
Alors que «le trafic de drogue menace notre cohésion sociale», Nathalie Koenders a demandé à l'État «les moyens nécessaires» pour la police judiciaire, ce lundi 3 mars, lors d'un rassemblement faisant suite à l'incendie de la médiathèque Champollion. L'équipement culturel pourrait ne pas rouvrir avant plusieurs mois.

L'habituel guetteur du point de
deal était absent devant la médiathèque Champollion, ce lundi 3 mars 2025, mais des citoyens étaient bel et bien présents. Ils étaient même 250, selon la Ville de Dijon qui avait organisé «un rassemblement solidaire» après l'incendie de l'équipement culturel du quartier des Grésilles (
lire notre article).
Dans la nuit de samedi à dimanche, des individus ont pénétré par effraction dans le bâtiment, apparemment équipés de cocktails Molotov, et ont mis le feu. L'incendie a ravagé 200 m² du premier niveau.
Tout comme le sinistre ayant touché le Centre national de formation de la fonction public territorial du 7 février dernier (
lire notre article), et de la tentative d'incendie de la médiathèque du 17 février dernier (
lire notre article), il pourrait s'agir de «représailles» liées à une opération policière de lutte contre le trafic de stupéfiants.
La médiathèque Champollion pourrait ne pas rouvrir avant 2026
Nathalie Koenders (PS), maire de Dijon, a indiqué que des «rondes» de vigiles avaient été organisées à la suite de la tentative d'incendie du 17 février et que les agents du centre de supervision urbaine étaient particulièrement «vigilants».
Néanmoins, les individus que l'on voit pénétrer dans la médiathèque sur les images de vidéoprotection seraient intervenus «15 minutes» après un passage de vigiles.
«Les dégâts sont très importants et je crains qu'on ne puisse par la rouvrir en 2025», a signalé la maire de Dijon, «j'ai demandé aux services de trouver très rapidement une solution, un lieu hors-les-murs, un autre local pour continuer à offrir ce service aux habitants du quartier».
Ce dimanche soir, une trentaine de policiers de la CRS 83, spécialisée
dans la réponse aux violences urbaines, se sont déployés dans le
quartier pour «plusieurs jours».
L'émotion teintée de scepticisme des habitants
Ce lundi soir, l'émotion des participants au rassemblement était palpable après ce drame. Des habitants sont venus dire à quel point ils étaient choqués par l'incendie, qui plus est d'un équipement culturel, mais certains sont restés en retrait, ne souhaitant pas apparaître sur les images des médias.
D'autres encore n'ont pas caché ni leur scepticisme devant la politique de la municipalité, ni leur impatience devant l'action des forces de sécurité intérieure.
Des agents de la Ville, en particulier des bibliothécaires, sont venus témoigner leur soutien à leurs collègues de la médiathèque qui avaient préparé une réouverture après la tentative d'incendie du 17 février.
Importante mobilisation républicaine
De nombreux élus étaient également présents, de la majorité comme des oppositions municipales, comme Emmanuel Bichot (LR, AD), Henri-Bénigne de Vregille (HOR) ou encore Olivier Muller (LE).
Autour de Nathalie Koenders figuraient notamment Christine Martin (PS), adjointe à la culture, Hamid El Hassouni (PS), délégué de quartier, ainsi que Jean-Patrick Masson (écologiste indépendant) et François Tenenbaum (PS, FP), élus du quartier quand la médiathèque avait été inaugurée, en 2007, ainsi que Michel Neugnot (PS), premier vice-président du conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté, et Odile Goizet-Dumont, première adjointe au maire d'Ahuy.
Thierry Falconnet (PS), maire de Chenôve, qui a été confronté à l'incendie des locaux du CCAS et de bureaux de l'Hôtel de Ville, le 14 juillet 2022, est également venu soutenir son homologue dijonnaise.
Députée de la Côte-d'Or, l’Écologiste Catherine Hervieu a signalé à
Infos Dijon qu'elle était retenue à l'Assemblée nationale par le débat sur la guerre en Ukraine (
lire le communiqué).
Nathalie Koenders a mis en avant les valeurs portées par les bibliothécaires
Devant la directrice de l'équipement culturel et le président de l'association des amis de la médiathèque Champollion, Nathalie Koenders a débuté son propos en adressant des remerciements appuyés aux sapeurs-pompiers intervenus dans la nuit de samedi à dimanche.
«Je veux exprimer mon soutien aux habitants du quartier des Grésilles et aux agents de la médiathèque Champollion», a ensuite déclaré la maire de Dijon, «depuis quinze jours et le premier incendie, ces agents ont été à pied d'œuvre pour permettre la réouverture de ce lieu essentiel avec l'appui de leurs collègues des autres bibliothèques et je tiens à saluer leur engagement à toutes et à tous».
«Ils ont travaillé sans relâche, avec détermination, pour que ce service public puisse de nouveau accueillir les habitants. Leur dévouement force le respect et je sais qu'ils sont meurtris par ce nouvel incendie. Le travail de dix agents qui travaillent ici, comme celui de l'ensemble de ceux qui travaillent dans nos bibliothèques est essentiel. Ils sont porteurs de valeurs qui nous sont chères : l'accès de toutes et tous à la culture, la transmission des savoirs. Je les ai rencontrés en amont de ma réunion publique il y a quelques jours et je leur réitère mes remerciements et mon total soutien», a développé la socialiste.
La médiathèque Champollion représente 14% de l'activité des bibliothèques municipales
«Cette médiathèque a été voulue par les habitants du quartier et depuis près de 20 ans, elle fait vivre la culture et le savoir au cœur des Grésilles», a enchaîné Nathalie Koenders. «Elle permet aux enfants, aux jeunes, aux familles, à toutes les générations de s'informer, de se divertir, de rêver. C'est un véritable lieu de vie et d'échanges, un espace où l'on m'apprend, où l'on partage, ou l'on grandit.»
