solitude. Grâce au programme et au CAARUD (Centre d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour les usagers de drogues), j’ai trouvé un logement : avant, je vivais dans 12 m², c’était invivable. Aujourd’hui, j’ai un vrai chez-moi.
Et puis, il y a l’hygiène de vie : avoir envie d’aller travailler tous les jours, ne plus avoir envie, ni le besoin, de consommer de l’alcool. Parce que monter sur un vélo en ayant bu, c’est dangereux. Déjà, sans alcool, avec la circulation, ce n’est pas évident…
Enfin, j’ai trouvé une équipe, des collègues, des amis, des éducateurs à l’écoute. J’ai aussi un suivi psychologique et psychiatrique. Tout un accompagnement que je n’avais pas avant. »
Comment s’est fait le premier contact avec TAPAJ ?
« Je connaissais un peu le CAARUD de nom. Un jour où je n’allais vraiment pas bien, je les ai appelés. Ils m’ont proposé de passer, on a discuté. À ce moment-là, je venais de me séparer, et ça m’a aidé. Petit à petit, je suis revenu. Ils m’ont orienté vers différents « plateaux » de travail : paysagisme, déménagement… et ça m’a plu. C’est comme ça que je suis arrivé au vélo, avec mes collègues. »
Qu’aimeriez-vous dire à quelqu’un qui vit la situation que vous avez connue ?
« Je lui dirais de ne pas hésiter, de franchir le pas. Parce que vraiment, ils aident sur beaucoup de choses : le côté psychologique, le fait de reprendre soin de soi. Ça m’est déjà arrivé de conseiller à des personnes d’aller au CAARUD, juste pour essayer. Après, certains accrochent, d’autres pas, et certains restent dans la rue. Mais il y a aussi les maraudes pour aller vers ceux qui ne viennent pas. »
Qu’est-ce que cela représente pour vous aujourd’hui ?
« Pour moi, TAPAJ et le CAARUD, c’est une petite famille. Je me retrouve seul en Bourgogne, mon fils est en Bretagne… et grâce à l’argent que j’ai gagné avec les vélos, j’ai pu aller le voir. Même si ce n’était qu’une demi-journée, j’étais fier de le faire. Avant, tout partait dans l’alcool. Là, j’ai pu offrir du temps à mon fils de 12 ans. Et ça, c’est une vraie fierté. »
Manon Bollery





