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05/12/2021 18:28
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DIJON : Éric Dupond-Moretti a défendu sa réforme du secret professionnel auprès du porte-parole des avocats

Le 19 novembre dernier, le ministre de la Justice a échangé avec le bâtonnier du barreau de Dijon pour souligner les avancées de sa réforme : «le secret professionnel des avocats est aujourd'hui renforcé comme il ne l'a jamais été».
Venu à Dijon le 19 novembre 2021 pour présider la cérémonie de prestation de serment de la promotion «Liberté» de l’École nationale des greffes (lire notre article), Éric Dupond-Moretti a également fait le service après-vente de la loi pour la confiance dans l'institution judiciaire adoptée le 18 novembre.

À son arrivée à l'Auditorium de Dijon où se déroulait la cérémonie, le ministre de la Justice a échangé avec le bâtonnier Stéphane Creusvaux. La veille, Les avocats du barreau de Dijon avaient manifesté leurs inquiétudes à propos des dispositions concernant le secret professionnel des avocats effectuant une activité de conseil (lire notre article).


«Je me suis battu plus de 36 ans pour le secret professionnel»


«J'ai eu une longue conversation avec le bâtonnier de Dijon, les malentendus sont dissipés», a assuré le garde des Sceaux à la suite de cet échange.

«À titre personnel, je me suis battu plus de 36 ans pour le secret professionnel et, à un moment, j'ai dû me battre pour le restaurer. Je suis devenu ministre. J'ai pris à bras le corps cette question. Il y avait la question du secret de la défense, la question du conseil, ça n'est pas tout à fait les mêmes choses», a-t-il rappelé.

Et de poursuivre : «je pense qu'on a, avec l'Assemblée nationale et le Sénat, dans une coconstruction très fructueuse, réglé définitivement ces questions. Le secret professionnel des avocats – auquel 93% des Français sont attachés – est aujourd'hui renforcé comme il ne l'a jamais été. Je pense que les avocats l'ont compris. J'ai d'ailleurs, dès le vote définitif du texte, adressé à l'ensemble des bâtonniers de ce pays une lettre pour réexpliquer un certain nombre de choses et dissiper des malentendus».

«Le ministre a gravé dans le marbre la protection du secret de la défense»


Les malentendus en question portait sur le détail d'un article du projet de loi visant à restaurer la confiance dans la justice : le désormais fameux alinéa 2 de l'article 56-1-2 portant sur les activités de conseil, à distinguer des missions de défense.

«Le secret de la défense est garanti, il est total», assume-t-on du côté de la Chancellerie, «le ministre a gravé dans le marbre la protection du secret de la défense dans le cas de la procédure pénale». Dont acte.

Les débats portaient plutôt les amendements introduits par les députés sur les activités de conseil, puis modifiés par les sénateurs pour tenir compte des alertes de magistrat-enquêteurs, notamment du parquet national financier, sur la délinquance financière.

Cela concernait les documents d'une activité de conseil pouvant être saisies en cas de perquisition par la police : «avant, il n'y avait pas de protection pour les pièces couvertes par le secret du conseil ; là, il y a désormais une protection sauf exceptions».

Durant les débats parlementaires, la commission mixte paritaire des députés et des sénateurs avaient introduit ces exceptions dans le cadre de la lutte contre la fraude fiscale, le financement du terrorisme, la corruption ou encore le blanchiment d'argent.

Suppression de l'alinéa sur l'instrumentalisation de l'avocat


À cela s'ajoutait une exception qui a particulièrement fait bondir les avocats : l'hypothèse d'une instrumentalisation du conseil par son client si le secret professionnel devenait absolu.

Se retrouvant à arbitrer des dispositions qui ne figuraient par dans le projet de loi initial, le ministère de la Justice met en avant la concertation qui a été effectuée autour des formulations issues de la commission mixte paritaire avec la Conférence des bâtonniers et les parlementaires eux-mêmes.

Ont été décidés une réduction des exceptions, la suppression de l'alinéa sur l'instrumentalisation de l'avocat – la Chancellerie concédant «un risque d'interprétation a contrario problématique» – et l'ajout d'un alinéa qui rappelle le «le rôle du bâtonnier».

«Un renforcement sans précédent de la protection du secret professionnel de l'avocat»


Les avocats dijonnais faisaient pression pour obtenir encore plus : la suppression totale de l'article 3 sur le secret professionnel. Une démarche qui ne manquait pas de surprendre la Chancellerie : «de l'avis de tous les observateurs, il ne fait aucun doute qu'il y a des avancées de protection pour les avocats qui sont substantielles dans ce texte, en matière de secret de la défense, c'est incontestable, et en matière de secret du conseil, c'est incontestable aussi, c'est à dire que la situation est plus favorable qu'avant sauf qu'il y a effectivement des exceptions».

