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22/05/2022 20:34

DIJON : Extinction Rebellion mène l'opération «page blanche» contre la publicité

Les activistes du mouvement écologiste aspirent à «supprimer la pollution visuelle due à la publicité». Ce dimanche 22 mai, ils ont retiré plus de mille affiches publicitaires des arrêts de bus de la métropole dijonnaise.
Le mouvement Extinction Rebellion a organisé ce dimanche 22 mai 2022 une action «page blanche» le long des lignes de bus de la Métropole de Dijon en retirant les affiches publicitaires des supports des abribus et des «sucettes».

Sous couvert d'anonymat, deux militants ont expliqué à Infos Dijon pourquoi ils participaient à cette action afin de ne plus voir dans l'espace urbain que des publicités pour des commerces locaux ou des propositions culturelles.

Extinction Rebellion cultive l'opacité concernant son organisation, le nombre de membres et la protection juridique apportée à ceux-ci. Selon nos informations, la section de Dijon comporterait entre 50 et 100 membres, à parité femmes-hommes. En France, il y aurait environ 10.000 membres.


«Le plus important, c'est l'impact écologique»


Engagé au sein d'Extinction Rebellion depuis un an, Kara (un pseudonyme) a 24 ans et est étudiant en médecine. «L'objet de l'action est que [lundi matin], l'ensemble des Dijonnais se réveillent dans la moindre pub sur l'ensemble de la ville», déclare l'activiste qui entend «supprimer la pollution visuelle due à la publicité» et «montrer aux Dijonnais qu'il est possible de ne plus avoir de pollution visuelle due à la publicité dans les villes».

«La première revendication, c'est déjà d'éliminer la pollution visuelle que subissent chaque jour les Dijonnais sur les pubs, qui sont essentiellement des pubs de grande distribution, avec l'objectif de lutter contre toutes les dérives qui sont associées à la publicité comme l'anorexie, l'alcoolisme, la boulimie, le fait de consommer à outrance, etc.» insiste l'étudiant en médecine qui se dit sensibilisé à la «santé publique».

«C'est pour combattre l'influence des médias, à savoir qu'il y a beaucoup de médias qui dépendent de la publicité et dont la publicité peut faire varier le contenu», poursuit-il en faisant référence aux publicités que le groupe Bolloré aurait retiré au journal Le Monde en 2015, selon les révélations du Canard Enchaîné, à la suite d'articles sur le milliardaire français.

«Pour nous, le plus important, c'est l'impact écologique, (…) de lutter contre la société consumériste poussant à consommer de plus en plus de produits, de manière non raisonnée, sans que cela corresponde à de vrais besoins, qui ont un impact extrêmement néfaste», martèle Kara.

«La publicité me dérange quand elle est vraiment trop présente»


Âgée de 21 ans, Delamoon (un pseudonyme) indique pour sa part que «la publicité [la] dérange quand elle est vraiment trop présente, ça prône des valeurs qui ne sont pas les miennes». «Au vu de l'urgence climatique et des rapports du GIEC, ça peut être intéressant d'imposer son point de vue», défend la jeune activiste.

Delamoon assume la désobéissance civile mais appelle cependant à un dialogue entre les générations : «je connais pas mal de personnes âgées qui sont sensibles à cette problématique de changement climatique mais qui sont peut-être moins engagées. (…) En fonction de la personne que l'on a en face, on sensibilise d'une certaine manière, on peut juste informer ou parler des actions que l'on fait personnellement».

Une opération prévue sans dégradation


En France, les militants ont décompté 671 différents marques qui font la promotion de leur produits et services par de la publicité, en mettant ce chiffre en regard des 3 millions d'entreprises qu'ils recensent dans le pays.

À Dijon, les activistes dénombrent 350 abribus avec des publicités et 200 «sucettes», des panneaux sur pied : «ce sont entre 1.000 et 2.000 publicités qui sont changées chaque semaine».

Pour mener cette action, des groupes se sont répartis dans toute la métropole pour ouvrir les supports d'affichage a priori sans les dégrader à l'aide d'un outil adapté, retirer les affiches publicitaires et les jeter dans les poubelles à proximité. Extinction Rebellion Dijon revendique d'avoir retiré plus de 1.000 affiches ce dimanche.

«Aller au-delà du cadre de la loi pour faire entendre sa voix»


L'action se révèle plus radicale que ce que les Amis de la Terre Côte-d'Or ont pu organiser, avec les mêmes revendications, en redécorant des affichages publicitaires (lire le communiqué) ou en tentant eux-mêmes de concurrencer Clear Channel (lire le communiqué).

Le principe de «désobéissance civile» distingue les méthodes de l'association des Amis de la Terre et du mouvement informel Extinction Rebellion, les membres de celui-ci assumant de se situer en dehors de la légalité mais «sans violence».

Chez Extinction Rebellion, selon Kara, «aller au-delà du cadre de la loi pour faire entendre [sa] voix» est envisagé comme une façon de faire évoluer les dispositions légales via la jurisprudence en prenant cette fois comme référence l'engagement du berger Cédric Herrou auprès des migrants franchissant la frontière italienne dans la vallée de la Roya.

La délégation de Clear Channel en question


L'opération «page blanche» prend place dans le contexte du renouvellement en octobre 2022 de la délégation d'exploitation du mobilier urbain, actuellement assurée par la branche française de Clear Channel, filiale de la multinationale américaine iHeartMedia. Du fait de la situation économique actuelle, Dijon Métropole pourrait botter en touche en signant un avenant prolongeant d'un an la délégation actuelle.

L'activité du délégataire est encadrée par le Règlement local de publicité intercommunal (RLPi) qui a déjà permis notamment de réduire la hauteur des grands mâts publicitaires.

La Métropole défend un RLPi «contraignant» et «exemplaire» et une délégation générant des recettes permettant d'«investir dans des projets qui luttent vraiment dans le changement climatique» (lire notre article). Clear Channel verse 600.000 d'euros par an à la Métropole pour exploiter et entretenir les abribus et panneaux sur pied.

À noter que les arrêts du tram ne font pas partie du périmètre de la délégation. Affichant des communications institutionnelles et promouvant des événements culturels, ils ont été laissés tels quels par les activistes.

«Que de la publicité pour les commerces locaux et la culture»


Les arguments de la Métropole de Dijon ne convainquent pas les militants : «l'objectif est de faire pression sur la Ville pour qu'elle puisse ne pas renouveler son contrat avec Clear Channel et reprendre possession du contenu. (…) On accepterait qu'il n'y ait que de la publicité pour les commerces locaux et la culture», revendique Kara sur le modèle de ce que le maire écologiste de Grenoble a instauré.

«Même s'il y a des choses qui ont déjà été faites, la réalité actuelle ne nous permet pas de tolérer ce qui reste», poursuit-il en évoquant le recours au papier et les émissions de gaz à effet de serre liées au transport, «c'est quelque chose d'insoutenable pour tous les effets néfastes que cela entraîner derrière».

Première en France


Dans le calme dominical, quelques passants ont pourtant remarqué les militants en action. Selon Kara, les réactions sont «positives» voire teintées «encouragements», les militants prenant «le temps nécessaire d'expliquer» les motivations.

Dijon est la première ville où l'opération «page blanche» est conduite, elle devrait prochainement essaimer dans d'autres villes de France.

Jean-Christophe Tardivon
















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