Inaugurée en 2007, la médiathèque Champollion compte 2.900 inscrits. Chaque année, en moyenne, 110.000 prêts sont effectués, soit 14% de l'activité du réseau des bibliothèques municipales. En 2024, 133 groupes et classes ont été reçus.
Elle comprend également le centre numérique piloté par l'association Sésame pour accompagner les personnes connaissant des difficultés avec l'utilisation des outils informatiques.
«On ne va pas laisser détruire ce qui a été construit au fil des ans»
«La médiathèque s'inscrit dans une transformation profonde du quartier. Le tramway, l'Atrium qui accueille dorénavant des services municipaux et métropolitains et bientôt le Dancing», a poursuivi la maire de Dijon. «Autant de projets qui montre que ce quartier a changé depuis 2001. Il est désormais ouvert, connecté au reste de la ville. Il a changé parce que la municipalité conduite par François Rebsamen [NDLR : élu maire de Dijon en 2001] l'a voulu et je m'inscris dans la même lignée. Il a changé parce qu'une grande rénovation urbaine a été conduite parce que lors de nombreuses réunions publiques, les habitants des Grésilles ont demandé à ce que cela change.»
«De toutes mes forces, je vous le dis aujourd'hui, je me battrai», a assuré la socialiste, «on ne va pas laisser détruire ce qui a été construit au fil des ans avec les habitants pour les habitants des Grésilles mais aussi de toute la ville, de la métropole et même au-delà». «Il n'y a pas de quartier à part à Dijon. Dans notre ville, la République est chez elle partout et le service public est présent partout et doit le rester».
«Nos équipements publics sont là pour garantir l'égalité, pour que chaque habitant puisse s'accéder aux mêmes services et aux mêmes droits», a-t-elle ajouté. «Ce n'est pas un hasard si la médiathèque a été prise pour cible, ce qu'elle représente dérange ceux qui voudraient imposer leur propre loi. Ceux qui s'en prennent à elle ne s'attaquent pas seulement à un bâtiment, ils s'en prenne à nous toutes et à nous tous, à Dijon tout entière, à ce qui nous lie.»
«Le trafic de drogue menace notre cohésion sociale»
«Le trafic de drogue est un fléau», a martelé Nathalie Koenders, à l'unisson du propos du préfet Paul Mourier, la veille, «il gangrène nos quartiers, il menace notre cohésion sociale». «Mais nous ne nous laisserons ni intimider ni décourager. Nous continuons d'agir pour que chaque Dijonnaise et chaque Dijonnais puisse vivre dignement quel que soit le quartier où il habite.»
«Le quartier des Grésilles ne peut ni ne doit se résumer à des actes d'une telle violence. C'est un quartier dynamique, propre, bien équipé, bien desservi, porté par celles et ceux qui travaillent, qui vivent et qui le font vivre au quotidien», a remarqué la maire de Dijon. «Je pense à la maison d'éducation populaire, aux associations, aux clubs sportifs, aux commerçants, aux artisans, aux enseignants, aux agents du service public et nous continuerons être à leurs côtés parce qu'ils sont ceux ceux qui nous lient.»
«Il faut que la police arrête les criminels»
«La puissance publique dans sa globalité doit aller plus loin. Il faut frapper fort contre les trafics, contre ceux qui pourrissent la vie des habitants. Il y a des criminels. Il faut que la police les arrête. Il faut que la justice les punisse. Cette attente, c'est la nôtre, à toutes et à tous, et elle est légitime», a revendiqué celle qui préside la commission sécurité de l'association d'élus France urbaine.
«Je salue d'ailleurs le travail de la police nationale, qui mène depuis plusieurs semaines d'importantes opérations, ici, dans le quartier des Grésilles», a-t-elle ajouté. «Ces incendies sont-ils la conséquence directe d'une action résolue contre les trafiquants ? Je l'ignore mais une chose est sûre, nous ne devons pas trembler. Des opérations XXL sont, par exemple, utiles. La présence des CRS depuis hier au soir apporte un soutien important mais ce n'est pas suffisant.»
Nathalie Koenders revendique «les moyens nécessaires» pour la police judiciaire
«L’État doit donner à la police nationale et, en particulier, à la police judiciaire les moyens nécessaires pour éradiquer ces trafics définitivement», a revendiqué la socialiste alors que la police judiciaire a récemment fait l'objet d'une réforme contestée notamment par les syndicats. «Plus largement, tous les acteurs doivent être mobilisés et coordonnés pour ce même objectif. C'est pourquoi, il y a plusieurs mois déjà, j'ai demandé la mise en place d'un groupement local de traitement de la délinquance pour le quartier. Une telle instance de coordination nous permettra d'agir plus efficacement, de mettre la pression sur les guetteurs, d'empêcher ces réseaux de prospérer.»
Échange animé avec François-Xavier Dugourd
Après avoir chanté une Marseillaise, suivie d'applaudissements, Nathalie Koenders a échangé avec les participants du rassemblement, habitants comme élus. Elle a ainsi croisé François-Xavier Dugourd (LR, NE), vice-président délégué du Département de la Côte-d'Or. Les deux conseillers départementaux ont eu un échangé animé au pied de la médiathèque incendiée.
La maire de Dijon a ensuite clos le rassemblement en saluant les agents de la police municipale en place pour sécuriser l'action de solidarité.
Jean-Christophe Tardivon















