«Sur toutes les demandes qui sont portées par les avocats depuis des années, il y en a 90% qui sont comblées par ce texte», souligne le cabinet d'Éric Dupond-Moretti.

Le ministre lui-même a pris la plume dès le 18 novembre pour écrire aux bâtonniers et aux avocats afin de pointer «un renforcement sans précédent de la protection du secret professionnel de l'avocat». Par la suite, il a rappelé ces dispositions dans un communiqué (lire ci-dessous).

Le ministère passe outre la consultation des avocats


Consultés par le Conseil national des barreaux, les avocats s'étaient prononcés à 65% en faveur d'une suppression de l'article 3. Le ministère ayant alors beau jeu de signaler que la profession n'est pas à l'unisson, le résultat étant inférieur à d'autres consultations du même type.

Le ministère a donc passé outre et, plutôt que la majorité, a préféré retenir «l'adhésion de nombre [d'avocats]» à une suppression du fameux l'alinéa 2. Certains barreaux se sont même désolidarisés de la manifestation du 18 novembre dernier dans une logique de compromis avec le ministère.

Une distinction qui se retrouve dans la constitution


Ce qui explique la fronde des avocats, en particulier ceux du barreau de Dijon, c'est la dimension symbolique de l'unité de la profession. Les avocats dijonnais refusent de voir distinguer les missions de défense des activités de conseil.

Sur ce point, le ministère de la Justice ne renvoie rien moins qu'à la Constitution de la Vème République et à la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui opèrent cette distinction : la protection du secret de la défense a une valeur constitutionnelle – de même que la poursuite des infractions – tandis que le conseil n'est pas protégé constitutionnellement.

Au-delà des débats qui se sont cristallisés autour du secret professionnel, le ministère de la Justice met en avant les autres dispositions concernant la «justice filmée», l'encadrement de la durée des enquêtes préliminaires ou encore la fin de l'automaticité des réductions de peine.

Jean-Christophe Tardivon

Un greffier japonais en formation à l’École nationale des greffes


Communiqué du ministère de la Justice du 18 novembre 2021 :

Le projet de loi d'Éric DUPOND-MORETTI définitivement adopté


Eric Dupond-Moretti, garde des Sceaux, ministre de la Justice salue l’adoption définitive du projet de loi pour la confiance dans l'institution judiciaire, véritable première brique destinée à restaurer le lien entre les Français et leur justice.

Le ministre déclare que « Ce projet de loi est le fruit de mes coups de gueule et de mes coups de sang durant les 36 années pendant lesquelles j’ai porté la robe d’avocat. J’ai vu la confiance en la Justice se déliter. Ministre, je suis très honoré d’avoir pu porter mes réponses et mes solutions dans un projet de loi global que les parlementaires ont adopté. Evidemment, la confiance ne reviendra pas uniquement grâce à ces seules mesures mais elles posent des bases solides sur lesquelles les Etats généraux de la Justice vont pouvoir continuer à construire. »

Voir comment la justice fonctionne pour mieux la comprendre, renforcer les droits des citoyens spécialement lorsqu’ils sont confrontés à la justice pénale, mieux préparer la réinsertion des détenus pour éviter la récidive : tels sont quelques-uns des objectifs poursuivis par ce projet de loi.

Les mesures phares


Enregistrement et diffusion des audiences

Les audiences de la justice civile, pénale, économique ou administrative pourront être enregistrées ou filmées « pour un motif d’intérêt public d’ordre pédagogique, informatif, culturel ou scientifique ». L’autorisation sera donnée, après avis du ministère de la Justice, par les chefs de juridiction. Les audiences ne pourront être diffusées qu’une fois l’affaire définitivement jugée.

Crimes en série

Un pôle national spécialisé dans le traitement des crimes sériels ou non élucidés va être créé. Il sera composé de magistrats spécialisés. Les empreintes génétiques des victimes ou de leurs familles pourront être inscrites au Fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG).

Encadrement des enquêtes préliminaires

La durée des enquêtes préliminaires sera désormais fixée à deux ans, prolongeable d’un an sur décision du procureur de la République. Un régime spécifique est prévu en matière de criminalité organisée et de terrorisme dont les enquêtes pourront durer trois ans, avec une possible prolongation de deux ans. Ces délais pourront être suspendus en cas de demande d’entraide internationale. À tout moment de l’enquête préliminaire, le procureur de la République peut, lorsqu’il estime que cette décision ne risque pas de porter atteinte à l’efficacité des investigations, indiquer à la personne mise en cause, à la victime ou à leurs avocats qu’une copie de tout ou partie du dossier de la procédure est mise à leur disposition et qu’elles ont la possibilité de formuler toutes observations qui leur paraîtraient utiles. Le "droit de se taire" à tous les stades de la procédure est gravé.

Assises : renforcement des audiences criminelles

La confiance envers la justice implique la participation des citoyens à l’œuvre de justice et, donc, la modernisation de ces juridictions essentielles que sont les cours d’assises. Le jury populaire retrouve sa souveraineté :devant les cours d’assises en premier ressort, la majorité des suffrages des jurés sera nécessaire à la déclaration de culpabilité de l’accusé.

La cour d’assises sera revitalisée grâce à la tenue d’une audience préparatoire qui assurera des débats équilibrés.

Enfin, prenant acte du succès de l’expérimentation des cours criminelles départementales, elles seront généralisées au 1er janvier 2023 pour les crimes punis de 15 ou 20 ans de réclusion.

Suppression du rappel à la loi

Le rappel à la loi sera remplacé par un avertissement pénal probatoire qui devrait entrer en vigueur au 1er janvier 2023. Il ne pourra pas être prononcé pour une personne déjà condamnée et sans que la victime ait été indemnisée ou qu’il y ait eu réparation.En cas de récidive dans les deux ans, le prévenu sera condamné pour les deux délits. Ce dispositif sera assuré par les procureurs ou ses délégués.

Professions du droit

Le texte prévoit le renforcement de la déontologie et des procédures disciplinaires concernant les professionnels du droit (notaires, greffiers des tribunaux de commerce...) et prévoit la création de chambres de discipline.

Fin de l’automaticité des crédits de réduction de peines

Les crédits automatiques de réduction de peines sont supprimés. Désormais, les juges de l’application des peines pourront octroyer tous les ans les réductions en fonction du comportement en détention et des efforts de réinsertion. En cas de comportement exceptionnel au bénéfice de l’institution pénitentiaire, une réduction de peine spécifique est créée.

Création d’un contrat d’emploi pénitentiaire

Pour favoriser l’attractivité de l’emploi en détention qui favorise la réinsertion, ce contrat à temps plein ou à temps partiel relèvera des juridictions administratives. Le projet de loi prévoit également que le gouvernement puisse légiférer par ordonnance pour permettre "l'ouverture de droits sociaux aux personnes détenues, dès lors qu'ils sont utiles à leur réinsertion et notamment les droits à l'assurance-chômage, vieillesse, maladie et maternité et maladie professionnelle et accident du travail". La création d’un code pénitentiaire doit aussi faire l’objet d’une ordonnance.

Secret professionnel des avocats

Le projet de loi prévoit des avancées majeures et inédites réclamées de longue date par la profession.

Outre la consécration du secret professionnel de la défense et du conseil de l’avocat dans l’article préliminaire du code de procédure pénale, la procédure est renforcée et la protection étendue :

Désormais, c’est le juge des libertés et de la détention qui décidera d’une perquisition dans un cabinet d’avocats et non plus le procureur de la République ou le juge d’instruction ;

Un recours est possible devant le président de la chambre de l’instruction contre la décision du juge des libertés et de la détention qui validerait une saisie contestée en raison de l’atteinte qu’elle serait susceptible de porter aux droits de la défense. Une motivation renforcée est exigée pour perquisitionner lorsque l’avocat est mis en cause ;

La relation entre l’avocat et son client est couverte par le secret avant même l’ouverture d’une procédure pénale ;

Les documents relatifs à l’exercice des droits de la défense, découverts à l’occasion d’une perquisition réalisée dans un autre lieu que le cabinet de l’avocat sont protégés exactement comme ceux découverts dans le cabinet de l’avocat. Le client chez qui la perquisition aura lieu pourra contester devant le juge des libertés et de la détention, la saisie et la décision pourra faire l’objet d’un recours devant le président de la chambre de l’instruction ;

Le secret professionnel couvre non seulement les interceptions téléphoniques mais aussi les données de connexion (fadettes par exemple) qui devront toutes faire l’objet d’une autorisation par le juge des libertés et de la détention.


Stéphane Creusvaux, bâtonnier du barreau de Dijon, et Éric Dupond-Moretti, ministre de la Justice, le 19 novembre 2021 à Dijon (image d'archives JC Tardivon)


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